Type de juridiction : Logement / Location
Juridiction : Tribunal judiciaire de Poitiers
Thématique : Conflit d’usage et droits d’occupation dans un cadre professionnel médical
→ RésuméContexte de l’AffaireDans cette affaire, un médecin occupant un cabinet médical a installé son activité au rez-de-chaussée d’un immeuble dont il bénéficie de l’usage gratuit, hérité de ses parents. Sa sœur, détentrice de la nue-propriété, a cédé ces biens à une société civile immobilière (SCI) en avril 2021. En avril 2023, la SCI a entrepris des travaux de rénovation qui, selon le médecin, nuisent à son activité et à sa jouissance des lieux. Les Discussions et AssignationDes discussions ont été engagées entre le médecin et la SCI, mais celles-ci n’ont pas abouti. En conséquence, le médecin a assigné la SCI devant le tribunal judiciaire de Poitiers, demandant des mesures conservatoires pour protéger son activité. L’affaire a été reportée à plusieurs reprises avant d’être examinée en janvier 2025. Demandes du MédecinLe médecin a formulé plusieurs demandes au tribunal, incluant la reconnaissance de la compétence du juge, l’irrecevabilité de certaines pièces présentées par la SCI, et des injonctions à la SCI pour garantir l’accès à son cabinet, la remise de clés, ainsi que la restauration de certaines installations. Il a également demandé des astreintes financières en cas de non-respect des décisions. Réponses de la SCIDe son côté, la SCI a contesté la compétence du tribunal et a demandé le rejet des demandes du médecin, arguant qu’il n’y avait pas de trouble manifestement illicite. Elle a également formulé des demandes reconventionnelles, incluant des injonctions à l’encontre du médecin concernant l’usage des places de parking et des sanctions financières pour procédure abusive. Décisions du TribunalLe juge des référés a statué en faveur du médecin sur plusieurs points, en ordonnant à la SCI de garantir l’accès à son cabinet, de remettre les clés d’un portail, et de restaurer certains éléments retirés durant les travaux. Des astreintes ont été imposées à la SCI en cas de non-respect des obligations. Le tribunal a également condamné la SCI à payer des dépens et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 24/00348 – N° Portalis DB3J-W-B7I-GP5M
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS
EN DATE DU 19 FÉVRIER 2025
DEMANDEUR :
LE :
Copie simple à :
-Me LE LAIN
-Me BERNARDEAU
Copie exécutoire à :
– Me LE LAIN
Monsieur [P] [V]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Marion LE LAIN, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant et par Me Patricia SIMO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDERESSE :
S.C.I.DE MARCAY
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Lola BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION :
JUGE DES RÉFÉRÉS : Carole BARRAL, Vice-président
GREFFIER : Marie PALEZIS
Débats tenus à l’audience publique de référés du : 22 janvier 2025.
FAITS et PROCÉDURE
[P] [V] a installé son cabinet médical au rez de chaussée du [Adresse 2] dont il tient l’usage et l’occupation gratuits de ses défunts père et mère tant qu’il y exercera son activité de médecin.
Sa soeur a reçu la nue propriété de ces biens et l’a cédée à la SCI de Marçay le 23.4.2021.
En avril 2023, la SCI de Marçay a entrepris des travaux de rénovation de l’immeuble abritant ces locaux dont [P] [V] estiment qu’ils nuisent gravement à sa jouissance des lieux et entravent son activité.
[P] [V] et la SCI de Marçay ont engagé des discussions, au moyen de réunions puis de courriers par avocats interposés, qui n’ont pas abouti.
Le 23.10.2024, [P] [V] a assigné la SCI de Marçay à l’audience de référés du tribunal judiciaire de Poitiers du 27.11.2024.
L’examen de l’affaire a été reporté à trois reprises jusqu’au 22.01.2025 à l’issue de laquelle, le délibéré a été fixé par mise à disposition au greffe le 19.02.2025, date à laquelle la présente ordonnance est rendue.
PRÉTENTIONS, MOYENS et ARGUMENTS
[P] [V] demande au juge, selon dernières conclusions du 21.01.2025, de :
– se déclarer compétent,
– déclarer irrecevables et écarter des débats les pièces adverses n°6 et 16,
– faire injonction à la SCI de Marçay de :
* laisser continuellement libre de toute occupation, 7 jours sur 7 toute l’année, les 5 places de parking qui lui sont réservées dans la cour de l’immeuble situé [Adresse 2], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
* demander à l’entreprise mandatée par ses soins pour effectuer les travaux de rénovation de l’immeuble sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir de :
– ne pas encombrer les 5 emplacements de parking qui lui sont réservés de tout objet de quelque nature que ce soit et de véhicules leur appartenant (véhicules utilitaires et personnels, échafaudage et autre matériel de chantier, etc.),
– dans l’attente que les contours des emplacements soient redessinés, laisser continuellement libre de toute occupation dans la cour de l’immeuble un espace correspondant à l’équivalent de 5 places de parking standard pour le cabinet médical,
* rétablir l’alimentation en eau et le chauffage de son cabinet médical de façon que toutes les pièces soient réapprovisionnées en eau (toilettes, bureau du médecin et salle d’examen) avec un flux d’eau normal et clair et que les radiateurs en fonte puissent de nouveau fonctionner, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du lendemain de la décision à intervenir,
* laisser libre en toute circonstance l’accès à l’entrée du cabinet médical depuis la cour de l’immeuble, l’entrée ne devant plus être entravée d’aucune manière (spot, échafaudage, véhicule, etc.) et un passage constamment laissé libre pour y accéder sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
* faire le nécessaire pour que soient replacés à leur emplacement d’origine les éléments suivants retirés durant les travaux :
– les volets des fenêtres de son cabinet médical donnant sur la cour de l’immeuble,
– sa plaque professionnelle murale se trouvant à gauche de l’entrée du cabinet médical à l’intérieur de l’immeuble,
– la sonnette du cabinet médical se trouvant à l’extérieur du cabinet médical,
ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du lendemain de la décision à intervenir,
* de faire le nécessaire pour que sa plaque murale professionnelle extérieure soit replacée sur son support et re fixée sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du lendemain de la décision à intervenir,
* de demander à l’entreprise mandatée par ses soins pour effectuer les travaux de rénovation de veiller à ne pas causer d’infiltrations d’eau sale ni propager de poussières dues aux travaux à l’intérieur du cabinet médical, ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
* de faire procéder au nettoyage du cabinet médical à l’issue des travaux et de réparer sa porte sous astreinte de 500 € par jour de retard,
* de lui remettre les clés du petit portail extérieur jouxtant le grand portail pour les véhicules permettant d’accéder à l’immeuble à pied depuis la rue, si besoin en faisant changer la serrure de ladite porte, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
* de conserver dans l’une des cours de l’immeuble un espace dédié à ses 5 emplacements de stationnement, d’une taille correspondant à ceux dont il disposait depuis la donation et ne pas prévoir de nouvelles constructions (local à poubelles et vélos) dans la partie du rez-de-chaussée qu’il occupe, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jour d’achèvement des travaux,
– débouter la défenderesse de toutes demandes plus amples ou contraires, notamment d’injonction reconventionnelles
– et la condamner à lui payer 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La SCI de Marçay demande au juge, selon dernières conclusions du 21.01.2025 :
* à titre principal, de se déclarer incompétent en l’absence d’évidence des droits revendiqués par le demandeur,
* à titre subsidiaire, de juger que les preuves d’un trouble manifestement illicite ni de la survenance d’un dommage imminent ne sont pas rapportées et débouter le demandeur de toutes ses demandes,
* à titre reconventionnel :
– enjoindre au demandeur de :
– lui communiquer, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance, une attestation d’assurance couvrant les risques liés à l’occupation des cinq places de parking situées dans la cour de l’immeuble lui appartenant,
– cesser de stationner devant le garage de l’immeuble lui appartenant,
– cesser de stationner de biais ou au milieu de la cour,
– l’informer, par tout moyen, d’un usage qui excéderait les conditions fixées à l’acte constitutif initial dont il entend se prévaloir (stationnement d’un patient en dehors des horaires de consultation à titre d’exemple),
– ne pas se garer dans la cour en dehors des horaires de travail à des fins personnelles,
– lui permettre, et aux entreprises qu’elle entend mandater, un accès au local utilisé comme cabinet médical pour :
* la mise en conformité de l’assainissement de l’immeuble,
* le raccordement des logements réhabilités à l’aplomb du local occupé par le demandeur,
sous astreinte de 200 € par jour de retard,
– condamner le demandeur à lui verser 5 000 € pour procédure abusive,
– constater qu’elle est disposée à replacer la plaque professionnelle du demandeur, sous réserve qu’elle lui soit fournie,
– dire n’y avoir lieu à prononcer une quelconque condamnation sous astreinte à son encontre,
– condamner le demandeur à lui verser 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle fonde sa défense sur l’article 835 du code de procédure civile.
Il est renvoyé à ces conclusions en vertu des articles 446-2 et 455 du code de procédure civile pour l’exposé des moyens et arguments des parties qui seront repris en synthèse au fil des motifs.
PAR CES MOTIFS
le juge des référés,statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de l’ordonnance contradictoire, susceptible d’appel et exécutoire par provision,
au principal, renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, et dès à présent,
se déclare matériellement compétent,
rejette la demande de mise à l’écart des débats des pièces n°6 et 16 versées par la SCI de Marçay,
fait obligation à la SCI de Marçay de laisser libre et à l’usage exclusif de [P] [V] et sa clientèle, en permanence, sept jours sur sept et toute l’année, l’équivalent de cinq places de parking de dimension standard dans la cours de l’immeuble sis [Adresse 2],
précise que cette obligation :
– s’étend à tout ayant droit de la SCI de Marçay, qu’il s’agisse de visiteurs ou d’entreprises par elle missionnées,
– s’entend de l’interdiction d’occupation d’aucune de ces cinq places par tout véhicule, utilitaire ou non, échafaudage, matériel de chantier et tous autres objets,
dit qu’en cas de manquement à cette obligation, la SCI de Marçay sera redevable à [P] [V] d’un astreinte de 300 € par infraction constatée, l’y condamne en tant que de besoin,
fait obligation à la SCI de Marçay de laisser libre en toute circonstance l’accès à l’entrée du cabinet médical de [P] [V] par et depuis la cour de l’immeuble situé [Adresse 2], l’entrée ne devant être entravée d’aucune manière et le passage constamment laissé libre pour y accéder à pied et en voiture,
dit qu’en cas d’infraction à obligation, la SCI de Marçay sera redevable à [P] [V] d’un astreinte de 300 € par infraction constatée, l’y condamne en tant que de besoin,
fait obligation à la SCI de Marçay de remettre à [P] [V] les clefs du petit portail extérieur jouxtant le grand portail permettant d’accéder à l’immeuble situé [Adresse 2], à pied depuis la rue, si besoin en faisant changer la serrure de ladite porte,
dit qu’à défaut de ce faire dans les dix jours de la signification de la présente ordonnance, la SCI de Marçay sera redevable à [P] [V] d’une astreinte de 300 € par jour de retard pendant six mois, l’y condamne en tant que de besoin,
fait obligation à la SCI de Marçay de faire procéder à la repose des volets équipant le cabinet médical de [P] [V] avant toute autre repose de volets sur l’immeuble,
dit qu’en cas d’infraction à obligation, la SCI de Marçay sera redevable à [P] [V] d’un astreinte de 150 € par jour de retard, ce à compter de la première repose de volets d’autres fenêtres que celles du cabinet médical et durant 6 mois, l’y condamne en tant que de besoin,
fait obligation à la SCI de Marçay de replacer à son emplacement d’origine la plaque professionnelle murale qui se trouvait à gauche de l’entrée du cabinet médical à l’intérieur de l’immeuble,
précise qu’au cas où [P] [V] ne serait pas en possession de cette plaque, il incombe à la SCI de Marçay de la remplacer à ses seuls frais par une plaque identique,
dit qu’au cas où cette plaque ne serait pas reposée dans les dix jours de la signification de la présente ordonnance, la SCI de Marçay sera redevable à [P] [V] d’une astreinte de 150 € par jour de retard durant six mois, l’y condamne en tant que de besoin,
fait obligation à la SCI de Marçay de parfaire la repose de la plaque murale professionnelle extérieure de [P] [V],
dit qu’à défaut de s’en être exécutée dasn les trois jours de la signification de la présente ordonnance, la SCI de Marçay sera redevable envers [P] [V] d’une astreinte de 50 € par jour de retard durant six mois, l’y condamne en tant que de besoin,
fait obligation à la SCI de Marçay de replacer à son emplacement d’origine la sonnette se trouvant à l’extérieur du cabinet médical,
dit qu’au cas où elle n’y aurait pas procédé dans les trois jours de la signification de la présente ordonnance, la SCI de Marçay sera redevable à [P] [V] d’une astreinte de 80 € par jour de retard durant six mois, l’y condamne en tant que de besoin,
rejette toute demande plus ample ou contraire,
condamne la SCI de Marçay aux dépens et à régler à [P] [V] 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En foi de quoi, le juge des référés signe avec le greffier.
le greffier, le juge des référés,
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