Un procédé de visualisation en 3D (secteur immobilier entre autres) peut être protégé par le droit des brevets.
Visualisation 3D de biens immobiliers
La société Arka Ouest, créée en février 1995, est spécialisée dans la composition et le traitement de l’image assisté par ordinateur, la réalisation, la conception et la reproduction d’images et de plans. Elle a développé une approche numérique des images et des visites virtuelles en 3D, de bâtiments et édite le site internet arka.studio.fr.
Elle est titulaire du brevet FR 2971076 (FR 076), dont la demande a été déposée le 1er février 2011 et relatif à un « procédé d’interaction avec une image 3D pré-calculée représentant en perspective une vue d’une maquette numérique tridimensionnelle ». Ce brevet a été délivré le 22 février 2013 et est régulièrement maintenu en vigueur.
La société Arka Ouest exploite ce brevet, via une solution dénommée Evimmo 3D, pour proposer des prestations de mise au point de sites internet de présentation de programmes immobiliers qu’elle désigne ainsi :
« L’instauration d’une communication immobilière passe par la mise à disposition d’outils de projection. En présentant l’ensemble de votre programme et en situant chaque lot, la maquette 3D avec découpe des étages lève les incertitudes des acquéreurs potentiels, répond à leurs interrogations et les rassure.
La maquette virtuelle se télécharge rapidement sur tous les supports numériques comme les tablettes et les mobiles. Alternative à l’encombrante maquette traditionnelle, la maquette 3D permet de présenter instantanément votre programme où que vous soyez ».
La société Habitéo, créée en décembre 2013 sous la dénomination Immo Digital Services, est spécialisée dans l’immobilier neuf en 3D au service des promoteurs immobiliers, des constructeurs de maisons individuelles ou des agences de communication.
Ses prestations permettent aux internautes de visiter en 3D un projet immobilier, de connaître la disponibilité des lots ou encore de visiter le quartier par l’intermédiaire de cartes interactives. Elle édite le site internet habiteo.com.
Contrefaçon de solution technique
Le 15 octobre 2014, la société Arka Ouest a adressé une lettre de mise en demeure à la société Habitéo de cesser de rendre accessible sur son site internet la présentation de programmes immobiliers en trois dimensions via un navigateur web et la réalisation de visites virtuelles du bien à acquérir.
La société Habitéo a répondu le 20 octobre 2014 que la solution technique mise en oeuvre sur son site internet diffère de celle brevetée en ce qu’elle utilise des images pré-calculées et n’utilise donc pas en temps réel un module 3D sur le navigateur web.
Présentation du brevet en cause
L’invention concerne un procédé d’interaction avec une image 3D précalculée représentant en perspective une vue d’une maquette numérique tridimensionnelle. La synthèse d’image tridimensionnelle est un ensemble de techniques permettant la représentation en perspective, d’objets physiques sur un plan d’observation.
Selon la description : « les applications de la synthèse d’image sont très nombreuses que ce soit dans le cinéma, les jeux vidéo ou encore, par exemple, dans le domaine de l’architecture ».
La synthèse d’images comporte essentiellement deux étapes :
-la modélisation de l’objet que l’on veut visualiser et qui consiste à créer dans un repère tridimensionnel une maquette numérique 3D d’un objet physique à partir d’un ensemble de données géométriques et de caractéristiques graphiques ; cette étape est réalisée à partir d’un logiciel de modélisation 3D dont il existe de multiples versions ;
-le rendu de la modélisation de l’objet qui consiste à transformer la maquette tridimensionnelle définie dans le repère tridimensionnel en une image définie dans un plan d’observation de la maquette selon la position d’un observateur virtuel dans le repère tridimensionnel. Cette image est appelée image 3D pour indiquer qu’elle représente une vue en perspective de la maquette tridimensionnelle.
La contrainte de temps, la qualité du rendu et l’interactivité de l’utilisateur avec l’image dépendent de l’application visée :
-pour le cinéma, chaque image 3D doit être d’un réalisme extrême mais aucune interactivité de l’utilisateur sur ses images 3D n’est possible. Aussi, les images sont pré-calculées individuellement puis montées les unes à la suite des autres ;
-pour les jeux vidéo, les images doivent être interactives et calculées en temps réel. Le temps de calcul et de l’affichage d’une image 3D doivent être suffisamment courts pour que la succession des images soit fluide. Pour diminuer le temps de calcul, les consoles ou ordinateurs de jeux sont équipés de cartes graphiques dédiées qui accélèrent le calcul du rendu.
Dans les applications visées par l’invention, telles qu’une visite virtuelle d’un bâtiment sur internet, les images sont transférées sur un réseau de communication puis visualisées sur un terminal distant.
Il est connu, dans l’art antérieur des applications de ce type, dans lesquelles le terminal distant de l’utilisateur calcule en temps réel les images 3D qui doivent être visualisées.
Ce type de solution permet une interactivité complète de l’utilisateur avec les images. Toutefois, cet affichage se fait au détriment de la qualité des détails qui est fortement dégradée car les moyens de calcul des terminaux ne sont pas suffisamment puissants.
Pour éviter cet inconvénient, d’autres applications connues prévoient de pré-calculer des images 3D et de les diffuser successivement pour en former une suite d’images ou une vidéo qui représentent un scenario de navigation autour et/ou dans l’objet.
Ce type d’interaction est très sommaire car elle se limite à la visualisation successive de vidéos et l’utilisateur n’a pas la sensation d’une interactivité directe avec l’image 3D mais plutôt l’impression de sélectionner une vidéo dans un catalogue de vidéos.
Le problème technique résolu par l’invention est d’obtenir une séquence d’images 3D d’un objet détaillé, d’une qualité de rendu optimale, qui permet toutefois à un utilisateur d’interagir directement avec les images 3D de cette séquence via un terminal aux capacités de calcul limitées.
Contrefaçon de brevet retenue
Or, le procédé de la société Bien ‘ici reproduit les éléments du préambule de la revendication 1 à savoir qu’il s’agit d’un procédé d’interaction avec une image 3D pré-calculée représentant en perspective une vue d’une maquette numérique tridimensionnelle d’un objet physique, ledit procédé comportant une étape de modélisation au cours de laquelle la maquette numérique tridimensionnelle est modélisée dans un repère tridimensionnel, et une étape de rendu, au cours de laquelle l’image 3D est calculée par projection de la maquette sur un plan d’observation défini par des paramètres spécifiques relatifs à une position d’un observateur dans le repère tridimensionnel, un terminal distant étant utilisé par un programmeur pour générer ladite maquette et pour calculer ladite image 3D.
La cour constate en effet qu’il résulte de la propre expertise diligentée par la société Bien’ici et réalisée par un expert en informatique agréé par la présente cour que dans le bâtiment B des lots 5, 6, 12 et 13 du projet [Localité 4], comme dans le bâtiment A du Lot 1 du projet [Localité 5] la distance entre les points litigieux et les sommets de la maquette, telle que mesurée par ledit expert, est nulle jusqu’à cinq chiffres après la virgule, étant précisé, ainsi que l’a indiqué Mme [N], experte et ancienne salariée d’Habitéo, dans son attestation du 29 août 2023, que :
« L’affichage des coordonnées dans Blender est généralement limité à 4 chiffres après la virgule pour des raisons de lisibilité et d’espace », de sorte qu’une précision de 4 chiffres après la virgule est la précision que prend en compte l’homme du métier infographiste chargé de sélectionner les points des zones sur la représentation graphique de la maquette en 3D.
La société Bien’ici ne peut donc être suivie lorsqu’elle prétend que s’il existe une différence jusqu’au 16ème chiffre après la virgule cela suffirait à démontrer qu’il ne s’agit pas d’un point sélectionné à partir de la maquette au sens du brevet, alors que le brevet revendique une sélection des points à partir de la maquette sans exiger que lesdits points soient exactement les mêmes que ceux mémorisés par le logiciel de modélisation, jusqu’au 16ème chiffre après la virgule près de sorte que les points qui se situent à une distance nulle, jusqu’à cinq chiffres après la virgule, des sommets de la maquette sont des points sélectionnés à partir de la maquette au sens du brevet litigieux, la société Bien’ici échouant en outre à démontrer que cela ne permettrait pas d’obtenir le résultat technique que cherche à résoudre le brevet à savoir l’obtention d’une séquence d’images 3D d’un objet, d’une qualité de rendu optimale, ce qui est le cas des images produites pour les lots incriminés susvisés dont l’alignement entre la représentation bidimensionnelle des zones et les éléments correspondants de la maquette est quasi parfait quel que soit l’angle de vue.
Dès lors il y a lieu de considérer que la caractéristique « au cours de l’étape de modélisation de la maquette sur le terminal distant, au moins une zone (Z1, Z2, Z3) est définie dans le repère tridimensionnel (r) pour identifier au moins une partie d’un élément (A13, A14) de la maquette (M), ledit programmeur ayant sélectionné des points (PO2, PO5, PO6 et PO7 ; PO6, PO7, PO8 et PO9 ; PO1, PO2, PO3 et PO4) à partir de la maquette (M) pour former des ensembles de points, les points de chaque ensemble étant reliés entre eux, pour définir un polygone qui délimite ladite zone (Z1, Z2, Z3) » est reproduite.
Il s’ensuit, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen subsidiaire de la contrefaçon par équivalence, qu’il y a lieu de dire que la caractéristique 1.5 du 1er tiret de la revendication 1 est reproduite.