Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Thématique : Créance contestée et saisie abusive : nullité du commandement de paiement.
→ RésuméLe 4 juillet 2023, un commissaire de justice a signifié à un débiteur un commandement de payer, en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer datant de 2011, pour une somme de 6268,69 euros. Le 16 novembre 2023, un procès-verbal de saisie-vente a été dressé pour un montant de 5075,79 euros. En réponse, le débiteur a assigné la créancière, une société de titrisation, devant le juge de l’exécution, demandant l’annulation de la saisie et des dommages-intérêts pour abus.
Le débiteur a soutenu que la société de titrisation ne justifiait pas de sa qualité à agir en tant que créancière, affirmant que la créance n’était pas correctement identifiée et que la saisie avait été effectuée malgré des informations sur la propriété des biens saisis. Il a également demandé la prescription des intérêts antérieurs à 2021 et des délais de paiement. De son côté, la société de titrisation a demandé le rejet des demandes du débiteur, affirmant avoir acquis la créance d’une autre société par cession. Elle a produit des documents pour prouver la validité de sa créance, mais n’a pas réussi à démontrer que la société cédante était bien la créancière initiale. Le juge a statué que la société de titrisation n’avait pas prouvé sa qualité de créancier, entraînant la nullité de la saisie-vente. Concernant la demande de dommages-intérêts pour abus de saisie, le juge a estimé que le débiteur n’avait pas subi de préjudice justifiant une telle indemnisation. En conséquence, la société de titrisation a été condamnée aux dépens et à verser une somme au débiteur au titre des frais de justice, tandis que la demande de dommages-intérêts a été rejetée. |
N° RG 24/03120 – N° Portalis DBZT-W-B7I-GOLM
Minute n° 25/00036
AFFAIRE : [P] [X] S.A.S. EOS FRANCE
Code NAC : 78F Nature particulière :0A
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES
LE JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT DU 1ER AVRIL 2025
JUGE DE L’EXÉCUTION : Madame Agnès DEIANA, Juge,
GREFFIER : Madame Anne Sophie BIELITZKI
DEMANDEUR
M. [P] [X], né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1] ;
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/003677 du 01/07/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 7])
Représenté par Me Mélanie MICHAUX, avocat au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 32 ;
DÉFENDERESSE
La S.A.S. EOS FRANCE immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° 488 825 217, ayant son siège social sis [Adresse 3], représentée par Monsieur [J] [M], venant au droit du Fonds commun de titrisation FONCRED II, compartiment FONCRED II-A représenté par la Société de gestion EUROTITRISATION venant aux droits de la CA CONSUMER FINANCE France suivant acte de cession de créances passé en date du 14 juin 2012 ;
Représentée par Maître Jean-baptiste ZAAROUR de la SELARL VALJURIS AVOCATS, avocats au barreau de VALENCIENNES ;
Le juge de l’exécution après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 04 mars 2025 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe le 1er avril 2025, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit:
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 juillet 2023, Me [H], commissaire de justice à [Localité 4], agissant à la requête de la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II, représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION, a procédé en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer en date du 9 août 2011 et revêtue de la formule exécutoire le 25 octobre 2011, à la signification à la personne de M [P] [X] d’un commandement aux fins de saisie-vente de payer la somme de 6268,69 euros en principal, frais et intérêts.
Le 16 novembre 2023, Me DELECROIX, a dressé un procès-verbal de saisie-vente de biens meubles de M [P] [X] pour avoir paiement de la somme de 5075,79 euros en principal, frais et intérêts.
Le 22 octobre 2024, la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION a été assignée à comparaître par M [P] [X] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Valenciennes en l’audience du 3 décembre 2024 par acte signifié au domicile élu.
Après avoir fait l’objet de trois renvois à la demande de l’une ou l’autre des parties, l’affaire a été retenue à l’audience du 4 mars 2025.
À cette audience, M [P] [X], représenté par son conseil, s’est référé à ses écritures déposées pour demander au juge de l’exécution de déclarer nul et de nul effet le commandement de payer valant saisie vente ainsi que tous les actes d’exécution forcée délivrés par la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION et de condamner la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION à payer à M [P] [X] la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour mesure abusive.
À titre subsidiaire, de déclarer les intérêts antérieurs au 5 juillet 2021 prescrits et d’exonérer M [P] [X] de la majoration de 5 points du taux d’intérêt légal, à titre subsidiaire de réduire cette majoration de moitié,
Accorder à M [P] [X] des délais de paiement d’une durée de 24 mois pour lui permettre de régler la dette,
En tout état de cause, de débouter la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Il fait valoir à titre principal sur le fondement de l’article L 214-168 et suivants du code monétaire et financier que la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION ne justifie pas de sa qualité à agir pour être créancière de M [P] [X] et notamment de ce qu’elle a bien acquis la créance détenue par CRÉDIT LIFT à son encontre, que de plus la créance et les éléments mentionnés au bordereau sont insuffisants à établir qu’il s’agit bien de la créance issue de l’ordonnance d’injonction de payer, qu’en outre la défenderesse produit le contrat de cession de créance en cancelant certaines mentions.
Il estime que la mesure est abusive alors même que le créancier ne démontre pas sa qualité à agir et que le commissaire de justice a saisi des biens en dépit de l’information donnée par la compagne de M [P] [X] que les biens saisis lui appartenaient.
Il indique que la prescription biennale des intérêts doit s’appliquer sur le fondement de l’article L 218-2 du code de la consommation.
La SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II, représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION, représentée par son conseil, se référant au contenu de ses écritures déposées à l’audience, demande au juge de l’exécution de débouter M [P] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions, de le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code des procédures civiles d’exécution.
Elle excipe qu’elle justifie sa qualité de créancier pour venir aux droits de la CA CONSUMER FINANCE suivant cession de créance par titrisation en date du 14 juin 2012, que la créance cédée est individualisée suivant bordereau avec pour référence de créance 590 009 93818 et que le lien entre cette créance et l’ordonnance d’injonction de payer du 9 août 2011 constituant le titre exécutoire, résulte de la correspondance entre les montants présentés sur la requête en injonction de payer et un décompte de créance daté du 30 juin 2011 portant la même référence.
Elle ajoute qu’elle n’a pas à produire l’intégralité des contrats compte tenu de la confidentialité qu’elle se doit de respecter à l’égard des autres parties concernées, ni mentionner le montant ou le prix de la cession, pour apporter la preuve de l’identification et l’individualisation de la créance ;
Elle expose que la cession est opposable dès le transport du titre sans signification au débiteur.
En réponse à la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie, elle considère que M [P] [X] ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice et que l’exécution d’une décision de justice ne peut être considérée comme fautive, que le titre est définitif et qu’elle justifie de ce qu’aucune prescription n’est acquise.
S’agissant des intérêts, elle expose que la prescription initiale calculée sur cinq ans a été corrigée et que l’erreur sur le quantum de la créance n’entraîne pas la nullité de l’acte, que M [P] [X] ne justifie pas de circonstances permettant de l’exonérer de la majoration des intérêts.
Enfin, elle s’oppose à tout délai de paiement estimant que M [P] [X] ne satisfait pas aux conditions légales, qu’il n’a jamais effectué de paiement et que sa situation ne lui permet pas de régler sa dette en 24 mois.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées à l’audience, ainsi qu’aux prétentions orales.
L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 1er avril 2025.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :
Le dit jugement étant exécutoire de plein droit en vertu de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 504 du code de procédure civile ;
ORDONNE la nullité de la saisie-vente pratiquée le 4 juillet 2023 dont procès verbal a été dressé le 16 novembre 2023 ;
DEBOUTE M [P] [X] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION à payer à M [P] [X] la somme de mille cinq cents euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
DEBOUTE la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la SAS FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II représentée par sa société de gestion EUROTITRISATION aux dépens de l’instance ;
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION
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