L’Essentiel : La taxe sur les services numériques, instaurée par la loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019, vise à taxer le chiffre d’affaires des grandes entreprises du numérique, notamment Google, Apple, Facebook et Amazon. Avec un taux de 3 %, elle s’applique aux services d’intermédiation et à la publicité ciblée, excluant l’e-commerce. Cette mesure a été adoptée en réponse à l’absence d’accord international, malgré des négociations au sein de l’OCDE. Toutefois, des risques juridiques subsistent, notamment en matière d’aides d’État et de conformité avec le droit de l’Union européenne, ce qui pourrait compromettre son efficacité.
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La taxe sur les services numériques est entrée en vigueur avec la loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019. Par un savant jeu de définitions légales et avec la prudence nécessaire vis-à-vis de la Commission européenne (risque de requalification), l’objectif principal est de taxer le chiffre d’affaires réalisé par Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA). Volonté d’une réponse rapide, en l’absence d’accord international ou européenLancées au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans le cadre du projet BEPS (« érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices »), les négociations relatives à l’adaptation du système fiscal international à la numérisation de l’économie ont initialement échoué. Une solution européenne a alors été proposée par la Commission européenne le 21 mars 2018 à l’initiative notamment de la France, avec : à court terme, l’introduction d’une taxe européenne sur les services numériques et, à plus long terme, la définition d’un critère de « présence numérique significative » permettant de qualifier un établissement stable. Face au refus de quatre États membres, la solution européenne n’a toutefois pas été adoptée, ce qui a conduit le Gouvernement à reprendre, à l’échelle nationale, la proposition de taxe sur les services numériques. La taxe sur les services numériquesLa taxe vise à appréhender la valeur générée par le « travail gratuit » des utilisateurs situés en France. C’est pourquoi deux types de services numériques sont pris en compte : i) Les services d’intermédiation permettant aux utilisateurs d’entrer en contact et d’interagir entre eux, notamment en vue de la livraison de biens ou de la fourniture de services directement entre utilisateurs ; ii) La publicité ciblée, à savoir les services visant à placer des annonces ciblées en fonction de données de l’utilisateur, ainsi que la vente de données à des fins publicitaires, à savoir l’ensemble des ventes de données aux fins de ciblage publicitaire. Ce périmètre exclut les services de mise à disposition de contenus numériques et l’e-commerce. Un taux de 3 % est appliqué à une assiette spécifique, correspondant au produit du total des sommes encaissées au titre des services taxables par l’entreprise dans le monde et de la proportion de leurs utilisateurs français. La taxe ne vise que les grandes entreprises qui dépassent deux seuils de chiffre d’affaires au titre des services taxables : 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros rattachés à la France. Une trentaine de groupes de sociétés y seraient assujettis, pour un rendement estimé à 400 millions d’euros en 2019. Les risques juridiques au regard du droit de l’Union européenne et des conventions fiscalesLe premier risque au regard du droit de l’Union européenne concerne l’encadrement des aides d’État, compte tenu de son application à seulement certaines entreprises. Sans être nécessairement contraire au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la taxe sur les services numériques devrait à tout le moins être notifiée à la Commission européenne, sous peine d’être entachée d’irrégularité pour une simple question de procédure. Le choix affirmé du Gouvernement de ne pas procéder à cette notification constitue un risque majeur pour l’avenir de la taxe, la remise en cause de la taxe pouvant alors conduire au remboursement des sommes indûment perçues. Le deuxième risque au regard du droit de l’Union européenne concerne les libertés de circulation. Le fort ciblage de la taxe, dont seul un groupe français serait redevable, pourrait être qualifié de restriction déguisée. Le troisième facteur d’incertitude juridique tient à la requalification de la taxe sur les services numériques comme impôt relevant du champ des conventions fiscales. Les effets de la taxe seraient alors intégralement annihilés. En portant sur le chiffre d’affaires, la taxe pèsera directement sur la trésorerie d’entreprises qui ne sont pas forcément profitables. Compte tenu de leur position de marché, les entreprises visées pourraient reporter une partie de la taxe sur les utilisateurs. Par ailleurs, le recouvrement de la taxe sera complexe. Il repose en effet sur une procédure entièrement déclarative et fait appel à des données qui pourraient être complexes à obtenir – chiffre d’affaires mondial au titre des services taxables, nombre d’utilisateurs dans le monde et en France –, a fortiori de la part de groupes ayant leur siège à l’étranger, dont certains ne sont même pas assujettis à la TVA en France. En cas d’absence de déclaration, la procédure de taxation d’office sera difficile à mettre en œuvre par l’administration, d’autant que celle-ci devra apporter la preuve des données qu’elle a utilisées en cas de contentieux. Une taxe sur les encaissementsLes encaissements versés en contrepartie de la fourniture d’un service taxable (mise en relation des utilisateurs en vue de l’achat d’un bien ou d’un service et liens promotionnels), s’entendent de l’ensemble des sommes versées par les utilisateurs de cette interface, à l’exception de celles versées en contrepartie de livraisons de biens ou de fournitures de services qui constituent, sur le plan économique, des opérations indépendantes de l’accès et de l’utilisation du service taxable. L’utilisateur d’une interface numérique est localisé en France s’il la consulte au moyen d’un terminal situé en France. La localisation en France de ce terminal est déterminée par tout moyen, y compris en fonction de son adresse IP (protocole internet), dans le respect des règles relatives au traitement de données à caractère personnel. La taxe repose sur la capacité à localiser les utilisateurs situés en France, ce qui doit être concilié avec la protection des données personnelles. Pour garantir au mieux l’équilibre entre ces deux impératifs, la commission a renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer le critère de localisation. Concernant la publicité électronique, les encaissements versés en contrepartie de la fourniture d’un service taxable s’entendent de l’ensemble des sommes versées par les annonceurs, ou leurs mandataires, en contrepartie de la réalisation effective du placement des messages publicitaires ou de toute autre opération qui lui est étroitement liée sur le plan économique. |
Q/R juridiques soulevées :
Quand la taxe sur les services numériques est-elle entrée en vigueur ?La taxe sur les services numériques a été mise en place avec la loi n° 2019-759, adoptée le 24 juillet 2019. Cette loi a été conçue pour répondre à un besoin croissant de régulation fiscale face à la numérisation de l’économie, notamment en ce qui concerne les grandes entreprises technologiques, souvent désignées par l’acronyme GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Cette initiative a été motivée par le constat que ces entreprises génèrent des revenus significatifs en France sans y payer une part équitable d’impôts. En conséquence, la loi a été élaborée pour taxer le chiffre d’affaires réalisé par ces géants du numérique sur le territoire français, en tenant compte des spécificités du marché numérique. Quel était l’objectif principal de la taxe sur les services numériques ?L’objectif principal de la taxe sur les services numériques est de taxer le chiffre d’affaires généré par les grandes entreprises du numérique, en particulier celles qui ne sont pas soumises à une imposition adéquate en France. Cela inclut des entreprises comme Google, Apple, Facebook et Amazon, qui bénéficient d’une large base d’utilisateurs en France. La taxe vise à appréhender la valeur créée par le « travail gratuit » des utilisateurs français, en se concentrant sur deux types de services : les services d’intermédiation et la publicité ciblée. Ces services sont essentiels pour comprendre comment les entreprises numériques exploitent les données des utilisateurs pour générer des revenus. Quels types de services sont concernés par la taxe ?La taxe sur les services numériques concerne principalement deux types de services : 1. **Les services d’intermédiation** : Ces services permettent aux utilisateurs de se connecter et d’interagir, souvent en vue de la livraison de biens ou de la fourniture de services entre eux. Cela inclut des plateformes qui facilitent les transactions entre utilisateurs. 2. **La publicité ciblée** : Cela englobe les services qui placent des annonces en fonction des données des utilisateurs, ainsi que la vente de données à des fins publicitaires. Il est important de noter que cette taxe n’inclut pas les services de mise à disposition de contenus numériques ou l’e-commerce. Quels sont les seuils de chiffre d’affaires pour être assujetti à la taxe ?Pour être assujetti à la taxe sur les services numériques, une entreprise doit dépasser deux seuils de chiffre d’affaires : 1. **750 millions d’euros au niveau mondial** : Cela signifie que l’entreprise doit générer un chiffre d’affaires global significatif pour être concernée par la taxe. 2. **25 millions d’euros en France** : Ce seuil garantit que seules les entreprises ayant une présence substantielle sur le marché français sont soumises à cette taxe. Environ une trentaine de groupes de sociétés sont estimés être concernés, avec un rendement fiscal prévu de 400 millions d’euros pour l’année 2019. Quels sont les risques juridiques associés à la taxe sur les services numériques ?La taxe sur les services numériques présente plusieurs risques juridiques, notamment : 1. **Encadrement des aides d’État** : La taxe pourrait être considérée comme une aide d’État, ce qui nécessiterait une notification à la Commission européenne. Le non-respect de cette procédure pourrait entraîner des irrégularités. 2. **Libertés de circulation** : Le ciblage de la taxe sur un groupe spécifique d’entreprises pourrait être interprété comme une restriction déguisée à la libre circulation des services au sein de l’Union européenne. 3. **Requalification de la taxe** : Si la taxe est requalifiée comme un impôt relevant des conventions fiscales, cela pourrait annuler ses effets, rendant la collecte de la taxe difficile. Ces risques juridiques soulèvent des préoccupations quant à la viabilité à long terme de la taxe. Comment la taxe sur les services numériques est-elle collectée ?La collecte de la taxe sur les services numériques repose sur une procédure déclarative, ce qui signifie que les entreprises doivent déclarer leurs revenus et utilisateurs. Cela peut s’avérer complexe, car les entreprises doivent fournir des données précises sur leur chiffre d’affaires mondial et le nombre d’utilisateurs en France. En cas d’absence de déclaration, l’administration fiscale pourrait avoir des difficultés à mettre en œuvre une taxation d’office. De plus, elle doit prouver les données utilisées en cas de contentieux, ce qui complique davantage le processus de recouvrement. Comment la localisation des utilisateurs est-elle déterminée pour la taxe ?La localisation des utilisateurs pour la taxe sur les services numériques est déterminée par le terminal utilisé pour accéder à l’interface numérique. Un utilisateur est considéré comme localisé en France s’il consulte le service via un terminal situé sur le territoire français. Cette localisation peut être établie par divers moyens, y compris l’adresse IP, tout en respectant les règles de protection des données personnelles. Un décret en Conseil d’État est prévu pour préciser les critères de localisation, afin d’assurer un équilibre entre la collecte de données et la protection de la vie privée des utilisateurs. |
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