Validité d’une convention de forfait en jours : exigences et conséquences

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Validité d’une convention de forfait en jours : exigences et conséquences

Règle de droit applicable

Le recours à une convention de forfait en jours est encadré par les articles L.3121-53 à L.3121-63 du Code du travail. Selon l’article L.3121-54, le forfait en jours doit être annuel et doit faire l’objet d’un accord écrit entre l’employeur et le salarié. L’article L.3121-55 précise que seuls les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure une telle convention, conformément à l’article L.3121-58, qui stipule que la nature des fonctions du salarié ne doit pas les contraindre à suivre l’horaire collectif applicable au sein de leur service.

Conditions de validité de la convention de forfait en jours

L’article L.3121-63 impose que le recours au forfait en jours soit prévu par un accord collectif, dont le contenu doit respecter des exigences strictes. En l’absence d’un accord collectif conforme, la convention individuelle de forfait en jours est nulle. La jurisprudence a établi que l’absence d’éligibilité du salarié à un forfait en jours entraîne la nullité de la convention (Soc., 31 octobre 2007, pourvoi n° 06-43.876).

Obligations de l’employeur

L’employeur a l’obligation de garantir le respect des durées raisonnables de travail et des temps de repos, comme le stipule l’article L.3121-60. En cas de litige sur l’existence ou le nombre d’heures de travail, l’article L.3171-4 impose à l’employeur de fournir des éléments justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié. De plus, l’article L.3171-2 al. 1 impose à l’employeur d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail.

Conséquences de la nullité de la convention de forfait en jours

Lorsque la convention de forfait en jours est déclarée nulle, le salarié peut revendiquer le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail, conformément à l’article L.3121-28, qui stipule que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ouvre droit à une majoration. La jurisprudence précise que le salarié doit établir que les heures supplémentaires ont été commandées par l’employeur ou résultent d’une charge de travail imposée par celui-ci (Soc., 10 octobre 2012, n°11-10.455).

Exigences de l’accord collectif

L’accord collectif doit comporter des stipulations garantissant le respect des durées raisonnables de travail et des repos, comme le souligne la jurisprudence (Soc., 8 septembre 2016, pourvoi n°14-26.256). En l’absence d’un tel accord, la convention de forfait est privée d’effet, et le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n°09-71.107).

L’Essentiel : Le recours à une convention de forfait en jours est encadré par les articles L.3121-53 à L.3121-63 du Code du travail. Selon l’article L.3121-54, le forfait en jours doit être annuel et faire l’objet d’un accord écrit entre l’employeur et le salarié. Seuls les cadres autonomes peuvent conclure une telle convention. L’article L.3121-63 impose que le forfait soit prévu par un accord collectif, sans quoi la convention individuelle est nulle.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, une société, la SAS Chais Jean Monnet II, a engagé une salariée en qualité de responsable comptable par un contrat de travail à durée indéterminée en avril 2018. En août 2019, un avenant a modifié son poste pour en faire une responsable administrative financière, avec une convention de forfait en jours. En novembre 2019, la salariée a démissionné, demandant une réduction de son préavis, tout en étant placée en arrêt de travail.

La salariée a ensuite saisi le conseil de prud’hommes, alléguant avoir été victime de harcèlement moral et contestant la validité de sa convention de forfait en jours. Elle a demandé la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts. Le jugement du conseil de prud’hommes, rendu en mai 2022, a débouté la salariée de toutes ses demandes, validant la convention de forfait en jours et rejetant les accusations de harcèlement.

La salariée a interjeté appel, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de condamner la société à produire des documents relatifs à son temps de travail, à requalifier sa démission, et à lui verser des sommes pour heures supplémentaires et préjudice moral. De son côté, la société a demandé la confirmation du jugement et a contesté les demandes de la salariée.

La cour a examiné la validité de la convention de forfait en jours, concluant qu’elle était nulle en raison de l’absence d’accord collectif d’entreprise et de la non-conformité aux exigences légales. En conséquence, la cour a reconnu le droit de la salariée à être rémunérée pour les heures supplémentaires effectuées, en se basant sur les éléments qu’elle avait fournis pour justifier ses heures de travail.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la contestation de la convention de forfait en jours par la salariée ?

La salariée conteste la validité de la convention de forfait en jours en se fondant sur plusieurs articles du code du travail, notamment les articles L.3121-53, L.3121-55, L.3121-58 et L.3121-63.

L’article L.3121-53 stipule que le forfait en jours doit être établi par écrit et qu’il doit faire l’objet d’un accord du salarié. L’article L.3121-55 précise que seuls les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure une telle convention.

De plus, l’article L.3121-58 indique que la nature des fonctions du salarié ne doit pas les conduire à suivre l’horaire collectif applicable au sein de leur service. Enfin, l’article L.3121-63 impose que le recours au forfait en jours soit prévu par un accord collectif, dont le contenu doit être strictement encadré par la loi.

La salariée soutient que son employeur n’a pas respecté ces exigences, notamment en ce qui concerne l’absence d’accord collectif d’entreprise et le manque de règles précises sur ses temps de repos et de travail.

Quel est l’impact de la nullité de la convention de forfait en jours sur la demande de paiement d’heures supplémentaires ?

La nullité de la convention de forfait en jours a un impact direct sur la possibilité pour la salariée de revendiquer le paiement d’heures supplémentaires. En effet, selon l’article L.3121-28 du code du travail, « toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ».

Ainsi, lorsque la convention de forfait est déclarée nulle, le salarié peut prétendre à la rémunération des heures effectuées au-delà de la durée légale du travail. Cela signifie que la salariée peut demander le paiement des heures supplémentaires qu’elle a effectuées, même si celles-ci n’ont pas été expressément commandées par l’employeur, à condition qu’elle puisse prouver qu’elles étaient nécessaires en raison de sa charge de travail.

Quel est le rôle de l’employeur dans la justification des heures de travail effectuées par la salariée ?

L’employeur a un rôle crucial dans la justification des heures de travail effectuées par la salariée. Selon l’article L.3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ».

Cela signifie que l’employeur doit être en mesure de produire des documents ou des éléments qui attestent des heures de travail effectuées par la salariée. En l’absence de tels éléments, le juge peut se baser sur les preuves fournies par la salariée pour établir le nombre d’heures supplémentaires qu’elle a effectuées.

De plus, l’article L.3171-2 impose à l’employeur d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, ce qui renforce l’obligation de l’employeur de tenir un suivi rigoureux des heures de travail de ses salariés.

Quel est le cadre légal concernant le droit à la déconnexion des salariés soumis à une convention de forfait en jours ?

Le droit à la déconnexion est encadré par les dispositions de l’article L.3121-65 du code du travail, qui stipule que l’employeur doit veiller à ce que les salariés ne soient pas tenus d’utiliser les outils numériques en dehors de leurs heures de travail.

Dans le cadre d’une convention de forfait en jours, il est précisé que le salarié doit bénéficier d’un droit à la déconnexion pendant ses périodes de repos, ce qui inclut les jours fériés non travaillés, les repos hebdomadaires et les congés payés. L’employeur doit donc mettre en place des règles d’utilisation des outils numériques pour garantir ce droit.

L’absence de stipulations claires concernant le droit à la déconnexion dans la convention de forfait en jours peut entraîner la nullité de cette convention, comme l’indiquent les exigences de l’accord collectif qui doit prévoir des modalités de contrôle et de suivi du temps de travail.

Quel est le rôle des accords collectifs dans la mise en œuvre d’une convention de forfait en jours ?

Les accords collectifs jouent un rôle fondamental dans la mise en œuvre d’une convention de forfait en jours. Selon l’article L.3121-63 du code du travail, le recours au forfait en jours doit être prévu par un accord collectif, dont le contenu est strictement encadré par la loi.

Cet accord collectif doit définir les modalités de contrôle et de suivi du temps de travail, ainsi que les conditions de prise en compte des absences et des arrivées ou départs en cours de période. En l’absence d’un tel accord, la convention individuelle de forfait en jours peut être déclarée nulle.

De plus, l’accord collectif doit garantir le respect des durées raisonnables de travail et des temps de repos, ce qui est essentiel pour protéger la santé et la sécurité des salariés. Si l’employeur ne respecte pas ces stipulations, la convention de forfait en jours peut être privée d’effet, permettant ainsi au salarié de revendiquer le paiement d’heures supplémentaires.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 20 MARS 2025

PRUD’HOMMES

N° RG 22/02836 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MXZR

Madame [R] [H]-[VF]

c/

S.A.S. CHAIS MONNET II

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Christophe POUZIEUX de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE

Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 mai 2022 (R.G. n°F 20/00112) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGOULÊME, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 10 juin 2022,

APPELANTE :

[R] [H]-[VF]

née le 27 Juillet 1988 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représentée et assistée par Me Christophe POUZIEUX de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

SAS Chais Monnet II, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS

Assistée de Me UETTWILLER de la SCP UGGC, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 20 janvier 2025 en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d’instruire l’affaire, en l’absence de Madame Marie-Paule Menu, présidente de chambre empêchée, et de Monsieur Jean Rovinski, magistrat honoraire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Valérie Collet, conseillère,

Monsieur Jean Ronvinski, magistrat honoraire.

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

1- Selon un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 10 avril 2018, la SAS Chais Jean Monnet II a engagé Mme [R] [H]-[VF] en qualité de responsable comptable, niveau IV, échelon I de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.

2- Par un avenant prenant du 1er août 2019, Mme [H]-[VF] a été nommée responsable administrative financière et soumise à une convention de forfait en jours (218 jours annuels).

3- Par lettre remise en main propre le 4 novembre 2019, Mme [H]-[VF] a donné sa démission en sollicitant la possibilité de réduire la durée de son préavis de trois mois.

4- Mme [H]-[VF] a été placée en arrêt de travail à compter du 18 novembre 2019 jusqu’à la fin de son préavis.

5- Considérant avoir été victime de harcèlement moral l’ayant contrainte à la démission et contestant sa convention de forfait en jours, Mme [H]-[VF] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angoulême par requête reçue le 15 juillet 2020, afin d’obtenir la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d’heures supplémentaires outre des dommages et intérêts.

6- Par jugement du 16 mai 2022, le conseil a :

– débouté Mme [H]-[VF] de sa demande de condamnation de la SAS Chais Monnet II à produire le décompte de son temps de travail ainsi que les données de la badgeuse durant l’intégralité de son contrat de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard;

– dit la convention de forfait jours de Mme [H]-[VF] valide et opposable ;

– dit que Mme [H]-[VF] n’est pas recevable à solliciter le règlement d’heures supplémentaires ;

– dit que le travail dissimulé n’est pas caractérisé ;

– dit que les faits exposés par Mme [H]-[VF] ne sont pas constitutifs d’actes de harcèlement moral ;

– dit qu’il ne convient pas de requalifier la démission de Mme [H]-[VF] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [H]-[VF] de l’ensemble de ses demandes de paiement d’heures supplémentaires ainsi que des congés payés afférents ;

– débouté Mme [H]-[VF] de sa demande d’indemnisation pour travail dissimulé ;

– débouté Mme [H]-[VF] de sa demande d’indemnisation de préjudice moral lié au harcèlement moral ;

– débouté Mme [H]-[VF] de sa demande d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné Mme [H]-[VF] aux dépens de l’instance ;

– débouté Mme [H]-[VF] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

7- Mme [H]-[VF] a interjeté appel de cette décision, le 10 juin 2022, par voie électronique en toutes ses dispositions.

8- L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 janvier 2025, pour être plaidée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

9- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [H]-[VF] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

– condamner la SAS Chais Monnet II, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à produire le décompte de son temps de travail et les données de la badgeuse durant l’intégralité de son contrat de travail ;

– dire que la convention de forfait en jours est sans effet ;

– condamner la SAS Chais Monnet II à lui payer, à titre de rappel de salaire, les sommes de :

– 2 593,80 euros correspondant à 88 heures supplémentaires à 125% du 1er août 2019 au 4 février 2020;

– 259, 38 euros au titre des congés payés afférents ;

– 10 823,22 euros correspondant à 306 heures supplémentaires à 150% du 1er août 2019 au 4 février 2020 ;

– 1 082,32 euros au titre des congés payés afférents;

– condamner la SAS Chais Monnet II à lui payer la somme de 21 462 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– condamner la SAS Chais Monnet II à lui payer la somme de 42 924 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral découlant du harcèlement moral subi;

– requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la SAS Chais Monnet II à lui payer la somme de 7 154 euros en indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– débouter la SAS Chais Monnet II de toutes ses demandes;

– condamner la SAS Chais Monnet II aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

10- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Chais Jean Monnet II demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme [H]-[VF] aux dépens. A titre subsidiaire, elle sollicite que Mme [H]-[VF] soit condamnée à lui rembourser les 4 JRTT si la convention de forfait en jours était invalidée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité et d’inopposabilité de la convention de forfait en jours

Moyens des parties

11- Se fondant sur les dispositions des articles L.3121-53, L.3121-55, L.3121-58 et L.3121-63 du code du travail, Mme [H]-[VF] fait valoir que son employeur n’a pas respecté les règles formelles de la convention de forfait en jours. Elle explique que si l’avenant n°22bis du 7 octobre 2016 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997 a été adopté pour tenter de pallier les carences constatées par la chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 7 juillet 2015, (n°13-26.444), le ministre du travail a émis une réserve tenant à la nécessité d’adopter également un accord collectif d’entreprise afin de clarifier les conditions de travail des salariés soumis à une convention de forfait en jours, de prise en compte des absences, des arrivées ou départs au cours de la période et du droit à la déconnexion. Elle fait observer que l’article 5 de l’avenant à son contrat de travail n’aborde pas ces questions et qu’aucun accord collectif d’entreprise n’a été adopté à ce sujet.

Elle ajoute qu’aucune règle n’a été expressément arrêtée concernant ses repos hebdomadaires et quotidiens, l’avenant à son contrat de travail se contentant de reprendre les règles générales. Elle insiste sur le fait que l’absence de règle l’a contrainte de travailler tard le soir, durant ses week-ends et même lors de ses arrêts maladies. Elle précise que son employeur n’a pas produit de document de suivi mensuel permettant que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, de son travail. Elle conclut alors à l’inopposabilité de la convention de forfait en jours.

12- Elle affirme par ailleurs qu’elle n’était pas un cadre autonome dans la mesure où elle n’était pas indépendante dans l’organisation de son temps de travail mais où elle était au contraire totalement tenue par les horaires de l’hôtel, son organisation et les demandes incessantes de son employeur pendant ses congés ou ses jours de repos. Elle en conclut que la convention de forfait en jours n’était pas applicable.

13- Elle soutient encore, au visa de l’article L.3121-60 du code du travail, qu’aucun des entretiens prévus dans l’avenant à son contrat de travail n’a été réalisé alors qu’elle a travaillé près de 70 heures par semaine ce qui l’a conduite à un burn out. Elle estime que les problèmes concernant sa charge de travail auraient dus être discutés au cours de l’entretien annuel d’évaluation de la charge de travail ou lors d’une entrevue spécifique consécutive à son alerte. Elle ajoute qu’elle est reconnue travailleur handicapé et que son état de santé n’était pas compatible avec le très grand nombre d’heures de travail imposé par son employeur.

14- Pour s’opposer à la demande de Mme [H]-[VF], la société Chais Jean Monnet II soutient que l’affirmation de la salariée sur la nécessité de conclure un accord collectif d’entreprise alors même que la convention collective HCR intègre des dispositions permettant la mise en oeuvre de la convention de forfait en jours sur l’année est dépourvue de tout fondement légal. Elle ajoute que l’argumentation de Mme [H]-[VF] est contraire à l’article L.3121-63 du code du travail, que l’accord d’entreprise ne s’impose qu’en l’absence d’accord de branche, les dispositions étant alternatives et non cumulatives et qu’en tout état de cause, l’article 5 de l’avenant du 1er août 2019 intègre toutes les précisions nécessaires à la validité d’une convention individuelle de forfait en jours sur l’année.

15- Elle prétend par ailleurs que Mme [H]-[VF] était un cadre dont l’autonomie se manifestait dans l’organisation de son activité et dans sa prise de congés, le tout en conformité avec la convention collective de branche. Elle ajoute qu’il n’est pas démontré que Mme [H]-[VF] aurait reçu des instructions quant à ses horaires ou à ses congés. Elle fait observer que la salarié a travaillé 18 jours en août 2019, 11 en septembre 2019, 17 en octobre 2019 et 4 jours en novembre 2019.

16- Elle rappelle que la période de forfait en jours n’a pris effet que le 1er août 2019 et a pris fin le 19 novembre 2019 par suite de l’arrêt maladie de l’appelante, Mme [H]-[VF] ayant travaillé 50 jours sur une période de 3,5 mois. Elle estime que l’évocation de l’accomplissement d’heures supplémentaires intégralement rémunérées ainsi que les récupérations obtenues mais correspondant à une période de travail antérieure à la conclusion de la convention de forfait ne peuvent pas caractériser un surcroît de travail à compter du 1er août 2019 mais caractérisent en revanche la mauvaise foi de l’appelante. Elle insiste sur le fait que la surcharge de travail alléguée à compter du 1er août 2019 était matériellement impossible. Elle affirme en outre que Mme [H]-[VF] n’a pas assumé la charge de trois personnes et n’a pas fait face à l’indifférence de sa hiérarchie.

Réponse de la cour

17- Il résulte des articles L.3121-53 et suivants du code du travail que :

– le forfait en jours est annuel (article L. 3121-54)

– le forfait doit fait l’objet d’un accord du salarié et être établi par écrit (article L. 3121-55)

– seuls peuvent conclure une convention de forfait en jours les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés et les salariés dont la durée de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées (article L. 3121-58). La convention collective peut prévoir des conditions plus restrictives, qui s’imposent alors à tous,

– le recours au forfait en jours doit être prévu par un accord collectif (article L. 3121-63) dont le contenu est strictement encadré par la loi, à peine de nullité de la convention individuelle qui serait ensuite conclue.

18- L’absence d’éligibilité du salarié soumis à un forfait en jours conduit à la nullité de la convention individuelle (Soc., 31 octobre 2007, pourvoi n° 06-43.876 ; Soc., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-14.637).

19- L’accord collectif doit prévoir les modalités de contrôle et de suivi (Soc. 13 décembre 2006, n° 05-14.685). Mais, l’accord collectif prévoyant la convention de forfait peut être complété par un accord d’entreprise (Soc., 26 mai 2004, n° 02-10.723). L’accord collectif ne suffit pas pour soumettre le salarié à une convention de forfait et une convention individuelle écrite, fixant le nombre de jours inclus dans le forfait, est nécessaire (Soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990)

20- Pour servir valablement de support à une convention individuelle de forfait en jours, l’accord collectif doit comporter des stipulations qui assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Tel est le cas du dispositif organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d’un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du service de ressources humaines (Soc., 8 septembre 2016, pourvoi n°14-26.256)

21- Le juge doit vérifier que l’accord collectif offre la garantie exigée (Soc., 18 septembre 2019, pourvoi n°18-11.277), au besoin d’office (Soc., 31 octobre 2007, pourvoi n°06-43.876).

22- La convention de forfait conclue sur la base d’un accord collectif qui ne répond pas à ces exigences est nulle (Soc., 24 avril 2013, pourvoi n°11-28.398). Par ailleurs, lorsque l’employeur ne respecte pas les stipulations de l’accord collectif qui avait pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jour est privée d’effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n°09-71.107) en application des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail.

23- En l’espèce, les parties s’accordent pour reconnaître que la relation de travail est soumise à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants (HCR) du 30 avril 1997. L’avenant n°22bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes, qui annule et remplace l’avenant n° 22 à la convention collective nationale HCR relatif aux cadres autonomes du 16 décembre 2014 et se substitue aux dispositions de l’article 13.2 de l’avenant n° 1 du 13 juillet 2004, prévoit notamment :

– en son ‘article 1. Salarié pouvant être soumis à une convention individuelle de forfait en jours sur l’année ‘ la notion de cadre autonome’ que :

‘La convention individuelle de forfait en jours sur l’année est applicable aux salariés autonomes, à savoir les salariés qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées, dont la durée de travail ne peut être prédéterminée et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de leur service ou de leur équipe.

Les catégories de salariés pouvant donc être soumis à une convention individuelle de forfait en jours sur l’année sont les cadres relevant du niveau V de la grille de classification de la convention collective nationale des HCR et bénéficiant d’une rémunération moyenne mensuelle sur l’année, qui ne peut être inférieure au plafond mensuel de la sécurité sociale.

Plus précisément, est autonome le salarié qui, tout en étant soumis aux directives de son employeur ou de son supérieur hiérarchique dans le cadre de la réalisation de ses missions, reste maître de l’organisation de son emploi du temps c’est-à-dire qu’il détermine notamment librement :

‘ ses prises de rendez-vous ;

‘ ses heures d’arrivée et de sortie en tenant compte de la charge de travail afférente à ses fonctions ;

‘ de la répartition de ses tâches au sein d’une journée ou de 1 semaine ;

‘ de l’organisation de ses congés en tenant compte des impératifs liés au bon fonctionnement de l’entreprise et dans le respect des modalités de prises de congés fixées par l’employeur’

Pour cette catégorie de cadre, les entreprises peuvent mettre en place directement, en application du présent avenant, des conventions de forfait annuel en jours dans les conditions ci-après.’

– en son article 2.1 que : ‘Le recours au forfait annuel en jours nécessite la conclusion d’une convention individuelle de forfait en jours, précisant la nature des fonctions justifiant le recours à cette modalité d’organisation du temps de travail ainsi que le plafond de jours travaillés compris dans ce forfait. Cette convention fera l’objet d’un avenant ou de stipulations dans le contrat de travail’,

– en son article 2.2 que ‘ Le nombre de jours travaillés ne peut être supérieur à 218 jours sur une période de 12 mois. Ce nombre comprend la journée de solidarité prévue par la loi du 30 juin 2004, relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Ce plafond de référence s’apprécie sur une année complète pour des salariés bénéficiant de droits complets à congés payés. Le décompte s’effectue par demi-journées ou journées.

Il sera réduit proportionnellement en cas d’entrée ou de sortie en cours d’année. Cette règle de proratisation sera la même en cas d’absence, assimilée ou non à du temps de travail effectif’

– en son article 2.4 relatif au suivi du temps de travail que :

‘Le décompte des journées et demi-journées travaillées se fait sur la base d’un système auto-déclaratif faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaires, congés payés, jours fériés’) ainsi que le nombre de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail pris et ceux restant à prendre.

L’organisation du travail de ces salariés devra faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veillera notamment aux éventuelles surcharges de travail.

Pour cela, l’employeur procédera :

‘ à une analyse de la situation ;

‘ et prendra, toutes dispositions adaptées pour respecter, en particulier, la durée minimale du repos quotidien prévue par l’article 21.4 de la convention collective nationale des HCR et de ne pas dépasser le nombre de jours travaillés, et ce dans les limites prévues à l’article 2.5 du présent avenant.

La charge du travail confiée et l’amplitude de la journée d’activité en résultant, doivent permettre à chaque salarié de prendre obligatoirement le repos quotidien visé ci-dessus; la durée minimale de ce repos est fixée légalement à 11 heures prises d’une manière consécutive et, si nécessaire, selon les modalités de l’article 21.4 de la convention collective nationale des HCR.

De plus, ces cadres doivent bénéficier du repos hebdomadaire selon les modalités prévues à l’article 21.3 de ladite convention collective. Par ailleurs, il est rappelé qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine.

En tout état de cause, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait jours devra bénéficier chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l’amplitude de ses journées d’activité, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.

À la demande du salarié, un deuxième entretien pourra être demandé et l’employeur ne pourra pas le refuser.

Dans le cadre de l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, la sécurité et la santé du salarié et notamment afin de garantir le respect des durées maximales du travail, l’employeur veillera à rappeler au salarié que le matériel professionnel mis à sa disposition, tels qu’ordinateur ou téléphone portable, ne doit pas, en principe, être utilisé pendant ses périodes de repos. En d’autres termes, le salarié bénéficie d’un droit à la déconnexion pendant les jours fériés non travaillés, les repos hebdomadaires et les congés payés.’

24- Cependant, l’arrêté d’extension du 9 mars 2018 précise que :

‘Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d’application de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, les dispositions de l’avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes, à la convention collective nationale susvisée.

L’article 2.2 est étendu sous réserve de la conclusion d’un accord d’entreprise précisant les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période, conformément au 4° du I de l’article L. 3121-64 du code du travail. A ce titre, l’accord pourrait par exemple prévoir une règle de calcul permettant de déterminer le salaire journalier du salarié, ou encore des modalités de régularisation de la rémunération du salarié quittant l’entreprise en cours de période de référence alors qu’il n’a pas bénéficié de l’ensemble des jours de repos auxquels il pouvait prétendre ou, au contraire, qu’il a bénéficié de plus de jours que ceux auxquels il pouvait prétendre.

L’article 2.4 est étendu sous réserve d’être complété par un accord d’entreprise, en application du 3° du II de l’article L. 3121-64 ou, à défaut, par la fixation par l’employeur lui-même, des modalités d’exercice du droit du salarié à la déconnexion, conformément aux dispositions du II l’article L. 3121-65 du code du travail. La fixation des modalités d’exercice du droit du salarié à la déconnexion peut consister à instaurer des règles d’utilisation des outils numériques par les salariés (définition de plages habituelles de travail en dehors desquelles le salarié est présumé non connecté, rappel que les courriels sont envoyés en priorité pendant ces plages et qu’un courriel reçu en dehors n’appelle pas de réponse immédiate sauf situations d’urgence prédéfinies) ou encore à prévoir un paramétrage informatique des outils numériques contribuant à une déconnexion efficiente (message automatique informant le salarié qu’il s’apprête à envoyer un courriel en dehors des plages habituelles de travail et l’invitant à différer son envoi, intégration d’alertes dans la signature des courriels précisant au destinataire qu’il n’est pas tenu d’y répondre immédiatement s’il le reçoit pendant ses temps de repos, voire interruption des serveurs pendant ces plages et les jours de repos hebdomadaire). Une analyse périodique des volumes de connexions et de messages envoyés sur certaines plages horaires peut contribuer à identifier un usage trop intensif des technologies numériques, lié à une surcharge de travail, et mettre en ‘uvre des mesures de prévention et d’accompagnement adaptées.[…]’

25- Or, il n’est justifié d’aucun accord d’entreprise au sein de la société Chais Jean Monnet II, cette dernière se contentant de faire valoir de manière inopérante que la convention HCR intègre déjà des dispositions permettant la mise en oeuvre de convention de forfait en jours sur l’année.

26- Par ailleurs, l’avenant au contrat de travail de la salariée, signé le 1er août 2019, prévoit en son article 5 que :

‘Le salarié est soumis, dans le cadre de l’organisation de son temps de travail, eu égard à son statut, à son autonomie dans l’organisation de son emploi du temps (il détermine librement ses prises de rendez-vous, ses heures d’arrivées et de sortie, en tenant compte de la charge de travail afférente à ses fonctions, la répartition de ses tâches au sein d’une journée ou d’une semaine, l’organisation de ses congés, en tenant compte des impératifs liés au bon fonctionnement de l’entreprise et dans le respect des modalités de prise de congés fixées par l’employeur etc…), à ses déplacements en France et à l’étranger, à la nécessaire liberté dans l’organisation de son temps de travail dont il doit jouir, à ses responsabilités et à l’impossibilité de prédéterminer ses temps et horaires de travail, à une convention de forfait de 218 jours, journée de solidarité incluse.

Ce plafond de référence s’apprécie sur une année complète pour des salariés bénéficiant de droits complets à congés payés.

Il est rappelé au salarié qu’il importe de respecter, en dépit de cette convention de forfait jours, les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail ainsi que les temps de repos quotidiens et hebdomadaires. Pendant les temps de repos du salarié, celui-ci à obligation de se déconnecter de tous les outils de communication à distance. Il est rappelé au salarié que le matériel professionnel mis à sa disposition, tel qu’ordinateur ne doit pas, en principe, être utilisé pendant ses périodes de repos.

Afin de préserver la santé du salarié et sa sécurité sur son lieu de travail, le salarié renseignera un document de suivi mensuel des journées ou demi-journées travaillées, des jours de repos hebdomadaires, des jours de congés payés, des jours fériés chômés, des jours de repos pris au titre de la réduction du temps de travail qu’il remettra à l’employeur en fin de mois afin que l’employeur puisse assurer un suivi objectif, fiable et contradictoire.

Il devra indiquer si le temps de repos entre deux jours de travail a été respecté. Ce document sera émargé chaque fin de mois par le salarié, qui en conservera une copie.

Le salarié décidera de ses jours de repos en respectant un délai de prévenance d’un mois. L’employeur peut reporter la prise de repos en cas d’absences simultanées de cadres, en respectant un délai de prévenance de trois semaines pour les absences programmées, délai ramené à 5 jours ouvrables en cas d’absences pour maladie ou accident d’autres cadres.

Le salarié, en cas de charge de travail excessive, aura la possibilité d’émettre par écrit une alerte auprès de l’employeur qui, dans ce cas, le recevra dans les huit jours avant de formaliser par écrit les mesures pour y remédier.

Deux entretiens annuels individuels seront menés à l’occasion desquels seront évoqués la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’amplitude de ses journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et la rémunération du salarié.

En sus de ces entretiens, auront lieu des échanges périodiques relatifs au suivi de la charge de travail à la demande du salarié.

A la demande de l’employeur, le salarié pourra être amené à travailler les samedis et dimanches compte tenu des impératifs organisationnels de l’entreprise.

Le salarié n’est pas tenu de travailler au-delà du plafond de 218 jours.

Mais le salarié peut, s’il le souhaite, en accord avec l’employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos, dans la limite de 10 jours par an.

Cette renonciation donnera lieu à un accord individuel écrit signé par le salarié et l’employeur au plus tard 3 mois avant la fin de la période de référence.

La rémunération de ces jours de travail supplémentaires donne lieu à majoration à hauteur de :

– 15% pour les 5 premiers jours supplémentaires,

– 25% pour les jours suivants.

En tout état de cause, le nombre maximum de jours travaillés fixé conventionnellement doit être compatible avec les dispositions du code du travail relatives aux repos quotidiens et hebdomadaires, aux jours fériés chômés dans l’entreprise et aux congés payés.’

26- Il s’ensuit que l’employeur n’a ni précisé les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ni fixé les modalités du droit à la déconnexion de Mme [H]-[VF].

27- Par conséquent, la cour, infirmant le jugement entrepris, prononce la nullité de la convention individuelle de forfait en jours de Mme [H]-[VF] dans la mesure où les conditions de validité de cette convention ne sont pas réunies.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Moyens des parties

28- Mme [H]-[VF] indique ne pas être en mesure de retracer précisément les heures de travail qu’elle a effectuées à compter du 1er août 2019 jusqu’au 4 février 2020 puisque son employeur ne tenait aucun décompte de son temps de travail. Elle considère que l’employeur doit être condamné, sous astreinte, à produire le décompte de son temps de travail ainsi que les données de la badgeuse. Elle indique qu’après avoir reconstitué son emploi du temps, il apparaît qu’elle a accompli 88 heures supplémentaires devant être rémunérées 25% et 205h39 heures supplémentaires devant être rémunérées à 50%.

29- La société Chais Jean Monnet II fait valoir que la prise de jours de congés et RTT par Mme [H]-[VF] à compter du 1er août 2019 est incompatible avec la surcharge de travail invoquée alors que l’organisation mise en place ne justifiait pas une augmentation de l’effectif du service finances. Elle ajoute que la contestation de la validité de la convention de forfait en jours étant inopérante, il n’y a pas lieu d’examiner la demande au titre des heures supplémentaires qui est contredite par le faible nombre de jours travaillés. Elle affirme que la demande de comptabilisation des heures de travail prétendument effectuées sur la base de 35 heures est ‘irrecevable’. Elle rappelle que la durée hebdomadaire du travail était de 39 heures. Elle indique enfin que la salariée ne peut pas cumuler une demande d’heures supplémentaires avec le bénéfice de 4 jours de RTT dont elle a bénéficié depuis le 1er août 2019, l’employeur étant fondé à réclamer le remboursement des JRTT.

Réponse de la cour

30- La clause de forfait en jours étant nulle, le salarié peut prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles (Soc., 17 novembre 2021, n°19-16.756).

31- Aux termes de l’article L. 3121-28 du code du travail :’Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent’.

32- Seules les heures supplémentaires commandées par l’employeur peuvent être rémunérées comme telles. Il n’existe, en effet, pas de droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires sauf engagement de l’employeur vis à vis du salarié à lui en assurer l’exécution d’un certain nombre. A défaut d’un tel engagement, seul un abus de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction peut ouvrir droit à indemnisation (Soc., 10 octobre 2012, n°11-10.455). Un accord implicite de l’employeur suffit (Soc., 16 mai 2012, n°11-14.580); en l’absence de commande préalable expresse, il appartient donc au salarié d’établir que l’employeur savait qu’il accomplissait des heures supplémentaires (Soc., 2 novembre 2016, n°15-20.540). Le salarié peut également prétendre au paiement des heures supplémentaires lorsque celles-ci ont été rendues nécessaires par sa charge de travail (Soc., 14 novembre 2018, n°17-16.959). Plus précisément, le droit au paiement d’heures supplémentaires est également ouvert lorsque le salarié justifie que les tâches inhérentes au travail commandé ne pouvaient pas être effectuées dans les limites des horaires de travail fixés (Soc., 18 juin 2015, n°13-27.288). Le juge doit en conséquence rechercher si les heures supplémentaires invoquées par le salarié étaient commandées, explicitement ou implicitement par l’employeur, ou si elles résultaient de sa charge de travail laquelle est fixée également par l’employeur. Si tel est le cas, le juge doit alors vérifier l’existence d’heures supplémentaires.

33- En application de l’article L. 3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

34- Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1 (imposant à l’employeur l’établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l’article L. 3171-3 (imposant à l’employeur de tenir à disposition de l’inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

35- Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu’ils soient suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre.

36- En l’espèce, au soutien de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, Mme [H]-[VF] produit :

– ses bulletins de salaire révélant que conformément à son contrat de travail initial, elle était rémunérée du mois d’avril 2018 au mois de juillet 2019, pour 4 heures supplémentaires hebdomadaires, le bulletin de salaire d’août 2019 fait état du paiement d’une somme de 3 488,61 euros brut correspondant à un rappel d’heures supplémentaires pour la période antérieure,

– un agenda reconstitué mois par mois à compter du mois d’août 2019 jusqu’au mois de février 2020, dans lequel elle a mentionné, jour par jour, son amplitude horaire de travail, les jours de repos, RTT et congés payés avec les horaires du travail qu’elle déclare avoir effectués

– des sms et des mails envoyés et/ou reçus lors de ses jours de congés et le soir,

– des attestations de proches : M. [K] [H], son père, Mme [UL] [H]-[VF], sa soeur, Mme [NX] [ZD], son amie, qui expliquent que Mme [H]-[VF] travaillait beaucoup, plus de 10 heures par jour jusqu’à 22h ou 23h le soir, 6 jours sur 7 et que la pression des bilans de chaque fin de mois la plongeait dans un stress permanent,

– des attestations de personnes ayant travaillé avec elle au sein de la société Chais Jean Monnet II : Mme [A] [P], Mme [SB] [X], M. [MJ] [B] et M. [W] [C], qui déclarent qu’à compter du moment où Mme [H]-[VF] a été nommée responsable administrative et financière, elle a travaillé autour de 70 heures par semaine sans remplacement des employés manquants dans le service et qu’elle ne bénéficiait plus de ses temps de repos et de congés correctement puisqu’elle recevait des mails de la direction et que personne ne la remplaçait. Ils confirment qu’il n’était pas rare de voir Mme [H]-[VF] vers 7h30 le matin mais aussi vers 22h30-23h le soir.

37- Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et de produire ses propres éléments. A cet égard, la cour considère qu’il n’est pas justifié de condamner la société Chais Jean Monnet II à produire le décompte du temps de travail de la salarié et les données de la badgeuse dès lors d’une part, qu’à compter du 1er août 2019, l’employeur a appliqué, certes à tort, les dispositions relatives à la convention de forfait en jours et d’autre part, que les éléments produits par Mme [H]-[VF] sont suffisants. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

38- La cour observe par ailleurs que la société Chais Jean Monnet II, qui ne produit aucun élément, se contente de soutenir de manière inopérante que l’organisation de l’activité de Mme [H]-[VF] n’était pas compatible avec la surcharge de travail invoquée alors qu’il ressort des pièces produites par la salariée et des débats que Mme [H]-[VF] travaillait, avant même d’être nommée responsable administrative et financière, au-delà de 39 heures par semaine ce qui a donné lieu à un rappel de salaire en août 2019. Or, à compter du 1er août 2019, Mme [H]-[VF] a endossé des responsabilités supplém


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