Tribunal judiciaire de Strasbourg, 10 avril 2025, RG n° 23/08413
Tribunal judiciaire de Strasbourg, 10 avril 2025, RG n° 23/08413

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Strasbourg

Thématique : Responsabilité décennale et malfaçons dans la construction d’un bien immobilier.

Résumé

Par acte authentique du 20 avril 2015, des acquéreurs ont acquis une maison auprès de deux vendeurs, qui avaient fait construire le bien selon un permis de construire daté du 22 février 2012. Un entrepreneur individuel a réalisé les travaux de chape et de pose de carrelage, tandis qu’une société a pris en charge l’installation du chauffage central. Une déclaration d’achèvement des travaux a été faite en mairie le 18 mars 2013.

Les acquéreurs ont constaté des fissures dans le carrelage et ont demandé à l’entrepreneur de fournir son assurance décennale, sans succès. Une expertise amiable a été réalisée en mars 2021, suivie d’une expertise judiciaire ordonnée par le tribunal en janvier 2022. Le rapport d’expertise, déposé en août 2023, a confirmé la présence de désordres.

En octobre 2023, les acquéreurs ont assigné l’entrepreneur devant le tribunal, demandant la reconnaissance de la responsabilité de ce dernier pour les dommages subis, ainsi que la production de ses attestations d’assurance. Ils ont chiffré leurs préjudices à plus de 91 000 euros, incluant les frais de travaux, de relogement et un préjudice de jouissance.

L’entrepreneur et son assureur ont contesté les demandes, arguant que les désordres ne relevaient pas de la garantie décennale et que les préjudices étaient exagérés. Ils ont demandé à être déboutés et à ce que les acquéreurs soient condamnés aux dépens.

Le tribunal a conclu que les désordres, bien que réels, ne présentaient pas la gravité requise pour engager la garantie décennale. Cependant, il a reconnu la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur pour des fautes d’exécution, condamnant ce dernier à indemniser les acquéreurs pour les travaux de reprise, les frais de relogement et un préjudice de jouissance, tout en déboutant les acquéreurs de leurs autres demandes.

N° RG 23/08413 – N° Portalis DB2E-W-B7H-MHLJ

3ème Ch. Civile Cab. 2

N° RG 23/08413 – N° Portalis DB2E-W-B7H-MHLJ

Minute n°

Copie exec. à :

Me Bernard ALEXANDRE
Me Caroline BENSMIHAN

Le

Le greffier

Me Bernard ALEXANDRE
Me Caroline BENSMIHAN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE [Localité 7]

JUGEMENT DU 10 AVRIL 2025

DEMANDEURS :

Monsieur [P] [H]
né le 03 Août 1983 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Caroline BENSMIHAN, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 347

Madame [R] [M]
née le 09 Mars 1985 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Caroline BENSMIHAN, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 347

DEFENDEURS :

Société MAAF ASSURANCES, inscrite au RCS de [Localité 5] sous le n° 542 073 580, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Bernard ALEXANDRE, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 70

Monsieur [K] [E]
Entrepreneur individuel exploitant sous le nom commercial « CARRELAGE [E] [K] » – n° SIREN 430 027 037
[Adresse 1]
représenté par Me Bernard ALEXANDRE, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 70

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Anne MOUSTY, Juge, Président,

assistée de Aude MULLER, greffier

OBJET : Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Février 2025 à l’issue de laquelle le Président, Anne MOUSTY, Juge, statuant en formation de juge unique a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 10 Avril 2025.

JUGEMENT :

Contradictoire en Premier ressort,
Rendu par mise à disposition au greffe,
Signé par Anne MOUSTY, Juge et par Aude MULLER, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 20 avril 2015, Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] ont acquis auprès de Monsieur [B] et Madame [Y] une maison à usage d’habitation sise [Adresse 2] à [Localité 4].

Monsieur [B] et Madame [Y], vendeurs ont fait préalablement construire cette maison selon arrêté de permis de construire du 22 février 2012.

Dans le cadre de cette construction, M. [K] [E], entrepreneur individuel, exerçant sous l’enseigne « CARRELAGE [E] [K] » est intervenu en vue de la réalisation des travaux de chape et de pose de carrelage, tandis que la société HABITAT CONFORT D’ALSACE est intervenue au titre des travaux d’installation du chauffage central.

Une déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux est intervenue en mairie le 18 mars 2013.

Dénonçant l’apparition de fissures dans le carrelage, Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] ont adressé à M. [K] [E] un courrier aux fins de communication de leur assurance décennale, courrier recommandé avec accusé de réception, non réclamé par M. [K] [E].

Une expertise amiable a été diligentée à l’initiative de Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] le 24 mars 2021, ayant donné lieu à un rapport daté du 30 avril 2021.

Suite à la saisine de Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H], par ordonnance du 25 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné une mesure d’expertise judiciaire et a nommé Madame [U] en qualité d’expert judiciaire.

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 9 août 2023.

Par assignation délivrée le 13 octobre 2023, Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] ont attrait M. [K] [E] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.

Dans leurs conclusions récapitulatives déposées le 4 novembre 2024, Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] ont demandé de :
DECLARER les demandes de Madame [M] et Monsieur [H] régulières, recevables et bien fondées,
CONSTATER la réalité des désordres affectant le carrelage et de la chape du sol de la maison d’habitation des époux [H] ;
JUGER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] pleinement et entièrement responsable des dommages ;
JUGER que les désordres sont de nature décennale ;
ENJOINDRE l’entreprise CARRELAGE [E] [K] à produire son attestation d’assurance responsabilité civile décennale, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
A titre subsidiaire, JUGER que la responsabilité contractuelle de droit commun de l’entreprise CARRELAGE [E] [K] est engagée ;
ENJOINDRE l’entreprise CARRELAGE [E] [K] à produire son attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
En conséquence,
CONDAMNER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] à payer à Madame [M] et Monsieur [H] la somme globale de 91 637,35 € TTC se décomposant comme suit :
– Travaux démolition, dépose et pose du mobilier, isolation et chape, sols escaliers, étanchéité, murs, sanitaire : 60 203,40 € TTC
– Démontage et remontage des meubles de cuisine : 1 200,00 € TTC
– Lot chauffage : 17 618,95 € TTC
– Frais de relogement : 12 615 € TTC
CONDAMNER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] à payer à Madame [M] et Monsieur [H] la somme de 3 000 € au titre du préjudice de jouissance ;

En tout état de cause,
CONDAMNER MAAF ASSURANCES, intervenante volontaire à la procédure, à garantir l’entreprise CARRELAGE [E] [K] de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
DEBOUTER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] et MAAF ASSURANCES de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
CONDAMNER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] et MAAF ASSURANCES à payer à Madame [M] et Monsieur [H] la somme 4 264 € au titre des frais d’expertise ;
CONDAMNER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] et MAAF ASSURANCES à payer à Madame [M] et Monsieur [H] la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER l’entreprise CARRELAGE [E] [K] et MAAF ASSURANCES au paiement
des entiers frais et dépens ;

Au soutien de leurs prétentions, Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] avancent que la garantie décennale de M. [K] [E] est engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil compte tenu des désordres graves affectant la chape et le carrelage de leur habitation et rattaché à l’intervention de M. [K] [E] aux titres de travaux confiés par les anciens propriétaires du bien immobilier. Subsidiairement, ils invoquent sa responsabilité contractuelle considérant que M. [K] [E] a commis des fautes d’exécution dans la réalisation desdits travaux à l’origine des désordres constatés par l’expert judiciaire. Ils font état de préjudices appelant réparation résultant desdits désordres, à savoir un préjudice matériel lié aux travaux de reprise nécessaire, un préjudice financier lié au relogement nécessaire le temps des travaux et un préjudice de jouissance.

Par conclusions déposées le 4 novembre 2024, la société MAAF ASSURANCES est intervenue volontairement à la procédure.

Dans leurs conclusions récapitulatives déposées le DATE, M. [K] [E] et la société MAAF ASSURANCES ont demandé de :
DEBOUTER les demandeurs de leur demande,
Les CONDAMNER aux entiers frais et dépôts ainsi qu’au paiement d’une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Au soutien de leurs prétentions, M. [K] [E] et la société MAAF ASSURANCES avancent que les conditions d’engagement de la responsabilité décennale de M. [K] [E] ne sont pas réunies faute de désordres présentant une gravité décennale au sens de l’article 1792 du code civil. Ils considèrent que la responsabilité contractuelle de M. [K] [E] ne peut être cumulée avec sa garantie décennale. Ils arguent d’une découverte des désordres six ans après la réception de l’ouvrage. Ils contestent les préjudices invoqués par les demandeurs arguant que l’expert judiciaire n’a retenu qu’un préjudice esthétique de sorte que la démolition et la reprise complète de l’ouvrage est non justifiée.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2025.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 25 février 2025 et la décision a été mise en délibéré au 10 avril 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,
Statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE M. [K] [E] à payer à Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] la somme de 79.022,35€ à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel lié aux travaux nécessaires de reprise ;

CONDAMNE M. [K] [E] à payer à Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] la somme de 10.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier lié aux frais de relogement et de déménagement pendant la durée d’exécution des travaux ;

CONDAMNE M. [K] [E] à payer à Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] la somme de 1.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

DEBOUTE Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] du surplus de leur demande indemnitaire ;

DEBOUTE Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] de leur demande de production de l’attestation d’assurance responsabilité civile décennale de M. [K] [E] ;

DEBOUTE Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] de leur demande de production de l’attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle de M. [K] [E];

DEBOUTE Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] de ses demandes formées à l’encontre de la société MAAF ASSURANCES ;

CONDAMNE M. [K] [E] aux entiers dépens de la procédure outre les frais rattachés à la mesure d’expertise judiciaire résultant de l’ordonnance du 25 janvier 2022 du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg ;

CONDAMNE M. [K] [E] à payer à Madame [R] [M] et Monsieur [P] [H] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du jugement et DIT n’y avoir lieu de l’écarter ;

DÉBOUTE les parties de l’ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions ;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus et a été signé par le juge et le greffier.

Le Greffier Le Président
Aude MULLER Anne MOUSTY

 


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