Transfert de contrat de travail et ancienneté : conditions non remplies.

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Transfert de contrat de travail et ancienneté : conditions non remplies.

Transfert de contrat de travail

L’article 7.2 B de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 stipule que le transfert du contrat de travail d’un salarié à une nouvelle entreprise, en cas de perte de marché, est subordonné à l’existence d’une ancienneté minimale de six mois sur le site concerné à la date d’expiration du contrat commercial.

Cette règle est renforcée par l’article 7-3, qui impose à l’entreprise sortante de fournir une liste du personnel affecté au marché, incluant les documents nécessaires pour justifier l’ancienneté des salariés concernés.

Conditions d’ancienneté

Selon l’article 641 du Code de procédure civile, le calcul des délais exprimés en mois doit se faire en tenant compte du jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’événement déclencheur. Ainsi, pour une ancienneté de six mois, celle-ci ne peut être considérée comme acquise qu’à partir du premier jour du mois suivant la date de début d’affectation, ce qui, dans le cas présent, signifie que l’ancienneté n’est acquise qu’à partir du 1er avril 2021.

Refus de transfert et conséquences

En l’absence d’une ancienneté de six mois sur le site Match à la date d’expiration du contrat commercial, la société Samsic II a légitimement refusé le transfert du contrat de travail de Madame [R]. Par conséquent, la SASU Samsic II ne peut être considérée comme l’employeur de Madame [R], ce qui exclut toute possibilité de résiliation judiciaire ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse à son encontre.

Cette situation est conforme aux principes énoncés dans le Code du travail, notamment l’article L. 1224-1, qui régit le transfert des contrats de travail en cas de changement d’employeur.

L’Essentiel : L’article 7.2 B de la convention collective nationale des entreprises de propreté stipule que le transfert du contrat de travail d’un salarié à une nouvelle entreprise, en cas de perte de marché, nécessite une ancienneté minimale de six mois sur le site concerné. L’article 7-3 impose à l’entreprise sortante de fournir une liste du personnel affecté, incluant les documents justifiant l’ancienneté. En l’absence de cette ancienneté, la société Samsic II a refusé le transfert du contrat de travail de Madame [R].
Résumé de l’affaire : Une agente de propreté a été employée par la société Derichebourg Propreté, avec un contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée en octobre 2020. Elle a été affectée au site de Match à partir de cette date. Cependant, la société Derichebourg Propreté a perdu le marché de ce site au profit de la société Samsic II. Cette dernière a informé Derichebourg Propreté qu’elle refusait de reprendre l’agente, invoquant un manque d’ancienneté de six mois sur le site requis par la convention collective.

L’agente s’est présentée sur le site Match le 1er avril 2021, mais a été renvoyée par la société repreneuse. Elle a alors saisi le conseil de prud’hommes, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses indemnités. Le conseil de prud’hommes a jugé que la société Samsic II était le nouvel employeur de l’agente et a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat, considérant que cette résiliation équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Samsic II a interjeté appel de ce jugement, demandant son infirmation et le déboutement de l’agente de toutes ses demandes. En réponse, l’agente a également demandé à la cour d’infirmer le jugement sur certains points, notamment la date des effets de la résiliation judiciaire et le montant des indemnités.

La cour a examiné les conditions de transfert du contrat de travail selon la convention collective, concluant que l’agente ne justifiait pas d’une ancienneté de six mois sur le site Match à la date de l’expiration du contrat commercial. Par conséquent, la cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déboutant l’agente de toutes ses demandes à l’encontre de la société Samsic II et la condamnant aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du refus de transfert du contrat de travail par la société Samsic II ?

Le refus de transfert du contrat de travail par la société Samsic II repose sur l’article 7.2 B de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. Cet article stipule que la reprise du salarié par la société entrante est subordonnée à l’existence d’un contrat à durée indéterminée ou d’un contrat à durée déterminée, justifiant d’une affectation sur le marché d’au moins six mois à la date d’expiration du contrat commercial ou du marché.

En l’espèce, la salariée n’a pas justifié d’une ancienneté de six mois sur le site Match au 31 mars 2021, date d’expiration du marché.

Ainsi, la société Samsic II a agi conformément à la convention collective en refusant le transfert.

Quel est l’impact de l’article 641 du code de procédure civile sur le calcul de l’ancienneté ?

L’article 641 du code de procédure civile précise que pour un délai exprimé en mois, celui-ci expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte ou de l’événement qui fait courir le délai.

Dans le cas présent, la salariée devait justifier d’une affectation d’au moins six mois sur le site Match à la date d’expiration du marché, soit le 31 mars 2021.

Or, selon les dispositions de cet article, les six mois d’affectation ne sont réalisés que le 1er avril 2021, ce qui signifie que la salariée ne remplissait pas les conditions requises à la date du 31 mars 2021.

Quel est le rôle de l’article 202 du code de procédure civile dans l’évaluation des attestations produites ?

L’article 202 du code de procédure civile impose que les attestations soient circonstanciées et accompagnées de pièces justificatives.

Dans cette affaire, les attestations produites par la salariée n’ont pas respecté ces exigences.

L’attestation de la société Derichebourg Propreté, par exemple, était un simple écrit dactylographié sans précision ni preuve, et l’attestation de l’ancienne collègue manquait de détails cruciaux.

Ainsi, ces documents n’ont pas pu établir la réalité de l’affectation de la salariée sur le site Match avant le 1er octobre 2020.

Quel est le résultat de l’absence de transfert du contrat de travail pour la salariée ?

L’absence de transfert du contrat de travail signifie que la salariée demeure liée à son employeur initial, la société Derichebourg Propreté.

En conséquence, la société Samsic II ne peut être considérée comme l’employeur de la salariée et ne peut donc pas être tenue responsable d’une résiliation judiciaire ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cela entraîne le déboutement de la salariée de toutes ses demandes à l’encontre de la SASU Samsic II, y compris les rappels de salaire et les indemnités de rupture.

Quel est l’effet de la décision de la cour sur les demandes de frais et dépens ?

La cour a infirmé le jugement de première instance et a condamné la salariée aux dépens des procédures de première instance et d’appel.

Cela signifie que la salariée doit supporter les frais engagés par la procédure, y compris les frais d’exécution forcée.

De plus, la cour a rejeté les demandes de frais irrépétibles formulées par la salariée et la société Samsic II, considérant que l’équité ne justifiait pas une telle condamnation.

CKD/KG

MINUTE N° 25/240

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 28 MARS 2025

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03627

N° Portalis DBVW-V-B7G-H5UZ

Décision déférée à la Cour : 24 Août 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE HAGUENAU

APPELANTE :

S.A.S.U. SAMSIC II

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 428 685 358

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent REUTHER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

Madame [U] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Natalia ICHIM, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme BESSEY

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme BESSEY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [U] [R] née le 1er juin 1974, a été engagée en qualité d’agent de propreté par la SASU Derichebourg Propreté à une date non établie.

Elle a signé :

– le 1er octobre 2018 un avenant de passage d’un contrat à durée déterminée depuis le « 00.01.1900 » à compter du 1er octobre 2018,

– le 1er octobre 2020 un avenant de passage d’un contrat à durée déterminée depuis le 02 mai 2018 vers un contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2020.

Selon ce contrat du 1er octobre 2020 elle a été affectée à compter de cette date, notamment au site de Match [Localité 4].

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

La société Derichebourg Propreté a perdu le marché du site Match au bénéfice de la SASU Samsic II.

Par courrier du 24 mars 2021, la société Samsic II informait la société sortante de son refus du transfert du contrat de travail de Madame [R] qui ne dispose pas de l’ancienneté minimale de 6 mois sur le site, ce qui a été contesté par la société Derichebourg Propreté par courrier du 31 mars 2021.

Madame [U] [R] s’est le 1er avril 2021 présentée sur le site Match, mais a été renvoyée par le repreneur.

Le 21 avril 2021 elle a saisi le conseil de prud’hommes de Haguenau d’une demande à l’encontre de la société Samsic II, complétée ultérieurement tendant à la voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, et obtenir paiement de diverses indemnités.

Par un jugement du 24 août 2022, le conseil de prud’hommes, après avoir jugé que la SASU Samsic II est le nouvel employeur de Madame [R], et prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société à effet au 24 août 2022, a dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a condamné la SASU Samsic II à payer à Madame [R] les sommes de :

* 21.842,72 ‘ bruts à titre de rappels de salaire du 1er avril 2021 au 24 août 2022,

* 2.184,27 ‘ bruts au titre des congés payés afférents,

* 2.604,34 ‘ bruts au titre de l’indemnité de préavis,

* 260,43 ‘ bruts au titre des congés payés afférents,

* 1.302,17 ‘ nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 3.208,68 ‘ nets au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.000 ‘ nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et vexatoire,

* 1.500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil des prud’hommes a alloué les intérêts au taux légal pour les rappels de salaire à compter de la mise en demeure du 09 avril 2021, à compter du 22 avril 2021 pour l’indemnité de licenciement, et pour les dommages et intérêts à compter du 24 août 2022.

Il a ordonné à la société de remettre les bulletins de paye jusqu’au 24 août 2022, ainsi que, sous astreinte de 30 ‘ par jour de retard, les documents de fin de contrat.

Il a enfin ordonné le remboursement par la société à pôle emploi des indemnités chômage depuis le licenciement dans la limite de six mois, et a condamné l’employeur aux frais et dépens de la procédure, y compris ceux liés à l’exécution forcée s’il s’avérait nécessaire.

La SASU Samsic II a interjeté appel de ce jugement le 26 septembre 2022.

Par dernières conclusions, transmises par voie électronique le 07 décembre 2022, la SASU Samsic II demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter Madame [R] de l’intégralité de ses fins moyens et prétentions,

– la condamner à lui payer 1.500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par dernières conclusions, transmises par voie électronique le 07 février 2023

Madame [U] [R] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé les effets de la résiliation judiciaire au 24 août 2022, et statuant à nouveau de prononcer la résiliation judiciaire à la date de l’arrêt à intervenir, et de condamner la SASU Samsic II à lui payer les sommes de :

* 27.345,57 ‘ brut à titre de rappels de salaire à compter d’avril 2021, somme à parfaire jusqu’à la décision à intervenir,

* 2.604,34 ‘ brut au titre de l’indemnité de préavis,

* 260,43 ‘ brut au titre des congés payés afférents,

* 130,21 ‘ brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 1.302,17 ‘ net au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 6.510,85 ‘ au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7.000 ‘ au titre du préjudice subi,

* 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

* 3.500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Elle demande par ailleurs à la cour d’enjoindre à la société de lui communiquer les bulletins de paie du 1er avril 2021 à la date de la décision à intervenir, et les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 ‘ par jour de retard.

À titre subsidiaire, elle considère avoir fait l’objet d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en conséquence demande que la société soit condamnée à lui payer les sommes de :

* 26,40 ‘ à titre de rappels de salaire pour la journée du 1er avril 2021,

* 2.604,34 ‘ brut au titre de l’indemnité de préavis,

* 260,43 ‘ brut au titre des congés payés afférents,

* 130,21 ‘ brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 1.302,17 ‘ net au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 6.510,85 ‘ au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7.000 ‘ au titre du préjudice subi,

* 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

* 3.500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Elle demande enfin de condamner la société aux entiers frais et dépens, y compris l’intégralité des frais, émoluments, et honoraires liés à une éventuelle exécution forcée de la décision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024.

Il est, en application de l’article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens, et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le transfert du contrat de travail

En cas de perte d’un marché, l’article 7.2 B de la convention collective des entreprises de propreté et services associés en date du 26 juillet 2011 subordonne la reprise du salarié par la société entrante à l’existence :

a) Soit d’un contrat à durée indéterminée et,

– justifier d’une affectation sur le marché d’au moins 6 mois à la date d’expiration du contrat commercial ou du marché public (‘) ;

b) Soit d’un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d’un salarié absent qui satisfait aux conditions visées ci-dessus en a).

L’article 7-3 stipule en outre que l’entreprise sortante établira une liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l’article 7.2 I qu’elle communiquera obligatoirement à l’entreprise entrante, dès connaissance de ses coordonnées.

Il est précisé que cette liste contiendra, pour chaque personne bénéficiant de la garantie d’emploi, le détail de sa situation individuelle, conformément au modèle figurant en annexe I de l’article 7, et qu’elle sera accompagnée de la copie des documents suivants :

– les 6 derniers bulletins de paie,

– la dernière attestation de suivi médical ou avis d’aptitude à jour,

– le passeport professionnel,

– la copie du contrat de travail et, le cas échéant, de ses avenants,

– l’autorisation de travail des travailleurs étrangers,

– l’autorisation de transfert du salarié protégé émise par l’inspecteur du travail.

*

Il résulte en l’espèce de la procédure que la société Derichebourg Propreté a perdu le marché du site Match le 31 mars 2021, la société Samsic II le reprenant le 1er avril 2021.

La société sortante a transmis à la société entrante la liste du personnel à reprendre, dont Madame [R], en joignant notamment ses six dernières fiches de paye, et les deux avenants au contrat de travail des 1er octobre 2018 et 1er octobre 2020. Par courrier du 31 mars 2021, elle confirmait que Madame [R] a bien une ancienneté supérieure à six mois sur le marché, en visant le contrat joint.

Or le premier contrat du 1er octobre 2018 ne vise que le site Pôle emploi de [Localité 4].

Le second contrat du 1er octobre 2020 vise expressément ce premier site et le site Match [Localité 4] pépinière.

1. Sur la computation du délai de six mois à compter du contrat du 1er octobre 2020

La salariée doit justifier en application de l’article 7.2 B de la convention collective des entreprises de propreté et services associés d’une affectation sur le marché d’au moins six mois à la date de l’expiration du contrat ou du marché.

En l’espèce, selon le contrat du 1er octobre 2020, la salariée a été affectée au site Match à compter du 1er octobre 2020. Le marché expirait le 31 mars 2021 à 24 heures.

Or au 31 mars 2021, la salariée ne justifie pas d’une affectation d’au moins six mois sur le site Match.

En effet en application de l’article 641 du code de procédure civile s’agissant d’un délai exprimé en mois (6 mois), le délai exprimé « en mois ou en année, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. À défaut d’un quantième identique le délai expire le dernier jour du mois ».

Par conséquent les six mois d’affectation sur le site Match ne sont réalisés que le 1er avril 2021, de sorte qu’à la date visée par la convention collective de l’expiration du marché, le 31 mars 2021, la salariée ne disposait pas d’une ancienneté de six mois sur le site.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que la société Samsic II a refusé le transfert de Madame [R] sur la base du contrat précité.

2. Sur l’existence d’une affectation sur le site à compter du 15 juillet 2020

Madame [R] soutient qu’elle aurait en réalité été affectée sur le site Match dès le 15 juillet 2020, et produit à l’appui de son affirmation une attestation de la société Derichebourg Propreté, ainsi qu’une attestation d’une ancienne collègue Madame [J].

Selon le premier document, Madame [N] [M], responsable ressources humaines soussigne que Madame [R] a bien été affectée au site Match pépinière [Localité 4] du 15/07/2020 au 31/03/2021.

Or ce document est un simple écrit dactylographié qui ne remplit pas les conditions de l’article 202 du code de procédure civile, et ne peut donc être considéré comme une attestation. Il n’est par ailleurs pas circonstancié, ni accompagné d’aucune pièce justificative, tel un planning. Il est enfin, et surtout en contradiction avec la lettre recommandée du 31 mars 2021 dans laquelle l’entreprise sortante visait une ancienneté supérieure à six mois sur le marché au regard du « contrat ci-joint « , alors qu’il est établi que ce contrat commence le 1er octobre 2020. À aucun moment, la société sortante n’a, avant la procédure prud’homale, soutenu que la salariée aurait été affectée sur ce site avant le 1er octobre 2020. Il est en dernier lieu relevé qu’en rédigeant ce document, la société sortante préserve ses propres intérêts.

L’attestation de Madame [J] selon laquelle Madame [R] a commencé à travailler sur le site le 15 juillet 2020 en remplacement d’une collègue n’est absolument pas circonstanciée. Le témoin ne précise pas quelle serait la salariée remplacée, quels auraient été les horaires effectués, ni même qu’elle-même aurait travaillé au même moment que Madame [R]. Là encore, aucun planning n’est produit.

En dernier lieu la cour relève que si l’intimé produit une attestation de Monsieur [W] directeur de magasin, celui-ci atteste uniquement avoir constaté qu’elle s’est présentée le 1er avril de 6 h à 8 h pour le nettoyage du magasin, sans nullement préciser qu’elle y aurait travaillé antérieurement.

Madame [R] qui, contrairement au contrat produit, soutient qu’elle était affectée à ce site depuis le 15 juillet 2020, ne produit aucun contrat, aucun planning, ou demande de son employeur établissant une affectation sur ce site.

Enfin les fiches de paye de juillet 2020 à février 2021 ne permettent pas d’avantage d’accréditer sa thèse. En effet, les nombres d’heures figurant sur les bulletins de paye à compter d’octobre 2020 (108,33 h) correspondent très exactement aux heures mentionnées sur le contrat du 1er octobre 2020 avec une répartition sur les sites Pôle emploi et Match. En revanche, les bulletins de salaires de juillet à septembre 2020 s’ils établissent l’existence d’heures supplémentaires en août 2020, ne mentionnent en revanche que 106,83 h en juillet, et 47,58 h en septembre 2020.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la preuve d’une affectation sur le site Match avant le 1er octobre 2020 n’est pas rapportée.

3. Sur les conséquences de l’absence de transfert

Faute d’une ancienneté de six mois d’affectation à la date de l’expiration du marché, c’est à juste titre que la société Samsic II s’est opposée au transfert de Madame [R].

Par conséquent, la société repreneuse n’étant pas l’employeur de Madame [R], elle ne peut se voir opposer une résiliation judiciaire, ou un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque Madame [R] était toujours salariée de la société Derichebourg Propreté.

Dès lors, Madame [R] ne peut-être que déboutée de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la SASU Samsic II, et ce tant s’agissant de rappels de salaire à compter du mois d’avril 2021, que de l’intégralité des indemnités de rupture, de la remise des documents de fin de contrat, ou des bulletins de paye. Le jugement déféré qui a fait droit à tous ces chefs de demandes est par conséquent infirmé en toutes ses dispositions, et la salariée déboutée.

Le jugement est pour les mêmes motifs également infirmé s’agissant de la condamnation à rembourser des indemnités chômage à Pôle emploi.

Compte tenu de l’issue du litige, Madame [R] est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et sa demande de frais irrépétibles ne peut être que rejetée. Le jugement est par conséquent infirmé sur ces deux points. Il est en revanche confirmé s’agissant du rejet des frais irrépétibles sollicités par la société.

Enfin, il est rappelé que la charge des frais d’exécution forcée est régie par les dispositions d’ordre public de l’article L. 111-8 du code de procédure civile d’exécution, et qu’il n’appartient pas au juge du fond de statuer par avance sur le sort de ces frais, sauf à commettre un excès de pouvoir. Sur ce point également le jugement déféré est infirmé.

À hauteur de cour, Madame [R] qui succombe est condamnée aux dépens de la procédure d’appel, et sa demande de frais irrépétibles est par voie de conséquence rejetée. L’équité ne commande pas de la condamner à payer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société appelante.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Haguenau le 24 août 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il déboute la SASU Samsic II de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et Y ajoutant

DEBOUTE Madame [U] [R] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SASU Samsic II ;

DIT n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par la SASU Samsic II à Pôle emploi, devenue France travail, des indemnités chômage éventuellement versées à Madame [U] [R] ;

CONDAMNE Madame [U] [R] aux entiers frais et dépens des procédures de première instance et d’appel ;

DEBOUTE la SASU Samsic II de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;

DEBOUTE Madame [U] [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’à hauteur de cour.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Claire Bessey, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


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