Tribunal judiciaire de Bordeaux, 24 janvier 2025, RG n° 24/00096
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 24 janvier 2025, RG n° 24/00096

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Droit de rétractation et protection des consommateurs : enjeux et conséquences

Résumé

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, un acheteur a commandé un portail et un portillon motorisés ainsi que des travaux de maçonnerie auprès d’une société spécialisée, dans le cadre d’un démarchage à domicile. Le montant total de la commande s’élevait à 17.446 €, avec un acompte de 5.300 € versé à la commande.

Modification de la commande

Peu après, un nouveau bon de commande a été établi, modifiant les termes de la commande initiale. Ce nouveau contrat prévoyait la fourniture d’un portail et d’un portillon motorisés, mais sans les travaux de maçonnerie, et incluait des travaux de démoussage de la toiture pour un montant de 16.000 €. Un acompte de 5.300 € a également été encaissé par la société.

Exercice du droit de rétractation

L’acheteur a exercé son droit de rétractation par courrier, demandant la restitution de l’acompte. Bien que la société ait accepté la rétractation, elle a refusé de rembourser l’acompte versé. Par la suite, un juge a placé l’acheteur sous protection juridique, désignant un mandataire judiciaire pour l’assister dans ses démarches.

Actions en justice

L’acheteur, assisté de son mandataire, a assigné la société devant le tribunal, demandant l’annulation du contrat, la restitution de l’acompte et des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier. Il a soutenu avoir valablement exercé son droit de rétractation dans le délai légal, arguant que la société n’avait pas respecté ses obligations d’information précontractuelle.

Arguments de la société défenderesse

La société a contesté les demandes de l’acheteur, affirmant que le droit de rétractation avait été exercé hors délai et qu’elle avait respecté ses obligations d’information. Elle a également nié avoir agi de manière dolosive, soutenant que l’acheteur n’était pas sous mesure de protection au moment de la signature des bons de commande.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que l’acheteur avait exercé son droit de rétractation de manière régulière, car aucun matériel n’avait été livré. Il a ordonné à la société de rembourser l’acompte de 5.300 € et a accordé des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi par l’acheteur. La société a également été condamnée à payer les frais de la procédure.

Conclusion

En conclusion, le tribunal a statué en faveur de l’acheteur, confirmant la nullité du contrat et ordonnant la restitution de l’acompte ainsi que le versement de dommages-intérêts, tout en condamnant la société aux dépens.

TRIBUNAL de PROXIMITE d’ARCACHON
[Adresse 7]
[Localité 2]

MINUTE :

N° RG 24/00096 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y76L

[O] [J]/curatelle [M] [Y] [K]

C/

S.A.S. CONFORT SATISFACTION

Le
– Expéditions délivrées à

-Me Annick BATBARE
-l’AARPI ROUSSEAU-BLANC

JUGEMENT EN DATE DU 24 janvier 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Sonia DESAGES, Vice-Présidente chargée des fonctions de juge des contentieux de la protection au Tribunal de proximité d’ARCACHON

GREFFIER : Madame Betty BRETON, Greffier

DEMANDEUR :
Monsieur [O] [K] placé sous curatelle de Mme [M] [Y] , mandataire judiciaire de la protection
né le 09 Février 1959 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Annick BATBARE (Avocat au barreau de BORDEAUX)

DEFENDERESSE :
S.A.S. CONFORT SATISFACTION, inscrite au RCS de Bordeaux sous le N° 823 636 501, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Benjamin BLANC de l’AARPI ROUSSEAU-BLANC

DÉBATS :
Audience publique en date du 15 Novembre 2024

PROCÉDURE :
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.

QUALIFICATION DU JUGEMENT :
Contradictoire

EXPOSE DU LITIGE

Suivant devis accepté le 11 mars 2021, M [O] [K] a commandé auprès de la société CONFORT SATISFACTION, dans le cadre d’un démarchage à domicile, un portail et un portillon motorisés ainsi que les travaux de maçonnerie afférents pour un montant de 17.446€.
Un bon de commande n°3474 a été établi le même jour prévoyant un acompte de 5300€.

Le 30 mars 2021, un nouveau bon de commande n° 3482 a été établi. Il portait sur la fourniture d’un portail et d’un portillon motorisés sans travaux de maçonnerie mais des travaux de démoussage hydrofuge de la toiture de la maison de M [K] pour un montant de 16.000 €.
Un paiement en trois fois était prévu dont un premier acompte de 5300€ à la commande.

Le 1er avril 2021, un chèque d’acompte de 5300 € a été encaissé par la société.

Par courrier du 09 avril 2021, M [K] a exercé son droit de rétractation et sollicité auprès de CONFORT SATISFACTION la restitution de trois chèques.
CONFORT SATISFACTION a accepté cette rétractation mais refusé le remboursement de la somme de 5300 €.

Par ordonnance en date du 29 avril 2021, le juge des tutelles du tribunal judiciaire de Bordeaux a placé M [K] sous le régime de la sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial en la personne de Mme [M] [Y], mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Par courrier du 07 juin 2021, Mme [Y] a sollicité la restitution de l’acompte.

Par jugement en date du 20 juillet 2021, M [K] a été placé sous curatelle renforcée et Mme [Y] désignée en qualité de curatrice.

Suivant courrier du 21 septembre 2021, le conseil de M [K] a adressé une mise en demeure à la société CONFORT SATISFACTION.

Par acte en date du 05 avril 2024, M [O] [K], assisté de sa curatrice [M] [Y], a assigné la SASU CONFORT SATISFACTION devant le tribunal de proximité d’Arcachon aux fins d’annulation du contrat, restitution de l’acompte et réparation de ses préjudices.

A l’audience du 15 novembre 2024, M [O] [K], représenté par son Conseil, demande au tribunal :
A titre principal, de constater la nullité du contrat de vente suite à la rétractation valablement effectuée le 09 avril 2021 :A titre subsidiaire, de prononcer la nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation afférentes au démarchage à domicile et dol ; En conséquence, condamner la SASU CONFORT SATISFACTION à lui régler les sommes suivantes :5300€ avec intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2021 au titre de l’acompte perçu ;2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi ;2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; outre les entiers dépens.
Au titre de sa demande principale fondée sur l’article L 221-24 du code de la consommation, M [K] soutient avoir valablement exercé son droit de rétractation dans le délai de 14 jours prévu à l’article L 221-18 dès lors que ce délai commence à courir, dans le cadre d’un contrat mixte, à compter de la livraison du bien qui, en l’espèce, n’a jamais eu lieu. Si l’article L 221-18 2° prévoit la possibilité d’exercer ce droit à compter de la conclusion du contrat, ce n’est qu’une faculté qui lui est offerte et non une obligation.

Au soutien de sa demande subsidiaire, M [K] fait valoir que CONFORT SATISFACTION :
N’a pas rempli son devoir d’information précontractuelle prévu à l’article L 221-5 du code de la consommation ;A violé l’article L 221-18 du code de la consommation en fournissant un bon de commande dépourvu de tout bordereau de rétractation et des conditions générales de vente illisibles ; A méconnu les dispositions de l’article 221-5 du code de la consommation en fournissant un bon de commande ne mentionnant pas de façon précise les caractéristiques des biens vendus, la date de livraison et de la pose, la ventilation entre le prix du matériel et celui des travaux ou encore la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation et de s’opposer au démarchage téléphonique ;S’est rendu coupable de dol en utilisant des artifices mensongers pour conduire à la conclusion du contrat et en exigeant, le jour de la commande, la remise du paiement global au moyen de trois chèques alors que M [K] était particulièrement et manifestement vulnérable.

Selon M [K], la nullité du contrat doit entrainer la restitution de l’acompte versé ; ce d’autant que la société défenderesse ne démontre pas avoir déboursé une quelconque somme pour la commande du matériel comme elle le prétend pour s’opposer à la restitution.

Enfin, M [K] allègue un préjudice moral et financier résultant de la résistance abusive de CONFORT SATISFACTION qui n’a pas voulu donner suite aux différentes démarches amiables engagées.

La SASU CONFORT SATISFACTION conclut au rejet de l’ensemble des demandes de M [K] et à sa condamnation au paiement d’une somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en premier lieu que le droit de rétractation a été exercé plus de 14 jours après la signature du bon de commande du 11 mars 2021, soit hors délai ; précisant ici que le bon de commande du 30 mars n’est pas un nouveau contrat mais n’a fait que modifier le premier.

La société CONFORT SATISFACTION prétend en second lieu avoir rempli son obligation d’information tant au travers du devis, qui comportait notamment un bordereau de rétractation et des conditions générales de vente parfaitement lisibles dont M [K] a pu prendre connaissance, que des deux bons de commande qui mentionnaient précisément les caractéristiques des biens vendus et la ventilation du prix. Elle relève qu’à aucun moment, M [K] ne s’est plaint d’un défaut d’information ; son dépôt de plainte en date du 21 avril 2021 ne mentionnant qu’une impossibilité de régler le prix.

La société CONFORT SATISFACTION conteste enfin toute manœuvre dolosive dont M [K] ne rapporte pas la preuve en relevant que lors de la signature des bons de commande, ce dernier n’était pas encore placé sous mesure de protection.

Dans l’hypothèse où la nullité du contrat serait prononcée, CONFORT SATISFACTION considère qu’elle n’a pas à restituer l’acompte de 5300 € compte tenu de la tardiveté de la rétractation et du fait qu’elle avait réalisé le métré et commandé le matériel à son fournisseur.
Elle relève en outre le défaut de démonstration d’un quelconque préjudice justifiant l’allocation de dommages et intérêts en application des articles 1178 et 1240 du code civil.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe ;

DIT que le droit de rétractation a régulièrement été exercé par M [O] [K] et qu’en conséquence, les parties sont déliées de toute obligation l’une envers l’autre ;

CONDAMNE la SASU CONFORT SATISFACTION à payer à M [O] [K] la somme de 5300€ au titre de l’acompte avec intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2021 ;

CONDAMNE la SASU CONFORT SATISFACTION à payer à M [O] [K] la somme de 800€ à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SASU CONFORT SATISFACTION à payer à M [O] [K] la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU CONFORT SATISFACTION au dépens.

Ainsi jugé et mis à disposition, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE JUGE

 


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