Nullité des actes d’expertiseL’article 175 du code de procédure civile stipule que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. En vertu de l’article 114 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. Obligations de l’expertL’article 238 du code de procédure civile impose que le technicien doit donner son avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis, sans répondre à d’autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique. Aucune disposition ne sanctionne de nullité l’inobservation des obligations imposées par cet article au technicien commis, comme l’indiquent les arrêts de la Cour de cassation (Cass., 2e Civ., 16 déc. 1985, n° 81-16.593 ; 1ère Civ., 7 juillet 1998, n° 97-10.869). Principe de la contradictionL’article 276 du code de procédure civile précise que l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. L’inobservation des formalités prescrites par cet article, ayant un caractère substantiel, n’entraîne la nullité de l’expertise qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (Cass., Com., 18 février 1992, n° 89-19.330). Recevabilité des demandes en appelL’article 910-4 du code de procédure civile énonce qu’à peine d’irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. L’article 564 du même code précise que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers. Obligation de délivrance du bailleurL’article 1719 du code civil impose au bailleur l’obligation de délivrer un bien en bon état de réparation et conforme à l’usage pour lequel il a été loué. Cette obligation est renforcée par les stipulations contractuelles qui précisent que la coque livrée doit être conforme aux documents contractuels et aux règles de l’art, comme le stipule l’avenant n° 1 du 24 avril 2009, qui modifie les obligations de la société Virgil en matière de travaux à réaliser. Responsabilité contractuelleLa responsabilité contractuelle est régie par les articles 1231-1 et suivants du code civil, qui prévoient que le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par l’inexécution de ses obligations, sauf à prouver un cas de force majeure. En cas de manquement aux obligations contractuelles, la partie lésée peut demander réparation des préjudices subis, ce qui inclut les frais de travaux nécessaires pour remédier aux non-conformités constatées. |
L’Essentiel : L’article 175 du code de procédure civile stipule que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions régissant la nullité des actes de procédure. Selon l’article 114, aucun acte ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire d’apporter la preuve du grief causé par l’irrégularité.
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Résumé de l’affaire : Le 30 mai 2007, un bail commercial a été conclu entre un bailleur, la société Virgil, et un preneur, la société Multi-[Localité 6], pour des locaux destinés à un multiplex cinématographique. Le bail stipule que le bailleur doit livrer les locaux en état brut de béton, et le loyer annuel est fixé à 350 000 euros. En avril 2009, un avenant modifie le loyer à 425 000 euros et prévoit des travaux supplémentaires. En mai 2009, la société Virgil vend l’immeuble à la société Generali Vie, tout en restant maître d’ouvrage jusqu’à l’achèvement des travaux.
Le 18 novembre 2011, un procès-verbal de mise à disposition des locaux est établi, mais avec des réserves. En décembre 2011, un constat d’huissier est dressé à la demande de la société Pathé, qui met en demeure le maître d’ouvrage de réaliser les travaux nécessaires pour lever les réserves. Malgré plusieurs mises en demeure, des malfaçons persistent. Le multiplex ouvre finalement ses portes le 11 juillet 2012. En 2014, la société Generali Vie réclame des loyers impayés à la société Pathé. En 2015, la société Generali Vie assigne la société Pathé et la société Virgil pour obtenir le paiement des loyers dus. En 2021, le tribunal judiciaire de Paris rend un jugement qui déboute la société Generali Vie de ses demandes contre la société Pathé, tout en condamnant la société Virgil à payer des sommes dues à la société Generali Vie. La société Virgil interjette appel, demandant l’infirmation du jugement et la nullité du rapport d’expertise. La société Pathé, quant à elle, demande la confirmation du jugement et la condamnation in solidum des sociétés Virgil et Generali Vie pour des travaux réparatoires. La société Generali Vie demande également l’infirmation du jugement en ce qui concerne les loyers impayés. L’affaire est mise en délibéré pour une décision ultérieure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la relation entre le bailleur et le preneur dans le cadre du bail commercial ?Le cadre juridique de la relation entre le bailleur et le preneur est régi par les dispositions du Code civil, notamment l’article 1719 qui stipule que le bailleur est tenu de délivrer au preneur un bien en bon état de servir à l’usage pour lequel il a été loué. En l’espèce, la société Virgil, en tant que bailleur, a conclu un contrat de bail commercial avec la société Pathé pour des locaux à aménager à usage de multiplex cinématographique. Le bail stipule que la société Virgil doit livrer des locaux « brut de béton, fluides en attente » conformément à un descriptif technique des travaux à sa charge. L’article 1728 du Code civil précise également que le preneur est tenu de payer le loyer convenu. Ainsi, la société Pathé avait l’obligation de réaliser des travaux d’aménagement intérieur pour permettre l’exploitation des locaux, tout en soumettant son projet au bailleur, qui ne pouvait s’y opposer que pour raison sérieuse. Quel est le rôle de l’expert judiciaire dans le cadre de l’expertise ordonnée par le tribunal ?L’expert judiciaire a pour mission de donner son avis sur les points pour lesquels il a été commis, conformément à l’article 238 du Code de procédure civile. Cet article précise que l’expert ne peut répondre à d’autres questions que celles qui lui ont été posées, sauf accord écrit des parties. Dans le cas présent, l’expert a été chargé de relever et décrire les désordres et malfaçons allégués, d’en détailler l’origine, les causes et l’étendue, et de fournir des éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres sont imputables. L’article 276 du même code impose à l’expert de prendre en considération les observations des parties et de mentionner dans son avis la suite donnée à ces observations. En l’espèce, l’expert a organisé plusieurs réunions et a répondu aux dires des parties, ce qui démontre qu’il a respecté son obligation de contradictoire. Quel est le fondement juridique de la demande de nullité du rapport d’expertise ?La demande de nullité du rapport d’expertise repose sur les articles 175 et 114 du Code de procédure civile. L’article 175 stipule que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. L’article 114 précise qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. Dans le cas présent, la société Virgil a soutenu que le rapport d’expertise était nul en raison de la méconnaissance par l’expert des termes de sa mission et de l’absence de réponse aux dires adverses. Cependant, la cour a constaté que l’expert avait respecté les termes de sa mission et avait pris en compte les observations des parties, ce qui a conduit à rejeter la demande de nullité. Quel est l’impact des réserves formulées par le preneur lors de la mise à disposition des locaux ?Les réserves formulées par le preneur lors de la mise à disposition des locaux ont un impact significatif sur les obligations du bailleur, conformément à l’article 11 du contrat de bail. Cet article stipule que le preneur doit signaler les réserves lors de la mise à disposition, et que celles-ci doivent être levées pour permettre l’exploitation des locaux. En l’espèce, la société Pathé a formulé plusieurs réserves lors de la mise à disposition des locaux, qui ont été considérées comme des obstacles à l’exécution des travaux d’aménagement. La société Virgil a soutenu que ces réserves n’étaient pas d’une importance telle qu’elles empêcheraient l’entrepreneuriat des travaux. Cependant, la cour a constaté que certaines réserves, telles que l’absence de murs séparatifs entre les salles, constituaient des non-conformités aux obligations contractuelles du bailleur, ce qui a conduit à une responsabilité de la société Virgil pour les désordres constatés. Quel est le régime de responsabilité applicable en cas de non-conformité des travaux réalisés par le bailleur ?Le régime de responsabilité applicable en cas de non-conformité des travaux réalisés par le bailleur est fondé sur les dispositions de l’article 1719 du Code civil, qui impose au bailleur l’obligation de délivrer un bien conforme à l’usage prévu. En cas de non-conformité, le preneur peut invoquer la responsabilité contractuelle du bailleur pour obtenir réparation des préjudices subis. Dans le cas présent, la société Pathé a allégué que la société Virgil n’avait pas respecté ses obligations contractuelles en livrant des locaux présentant des désordres et malfaçons. La cour a examiné les réserves formulées par la société Pathé et a constaté que certaines d’entre elles étaient fondées, entraînant ainsi la responsabilité de la société Virgil pour les désordres constatés et les conséquences financières qui en découlent. Quel est le rôle des articles 700 et 699 du Code de procédure civile dans le cadre des demandes de frais de justice ?Les articles 700 et 699 du Code de procédure civile régissent les demandes de frais de justice et les dépens. L’article 700 permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. L’article 699, quant à lui, précise que les dépens comprennent les frais de l’expertise judiciaire et peuvent être recouvrés conformément aux dispositions de cet article. Dans le cadre de l’affaire, la cour a condamné in solidum les sociétés Generali Vie et Virgil aux dépens, y compris les frais de l’expertise judiciaire, et a également statué sur les demandes au titre de l’article 700, en condamnant les parties à verser des sommes pour couvrir les frais d’avocat et autres frais de justice. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 6
ARRET DU 14 MARS 2025
(n° /2025, 30 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05243 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKHT
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 février 2021 – tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 15/14720
APPELANTE
S.A.S. VIRGIL venant aux droits de la société [Localité 6]-VIRGIL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant à l’audience Me Marguerite AYNES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
S.A. GENERALI VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Ayant pour avocat plaidant à l’audience Me Sabine DU GRANRUT, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. PATHE CINEMAS FRANCE venant aux droits de la société PATHE [Localité 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant à l’audience Me Julien MOUSSY, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laura TARDY, conseillère faisant fonction de présidente, chargée du rapport, et Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Laura TARDY, conseillère faisant fonction de présidente pour la présidente empêchée,
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
M. Laurent NAJEM, conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRET :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Laura TARDY, conseillère faisant fonction de présidente et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Le 30 mai 2007, la société [Localité 6]-Virgil, aux droits de laquelle vient la société Virgil, a donné à bail commercial à la société Multi-[Localité 6], désormais dénommée Pathé [Localité 6], des locaux à usage de multiplex cinématographique à construire dans un centre commercial dénommé « Les Halles [Localité 6] », moyennant un loyer annuel hors charges et hors taxes de 350 000 euros, le bailleur s’engageant à livrer les locaux achevés brut de béton et fluides en attente, conformément au descriptif technique des travaux à la charge du bailleur constituant l’annexe 2 dudit bail.
En application de ses articles 8 et 11, le bail a été consenti pour une durée de douze années entières et consécutives à compter de la prise d’effet du bail, soit à la date de mise à disposition des locaux loués telle qu’indiquée sur le procès-verbal dressé à cet effet.
Par un premier avenant en date du 24 avril 2009, la société Virgil et la société Multi-[Localité 6] sont notamment convenues de la réalisation de travaux supplémentaires par la bailleresse selon un descriptif annexé à cet avenant, de modifier les documents annexés au bail du 30 mai 2007 et en conséquence de porter le loyer annuel à la somme de 425 000 euros, retardant la date d’exigibilité du premier loyer et la date pour l’ouverture des lieux au public.
Par acte notarié du 29 mai 2009, la société Virgil a vendu l’ensemble immobilier en l’état de futur achèvement à la société Generali Vie et en a informé la société locataire par lettre recommandée demande d’avis de réception du 2 juin 2009, tout en lui précisant qu’elle demeurait maître d’ouvrage jusqu’à l’achèvement des travaux de construction de l’immeuble.
Le 18 novembre 2011, un procès-verbal de mise à disposition des locaux loués a été établi entre la société Pathé [Localité 6], preneur, et la société Virgil, avec des réserves.
Le 19 décembre 2011, un procès-verbal de constat a été dressé par Maître [G], huissier de justice, à la demande de la société Pathé [Localité 6].
Les 13 janvier, 13 février, 13 et 20 avril et 9 mai 2012, la société Pathé [Localité 6] a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception le maître d’ouvrage de réaliser les travaux en vue de lever les réserves mentionnées dans le procès-verbal de mise à disposition des locaux loués ainsi que des malfaçons complémentaires et non-conformités. Des copies de ces mises en demeure ont été adressées au bailleur, la société Generali Vie.
Le 9 mai 2012, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la société Pathé [Localité 6] a informé le maître d’ouvrage des travaux réalisés par elle, en vue de lever les réserves et de mettre fin aux non-conformités et malfaçons précédemment signalées. Une copie de ce courrier a également été adressée au bailleur.
Le 11 juillet 2012, le multiplex cinématographique a ouvert ses portes.
Par un deuxième avenant en date du 10 janvier 2013, les sociétés Generali Vie et Pathé [Localité 6] sont convenues du versement de la somme de 114 402 euros par la société locataire à titre de dépôt de garantie en lieu et place d’une caution bancaire.
Par actes extrajudiciaires des 12 septembre et 3 décembre 2014, la société Generali Vie a sommé la société Pathé [Localité 6] de payer la somme de 93 936,37 euros au titre des loyers et charges échus demeurés impayés au 9 septembre 2014.
Par ordonnance du 28 août 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par la société Pathé Chambéry par assignation du 15 avril 2015, a ordonné une expertise et désigné M. [K] à cette fin.
Le 12 octobre 2015, la société Generali Vie a fait assigner la société Pathé Chambéry et la société Virgil devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de les voir condamner au versement des loyers impayés.
Par ordonnance du 29 juin 2016, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise confiée à M. [K].
Le 31 décembre 2017, l’expert judiciaire a déposé son rapport.
Par jugement du 25 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
déboute la société Virgil de sa demande de nullité des demandes de la société Pathé [Localité 6] et déclare recevables les demandes formées par la société Pathé [Localité 6],
déboute les sociétés Generali Vie et Virgil de leur demande de nullité de l’expertise judiciaire,
déboute la société Generali Vie de ses demandes en condamnation de la société Pathé [Localité 6] au paiement de la somme de 93 936,36 euros toutes taxes comprises, outre les intérêts depuis la sommation de payer du 12 septembre 2014 et de la somme de 1 197,80 euros toutes taxes comprises, outre les intérêts depuis la sommation de payer du 3 décembre 2014,
condamne la société Virgil à payer à la société Generali Vie la somme de 93 936,36 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2015, date de l’assignation,
condamne in solidum la société Virgil et la société Generali Vie à verser à la société Pathé [Localité 6], la somme totale de 470 268,62 euros hors taxes,
condamne la société Virgil à garantir la société Generali Vie de la condamnation précitée prononcée à son encontre, à payer à la société Pathé [Localité 6] la somme de 470 268,62 euros hors taxes,
condamne in solidum les sociétés Generali Vie et Virgil aux dépens en ce compris les frais de l’expertise judiciaire et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
condamne in solidum les sociétés Generali Vie et Virgil à payer à la société Pathé [Localité 6] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
déboute les sociétés Generali Vie et Virgil de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 17 mars 2021, la société Virgil a interjeté appel du jugement, intimant les sociétés Generali Vie et Pathé Chambéry devant la cour d’appel de Paris.
Par ordonnance du 16 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de production de pièces formée par les sociétés Virgil et Generali Vie, à savoir :
les marchés de travaux, en ce compris les plans, décompositions du prix forfaitaires globales et définitives (DPGF) et cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) initiaux et modificatifs, conclus par la société Pathé [Localité 6],
les dossiers ouvrages exécutés et décomptes généraux définitifs des travaux réalisés pour le compte de la société Pathé [Localité 6], l’ensemble des accords conclus avec les sociétés Les Cinémas Gaumont et Pathé Développement, GCI Ingénierie, Inex et Kephren pour les besoins de la réalisation de ses travaux relatifs au cinéma Multiplexe des Halles de [Localité 6]
l’ensemble des accords conclus avec l’agence Naço ayant pour objet la réalisation de travaux relatifs au cinéma Multiplexe des Halles de [Localité 6],
les plannings des travaux d’aménagement de la société Pathé [Localité 6], en versions initiales et modificatives le cas échéant,
les comptes-rendus des réunions de chantier qui se sont tenues au cours des travaux d’aménagement de la société Pathé [Localité 6].
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2024, la société Virgil demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 25 février 2021 (n° RG 15/14720) en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
débouter la société Pathé Cinémas France de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Virgil, faute pour la société Pathé Cinémas France de rapporter la preuve, qui lui incombe, de la réunion des conditions pour que la responsabilité contractuelle de Virgil soit retenue ;
débouter la société Generali Vie de sa demande en garantie dirigée contre la société Virgil ;
prononcer la nullité du rapport d’expertise en date du 31 décembre 2017 ;
mettre la société Virgil hors de cause ;
À titre subsidiaire, si la cour estimait ne pas disposer d’éléments suffisants pour statuer,
déclarer recevable la demande d’expertise formée par la société Virgil ;
ordonner avant dire droit une nouvelle mesure d’expertise et désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de :
convoquer les parties, recueillir et consigner leurs observations ;
se faire communiquer par les parties ou tout tiers directement, les informations, documents et pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, à charge pour lui d’en assurer la communication contradictoire avant le dépôt de son pré-rapport, s’agissant en particulier de l’ensemble des documents visés dans les conclusions d’incident de la société Virgil en date du 7 septembre 2023, à savoir :
les marchés de travaux, en ce compris les plans, décompositions du prix forfaitaires globales et définitives (DPGF) et cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) initiaux et modificatifs, conclus par la société Pathé pour les besoins de la réalisation des travaux relatifs au cinéma Multiplexe des Halles de [Localité 6] avec les entreprises intervenues sur les aménagements litigieux et à tout le moins ceux passés avec les sociétés ERCP, Sud Est Acoustique, Chosset Luchessa, Hervé Thermique, HTI, Rhône Alpes Acier, ThyssenKrupp, CPC Construction, BE Pierre Martin, Paralu, Carlshaln et Ineo ;
les dossiers des ouvrages exécutés (DOE) et décomptes généraux définitifs (DGD) des travaux réalisés pour le compte de la société Pathé par les entreprises intervenues sur les aménagements litigieux et à tout le moins ceux réalisés par les sociétés ERCP, Sud Est Acoustique, Chosset Luchessa, Hervé Thermique, HTI, Rhône Alpes Acier, ThyssenKrupp, CPC Construction, BE Pierre Martin, Paralu, Carlshal et Ineo ;
l’ensemble des accords conclus avec les sociétés Les Cinémas Gaumont et Pathé Développement, GCI Ingénierie, Inex et Kephren pour les besoins de la réalisation de ses travaux relatifs au cinéma Multiplexe des Halles de [Localité 6] ;
l’ensemble des accords conclus avec l’agence Naço ayant pour objet la réalisation de travaux relatifs au cinéma Multiplexe des Halles de [Localité 6] ;
les plannings des travaux d’aménagement de la société Pathé, en versions initiales et modificatives le cas échéant ;
les comptes-rendus des réunions de chantier qui se sont tenues au cours des travaux d’aménagement de la société Pathé ;
se rendre dans les locaux du cinéma multiplexe Pathé [Localité 6], [Adresse 7], [Adresse 8] à [Localité 6] afin de procéder à toute constatation, y compris celle de l’impossibilité de procéder à des constations utiles à sa mission ;
entendre tout sachant qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission ;
dire si les travaux incombant au bailleur au titre du contrat de bail du 30 mai 2007, de son avenant n°1 du 23 avril 2009 et du descriptif de travaux qui y est annexé ont été réalisés conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art ;
relever et décrire les éventuels désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements au regard des documents contractuels liant les parties, en distinguant ceux constatés lors de la mise à disposition des locaux loués et ceux identifiés postérieurement et en précisant, pour ces derniers, s’ils étaient apparents ou non au jour de la mise à disposition ;
en détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
indiquer le cas échéant les conséquences des désordres, malfaçons, non conformités et inachèvements ;
donner son avis sur la méthodologie et les travaux appropriés pour y remédier ;
donner son avis sur l’existence d’éventuels retards et, le cas échéant, déterminer la cause de ces retards ;
donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation ;
rassembler les éléments de preuves permettant, le moment venu, à la cour d’apprécier les préjudices allégués du fait des travaux complémentaires prétendument entrepris et des retards allégués causés par ces travaux ;
dresser un constat précis après ces premières constatations sous la forme d’un pré-rapport,
rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;
dire que l’expert devra impartir aux parties un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui paraîtraient nécessaires et, éventuellement, à l’expiration du délai, saisir, en application de l’article 275 alinéa 2 du code de procédure civile, le magistrat chargé du contrôle des expertises pour faire ordonner la production de ces documents s’il y a lieu sous astreinte ;
dire que l’expert devra, pour assurer le caractère contradictoire de son expertise, communiquer aux parties la teneur de son rapport, par un pré-rapport, en leur enjoignant de lui faire connaître leurs observations ou dires dans un délai dont il fixera la durée entre un et deux mois suivant la complexité de l’affaire, et qu’à l’expiration de ce délai l’expert achèvera son rapport en répondant précisément aux observations ou dires des parties ; s’il n’a reçu aucune observation, il le précisera ;
dire que l’expert devra déposer un rapport de ses opérations au greffe dans un délai de 6 mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission ;
dire que l’expert devra transmettre un exemplaire de son rapport final à chaque partie ;
surseoir à statuer dans l’attente du dépôt du rapport définitif de l’expert ;
En tous cas,
débouter les sociétés Pathé Cinémas France et Generali Vie de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Virgil ;
condamner la société Pathé Cinémas France à verser à la société Virgil la somme de 60 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Pathé Cinémas France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique Etévenard par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2024 la société Pathé Cinémas France, venant aux droits de la société Pathé [Localité 6], demande à la cour de :
dire et juger recevable et bien fondée la société Pathé Cinémas France, venant aux droits de la société Pathé [Localité 6], en ses présentes écritures ;
In limine litis :
dire et juger irrecevable la demande de nouvelle expertise judiciaire présentée par les sociétés Virgil et Generali Vie,
A titre principal :
confirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a parfaitement :
débouté les sociétés Virgil, venant aux droits de la société [Localité 6] Virgil, et Generali Vie de toutes leurs demandes visant à obtenir la nullité du rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [K], ou à en écarter les conclusions des débats, ou encore à contester utilement le fond dudit rapport,
débouté les sociétés Virgil et Generali Vie de toutes leurs demandes visant à obtenir une condamnation pécuniaire quelconque à l’encontre de Pathé Cinémas France,
condamné in solidum les sociétés Generali Vie et Virgil à payer à la société Pathé Cinémas France la somme de 334 168,62 euros HT au titre des travaux réparatoires proprement-dits et la somme de 136 100 euros HT au titre des honoraires d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de pilotage, de conception, de bureau d’étude afférents à ces travaux,
infirmer partiellement le jugement rendu le 25 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a débouté la société Pathé Cinémas France de sa demande de condamnation in solidum à l’encontre des sociétés Generali Vie et Virgil du chef de son item réclamatoire 5.2 et,
Statuant à nouveau,
condamner in solidum les sociétés Generali Vie et Virgil à payer à la Pathé Cinémas France la somme de 7 008,80 euros HT,
A titre infiniment subsidiaire, pour le cas extraordinaire où il devait être jugé que la société Pathé Cinéma France devrait de quelconques sommes à Generali Vie :
condamner la société Virgil à relever et garantir indemne la société Pathé Cinémas France de toute condamnation ;
Dans tous les cas :
débouter la société Virgil et la société Generali Vie de toutes demandes, fins, conclusions et appel incident contraires aux présentes ;
condamner in solidum les sociétés Generali Vie et Virgil à payer à la société Pathé Cinémas France la somme de 60 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Hatet, avocat au barreau de Paris, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2024, la société Generali Vie demande à la cour de :
A titre principal :
infirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 15/14720 en ce qu’il a :
débouté la société Generali Vie de sa demande de condamnation de la société Pathé [Localité 6] (aux droits de laquelle vient désormais la société Pathé Cinémas France) au règlement de son arriéré locatif,
condamné la société Generali Vie in solidum avec la société Virgil au paiement de diverses sommes au titre des travaux et des frais de justice,
débouté les sociétés Generali Vie et Virgil de leur demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire,
Et statuant à nouveau :
A titre liminaire :
prononcer la nullité du rapport d’expertise judiciaire du 31 décembre 2017,
S’agissant de la demande formulée par la société Generali Vie au titre des impayés de loyers, charges et accessoires :
condamner la société Pathé Cinémas France à payer à la société Generali Vie la somme de 93 936,36 euros TTC au titre des loyers et charges dus pour la période du 19 mai au 10 juillet 2012, avec intérêts au taux légal depuis la sommation de payer du 12 septembre 2014 et avec capitalisation conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,
condamner la société Pathé Cinémas France à payer à la société Generali Vie la somme de 1 197,80 euros TTC au titre des frais d’huissier engagés pour la délivrance des sommations de payer des 12 septembre, 26 septembre et 3 décembre 2014, avec intérêts au taux légal depuis la sommation de payer du 3 décembre 2014 et avec capitalisation conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,
S’agissant de la charge des travaux de reprise des désordres allégués par la société Pathé Cinémas France :
débouter la société Pathé Cinémas France de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Virgil et Generali Vie à lui verser les sommes de 341 177,42 euros HT au titre des travaux de reprise et 136 100 euros HT au titre des honoraires liés à ces travaux,
En tout état de cause,
débouter les sociétés Pathé Cinémas France et Virgil de toutes demandes de condamnation à l’égard de la société Generali Vie ou de mise hors de cause,
condamner la société Virgil à garantir la société Generali Vie de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en lien avec les travaux réalisés sous sa maîtrise d’ouvrage,
condamner la société Pathé Cinémas France et, à défaut, la société Virgil à verser à la société Generali Vie la somme de 20 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Pathé Cinémas France et, à défaut, la société Virgil, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Ingold, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
confirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 15/14720 en ce qu’il a :
condamné la société Virgil à payer à la société Generali Vie la somme de 93 936,36 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2015, date de l’assignation,
condamné la société Virgil à garantir la société Generali Vie de la condamnation prononcée à son encontre à payer à la société Pathé Cinémas France la somme de 470 268,62 euros hors taxes ou de toute autre condamnation prononcée à son encontre au titre des travaux de reprise,
débouté la société Pathé Cinémas France de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Generali Vie et Virgil du chef de son « item réclamatoire 5.2 » pour un montant de 7 008,80 euros HT,
débouté la société Pathé Cinémas France de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Generali Vie et Virgil à 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
donner acte à la société Generali Vie qu’elle s’associe à la demande subsidiaire formulée par la société Virgil visant à voir ordonner une nouvelle mesure d’expertise si la cour devait s’estimer insuffisamment renseignée au regard des conclusions de la société Virgil,
débouter les sociétés Pathé Cinémas France et Virgil de toutes autres demandes de condamnation à l’égard de la société Generali Vie, notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou de demandes de mise hors de cause,
condamner la société Pathé Cinéma France et, à défaut, la société Virgil à verser à la société Generali Vie la somme de 15 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Pathé Cinémas France et, à défaut, la société Virgil, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Ingold, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 décembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 19 décembre 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 14 mars 2025.
A titre liminaire, la cour constate que la société Virgil a sollicité dans le dispositif de ses conclusions la réformation de l’ensemble des dispositions du jugement dont appel, en ce compris par conséquent le chef de celui-ci par lequel il a rejeté la demande de nullité des demandes de la société Pathé [Localité 6] formée par la société Virgil et déclaré ces demandes recevables. Cependant, dans la partie discussion de ses conclusions, la société Virgil ne développe aucun moyen de droit et/ou de fait à l’appui de sa demande d’infirmation de ce chef du jugement, que la cour ne peut dès lors que confirmer.
Sur les demandes afférentes à l’expertise
1) Sur la nullité du rapport d’expertise ordonnée en première instance
Moyens des parties
La société Virgil fait valoir que le rapport d’expertise est nul du fait de la méconnaissance par l’expert des termes de sa mission, constituant l’inobservation d’une formalité substantielle, du fait de l’absence de réponse de l’expert aux dires adverses et de prise en considération de toutes les réclamations formulées par les parties et du refus de l’expert d’exiger la production de documents à l’issue du litige. Elle fait valoir qu’elle a subi un grief du fait des manquements de cette expertise sur laquelle le tribunal s’est reposé pour statuer, et des atteintes au principe de la contradiction.
La société Generali Vie s’associe à la demande et aux conclusions de la société Virgil.
La société Pathé Cinémas France conteste la demande d’annulation du rapport d’expertise, sollicite la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande et rappelle que l’expert a organisé sept réunions dont une sur place, a adressé un compte-rendu après chaque réunion, outre trois notes puis une note de synthèse, que les parties ont toutes effectué plusieurs dires accompagnés de documents et notes techniques et que l’expert y a répondu. Elle ajoute qu’après l’envoi de la note de synthèse par l’expert, la société Virgil a saisi le juge chargé du contrôle des expertises d’une demande de remplacement de l’expert pour divers manquements, ce que ce juge a rejeté, et que les mêmes griefs sont présentés devant la cour.
Réponse de la cour
L’article 175 du code de procédure civile dispose que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.
L’article 114 du même code énonce qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
a) Sur le manquement par l’expert aux termes de sa mission
Selon l’article 238 du code de procédure civile, le technicien doit donner son avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis. Il ne peut répondre à d’autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique.
Il est constant qu’aucune disposition ne sanctionne de nullité l’inobservation des obligations imposées par l’article 238 au technicien commis (Cass., 2e Civ., 16 déc. 1985, n° 81-16.593 ; 1ère Civ., 7 juillet 1998, n° 97-10.869).
En l’espèce, parmi les chefs de mission impartis à l’expert M. [K] par l’ordonnance de référé du 28 août 2015 figuraient notamment les chefs suivants :
relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l’assignation et plus particulièrement dans la pièce n° 16 produite par la société Pathé [Localité 6] et dans le procès-verbal de constat d’huissier de justice établi le 19 décembre 2011 par Maître [Y] [G], affectant l’immeuble litigieux, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties,
en détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions,
dire si les travaux incombant au bailleur au titre du contrat de bail du 30 mai 2007, de son avenant du 23 avril 2009 et des plans et descriptif des travaux qui y sont annexés ont été réalisés conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art, (…)
donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non-conformités, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée.
Dans son rapport, l’expert a repris les désordres et malfaçons allégués par la société Pathé en visant l’assignation et le procès-verbal d’huissier intégralement cités, puis, pour chacun, a relevé les constatations qu’il a faites, et les a intégrés dans un tableau (ses pages 18 à 25) dont les colonnes comprennnent pour chaque désordre (en ligne) un résumé des échanges contradictoires des parties, des dires formés par les parties à ce sujet le cas échéant, l’identification de l’origine du désordre, la cause (non conformité à un document contractuel identifié ou non conformité de l’ouvrage, étant précisé que pour certains désordres, la référence à la disposition contractuelle figure dans la colonne « origine »), et enfin une colonne relative à l’avis de l’expert sur la responsabilité, ces détails étant repris et précisés en annexe 1 du rapport, dans un tableau dénommé « tableau de sous-détail des pages 18 à 25 et autres ». Plus loin dans son rapport, l’expert a repris ses réponses aux dires des parties (pages 32 à 41), incluant ses réponses aux dires récapitulatifs. Il ne résulte pas des dires des parties pendant l’expertise que celles-ci ont pu ne pas identifier les dispositions contractuelles précises des documents auxquels l’expert a fait référence, dans la mesure où il n’apparaît pas qu’elles aient sollicité de sa part une plus grande précision dans la référence contractuelle à laquelle il aurait été manqué selon lui.
Par conséquent, il convient de confirmer la décision des premiers juges de rejeter ce moyen d’annulation du rapport d’expertise.
b) Sur le manquement au principe de la contradiction
Aux termes de l’article 276 du code de procédure civile, l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. (…) L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
L’inobservation des formalités prescrites par l’article 276, ayant un caractère substantiel, n’entraîne la nullité de l’expertise qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (Cass., Com., 18 février 1992, n° 89-19.330).
En l’espèce, s’agissant des productions de pièces par les sociétés Virgil et Generali Vie, l’expert a clairement indiqué à plusieurs reprises avoir été destinataire des pièces qu’il estimait utiles pour remplir sa mission, a indiqué qu’il n’entendait pas solliciter celles dont faisaient état ces sociétés, indiquant que certaines, qu’il avait sollicitées, avaient été produites par la société Pathé et que le surplus n’avait pas lieu d’être demandé, comme ne devant pas l’éclairer davantage au regard de sa mission. La cour ajoute que le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 16 novembre 2023, rejeté les demandes de production de pièces complémentaires formées en cours d’instance par ces sociétés, et que cette ordonnance n’a pas été déférée à la cour.
De même, il a donné son avis sur le quantum des préjudices allégués sur la base des documents fournis par la société Pathé (sa pièce 25 produite en expertise), de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir statué sur des demandes non motivées, la cour précisant que les seuls préjudices sur lesquels l’expert s’est prononcé sont matériels : coût des travaux de réfection et des surcoûts liés aux honoraires de ces travaux, à l’exclusion de tous autres préjudices, notamment immatériels, pour lesquels il a renvoyé à la décision du tribunal. En revanche, contrairement aux allégations de la société Virgil, l’ordonnance d’expertise n’a pas donné mission à l’expert d’apporter des éléments d’appréciation sur l’obligation de payer le loyer, pour la période préalable à l’ouverture du public. Celui-ci ne s’est pas prononcé sur ce chef de préjudice, faute de suite donnée à sa demande de dire financier par les parties au cours de l’expertise.
Au surplus, l’expert a répondu sur l’absence de mise en cause de la société Naço, maître d’oeuvre de la société Pathé, en rappelant que la mise en cause de cette société avait été envisagée au cours de l’expertise pour obtenir certains éclaircissements, qu’aucune des parties n’avait procédé à cette mise en cause et que cela avait été sollicité en toute fin d’expertise, et qu’à ce moment-là, les opérations étant achevées, il a donné avis que cette mise en cause était tardive. La cour observe, à la suite du tribunal, qu’aucune des parties n’a assigné cette société en intervention forcée, nonobstant la réticence de l’expert, intervention permettant de lui rendre les opérations d’expertise opposables et d’obtenir sa participation aux opérations et obtenir les éclaircissements souhaités.
Enfin, le rapport contient un partie intitulée « Réponses aux dires », en pages 32 à 41, dans laquelle l’expert reprend chacun des dires des parties, y compris ceux de la société Virgil, et y répond successivement, soit par une réponse directe, soit en indiquant renvoyer dans sa note de synthèse, et sur certains points des derniers dires des sociétés Virgil et Generali Vie, a en outre modifié le rapport définitif par rapport à la note de synthèse pour tenir compte de ces points, auxquels il n’avait pas expressément répondu dans la note de synthèse.
L’expert n’a donc commis aucun manquement au principe de la contradiction.
Quant aux appréciations des sociétés Virgil et Generali Vie sur la suffisance ou la pertinence de l’avis technique de l’expert, cela relève de la discussion du fond du litige, et ne constitue pas une cause de nullité du rapport d’expertise.
Par conséquent, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande d’annulation du rapport d’expertise.
2) Sur la recevabilité de la demande d’expertise formée en appel
Moyens des parties
La société Pathé, au visa des dispositions des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, excipe de l’irrecevabilité de la demande d’expertise formée par la société Virgil, comme étant nouvelle en appel.
La société Virgil soutient que sa demande n’est pas nouvelle d’une part car elle tend aux mêmes fins que la demande de nullité formée en première instance, à savoir établir la preuve que l’expertise a été réalisée dans des conditions non satisfaisantes et qu’il n’est pas rapporté la preuve de non-conformités qui lui sont imputables, et d’autre part car une mesure d’instruction n’est pas une demande au fond, relevant des dispositions des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile.
Réponse de la cour
L’article 910-4 du code de procédure civile énonce qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Le moyen soutenant qu’une demande est irrecevable comme nouvelle en appel constitue non pas une exception de procédure devant être présentée avant toute défense au fond mais une fin de non-recevoir susceptible d’être soulevée en tout état de cause (Cass., 2ème Civ., 24 janvier 2008, n° 07-15.433).
L’article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’espèce, la société Virgil forme devant la cour une demande de nouvelle expertise fondée sur des critiques d’insuffisance de celle ordonnée en première instance et confiée à M. [K]. Une telle demande n’est pas nouvelle en ce qu’elle poursuit la même fin que la demande de nullité de l’expertise, à savoir critiquer le contenu de celle-ci en raison de ses insuffisances alléguées, et remettre en cause les constatations de l’expert, au soutien de sa demande de rejet des prétentions de la société Pathé à son encontre.
La fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en appel de la demande de nouvelle expertise sera rejetée.
3) Au fond, sur la demande de nouvelle expertise
Moyens des parties
La société Virgil fait valoir que les carences du rapport d’expertise, motivant sa demande de nullité du rapport, fondent à défaut sa mise à l’écart des débats du fait de ses insuffisances. La société Generali Vie s’associe à la demande pour les mêmes motifs.
La société Pathé conteste les carences alléguées du rapport.
Réponse de la cour
Selon les articles 245 et 246 du code de procédure civile, le juge peut toujours inviter le technicien à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l’audience, ses constatations ou ses conclusions. Le technicien peut à tout moment demander au juge de l’entendre. Le juge ne peut, sans avoir préalablement recueilli les observations du technicien commis, étendre la mission de celui-ci ou confier une mission complémentaire à un autre technicien.
Le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.
En application de ces textes, le juge peut, s’il l’estime nécessaire, ordonner une nouvelle expertise.
S’il a pu répondre succinctement à certains chefs de sa mission, il n’apparaît pas que l’expert nommé ait omis de répondre aux chefs de la mission qui lui avait été confiée, ou à certains dires des parties. A ce titre, la cour relève que les sociétés Virgil et Generali Vie, qui formulent cette demande en appel, ne l’avaient pas formée en première instance. En outre, la société Pathé, à l’initiative de la demande d’expertise destinée à éclairer la juridiction sur ses demandes, ne conteste par l’expertise et ne forme ni demande de nouvelle expertise, ni demande de complément d’expertise.
Il n’y a donc pas lieu d’écarter le rapport d’expertise, donc l’annulation a au demeurant été rejetée supra.
Compte tenu de l’expertise mais également de l’ensemble des autres pièces versées par les parties, qui ont pu en débattre contradictoirement et de façon complète, la cour, ainsi qu’il sera développé infra, n’estime pas nécessaire d’ordonner une nouvelle expertise. Cette demande sera rejetée.
Sur les désordres de la coque du cinéma
La présente instance a été initiée par la société Generali Vie qui a sollicité la condamnation de la société Pathé à lui verser la somme de 93 936,36 euros représentant les loyers impayés du 19 mai au 10 juillet 2012. La société Pathé a répliqué à cette demande en opposant une exception d’inexécution tirée du manquement de la société Generali Vie, bailleresse, à son obligation de délivrance conforme, allégant diverses malfaçons, non-conformités et non-façons qui n’ont pas été levées par la société Virgil pour le compte de la bailleresse.
La cour examinera donc les prétentions de la société Pathé préalablement à celles de la société Generali Vie, dès lors qu’elles peuvent y faire échec.
Moyens des parties
La société Pathé sollicite la confirmation du jugement qui a retenu l’existence de désordres de la coque de cinéma livrée brute et se prévaut des conclusions de l’expertise ayant constaté les désordres, faisant sienne la motivation du tribunal. Elle sollicite également la confirmation de l’indemnisation retenue par le tribunal, à l’exception du désordre n° 5.2 « ligne de vie », rejetée par la juridiction, pour laquelle elle demande la condamnation in solidum des sociétés Virgil et Generali Vie à lu iverser la somme de 7 008,80 euros HT, estimant rapporter la preuve de l’existence de ce désordre, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal.
La société Virgil soutient que la société Pathé n’a émis que quatre réserves lors de la mise à disposition de la coque, et qu’aucune ne peut être qualifiée de non-conformité. Elle indique que les réserves émises postérieurement à la mise à disposition concernent des désordres apparents lors de celle-ci, de sorte que les réserves sont purgées et ne peuvent donner lieu à réparation. Elle ajoute que certaines caractéristiques des salles, présentées comme des non-conformités, apparaissaient sur les plans d’exécution communiqués à la société Pathé, sans que son maître d’oeuvre, la société Naço, n’ait formulé d’observations, ni n’en ait tenu compte dans les travaux d’aménagement du cinéma. Elle conteste les autres comme ne constituant pas des manquements contractuels, ou des problèmes imputables à la société Pathé, ou relevant des travaux à sa charge contractuellement. Enfin, elle estime non justifiées les demandes indemnitaires de la société.
S’agissant des réserves émises par la société Pathé, la société Generali Vie renvoie aux développements formés par la société Virgil à ce titre, pointant l’insuffisance de motivation de la société Pathé qui ne vise pas les stipulations contractuelles ou les textes réglementaires non respectés et qui se prévaut d’un rapport d’expertise judiciaire contredit par le rapport d’expertise non contradictoire de M. [I], ajoutant que les non-conformités relevées par l’expert judiciaire résultent en réalité de l’inadéquation du projet d’aménagement de la société Pathé avec la coque vide livrée par la société Virgil.
Réponse de la cour
1) Sur le cadre juridique de la relation entre les parties
La société Virgil, en qualité de bailleresse, a conclu le 30 mai 2007 avec la société Pathé un contrat de bail commercial pour des locaux à aménager devant être utilisés à usage de multiplex cinématographique (conditions particulières, article 3), le contrat stipulant un partage des travaux : à la date de mise à disposition des locaux loués, la société Virgil doit livrer des locaux « brut de béton, fluides en attente » conformément au descriptif technique des travaux à la charge du bailleur constituant l’annexe 2 du contrat, le bailleur s’engageant en outre à ce que la « coque brute » livrée le soit de telle sorte que la commission de sécurité ne puisse s’opposer à l’ouverture des locaux au public pour un fait qui lui serait imputable, et à ce que que « l’état d’avancement des travaux de l’ensemble immobilier permettra au preneur l’ouverture au public de ses locaux dans le respect des dispositions prévues par la réglementation ERP. »
Le bail a été modifié par un avenant n° 1 du 24 avril 2009, les plans des locaux du bail initial étant remplacés par des plans établis par la société Virgil en date du 31 mars 2009 (annexe 2) et des plans de coupe établis par la société Naço, maître d’oeuvre de la société Pathé en date du 6 avril 2009 (annexe 2 bis). Le descriptif des travaux à la charge du bailleur a été modifié et figure dans une annexe 3 annulant le descriptif initial figurant dans l’annexe 2. Les parties ont également convenu d’une clause rédigée ainsi : « la coque froide, clos et couvert, hors d’eau et hors d’air sera livrée par le bailleur au preneur brut de gros oeuvre, planchers intermédiaires compris avec la prise en compte des textes réglementaires pour les ERP et l’exploitation du cinéma. »
L’obligation de délivrance du bailleur, énoncée à l’article 1719 du code civil, porte, ainsi que pertinemment rappelé par les premiers juges, sur des locaux à usage de complexe cinématographique tels que désignés par les annexes 2 et 2 bis, constitués par une coque froide, clos et couvert, hors d’eau et hors d’air, livrée par le bailleur au preneur brut de gros oeuvre, planchers intermédiaires compris avec la prise en compte des textes réglementaires pour les ERP et l’exploitation d’un cinéma, dont le descriptif des travaux est contenu à l’annexe 3 du contrat de bail commercial.
En contrepartie, outre l’obligation de payer le loyer conformément à l’article 1728 du code civil, sur laquelle il sera revenu infra, la société Pathé avait, selon l’article 9 des conditions générales du bail, l’obligation de réaliser des travaux d’aménagement intérieur afin de permettre leur exploitation en tant que complexe cinématographique, en soumettant préalablement son projet au bailleur, lequel ne pouvait s’y opposer que pour raison sérieuse. L’avenant de 2009 n’a pas modifié ces stipulations. Elle bénéficiait pour effectuer ses travaux d’une franchise de loyers jusqu’à l’ouverture au public et au plus tard le premier jour suivant un délai de six mois à compter de la mise à disposition.
Par acte notarié du 29 mai 2009, la société Virgil a vendu l’ensemble immobilier en l’état futur d’achèvement à la société Generali Vie, l’acte incluant le transfert du bail à la société Generali Vie et stipulant que la société Virgil restait maître d’ouvrage des travaux de la coque, seule interlocutrice pour ces travaux vis-à-vis de tous tiers, responsable de ceux-ci à l’égard des preneurs (article 15.1 de l’acte), ayant la charge définitive de toute pénalité ou indemnité liée à la non-exécution de ses obligations liées à la mise à disposition des locaux à un locataire.
La société Virgil a mis la coque à disposition de la société Pathé selon procès-verbal du 18 novembre 2011, date marquant le début du contrat de bail. L’ensemble immobilier a été livré en janvier 2012 par la société Virgil à la société Generali Vie. Le cinéma a ouvert le 11 juillet 2012.
2) Sur les réserves
La société Virgil fait valoir qu’en acceptant la mise à disposition de la coque le 18 novembre 2011, la société Pathé a considéré qu’elles n’étaient pas « d’une importance telle qu’elles [l’]empêcheraient (…) d’entreprendre des travaux d’aménagement », conformément à l’article 11 du contrat de bail. Elle indique que certaines de ces réserves ont été levées, et que celles subsistant, au nombre de quatre, ne sont pas des non-conformités contractuelles :
« réservations refaire un point sur réservations dues ou non par la SAS [Localité 6] Virgil »,
« porte d’entrée à déposer »,
« justifier la tenue du pylône d’ascenseur »,
« plancher en bois niveau 2bis à refaire, traiter les désafleurs ainsi que les panneaux ayant pris l’eau » et « plancher à remplacer » au niveau R+3.
Elle ajoute que les réserves formulées ultérieurement sont des désordres qui étaient apparents à la mise à disposition et doivent être considérés comme purgés, et qui ne sont pas justifiés en tout état de cause.
La société Pathé indique avoir formé plusieurs réserves lors de la mise à disposition, qui l’ont mises dans l’impossibilité d’entreprendre utilement ses travaux d’aménagement, ainsi que d’autres découvertes ultérieurement et visées dans un procès-verbal de constat d’huissier en date du 19 décembre 2011. Elle précise avoir à plusieurs reprises mis le maître d’ouvrage en demeure de lever ces réserves, sans suite, puis les avoir levées à ses frais.
a) item 1.1 : mur manquant entre salles 7 et 8
L’annexe 3 relative aux travaux du bailleur prévoit en page 6, au paragraphe Maçonnerie, que « les murs et cloisons séparatifs seront réalisés en maçonnerie de parpaings permettant d’obtenir le degré d’isolement au feu requis. » Contrairement à ce que soutient la société Virgil, ces termes n’apparaissent pas viser que les seuls murs et cloisons extérieurs de la coque du complexe cinématographique. Les plans de l’annexe 2, dits « plan coque Pathé » prévoient entre les salles 7 et 8 un mur séparatif représenté par un trait plein noir, comme les murs extérieurs, ce mur se retrouvant sur trois niveaux de plan, et est matérialisé par un trait bleu épais sur les plans de l’annexe 2 bis. L’expert judiciaire a constaté que la cloison structurelle en béton prévue pour la coque avait été remplacée par une cloison « placo-style. » Dans un courrier adressé par la société Virgil à la société Pathé le 20 janvier 2012 (pièce 13 de la société Virgil), celle-ci a reconnu que « les séparatifs entre salles 7 et 8 n’ont pas été réalisés car ils n’ont aucune fonction structurelle de contreventement. Ceci dans un but de meilleure polyvalence de la coque. »
Il s’agit ainsi d’une modification des travaux prévus à la charge du bailleur par la société Virgil, qu’elle a reconnue, qui ne justifie d’aucun accord du bailleur ou du preneur pour ce faire, et par conséquent d’une non-conformité de la prestation aux annexes 2, 2bis et 3 du contrat de bail.
b) item 1.2 : adaptation gradins salles 5 et 1
La société Pathé a indiqué à l’expert que l’item était sans objet pour la salle 1.
Elle reproche à la société Virgil le fait que la structure métallique en place présente des niveaux bas et hauts incompatibles avec la réalisation des gradinages, provoquant un conflit de vision tel qu’il en résulte une non-conformité aux normes cinématographiques (inclinaison de pente des gradins non conforme).
Aux termes de l’annexe 3, le bailleur a en charge la construction d’une « structure métallique intermédiaire permettant la réalisation des salles surélevées. »
L’expert indique n’avoir pas pu constater le désordre dès lors que la société Pathé avait procédé à la modification d’aménagement, et il résulte de l’expertise qu’il a sur ce point fait reposer son avis sur les dires de la maîtrise d’oeuvre de la société Pathé.
S’agissant de l’aménagement des salles de cinéma, la seule pièce contractuelle est l’annexe 2bis, établie par la société Naço, consistant en des plans de face et coupe, incluant quelques cotes, mais dont les parties ne discutent pas le fait qu’il ne s’agit pas de plans d’exécution. En outre, les plans n’incluent pas ceux de la salle 5. Les plans d’exécution ont été établis plus tard et adressés à la société Naço par courriel du 6 octobre 2010, la société faisant un retour de ces plans (pièces 19 et 20 de la société Virgil) en mentionnant notamment au titre de cette salle « attention à la hauteur des charpentes » sans plus de précision. Cela ne permet pas d’établir d’une part que ces plans étaient erronés par rapport aux exigences spécifiques d’une salle cinématographique quant au champ de vision des spectateurs, ni d’autre part que la structure métallique construite par la société Virgil n’était pas conforme et devait être reprise par la société Pathé, sur laquelle repose la preuve de l’existence des désordres.
Par conséquent, à défaut de preuve de l’existence d’un désordre imputable au bailleur, celui-ci ne peut être retenu.
c) items 1.3 à 1.6 : gradins salles 10, 2, 3 et 9
La société Pathé reproche à la société Virgil l’emprise d’un escalier sous les gradins des salles 2 et 10, d’un poteau HEA dans la salle 9, et une différence de 20 cm d’altimétrie en salle 3, l’ensemble des ces non-conformités alléguées ayant conduit la société à modifier la géométrie des salles (modifier le gradinage) et à découper l’édicule d’escalier en salle 2.
Pendant les opérations d’expertise, la société Virgil n’a pas contesté les emprises constatées, escalier et poteau, indiquant n’avoir pas eu de retour des plans d’exécution transmis et avoir exécuté les travaux conformément aux plans.
Le poteau HEA présent dans la salle 9 ne figure ni sur les plans des annexes 2 et 2bis, ni, contrairement à ce que soutient la société Virgil, sur les plans d’exécution des structures métalliques qu’elle a transmis à la société Naço. Il constitue ainsi une non-conformité de la part de la société Virgil, ayant nécessairement, vu son implantation, contraint la société à revoir la géométrie de la salle et donc l’implantation du gradinage.
En revanche, la société Pathé ne rapporte pas la preuve d’une implantation de l’escalier non conforme aux plans contractuels par la société Virgil, l’ayant contrainte à revoir l’aménagement des gradinages. Il en va de même de la non-conformité de la salle 3, alléguée mais non établie.
d) item 1.7 : dévoiements EP
L’expert a rejeté cette non-conformité alléguée par la société Pathé, qui ne le conteste pas.
e) item 1.8 : gaine ventilation transformateur
La société Pathé reproche à la société Virgil d’avoir réalisé une gaine de rejet avec un ventilateur insuffisants pour un transformateur de 1 000 kVA, la contraignant à refaire la ventilation du local du transformateur. Elle précise que depuis la phase APS, le bureau d’études techniques demandait une section de gaine de 1m² pour un débit de 7 000 m³/h, et que la société Virgil a installé une gaine de 400×400 avec un ventilateur d’un débit de 3 300m³/h.
Il résulte d’un courrier adressé par la société Virgil à la société Pathé le 15 février 2012 que celle-ci a installé un transformateur de 1 000 kVA, estimant dans ce courrier qu’une réservation de gaine en attente de 400×400 est suffisante.
L’expert a constaté la modification par la société Pathé de l’installation faite par la société Virgil. Il a indiqué que le dimensionnement d’un transformateur de 1 000 kVA est normatif et que le dispositif installé par la société Virgil n’était pas conforme.
Cependant, l’expert n’a pas précisé quelle norme doit être appliquée, ni les dimensions requises. La société Pathé n’a pas versé aux débats le justificatif de la demande du bureau d’études techniques en phase APS, ni n’a apporté la preuve de l’existence d’un désordre résultant de l’insuffisance de dimensionnement de la gaine, avant d’intervenir et de modifier le système.
Par conséquent, faute de preuve d’un désordre de ventilation ou d’une non-conformité de la part de la société Virgil, la société Pathé n’établit pas la preuve de l’existence de la réserve alléguée.
f) item 1.9 : ragréages
La société Pathé indique qu’avant mise à disposition, il avait été constaté le détrempage des planchers bois des niveaux R+2bis et R+3, dont certains panneaux ont été détériorés, voilés, les joints gonflaient. Elle précise que certains panneaux ont été changés, mais pas tous les panneaux détériorés et qu’elle a dû intervenir en mettant en place un ragréage fibré après avoir raboté et refixé les panneaux.
La société Virgil répond qu’il s’agit de planchers provisoires pour les travaux, qu’elle ne devait pas, et que les dégâts subsistants résultent de l’absence de précautions prises par les entreprises intervenues pendant le chantier de la société Pathé.
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