Tribunal judiciaire de Paris, 26 novembre 2024, RG n° 21/14222
Tribunal judiciaire de Paris, 26 novembre 2024, RG n° 21/14222

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Résiliation d’un contrat de prévoyance : enjeux de preuve et effets juridiques

Résumé

Contexte de l’affaire

Monsieur [U] [B] est le gérant de la SARL DOVAX, une entreprise spécialisée dans l’édition de logiciels et soumise à la convention collective des Bureaux d’Etudes Techniques. En octobre 2007, il a souscrit un contrat de Prévoyance et Santé pour le personnel non cadre auprès de VAUBAN HUMANIS PREVOYANCE, aujourd’hui représentée par MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE.

Décès de Monsieur [W] [B]

Monsieur [W] [B], fils de Monsieur [U] [B] et salarié de la SARL DOVAX depuis septembre 2013, est décédé dans un accident de la circulation en septembre 2019. Il laisse derrière lui sa compagne, Madame [P] [Y], et leur fils de 3 ans, [S].

Refus de garantie par MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE

Suite au décès de Monsieur [W] [B], MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE a refusé de verser les prestations dues, arguant que le contrat avait été résilié en juin 2012. Monsieur [U] [B] a contesté cette résiliation, mais aucune solution amiable n’a été trouvée.

Assignation en justice

En novembre 2021, la SARL DOVAX et Madame [P] [Y] ont assigné MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE pour obtenir le versement des prestations. Ils réclament notamment un capital décès, des arrérages de rente d’éducation, et le remboursement des cotisations indûment prélevées.

Arguments des demandeurs

Les demandeurs contestent la régularité de la résiliation, affirmant qu’elle n’a pas été correctement notifiée et qu’elle ne respecte pas les stipulations contractuelles. Ils soutiennent également que les cotisations ont été prélevées malgré la résiliation, ce qui prouve la validité du contrat.

Position de MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE

MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE demande le rejet des demandes des plaignants, affirmant que la résiliation du contrat était régulière et conforme aux règles en vigueur. Elle soutient que le contrat a été résilié avant l’embauche de Monsieur [W] [B] et que les cotisations prélevées ne correspondaient pas à la garantie de prévoyance.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que la résiliation du contrat était valide et que les ayants droit de Monsieur [W] [B] n’avaient pas droit aux prestations. Cependant, il a ordonné le remboursement des cotisations indûment perçues par MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE, tant pour la part salariale que pour la part patronale.

Conclusion

Le tribunal a débouté Madame [P] [Y] de ses demandes au titre du contrat de prévoyance, tout en condamnant MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE à rembourser les cotisations indûment perçues. L’exécution de cette décision a été déclarée provisoire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
2 Expéditions
exécutoires
– Me KHRIS-FERTIKH
– Me GINTRAC
délivrées le :
+ 1 copie dossier

5ème chambre
1ère section

N° RG 21/14222
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNVQ

N° MINUTE :

Assignation du :
03 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 26 Novembre 2024

DEMANDEURS

La SARL DOVAX, immatriculée au RCS d’ARRAS sous le n° 49973690800025, prise en la personne de son représentant légal et dont le siège social est à [Adresse 9],

Madame [P] [Y], née le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 6], de nationalité française, Téléprospectrice, domiciliée [Adresse 3].

Monsieur [S] [B], né le [Date naissance 5] 2017 à [Localité 8], de nationalité française, scolarisé en maternelle, pris en la personne de son représentant légal à savoir Madame [P] [Y], domiciliée [Adresse 3],

représenté par Me Hadjar KHRIS-FERTIKH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0472 et par Me Brigitte VAN-ROMPU-PICQUET, avocat plaidant, avocat au barreau de BETHUNE

Décision du 26 Novembre 2024
5ème chambre 1ère section
N° RG 21/14222 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVNVQ

DÉFENDERESSE

MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE, venant aux droits de VAUBAN HUMANIS PREVOYANCE, Institution de Prévoyance immatriculée au répertoire SIRENE sous le n°775 691 181, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne
de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Me Emmanuelle GINTRAC, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0326

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président Adjoint
Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président Adjoint
Lise DUQUET, Vice-Présidente

assistés de Tiana ALAIN, Greffière lors des débats et de Véronique BABUT, Greffière lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 07 Octobre 2024 tenue en audience publique devant Thierry CASTAGNET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 26 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

______________________

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [U] [B] est le gérant de la SARL DOVAX spécialisée dans l’édition de logiciels applicatifs et qui relève de la convention collective des Bureaux d’Etudes Techniques, Cabinets d’Ingénieurs Conseils, Sociétés de Conseil.

Conformément à la convention collective, le 15 octobre 2007, Monsieur [B] a adhéré à un contrat de Prévoyance et Santé pour le personnel non cadre de son entreprise auprès de l’institution VAUBAN HUMANIS PREVOYANCE aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE.

Monsieur [W] [B], fils de Monsieur [U] [B], qui était salarié de la SARL DOVAX depuis le 9 septembre 2013 en qualité d’analyste programmeur, est décédé dans un accident de la circulation le 14 septembre 2019, en laissant derrière lui Madame [P] [Y] à laquelle il était uni par un pacte civil de solidarité, et son fils [S] âgé de 3 ans.

A la suite de ce décès, MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE a opposé à Madame [Y] et Monsieur [U] [B] un refus de garantie au motif que le contrat avait été résilié par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2012, à effet du 30 juin 2012.

Monsieur [U] [B] a contesté la position de MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE, mais aucune issue amiable n’a pu être trouvée.

Par acte d’huissier de justice du 3 novembre 2021, la SARL DOVAX et Madame [P] [Y], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [B], ont fait assigner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE afin d’obtenir sa condamnation au versement des prestations prévues par le contrat.

Selon leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2023, Madame [Y] et la société DOVAX demandent du tribunal de (ne sont ici reprises que les prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, à l’exception des moyens improprement inclus dans le dispositif des conclusions) :

– Condamner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE, venant aux droits de VAUBAN HUMANIS PREVOYANCE, à payer à Madame [P] [Y] la somme de 68.890,80 euros au titre du capital décès ;
– Condamner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE à verser à Madame [P] [Y] en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [B], les arrérages dus au titre de la rente d’éducation à compter du 14 décembre 2019 pour un montant de 20.667,24 euros ; somme à parfaire au jour du jugement à intervenir ;
– Condamner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE à payer à Madame [P] [Y], en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [B] la somme de 1.215,72 euros par trimestre au titre de la rente d’éducation en application du contrat de prévoyance ;
Si par extraordinaire, le tribunal considérait la résiliation régulière ;
– Condamner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE à rembourser l’intégralité des cotisations prélevées sur les fiches de paye de Monsieur [W] [B] et indûment encaissées par l’institution soit une somme de 578,84 euros au titre de la part salariale et 713,83 euros au titre de la part patronale ;
– Condamner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE aux dépens ;
– Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

A l’appui des leurs prétentions, les demandeurs font essentiellement valoir les moyens suivants :

En premier lieu, ils contestent la régularité de la résiliation en ce que :

– Il n’est pas établi que le courrier recommandé de résiliation ait été reçu par le représentant légal de la société DOVAX puisque, d’une part, il n’est pas prouvé que l’accusé réception tardivement produit concerne bien ce courrier de résiliation, et que, d’autre part, l’accusé réception ne porte pas la signature du gérant ;
– Cette résiliation ne respecte pas les stipulations contractuelles puisqu’elle prévoit un préavis de deux mois alors qu’elle ne pouvait prendre effet qu’à la fin de l’année civile ;
– Cette résiliation a été prononcée en dehors des cas visés à l’article 4.1 du règlement intérieur d’HUMANIS PREVOYANCE puisque l’institution ne se place pas le cadre de la résiliation annuelle ;
– Les motifs invoqués dans la lettre de résiliation ne figurent pas au nombre de ceux prévus à l’article 4.1 du règlement intérieur.

Ils en déduisent que la résiliation est à la fois irrégulière et infondée et, qu’en conséquence, elle n’a pas produit d’effet de sorte que le contrat s’est prolongé de plein droit.

Ils expliquent que, puisque le contrat s’est perpétué de plein droit, il importe peu que Monsieur [W] [B] ait été embauché le 9 septembre 2013, soit postérieurement à la résiliation invoquée.

Par ailleurs, ils affirment que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, l’adhésion de Monsieur [W] [B] a bien donné lieu à l’envoi d’un bulletin individuel d’affiliation et à un questionnaire de santé, et que l’institution ajoute aux stipulations contractuelles en soutenant que cette transmission devait impérativement être faite par lettre recommandée.

Les demandeurs fustigent la mauvaise foi de MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE et font observer que les cotisations afférentes au contrat ont bien été prélevées sur le salaire de Monsieur [W] [B] et que l’URSSAF atteste que ces cotisations ont bien été reversées à l’institution.

Les défendeurs contestent également l’argument selon lequel lesdites cotisations correspondaient non pas à la garantie prévoyance, mais à la garantie santé, en faisant observer que la garantie santé n’a jamais été souscrite.

Les demandeurs détaillent ensuite les prestations réclamées en application du contrat qu’il n’apparaît pas utile de reprendre ici.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE demande au tribunal de:

– Débouter la société DOVAX et Madame [Y], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [B] de l’intégralité de leurs demandes ;
A titre reconventionnel,
– Condamne la société DOVAX et Madame [Y], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur à lui régler la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui, MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE fait essentiellement valoir les moyens suivants :

Elle se prévaut des dispositions des articles L 932-1, L 932-2, L 932-3 alinéa 2 et L 932-12 du code de la Sécurité sociale desquels il ressort que l’adhésion d’une entreprise à une institution de prévoyance présente un caractère contractuel et qu’il y a donc lieu de se référer aux stipulations des articles 4 et 6.3 du règlement intérieur de VAUBAN HUMANIS PREVOYANCE.

En vertu de ces stipulations, elle soutient que la résiliation du contrat de prévoyance est régulière puisqu’elle a informé la société DOVAX de sa décision de procéder à la résiliation par un courrier recommandé avec avis de réception du 8 juin 2012, soit plus de deux mois avant la fin de l’année 2012, ce qu’elle avait parfaitement le droit de faire au vu de l’article 4.1, sans même avoir à justifier du motif de sa décision.

Elle précise qu’il résulte de l’accusé réception de la lettre de résiliation qui porte la signature de Monsieur [W] [B], fils du gérant, que la société DOVAX a été informée dès le 14 juin 2012, et que la mention d’une date d’effet potentiellement erronée n’a pas pour effet de priver cette résiliation de ses effets et de la rendre irrégulière.

Elle insiste sur le fait que si le règlement intérieur prévoit que le refus d’un nouveau participant de se soumettre à un contrôle médical permet la résiliation du contrat sans attendre le terme de celui-ci, la faculté de résiliation n’est pas restreinte à ce seul cas de figure.

Elle argue en outre de ce qu’il est normal pour un organisme de prévoyance de décider d’assurer ou non un groupe de salariés au regard des lois statistiques permettant de calculer le risque à assurer.

Elle rappelle que Monsieur [B] a été embauché par la société DOVAX postérieurement à la résiliation du contrat de prévoyance et à titre surabondant, elle soutient que si le bulletin d’adhésion est produit aux débats il n’est pas pour autant établi qu’il lui ait effectivement été adressé.

A l’argument tiré du paiement des cotisations postérieurement à la résiliation qu’elle invoque qui lui est opposé par les demandeurs, elle réplique que le taux de cotisation qui apparaît sur les bulletins de salaire ne correspond pas au taux de cotisation prévu par le contrat. Selon elle, il s’agit de cotisations versées par l’intermédiaire de l’URSSAF à MALAKOFF HUMANIS SANTE.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie aux écritures des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.

La clôture est intervenue le 29 janvier 2024, et les plaidoiries ont été fixées à l’audience du 7 octobre 2024.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été informées de ce que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en premier ressort ;

DEBOUTE Madame [P] [Y] de toutes les demandes formulées au titre du contrat de prévoyance, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [B] ;

CONDAMNE MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE à payer à Madame [Y] prise en sa qualité de représentante légale de son fils [S] [B], lui-même héritier de son père [W] [B], la somme de 578,84 euros à titre de remboursement de la part salariale des cotisations prévoyance indûment versées ;

CONDAMNE MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE à payer à la SARL DOVAX la somme de 703,48 euros à titre de remboursement de la part employeur des cotisations prévoyance indûment versées ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ;

CONDAMNE MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 26 novembre 2024

La Greffière Le Président

 


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