Tribunal judiciaire de Valenciennes, 3 avril 2025, RG n° 22/02730
Tribunal judiciaire de Valenciennes, 3 avril 2025, RG n° 22/02730

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Valenciennes

Thématique : Responsabilité professionnelle et perte de chance dans le cadre d’un licenciement contesté.

Résumé

Monsieur [C] [U], salarié de la société [14] [U] depuis 1983, a été licencié pour faute grave en novembre 2017 après une mise à pied conservatoire. Le licenciement a été justifié par plusieurs griefs, notamment l’absence de suivi de production et des décisions préjudiciables à l’entreprise. Contestant ces motifs, Monsieur [C] [U] a saisi le conseil des prud’hommes, qui a confirmé la légitimité de son licenciement en juin 2019.

Monsieur [C] [U] a ensuite fait appel de cette décision, mais son avocat, Maître [I] [T], a omis de respecter le délai de trois mois pour signifier les conclusions, entraînant la caducité de l’appel. Se prévalant d’une faute professionnelle de son conseil, Monsieur [C] [U] a assigné Maître [I] [T] et la société [16] devant le tribunal judiciaire de Valenciennes, demandant une indemnisation pour la perte de chance de faire examiner son litige en appel.

Dans ses conclusions, Monsieur [C] [U] a évalué son préjudice à 175 439 euros, incluant des rappels de salaires, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts. Il a soutenu que les griefs invoqués par son employeur n’étaient pas fondés et que la procédure disciplinaire avait été entachée de prescription. En réponse, Maître [I] [T] et la société [16] ont contesté la responsabilité, arguant que le licenciement était justifié et que l’absence de lien de causalité entre la faute de l’avocat et le préjudice allégué était manifeste.

Le tribunal a finalement reconnu la faute de Maître [I] [T] et a condamné in solidum l’avocat et la société [16] à verser à Monsieur [C] [U] la somme de 99 498,93 euros en réparation de son préjudice, tout en ordonnant l’exécution provisoire de la décision.

N° RG 22/02730 – N° Portalis DBZT-W-B7G-F2PR

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/02730 – N° Portalis DBZT-W-B7G-F2PR
N° minute : 25/88
Code NAC : 63B
LG/AFB

LE TROIS AVRIL DEUX MIL VINGT CINQ

DEMANDEUR

M. [C] [U]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 8], demeurant [Adresse 13]
représenté par Maître Fabienne MENU membre de la SCP D’AVOCATS ACTION CONSEILS, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

DÉFENDERESSES

Société [16] (SA), société anonyme immatriculée au RCS du MANS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4], ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Gilles GRARDEL de l’AARPI KERAS AVOCATS, Association d’Avocats inscrite au Barreau de LILLE et PARIS, avocats plaidant

Maître Gwendoline MUSELET, avocat au Barreau de LILLE, sise [Adresse 15]
représentée par Maître Gilles GRARDEL de l’AARPI KERAS AVOCATS, Association d’Avocats inscrite au Barreau de LILLE et PARIS, avocats plaidant

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société [17], société anonyme immatriculée au RCS du Mans sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5], ayant son siège social [Adresse 1],
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Gilles GRARDEL de l’AARPI KERAS AVOCATS, Association d’Avocats inscrite au Barreau de LILLE et PARIS, avocats plaidant

* * *

Jugement contradictoire , les parties étant avisées que le jugement sera prononcé le, 24 mai 2024 par mise à disposition au greffe prorogé à la date de ce jour, et en premier ressort par Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Présidente, assistée de Madame Anne Françoise BRASSART, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier.

Débats tenus à l’audience publique du 15 Février 2024 devant :

– Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Présidente,
– Madame Aurélie DESWARTE, Juge,
– Madame Nathalie REGULA, Magistrat à titre temporaire,

assistées de Madame Anna BACCHIDDU, Greffier.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] [U] était salarié depuis le 1er janvier 1983 de la société [14] [U], société créée par son père, Monsieur [W] [U] et dirigée par celui-ci jusqu’en décembre 2002.

Au décès de Monsieur [W] [U], la direction de l’entreprise a été assurée par Monsieur [R] [U], frère de Monsieur [C] [U].

En raison de difficultés économiques, la société [14] [U] a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en date du 02 juillet 2015.

Dans ce cadre, un plan de cession a été arrêté le 16 septembre 2016 et l’activité de la société a été reprise par une société nouvellement créée, dénommée la [20] [U].

Cette reprise d’activité a entraîné transfert automatique des contrats de travail en cours dont celui de Monsieur [C] [U].

Ce dernier a signé, le 23 septembre 2016, avec son nouvel employeur, un contrat de travail à durée indéterminée mentionnant son embauche en qualité de responsable de production, statut cadre, niveau X, échelon 6 de la convention collective des produits alimentaires élaborés, avec une reprise de son ancienneté de 33 ans et 9 mois.

Le 31 octobre 2017, Monsieur [C] [U] s’est vu notifier une mise à pied conservatoire.

Il a été convoqué à un entretien préalable le 09 novembre 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 novembre 2017, il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :
• Une absence de mise en place de suivi et de management de production ;
• Des prises de décisions préjudiciables à l’entreprise révélées notamment par un audit qualité intervenu en juin 2017 ;
• Une absence de suivi des instructions et demandes de développement;
• Son emportement au cours d’une réunion de travail prévue le 31 octobre 2017.

Contestant la réalité des motifs invoqués à l’appui de la rupture de son contrat de travail, Monsieur [C] [U] a saisi le conseil des prud’hommes de Boulogne-sur- Mer aux fins de voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes et indemnités.

Par jugement en date du 18 juin 2019, le conseil des prud’hommes a dit que le licenciement pour faute grave était justifié et a débouté le requérant de l’ensemble de ses demandes.

Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 19 juillet 2019, Monsieur [C] [U], représenté par son avocat, Maître Gwendoline MUSELET, a relevé appel du jugement précité.

Par ordonnance du 27 mars 2020, la Cour d’appel de Douai a prononcé la caducité de l’appel en raison du non-respect par l’appelant du délai de 3 mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile.

Se prévalant d’une faute professionnelle commise par son conseil, Monsieur [C] [U], par acte délivré les 19 et 20 octobre 2022, a fait assigner Maître [I] [T] et la société [16] devant le tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins d’indemnisation de son préjudice.

La société [17] est intervenue volontairement à la procédure.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 juin 2023, Monsieur [C] [U] demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– la condamnation in solidum de Maître [I] [T] et la Société [16] à lui verser la somme de 175 439 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas avoir pu exercer son droit d’appel,
– la condamnation in solidum de Maître [I] [T] et la Société [16] aux entiers frais et dépens d’instance avec droit au recouvrement direct de la SCP [6].

Au soutien de ses prétentions, il expose, au visa de l’article 1231-1 du code civil, que Maître [I] [T] a manqué à son obligation de diligence et a commis une faute en ne signifiant pas les conclusions d’appel dans le délai de trois mois imposé par l’article 908 du code de procédure civile. Il estime avoir subi un préjudice résultant de la perte de chance de voir examiner le litige l’opposant à son employeur devant la Cour d’appel et évalue son préjudice à hauteur de 175 439 euros en expliquant que les moyens qu’il entendait soulever devant le second degré de juridiction étaient pertinents et permettaient d’envisager l’infirmation de la première décision.

Il précise s’être en effet longuement expliqué sur les griefs reprochés au cours de la procédure de première instance de telle sorte qu’il disposait d’une réelle chance en procédure d’appel d’obtenir une décision favorable. A ce titre, il fait observer que son employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire pour rompre son contrat de travail et non pas sur celui de l’insuffisance professionnelle, qu’à ce titre, il lui incombait d’établir la réalité des quatre griefs invoqués ainsi que l’abscence de prescription des faits présentés comme fautifs.
Il considère qu’une telle démonstration faisait défaut, que les premiers juges se sont fondés sur les seules allégations de l’employeur et n’ont pas pris la peine d’examiner la question de la prescription pourtant soulevée à l’égard de certains des faits reprochés. Il fait état de la qualité de son travail en précisant qu’aucun document ne démontre son manque d’implication ou d’exécution et qu’au contraire, des salariés et représentants de sociétés extérieures en relation professionnelles avec lui, ont pu louer ses qualités professionnelles.

Il rappelle les différentes demandes indemnitaires présentées à l’encontre de son employeur, soit :
– 2 691,60 euros, outre 269,16 euros de congés y afférents au titre des salaires non perçus entre le 31 octobre et le 18 novembre 2017 correspondant à sa mise à pied et justifie le montant au regard des bulletins de salaire sur lequels apparaît la retenue opérée,
– 14 250,00 euros, outre 1 425,00 euros de congés y afférents au titre des sommes dues pendant le délai de préavis et justifie le montant en indiquant qu’il convient de retenir le salaire brut, le licenciement pour faute grave ne pouvant être retenu et la somme ne devant pas être minorée dans le cadre d’une perte de chance,
– 56 802 euros au titre de l’indemnité de licenciement correspondant à 34 ans et 11 mois d’ancienneté et en application de la convention collective applicable,
– 95 000 euros au titre de son préjudice économique et moral.
Pour ce chef de préjudice, il fait valoir qu’il a été licenciement de façon brutale après 34 années d’ancienneté ; qu’il a des charges de famille et des engagements patrimoniaux à respecter auprès des banques et qu’il a peu de chance de retrouver un travail.

En réponse aux arguments adverses quant aux griefs reprochés venant, selon les défendeurs, caractériser la faute grave, il présente l’argumentation suivante:

– s’agissant du refus de mise en place du suivi et de management de la production,
En premier lieu, il soutient que les faits fondant ce grief sont prescrits : la procédure disciplinaire étant intervenue le 31 octobre 2017, sans respect du délai de deux mois imparti en la matière puisque l’employeur a formulé les reproches relatifs au planning de fabrication dans un mail daté du 23 août 2017. En tout état de cause, il estime le grief comme non fondé, dans la mesure où dans le cadre d’une réorganisation mise en place à la suite de la cession de l’entreprise, cette tâche lui avait été retirée pour être confiée à un salarié spécialement embauché pour ce faire, à savoir Monsieur [Z].Il indique qu’en outre les plannings ont bien été réalisés par Monsieur [Z], ce qui est confirmé par les mails et attestations qu’il verse en procédure et qui avaient été présentés devant le conseil des prud’hommes. Il relève qu’antérieurement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement son employeur ne lui avait jamais manifesté son mécontentement.
Il ajoute qu’en outre l’employeur ne prouve aucunement que l’absence de réponse aux mails envoyés les 23 août, 20 septembre, 04 et 30 octobre 2017 aurait porté préjudice aux intérêts de l’entreprise.

– s’agissant de la prise de décisions sans en référer à la hiérarchie,
Il souligne que de façon paradoxale, son employeur lui reproche tantôt son inertie, tantôt sa prise d’initiative.
* sur le fait d’avoir demandé à un salarié en arrêt maladie d’effectuer une prestation :
Il explique ne pas contester avoir demandé à Monsieur [P], avec l’accord de celui-ci, de venir quelques minutes pour vérifier la température des réfrégirateurs le 25 décembre 2016. Il indique que le salarié n’est resté qu’un temps très court dans les locaux de l’entreprise. Il réfute la situation de handicap du salarié concerné.
Il soutient qu’en tout état de cause, ce grief est prescrit.

* Sur le changement intempestif de fournisseurs et matières premières et la non-conformité des étiquettes d’emballages :
Il conteste la lecture faite en défense de l’audit [Adresse 11] et [10]. D’une part, s’agissant de l’audit [Adresse 11] du 15 décembre 2016, il argue successivement de ce que la société a certifié les produits [12] le 27 juillet 2017, que le changement de fournisseur a été décidé par le repreneur, Monsieur [X], qu’il n’est pas responsable de l’absence d’enregistrement de deux réclamations clients et qu’en tout état de cause, cet événement n’a pas fait l’objet de sanction disciplinaire dans les deux mois de sa connaissance par l’employeur, de sorte qu’il est prescrit. D’autre part, s’agissant de l’audit [10], il avance que le risque de perte d’agrément de la certification internationale n’est pas caractérisé puisque cette dernière a été renouvelée le 24 juillet 2017, que le reproche concernant la perte du client [7] n’a pas lieu d’être puisque ce dernier n’était pas client de l’entreprise et que, n’étant pas chargé de la politique qualité de la société, il ne peut-être tenu responsable des exigences des standards qualité supérieure des différents prospects, qu’en outre il n’est pas comptable de la mauvaise notation attribuée à l’entreprise (note D), dès lors que la non-conformité majeure sur la mise à jour des étiquettes et des nouvelles législations et les 22 non conformités mineures ne relevaient pas de sa compétence mais de celle du président directeur général et du service qualité. A propos du grief tiré de la modification des ingrédients donnant un produit différent que celui initialement développé, il conteste cette accusation soulignant que l’employeur ne cite pas les produits en question et n’apporte pas la preuve de ces faits. Il admet cependant la modification de la recette « pecten maximus » remplaçant les coquilles Saint-[W] escalopées par des coquilles Saint-[W] entières mais précise qu’une telle modification ne change en rien la recette, que Monsieur [X] a exigé cette modification lui-même et qu’aucune preuve de mécontentement des clients n’est apportée. Il explique n’avoir jamais eu la moindre observation par son employeur sur ce sujet, outre le fait que cet événement du début d’année 2017 n’a pas fait l’objet de sanction disciplinaire dans les deux mois.

– S’agissant de son emportement lors de la réunion du 31 octobre 2017
Il explique qu’aucune réunion n’était prévue ce matin-là, qu’il a été convoqué le matin même dans le bureau de Monsieur [X] pour se voir immédiatement signifier sa mise à pied puis son licenciement et qu’il a manifesté sa désapprobation de façon non violente et dans le calme.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2023 par voie électronique, Maître [I] [T], la société [16] et la société [17] demandent au tribunal de :
– débouter Monsieur [U] de l’ensemble des demandes, fins et conclusions adverses,
– condamner Monsieur [C] [U] à leur verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers frais et dépens de l’instance.

Sans discuter la faute commise par le conseil de Monsieur [C] [U], ils font cependant valoir qu’il n’existe aucun lien de causalité entre l’omission de l’avocat et les préjudices allégués par le demandeur. Ils soutiennent que le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de Monsieur [C] [U] était fondé et aurait été confirmé par la cour d’appel au regard des fautes avérées invoquées par l’employeur. Ils font valoir, à cet effet, que Monsieur [C] [U] a commis une faute en refusant la mise en place des éléments de suivi et de management de production imposés par la direction. Ils expliquent que le jugement du conseil des prud’hommes a constaté de nombreux mails de l’employeur laissés sans réponse, ce qui n’est pas contesté par le demandeur. Ils rappellent que le contrat de travail de Monsieur [C] [U] mentionne bien que ce dernier était chargé d’assurer la gestion de la production dans son ensemble, la gestion des achats et de la logistique, la gestion et le suivi du personnel sous sa responsabilité. Ils estiment que les attestations produites par la partie adverse pour démentir ce point, sont dénuées de force probante.
En outre, ils considère que le demandeur a également commis une faute en prenant certaines décisions sans en référer à sa hiérarchie. Ils précisent que le salarié s’est arrogé un pouvoir de direction à l’égard d’un autre salarié et a changé de fournisseurs sans l’accord préalable de ses supérieurs. Ils évoquent par ailleurs le non-respect des procédures de certification conduisant à un audit qualité déplorable en juin 2017. Enfin, ils affirment que Monsieur [C] [U] n’a pas respecté les instructions et demandes en matière de développement puisque ce dernier a modifié les recettes sans information, prévention ni autorisation de ses supérieurs et n’a pas respecté les contraintes réglementaires et sanitaires. Ils indiquent que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la fiche de poste de celui-ci n’a pas été modifiée de telle sorte que, le simple mail envoyé par l’employeur le 23 août 2017, ne déchargeait pas le salarié de sa responsabilité de production.
Ils considèrent que Monsieur [U] ne peut utilement opposer la prescription de certains faits fautifs en invoquant les dispositions de l’article L.1332-4 du code du travail qui prévoit la possibilité de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, à compter de la découverte de la faute par l’employeur. S’agissant des audits, ils imputent la responsabilité de leur contenu défavorable à Monsieur [C] [U] en précisant que ce dernier ne démontre pas la redéfinition de ses fonctions. S’agissant de l’incident intervenu lors de la réunion du 31 octobre 2017, ils précisent que le conseil des Prud’hommes n’a pas retenu ce grief comme étant susceptible de justifier un licenciement, de telle sorte que Monsieur [C] [U] ne peut contester ce point qui lui est favorable.

S’agissant des montants sollicités à titre d’indemnisation, ils exposent que la perte de chance ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée et ne peut donc correspondre qu’à une fraction du préjudice subi. Ils considèrent que, tout au plus, Monsieur [C] [U] a perdu la chance de voir ses prétentions à nouveau étudiées par le second degré de juridiction. Sur la demande en rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, ils contestent le montant proposé, faute de production par le demandeur de son bulletin de salaire. De même ils estiment que le montant du salaire retenu doit être minoré des charges sociales et que le demandeur ne justifie pas de son salaire net pour le calcul d’une telle indemnité.
S’agissant de l’indemnité de préavis, ils contestent ce poste de préjudice en expliquant que le licenciement pour faute grave était légitime et qu’il convient d’appliquer le salaire net et non pas brut, outre un coefficient réducteur de la perte de chance. S’agissant de la demande relative à l’indemnité de licenciement, ils contestent la méthode de calcul proposée en citant la convention collective nationale pour les industries de produits alimentaires élaborés en date du 17 janvier 1952 et retiennent un montant de 22 105,07 euros. S’agissant des dommages et intérêts réclamés, ils s’opposent à cette demande en indiquant qu’aucun document ne justifie le montant sollicité. Ils arguent que le demandeur a dû retenir l’indemnité maximale prévue à l’article L1235-3 du code du travail mais que rien ne justifie que le montant maximal soit retenu.

Par ordonnance en date du 23 novembre 2023, la clôture de la procédure est intervenue avec fixation des plaidoiries à l’audience du 15 février 2024.
L’affaire a été mise en délibéré et il a été indiqué que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024, prorogée au 03 avril 2025, en raison de l’arrêt maladie et de la charge de travail du magistrat chargé de la rédaction de la décision et de la complexité du dossier.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe :

REÇOIT la société [17] en son intervention volontaire ;

DIT que Maître [I] [T] a commis une faute professionnelle engageant sa responsabilité à l’égard de Monsieur [C] [U] ;

CONDAMNE in solidum Maître [I] [T] et, la société [16] à payer à Monsieur [C] [U] la somme de 99 498,93 euros euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

CONDAMNE in solidum Maître [I] [T] et la société [16] aux dépens avec droit au recouvrement direct de la SCP [6];

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.

Le Greffier, La Présidente,

 


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