Suspension de l’exécution provisoire : conditions et enjeux financiers

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Suspension de l’exécution provisoire : conditions et enjeux financiers

Conditions d’arrêt de l’exécution provisoire

L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que, dans le cadre d’un appel, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives.

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est recevable que si, en plus de ces conditions, le demandeur a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, et que les conséquences excessives se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Appréciation du risque de conséquences manifestement excessives

Le risque de conséquences manifestement excessives attaché à l’exécution provisoire doit être évalué en fonction de la faisabilité d’un anéantissement rétroactif de l’exécution en cas d’infirmation. Cela implique que le demandeur doit prouver l’existence d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation, la charge de la preuve incombant au demandeur.

Il est précisé que le pouvoir du premier président d’aménager ou d’arrêter l’exécution provisoire n’a pas d’effet rétroactif sur un acte d’exécution forcé déjà pratiqué, ce qui signifie que la demande d’arrêt ne peut concerner que la partie de la condamnation qui n’a pas encore fait l’objet d’une saisie.

Conséquences de la demande de consignation

L’article 521 du code de procédure civile permet à une partie de demander la consignation des sommes dues en cas de risque de non-représentation des fonds par le créancier en cas d’infirmation de la décision. Toutefois, pour que cette demande soit fondée, le demandeur doit développer des moyens permettant d’en apprécier le bien-fondé.

Dans le cas présent, il a été relevé que les demandeurs n’ont pas fourni d’éléments suffisants pour justifier le risque de non-représentation des fonds, ce qui entraîne le rejet de leur demande de consignation.

Condamnation aux dépens et frais irrépétibles

Conformément à l’article 700 du code de procédure civile, la partie perdante peut être condamnée à verser à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, M. [B] [F] et Mme [C] ont été condamnés in solidum à payer une somme de 1 500 euros à la société SC Novarenne, ainsi qu’aux dépens de la présente instance, en raison de leur statut de partie perdante dans le litige.

L’Essentiel : L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le risque de conséquences manifestement excessives. La demande d’arrêt n’est recevable que si le demandeur a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, et que les conséquences excessives se sont révélées postérieurement.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un acheteur et une vendeuse ont été condamnés par le tribunal judiciaire de Créteil à verser une somme de 104 000 euros à la société SC Novarenne, suite à un litige concernant une vente. Le jugement, rendu le 25 juin 2024, a également rejeté leur demande de constatation de résolution de la vente et de réduction de la clause pénale. Les deux parties ont été condamnées solidairement aux dépens et à verser 3 000 euros pour les frais irrépétibles. Suite à cette décision, l’acheteur et la vendeuse ont interjeté appel le 2 septembre 2024.

Le 15 janvier 2025, ils ont assigné la société SC Novarenne en référé, demandant la suspension de l’exécution provisoire du jugement. Lors de l’audience du 12 février 2025, ils ont maintenu leur demande initiale tout en sollicitant la possibilité de consigner le solde des condamnations. En réponse, la société SC Novarenne a fait valoir que l’exécution provisoire avait déjà été partiellement exécutée par des saisies, et a demandé que la demande des appelants soit déclarée mal fondée.

Le tribunal a examiné la demande d’arrêt de l’exécution provisoire en vertu de l’article 514-3 du code de procédure civile, qui exige la démonstration d’un moyen sérieux d’annulation et d’un risque de conséquences manifestement excessives. Les demandeurs ont soutenu que leurs revenus avaient diminué, mais la société défenderesse a présenté des éléments prouvant que les demandeurs possédaient un patrimoine immobilier conséquent, ce qui a conduit le tribunal à conclure qu’il n’existait pas de risque excessif lié à l’exécution de la décision.

En conséquence, le tribunal a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et la demande de consignation, condamnant les demandeurs aux dépens et à verser une somme de 1 500 euros à la société SC Novarenne.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ?

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est fondée sur l’article 514-3 du code de procédure civile, qui stipule que :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Il est précisé que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, en plus d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Ainsi, il appartient aux demandeurs de prouver l’existence de ces deux conditions, qui sont cumulatives.

Quel est le critère d’appréciation du risque de conséquences manifestement excessives ?

Le risque de conséquences manifestement excessives attaché à l’exécution provisoire de la décision s’apprécie au regard de la faisabilité de l’anéantissement rétroactif de l’exécution en cas d’infirmation.

Cela signifie que ce risque doit supposer un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation, la charge de la preuve incombant au demandeur.

Il est également important de noter que le pouvoir conféré au premier président d’aménager ou d’arrêter l’exécution provisoire n’a pas d’effet sur un acte d’exécution forcé antérieurement pratiqué, sa décision n’ayant pas d’effet rétroactif.

Quel est l’impact des éléments patrimoniaux des demandeurs sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ?

Les éléments patrimoniaux des demandeurs, tels que la possession de biens immobiliers et d’autres actifs, sont cruciaux pour apprécier le risque de conséquences manifestement excessives.

La société défenderesse a mis en avant que les demandeurs sont propriétaires de deux biens immobiliers acquis pour des montants significatifs, financés partiellement par des emprunts.

Ces éléments, qui démontrent l’existence d’un patrimoine conséquent, démentent le risque de conséquences manifestement excessives que les demandeurs allèguent.

En effet, la possession d’un patrimoine immobilier et mobilier important peut suffire à garantir le paiement de la condamnation, ce qui affaiblit la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Quel est le fondement de la demande de consignation formulée par les demandeurs ?

La demande de consignation est fondée sur les dispositions de l’article 521 du code de procédure civile, qui permet à un débiteur de consigner les sommes dues en cas de contestation sur leur montant ou leur exigibilité.

Cependant, les demandeurs n’ont pas développé de moyens susceptibles d’en apprécier le bien-fondé, et il a été relevé que le risque de non-représentation des fonds par la société défenderesse en cas d’infirmation de la première décision n’est pas étayé.

Ainsi, cette demande de consignation a également été rejetée, car elle ne répond pas aux exigences légales requises pour être accueillie.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens et les frais irrépétibles ?

La partie perdante au présent litige, en l’occurrence les demandeurs, sera condamnée in solidum aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet article stipule que : « La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans ce cas précis, les demandeurs ont été condamnés à payer la somme de 1 500 euros à la société défenderesse, ce qui illustre l’application de cette disposition légale.

Ainsi, la décision a des conséquences financières directes pour les demandeurs, qui doivent assumer les frais de la procédure.

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 19 MARS 2025

(n° /2025)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/19422 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKMOR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2024 – TJ de CRETEIL – RG n° 21/07018

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Laurent NAJEM, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEURS

Monsieur [T] [U] [B] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [G] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Antoine BENOIT-GUYOD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0035

à

DEFENDEUR

S.C. NOVARENNE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandra MARCEAU substituant Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 12 Février 2025 :

Un jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 25 juin 2024 a :

– rejeté la demande de constatation d’une résolution d’une vente ;

– rejeté la demande de réduction de la clause pénale ;

– condamné solidairement M. [B] [F] et Mme [C] à verser à la société SC Novarenne la somme de 104 000 euros ;

– condamné in solidum M. [B] [F] et Mme [C] aux dépens ;

– condamné in solidum M. [B] [F] et Mme [C] à verser à la société SC Novarenne la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– débouté M. [B] [F] et Mme [C] de leurs demande formulée au titre des frais irrépétibles ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration en date du 2 septembre 2024, M. [B] [F] et Mme [C] épouse [B] [F] ont fait appel de cette décision.

Par acte en date du 15 janvier 2025, ils ont fait assigner la société SC Novarenne devant le premier président de la cour d’appel de Paris, en référé, afin de voir ordonner la suspension de l’exécution provisoire assortie au jugement rendu le 25 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Créteil et qu’il soit statué sur les dépens.

Dans des conclusions déposées à l’audience du 12 février 2025 et développées oralement par leur conseil, M. [B] [F] et Mme [C] maintiennent leur demande initiale et, y ajoutant, sollicitent d’être autorisés à consigner le solde des condamnations auprès de la Carpa ou à défaut de la Caisse des dépôts et consignation.

Suivant conclusions déposées à l’audience et développées oralement par son conseil, la société SC Novarenne demande de :

– prendre acte que la décision a été partiellement exécutée de façon forcée, se déclarer incompétent pour statuer sur l’arrêt de l’exécution provisoire de l’intégralité des sommes mises à la charge de M. [B] [F] et Mme [C] compte tenu des saisies intervenues, à défaut déclarer sans objet la demande s’agissant des 51 634,25 euros saisis ;

– dire n’y avoir lieu à arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu le 25 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Créteil ;

En conséquence,

– déclarer la demande de M. [B] [F] et Mme [C] mal fondée ;

– les débouter en leurs fins, moyens et conclusions ;

– les condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

[F] un exposé exhaustif des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Il appartient aux demandeurs de démontrer qu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision entreprise et que son exécution, même à titre provisoire, risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, ces deux conditions étant cumulatives.

Le risque de conséquences manifestement excessives attaché à l’exécution provisoire de la décision s’apprécie au regard de la faisabilité de l’anéantissement rétroactif de l’exécution en cas d’infirmation. Il en résulte que ce risque suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation, la charge de la preuve incombant au demandeur.

Le pouvoir conféré au premier président d’aménager ou d’arrêter l’exécution provisoire est sans effet sur un acte d’exécution forcé antérieurement pratiqué, sa décision n’ayant pas d’effet rétroactif.

Il en résulte que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ne peut en l’espèce porter que sur la partie de la condamnation qui n’a pas déjà fait l’objet d’une saisie, sans qu’il n’y ait lieu à ce titre de se déclarer même partiellement  » incompétent « .

S’agissant du risque de conséquences manifestement excessives, les demandeurs font valoir que leurs revenus ont fortement diminué sur l’année 2024, les dividendes perçus par M. [B] [F] sont passés de 660 000 euros en 2022 à 97 000 euros en 2023. Ils précisent que les sociétés exerçant leur activité dans l’industrie pharmaceutique ont engagé de lourds investissements industriels.

En réponse, la société SC Novarenne soutient que les époux [B] [F] sont propriétaires de deux biens immobiliers acquis pour 952 000 euros et 2 467 500 euros ; que ces acquisitions n’ont été financées que partiellement par des emprunts. Elle relève que M. [B] [F] occupe également des fonctions de dirigeant dans différentes sociétés. Elle considère que les demandeurs ont un patrimoine suffisamment important pour assurer le paiement de la clause pénale fixée à 104 000 euros.

Au soutien de leur demande, M. [B] [F] et Mme [C] versent la déclaration de revenu 2023 dont il résulte la perception de dividendes pour 97 000 euros et s’agissant de Mme [C], il est fait état de salaires ou traitements pour 34 006 euros. Les mesures d’exécution forcée ont permis à la défenderesse de recouvrer la somme de 51 634,25 euros.

La défenderesse produit par ailleurs des pièces dont il résulte que les demandeurs sont effectivement propriétaires de deux biens immobiliers à [Localité 5] acquis pour des montants de 952 000 et 2 467 500 euros, financés partiellement par des emprunts bancaires. Ils ont par ailleurs vendu en 2020 des biens immobiliers situés à [Localité 6] pour 485 000 euros qu’ils avaient acquis en 2016 pour 400 000 euros.

La société SC Novarenne, qui n’a pas la charge de la preuve à ce titre, produit également la liste des participations de M. [B] [F] dans différentes sociétés. Elle verse notamment un extrait de procès-verbal de la consultation écrite des associés de la société Innobiomil (sa pièce 17) actant la réduction du capital social avec un rachat de 10 actions pour un prix de rachat fixé à 65 000 euros par action. M. [B] [F] est détenteur de 90 actions sur 100 dans cette société (pièce 21).

Ces éléments qui démontrent l’existence d’un patrimoine mobilier et immobilier conséquent démentent à eux-seuls le risque de conséquences manifestement excessives dont les demandeurs se prévalent et qui résulterait du paiement de la condamnation.

Dès lors, et sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens sérieux de réformation allégués par la demanderesse, les deux conditions de l’article 514-3 du code de procédure civile, étant cumulatives, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire sera rejetée.

S’agissant de la demande subsidiaire de consignation, fondée sur les dispositions de l’article 521 du code de procédure civile, M. [B] [F] et Mme [C] ne développent aucun moyen susceptible d’en apprécier le bienfondé, étant relevé en tout état de cause que le risque de non-représentation des fonds par la société SC Novarenne en cas d’infirmation de la première décision n’est pas étayé.

Cette demande sera également rejetée.

Partie perdante au présent litige, M. [B] [F] et Mme [C] seront condamnés in solidum aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 500 euros de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 25 juin 2024 ;

Rejetons la demande de consignation ;

Condamnons in solidum M. [B] [F] et Mme [C] à payer la société SC Novarenne la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum M. [B] [F] et Mme [C] aux dépens de la présente instance.

ORDONNANCE rendue par M. Laurent NAJEM, Conseiller, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Conseiller


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