Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Négligence grave et responsabilité bancaire : un cas de fraude par usurpation.
→ RésuméUn titulaire de compte bancaire a contesté neuf opérations effectuées avec sa carte bancaire, totalisant 14 001 euros, qu’il n’aurait pas autorisées. Après avoir signalé ces transactions à sa banque, la société Bnp Paribas, et déposé une plainte, il a assigné la banque en justice pour obtenir le remboursement des montants contestés, ainsi que des dommages et intérêts.
Le titulaire de compte a expliqué avoir reçu un SMS l’informant d’une suspension de livraison, l’incitant à cliquer sur un lien pour résoudre le problème. Après avoir cliqué, il a reçu un appel d’un individu prétendant être un agent de fraude de la banque, qui l’a informé d’opérations suspectes sur son compte. Au cours de cet appel, il a accédé à son espace en ligne et a partagé des informations sensibles, permettant à un tiers de récupérer sa carte bancaire. La banque a contesté la demande de remboursement, arguant que le titulaire avait contribué à la situation en ne vérifiant pas les informations fournies par le prétendu agent de fraude. Elle a également souligné que les opérations avaient été réalisées avec la carte et le code confidentiel du titulaire, ce qui indique qu’il avait manqué à ses obligations de sécurité. Le tribunal a examiné les éléments de preuve et a conclu que le titulaire avait fait preuve de négligence grave en divulguant ses informations de sécurité. Il a été établi que les opérations contestées n’étaient pas affectées d’anomalies apparentes et que la banque n’avait pas manqué à son devoir de vigilance. En conséquence, le tribunal a débouté le titulaire de sa demande de remboursement et a condamné ce dernier à verser des frais à la banque. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 9] [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
à
Me OUATTARA
Me [Localité 10]
■
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/13728
N° Portalis 352J-W-B7H-C263E
N° MINUTE : 5
Assignation du :
25 Octobre 2023
JUGEMENT
rendu le 07 Avril 2025
DEMANDEUR
Monsieur [N] [P]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Maître Salif OUATTARA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2353
DÉFENDERESSE
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Dominique PENIN du PARTNERSHIPS MORGAN LEWIS & BOCKIUS UK LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J008
Décision du 07 Avril 2025
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/13728 – N° Portalis 352J-W-B7H-C263E
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente
Patrick NAVARRI, Vice-président
assistés de Diane FARIN, Greffière lors de l’audience et de Chloé DOS SANTOS, Greffière lors de la mise à disposition.
DÉBATS
A l’audience du 03 Février 2025 tenue en audience publique devant Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 07 Avril 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
M. [N] [P] est titulaire d’un compte bancaire ouvert dans les livres de la société Bnp Paribas.
Contestant avoir ordonné les neuf opérations réalisées avec sa carte bancaire pour un montant total de 14 001 euros les 23 et 24 avril 2022, M. [N] [P] les a contestées auprès de la société Bnp Paribas et a déposé plainte contre X le 26 avril 2022.
La société Bnp Paribas n’ayant pas procédé au remboursement des opérations financières contestées, M. [N] [P] a fait assigner, par acte d’huissier du 25 octobre 2023, devant le tribunal judiciaire de Paris cette dernière, au visa de l’article 1343-2 du code civil, aux fins de voir :
“-DECLARER recevable et bienfondé Monsieur [P] en ses présentes demandes ;
-CONDAMNER la BNP PARIBAS au paiement de la somme de 14 001 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré à compter de la date de la mise en demeure du 28 avril 2022 ;
-CONDAMNER la BNP PARIBAS au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommage et intérêts ;
-PRONONCER la capitalisation des intérêts échus annuellement ;
-PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
-CONDAMNER la BNP PARIBAS au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens”.
M. [N] [P] conteste avoir autorisé un quelconque retrait d’espèces ou paiement les 23 et 24 avril 2022. Il expose avoir reçu le 22 avril 2022, un SMS provenant du numéro 07 55 93 67 60 l’informant de la suspension de sa livraison et de la nécessité de cliquer sur le lien figurant dans ce SMS pour débloquer la situation. Il affirme qu’étant effectivement dans l’attente d’une livraison, il a cliqué sur le lien litigieux. Il précise que le lendemain, il a reçu un appel téléphonique émanant du 06 10 12 82 19.
Il fait valoir qu’au cours de cette conversation téléphonique avec un tiers disant se nommer » [I] [V] » du service fraude de sa banque, ce dernier l’a informé de l’existence d’opérations frauduleuses sur son compte bancaire. Il indique que durant cet appel, il a, conformément aux instructions données par son interlocuteur pour faire opposition, accédé à son espace en ligne en renseignant ses identifiant et mot de passe. Il déclare qu’il lui a également adressé les captures d’écran du message Chronopost par courriel dont l’objet était « Opposition 123426 » à l’adresse « [Courriel 7] « . Il souligne que son interlocuteur l’a informé qu’une personne allait venir récupérer sa carte bancaire.
Il fait valoir que dans un trait de temps très court, cette tierce personne est venue sur son lieu de travail en taxi G7 et a pris possession, » presque de force « , de sa carte bancaire pendant qu’il était toujours au téléphone avec » [I] [V] « . Il souligne que le 24 avril 2022, il a reçu à 2h56 et 8h10, des messages d’alerte de sa banque.
Il relève que son préjudice matériel s’élève à 14 001 euros. Il affirme que les anomalies intellectuelles apparentes caractérisées par la récurrence et le montant anormalement élevé du montant des opérations querellées d’une part et par le dépassement du plafond de paiement autorisé s’agissant de l’achat d’un montant de 11 460 euros d’autre part, auraient dû conduire la banque à effectuer des vérifications et à faire obstacle à la réalisation des retraits d’espèces et achats litigieux. Il ajoute que le manquement de la banque à son devoir de vigilance est en lien de causalité direct avec son préjudice matériel et avec son préjudice moral.
Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, la société Bnp Paribas demande au tribunal de :
“-DEBOUTER Monsieur [P] de l’intégralité de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
-ECARTER l’exécution provisoire de droit,
-CONDAMNER Monsieur [P] à verser à BNP Paribas la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.”
La défenderesse expose, tout d’abord, que les assertions de M. [P] démontrent que ce dernier a concouru à la prétendue » invalidation » des opérations que ce tiers lui a présentées comme frauduleuses par téléphone, sans effectuer la moindre vérification préalable auprès de sa banque pour vérifier la véracité desdits propos. Elle observe ensuite qu’il n’est pas contesté que les achats et les retraits d’espèces aux distributeurs automatiques ont été réalisés à l’aide de la carte bancaire de M. [P] et de son code confidentiel.
Elle souligne également que le demandeur avait la possibilité de faire immédiatement opposition à sa carte bancaire sur le site internet de la banque Bnp Paribas ou d’appeler son conseiller bancaire.
Elle relève par ailleurs que M. [P] aurait dû détruire la puce de sa carte bancaire avant de la remettre à un inconnu. Elle en conclut que M. [P] n’a pas fait preuve de prudence et qu’il a manqué à ses obligations contractuelles d’utilisation et de conservation de sa carte bancaire et du code [Localité 11] associé. Elle soutient que la négligence grave dont il a fait preuve s’oppose à ce que la banque rembourse le montant total des fonds dissipés. La société Bnp Paribas ajoute que la carte visa premier détenue par M. [P] permet à son détenteur d’effectuer des achats pour un montant limité à 50 euros, sans avoir à composer le code confidentiel. Elle relève, au surplus, que le plafond de paiement par carte bancaire d’un montant de 12 000 euros sur trente jours n’a pas été atteint durant la période concernée, que l’achat d’un montant de 11 460 euros a été effectué par carte bancaire après composition du code confidentiel, que les retraits d’argent ont aussi nécessité la composition du code confidentiel si bien qu’il est certain que M. [P] a divulgué son code confidentiel à un tiers. La défenderesse affirme enfin que la preuve des préjudices allégués et celle du lien de causalité entre ceux-ci et la faute reprochée à la banque ne sont pas rapportées.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE M. [N] [P] de l’intégralité de ses demandes;
CONDAMNE M. [N] [P] à verser à la société Bnp Paribas une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [N] [P] aux dépens ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Fait et jugé à [Localité 9] le 07 Avril 2025.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
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