Tribunal judiciaire de Marseille, 21 novembre 2024, RG n° 23/04452
Tribunal judiciaire de Marseille, 21 novembre 2024, RG n° 23/04452

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Délai déraisonnable et responsabilité de l’État dans le fonctionnement de la justice

Résumé

Introduction de l’instance

Madame [M] [Y] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Marseille, mais a estimé que le jugement a été rendu avec un délai excessif, ce qui constituerait un déni de justice. Elle a donc cité l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, demandant une indemnisation de 30 000 euros pour préjudice moral et 30 000 euros pour perte de chance, ainsi que 3 000 euros pour frais irrépétibles.

Arguments de la demanderesse

Dans ses conclusions, Madame [Y] a soutenu que le jugement a été rendu plus de deux ans après la saisine, ce qui constitue un délai déraisonnable. Elle a également rappelé que le droit à un jugement dans un délai raisonnable est protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Arguments de la défense

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT a contesté les demandes de Madame [Y], arguant que les délais de la procédure n’étaient pas déraisonnables et que la responsabilité de l’État ne pouvait être engagée que pour un délai de cinq mois. Il a également remis en question la justification du préjudice moral et la certitude de l’issue du jugement.

Analyse des délais de procédure

Le tribunal a examiné les délais entre les différentes étapes de la procédure prud’homale. Il a constaté que les délais de deux mois entre la saisine et l’audience de conciliation, ainsi que les cinq mois entre les audiences, étaient raisonnables. Cependant, il a retenu un délai excessif de cinq mois entre l’audience de jugement et le délibéré.

Indemnisation accordée

Le tribunal a reconnu un préjudice moral à Madame [Y] en raison de l’attente anxieuse causée par le retard dans le prononcé du jugement, lui allouant 1 000 euros. De plus, il a calculé des intérêts de retard sur les sommes dues, s’élevant à 105,18 euros.

Frais irrépétibles

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal a décidé d’allouer 500 euros à Madame [Y] pour couvrir les frais irrépétibles, considérant qu’il serait inéquitable de lui laisser supporter l’intégralité des frais.

Dépens et exécution provisoire

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, ayant succombé, a été condamné à payer l’intégralité des dépens. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 21 Novembre 2024

Enrôlement : N° RG 23/04452 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3I6S

AFFAIRE : Mme [M] [Y]( Me Christine SIHARATH)
C/ Etablissement public AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (la SCP RIBON – KLEIN)

DÉBATS : A l’audience Publique du 26 Septembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Novembre 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [M] [Y]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT,
agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Philippe KLEIN de la SCP RIBON – KLEIN, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 205

EXPOSE DU LITIGE

Considérant que le Conseil de Prud’hommes de MARSEILLE aurait commis un déni de justice du fait du délai séparant l’introduction de l’instance du prononcé du jugement, Madame [M] [Y] a fait citer l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT par acte d’huissier de justice du 6 avril 2023, sollicitant du tribunal, au visa des articles L 141-1 et L 111-3 du code de l’organisation judiciaire, la condamnation de l’État français à lui payer la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, et 30 000 euros en raison de la perte de chance de pouvoir obtenir plus rapidement la condamnation de son employeur au rétablissement de ses droits, avec intérêts de droit et anatocisme, outre la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, et les dépens.
Par conclusions signifiées le 26 février 2024, Madame [Y] maintient ses demandes initiales, faisant valoir que
– le jugement a été rendu plus de deux ans après la saisine de la juridiction.
– il s’agit d’un délai déraisonnable constitutif d’un déni de justice engageant la responsabilité de l’État en raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice.
– le droit d’être jugé dans un délai raisonnable constitue un droit fondamental protégé par l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France le 3 mai 1974.
En défense et par conclusions signifiées le 3 janvier 2024, l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT demande au tribunal de réduire à de plus justes proportions la demande indemnitaire accordée au titre du préjudice moral et des frais irrépétibles, et de rejeter la demande formée au titre de la perte de chance.
Il soutient que :
– entre les différentes étapes de la procédure, les délais n’ont pas été déraisonnables.
– s’agissant du délai de 7 mois pour le prononcé du délibéré, la responsabilité de l’État ne pourrait être engagée qu’à hauteur de 5 mois.
– ni le principe ni le quantum du préjudice moral ne sont justifiés.
– l’issue du jugement ne peut pas être considérée comme certaine. De plus, la juridiction prud’homale n’a fait droit qu’à une partie des prétentions de Madame [Y].
La clôture a été prononcée le 11 juin 2024.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Condamne l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT à payer à Madame [M] [Y] les sommes suivantes :

1 000 euros au titre du préjudice moral105,18 euros au titre du fonctionnement défectueux du service public de la justice500 euros au titre des frais irrépétibles.
Juge que la somme de 1 105, 18 euros portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Condamne l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT aux dépens.

Juge ne pas avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 21 Novembre 2024

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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