Succession et partage : enjeux de transparence et de responsabilité financière entre héritiers.

·

·

Succession et partage : enjeux de transparence et de responsabilité financière entre héritiers.

L’Essentiel : Le litige porte sur la succession de Madame [Y] [D] [MG], décédée en 2019, laissant plusieurs héritiers. En l’absence de partage amiable, certains héritiers ont assigné d’autres devant le tribunal. Le juge a déclaré irrecevables certaines demandes et a rejeté celles concernant des contrats d’assurance-vie. Les requérants ont demandé l’ouverture des opérations de compte et la désignation d’un notaire. Madame [W] [O] a contesté les accusations de recel successoral, tandis que Madame [S] [AP] [O] a soutenu que les dons de la défunte devaient être rapportés à la succession. Le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de partage.

Exposé du litige

Le litige concerne la succession de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O], décédée le [Date décès 6] 2019, laissant derrière elle plusieurs héritiers, dont ses enfants issus de son union avec Monsieur [T] [F] [O], décédé en 1974. En raison de l’absence de partage amiable des successions, certains héritiers ont assigné d’autres devant le tribunal pour ordonner les opérations de compte, liquidation et partage des successions.

Ordonnances du juge

Le juge a déclaré irrecevables certaines demandes des requérants à l’encontre de certains cohéritiers et a rejeté plusieurs demandes, notamment celles concernant la production de contrats d’assurance-vie et d’expertise comptable. La procédure a été clôturée le 10 novembre 2023, avec une audience fixée pour le 5 novembre 2024.

Demandes des requérants

Les requérants ont demandé l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions, la désignation d’un notaire pour procéder aux opérations, ainsi que la production de documents financiers. Ils ont également sollicité des condamnations financières à l’encontre de certains cohéritiers pour des dons manuels et des virements effectués.

Réponses de Madame [W] [O] épouse [C]

Madame [W] [O] a contesté les accusations de recel successoral et a demandé le rejet des demandes des requérants, arguant qu’elle n’avait commis aucune faute et que les dépenses effectuées étaient justifiées. Elle a également soutenu que les requérants n’avaient pas prouvé leurs allégations.

Conclusions de Madame [S] [AP] [O]

Madame [S] [AP] [O] a également demandé l’ouverture des opérations de partage et a soutenu que les dons reçus de la défunte devaient être rapportés à la succession. Elle a demandé des condamnations financières à l’encontre de Madame [W] [O] pour des sommes perçues.

Motifs de la décision

Le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions, en désignant un notaire pour superviser ces opérations. Il a également précisé que les requérants devaient rapporter les dons reçus à la succession, tout en rejetant les demandes de production de documents et d’expertise qui avaient déjà été refusées.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a statué en faveur de l’ouverture des opérations de partage, a désigné un notaire, et a ordonné le rapport de certaines sommes à la succession. Les demandes de recel successoral et de dommages-intérêts ont été rejetées, et les dépens ont été déclarés en frais privilégiés de partage.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner l’ouverture des opérations de partage judiciaire ?

L’article 815 du Code civil stipule que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. »

Cela signifie que tout héritier a le droit de demander le partage de la succession, même en cas de désaccord entre les cohéritiers.

De plus, l’article 840 du même code précise que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer.

Dans le cas présent, les requérants ont sollicité l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions, ce qui est justifié par le refus de certains héritiers de procéder à un partage amiable.

Ainsi, les conditions pour ordonner l’ouverture des opérations de partage judiciaire sont réunies.

Quel est le rôle du notaire dans les opérations de partage judiciaire ?

L’article 1364 du Code de procédure civile dispose que « si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. »

Le notaire a pour mission de réaliser toutes les investigations nécessaires pour établir la situation active et passive de l’indivision, y compris l’existence de comptes bancaires et de placements financiers.

Il doit également dresser un état liquidatif, déterminer les droits des parties et composer les lots à répartir.

En cas de difficultés, le notaire peut solliciter l’aide du juge commis, qui a pour rôle de veiller au bon déroulement des opérations de partage.

Il est donc essentiel que le notaire soit désigné pour garantir la transparence et l’équité des opérations de partage.

Quelles sont les obligations des héritiers concernant les dons manuels ?

L’article 843 du Code civil stipule que « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement. »

Cela signifie que tout héritier doit déclarer les dons reçus du défunt, sauf s’ils ont été expressément faits hors part successorale.

L’article 866 précise que « les sommes rapportables produisent intérêt au taux légal, sauf stipulation contraire. »

Ainsi, les héritiers doivent rapporter les dons manuels à la succession, et ces sommes produiront des intérêts à compter de l’ouverture de la succession.

Dans le cas présent, les héritiers ont demandé le rapport de plusieurs sommes reçues par dons manuels, ce qui est conforme aux obligations légales.

Quelles sont les conséquences du recel successoral selon le Code civil ?

L’article 778 du Code civil dispose que « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. »

Cela signifie qu’un héritier qui dissimule des biens ou des droits de la succession perd son droit à toute part de ces biens.

Il est également précisé que l’héritier receleur doit rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés depuis l’ouverture de la succession.

Dans cette affaire, les requérants ont accusé Mme [W] [O] d’avoir dissimulé des sommes importantes, mais il a été établi qu’aucun fait matériel de recel n’a été caractérisé, ce qui a conduit à son déboutement.

Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages-intérêts en cas de préjudice moral ?

L’article 1240 du Code civil énonce que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Pour obtenir des dommages-intérêts, il faut donc prouver qu’un fait fautif a causé un préjudice.

Dans le cas présent, les requérants ont allégué un préjudice moral dû à l’absence de compte-rendu de mandat par Mme [W] [O].

Cependant, aucune faute n’ayant été retenue à son encontre, les conditions de l’article 1240 ne sont pas réunies, ce qui a conduit à leur déboutement.

Il est donc essentiel de prouver la faute et le lien de causalité entre celle-ci et le préjudice pour obtenir des dommages-intérêts.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 21/02515 – N° Portalis DBZS-W-B7F-VH5Q

JUGEMENT DU 10 JANVIER 2025

DEMANDEURS:

Mme [G] [MG] [O] épouse [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Corinne RIGALLE- DUMETZ, avocat au barreau de LILLE

M. [L] [MG] [O]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représenté par Me Corinne RIGALLE- DUMETZ, avocat au barreau de LILLE

M. [Z] [F] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Corinne RIGALLE- DUMETZ, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES:

Mme [S] [N] [AP] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Faten CHAFI – SHALAK, avocat au barreau de LILLE

Mme [W] [O] épouse [C]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Neary CLAUDE-LEMANT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 Novembre 2023.

A l’audience publique du 05 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 10 Janvier 2025.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Nicolas VERMEULEN, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Janvier 2025 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

[Y] [D] [MG] veuve [F] [O] est décédée le [Date décès 6] 2019 à [Localité 9] laissant pour lui succéder :

Monsieur [Z] [F] [O] Monsieur [L] [P] [MG] [O] Madame [S] [AP] [O] Madame [W] [O] épouse [C] Madame [G] [MG] [O] épouse [M],
Ses enfants issus de son union avec Monsieur [T] [F] [O], décédé le [Date décès 8] 1974 à [Localité 9].

Au motif qu’aucun partage amiable de ces successions n’a finalement pu intervenir, Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] ont fait assigner Mme [W] [O] épouse [C], Mme [S] [N] [AP] [O], M. [A] [U] et Mme [E] [R] devant le tribunal par actes d’huissier de justice en date du 7 avril 2021, aux fins de voir notamment ordonner les opérations de compte, liquidation et partage des successions de leurs parents.

Par ordonnance du 25 mars 2022, le juge de la mise en état a notamment déclaré irrecevables à agir les requérants à l’encontre de M. [A] [U] et Mme [E] [R], ordonné à la [11] de produire les éléments en sa possession en lien avec la livraison d’espèces, rejeté la demande de production des contrats d’assurance-vie souscrits par la défunte et la demande d’expertise comptable.

Puis par ordonnance du 3 juin 2022, le juge de la mise en état a rejeté la demande de la [11] de voir rétracter l’ordonnance d’incident précitée.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 novembre 2023 et l’affaire a reçu fixation pour plaidoiries à l’audience des débats du 05 novembre 2024.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 1er février 2023, Madame [G] [MG] [O] épouse [M], Monsieur [L] [P] [MG] [O] et Monsieur [Z] [F] [O] demandent de :

Voir ordonner les opérations de compte, liquidation et partage des successions confondues de Monsieur [T] [F] [O] et de son épouse Madame [Y] [X] [D] [MG] veuve [F] [O]
Désigner pour y procéder Me [B] [H], Notaire à [Adresse 10]
Commettre un juge afin de surveiller les opérations de partage
Ordonner la production des contrats d’assurance-vie contractés par la défunte et délier les organismes bancaires de leur obligation de secret

Ordonner à tous les titulaires de procuration notamment Madame [W] [O] soit à tous mandataires du fait de la procuration donnée par la défunte, de justifier de l’utilisation des fonds reçus ou prélevés, par application de l’article 1993 du code civil
Dire, qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis de procéder à leur mission, il serait pourvu à leur remplacement par ordonnance du Président du tribunal rendue sur simple requête de la partie la plus diligente ;
Dire et juger que le notaire commis pourra sur simple présentation du jugement se faire communiquer par les administrations, banques et offices notariaux ainsi que le fichier FICOBA et l’association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (AGIRA) tous renseignements concernant le patrimoine mobilier ou immobilier ou le revenu des parties, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel,
Dire et juger que le notaire désigné devra se faire communiquer par les parties ou obtenir de la banque, les relevés bancaires des comptes de la défunte et un état des procurations existant sur les comptes, afin de déterminer le montant du rapport à succession dû par les défendeurs, une fois obtenu de la part de ceux-ci des explications complètes,
En conséquence,

Condamner Madame [S] [AP] [O] au rapport à la succession de sa mère de la somme de 5.000 euros au titre des dons manuels avec intérêt aux taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, en vertu de l’article 866 du Code civil
Condamner Madame [W] [O] épouse [C] au rapport à la succession de sa mère de la somme de 6.340 euros au titre des dons manuels avec intérêt aux taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, en vertu de l’article 866 du Code civil
Condamner Madame [W] [O] épouse [C] au rapport à la succession de sa mère de la somme de 166.500 euros au titre des virements (130.000 euros) et retraits opérés (36.500) à son profit avec intérêt aux taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, en vertu de l’article 866 du Code civil
Déclarer Madame [W] [O] épouse [C] coupable de recel successoral sur le compte [11] de la défunte à hauteur de 166.500 euros
Juger, en conséquence, que Madame [W] [O] épouse [C] ne pourra prétendre à aucune part sur cette somme et la priver de tous droits sur la somme de 166.500 euros
Condamner [W] [O] épouse [C] au rapport de toutes les dépenses effectuées à partir du compte de la défunte non exposées dans l’intérêt de cette dernière
Dire et juger que le bon déroulement des opérations sera suivi par le juge au partage du tribunal lequel aura compétence pour changer le notaire commis par ordonnance rendue sur requête des parties,
Faire masse des dépens et passer ceux-ci en frais privilégiés de partage
Condamner les défendeurs au paiement chacun de la somme de 1.000 euros au profit de chaque requérant en réparation de leur préjudice moral et 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les requérants sollicitent l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des deux successions et communauté confondues de Monsieur [T] [F] [O] et de son épouse Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O].

Ils soutiennent que l’examen des relevés de comptes de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] laisse apparaitre plusieurs virements consistant en des dons manuels au profit de Madame [S] [AP] [O] et de Madame [W] [O] épouse [C], lesquelles ont la qualité d’héritier réservataire. Ils sollicitent que les défenderesses soient condamnées au rapport des dons manuels à la succession de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O].

Ils sollicitent la reddition des comptes à l’encontre de Madame [W] [O] épouse [C], bénéficiaire d’une procuration sur les comptes de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O]. Ils estiment, s’agissant des dépenses effectuées à partir du compte de la défunte, que la nature des achats effectués avec la carte bancaire, le nombre de retraits en espèce et l’état de santé dégradé de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O], atteinte d’un cancer, établissent qu’elle ne peut être à l’origine des mouvements de fonds opérés sur son compte. Ils précisent qu’à cette époque, gérant sa mère au quotidien, Madame [W] [O] épouse [C] disposait de la carte bancaire de cette dernière et avait accès à son compte.

Ils sollicitent la condamnation de Madame [W] [O] épouse [C] à la sanction du recel successoral pour un montant de 166.500 euros. Ils soutiennent que Madame [W] [O] épouse [C] a dissimulé la somme totale de 166.500 euros provenant du compte de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] avec l’intention de rompre l’égalité du partage. Ils énoncent que ces faits n’ont été révélés aux cohéritiers qu’après le décès de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] suite à l’analyse des relevés de compte.

Enfin, ils sollicitent la condamnation de Madame [W] [O] épouse [C] au paiement de la somme de 1.000 € chacun au titre de la réparation de leur préjudice moral.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 1er juin 2023, Madame [W] [O] épouse [C] demande de :

Débouter les demandeurs de leur demande de reddition de compte.
Vu les dispositions de l’article 778 du code civil

Débouter les demandeurs de leur demande au titre du recel successoral à l’encontre de Madame [W] [O].
Débouter les demandeurs de leur demande au titre des dommages et intérêts.
Condamner solidairement les demandeurs à verser à Madame [W] [O] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC
Condamner les demandeurs aux entiers dépens
Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ou autres.

Madame [W] [O] épouse [C] soutient ne s’être rendue coupable d’aucun recel successoral. Elle énonce que l’affirmation selon laquelle les dépenses par carte bleue n’auraient pas été souhaitées par la défunte ou ne lui auraient pas profité, directement ou indirectement, n’est établie par aucune preuve. Elle indique que Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] déclarait vouloir profiter de l’argent issue de la vente de sa maison.

Elle expose que, quand bien même elle détenait une procuration sur ces comptes, Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] ne vivait pas chez elle mais résidait alternativement chez sa fille, Madame [S] [AP] [O] et chez sa petite fille, [K] [R]. Elle indique que le fait de bénéficier d’une procuration sur le compte de sa mère n’est pas un élément suffisant à lui seul pour conclure qu’elle serait à l’origine de toutes les opérations bancaires et en serait l’unique bénéficiaire, puisque Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] conservait la possibilité de procéder elle-même à des opérations bancaires et d’utiliser les moyens de paiement attachés à son compte. Elle indique également qu’elle ne peut matériellement être à l’origine des opérations effectuées sur le compte de sa mère et justifie de ses horaires de travail pour la période du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2019. Elle soutient qu’en tout état de cause, les demandeurs n’établissent ni élément matériel, ni élément moral d’un recel successoral à son encontre.

Elle s’oppose à la demande de reddition des comptes formulée à son encontre et soutient que les demandeurs n’établissent pas qu’elle serait à l’origine des opérations effectuées sur les comptes de Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O], ou qu’elle aurait bénéficié des sommes retirées ou des achats effectuées.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021, Madame [S] [AP] [O] demande de :

Ordonner les opérations de compte, liquidation et partage des successions confondues de Monsieur [T] [F] [O] et de son épouse, Madame [I] [X] [D] [MG] veuve [F] [O],
Désigner pour y procéder Maître [B] [H], notaire à [Adresse 10],
Commettre un juge afin de surveiller les opérations de partage,
Ordonner une expertise et désigner tel expert-comptable,
Ordonner la prise en charge exclusive par les demandeurs des provisions pour frais d’expert,
Condamner Madame [W] épouse [C] au rapport à la succession de sa mère de la somme de 6340 euros au titre des dons manuels avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019,
La déclarer coupable de recel successoral sur le compte de la société générale de la défunte à hauteur de 166500 euros avec intérêt au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019,
Condamner Madame [W] épouse [C] au rapport à la succession de sa mère de la somme de 166500 euros au titre des dons manuels avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019,
Dire qu’elle ne pourra prétendre à aucune part sur cette somme,
Débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Madame [S] [AP] [O],
Condamner solidairement les demandeurs et Madame [W] [AP] [O] à payer à Madame [S] [AP] [O] la somme de 4000 euros par application des articles 700 du Code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Madame [S] [AP] [O] soutient, s’agissant de la somme de 5.000 euros qui lui a été versée, que Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] lui a transféré respectivement les 8 et 18 février 2019 les sommes de 2.000 et 3.000 euros en vue de l’aider à acquérir un véhicule. Elle estime que le don manuel d’un montant de 5.000 euros hors part successorale effectué à son profit ne saurait être rapporté à la masse successorale en ce que son montant ne dépasse nullement la quotité disponible.

Elle indique avoir hébergé Madame [Y] [D] [MG] veuve [F] [O] à son domicile et que cette dernière a également vécu alternativement à son propre domicile et chez sa petite-fille, [K] [R], mais uniquement jusqu’au début de l’année 2019. Elle précise que jusqu’alors, les dépenses de Madame [I] [D] [MG] correspondaient aux dépenses de la vie courante. Elle estime que ces dépenses ont augmenté à partir du moment où Madame [I] [D] [MG] a été hébergé par Madame [W] [O] épouse [C], à partir de 2019 et que celle-ci gérait ses comptes.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

Motifs de la décision

Sur la demande d’ouverture des opérations de partage judiciaire
1. L’article 815 du code civil dispose que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. »

Aux termes de l’article 840 de ce même code, le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer.

2. Selon certificat tenant lieu de livret de famille délivré par le consulat du Portugal le 12 juin 1991, il est établi que [T] [F] [O] et [Y] [X] [D] [MG], ont eu six enfants :

[J] [V] [O] décédé le [Date décès 7] 1991 ; [Z] [F] [O] ;[L] [P] [MG] [O] ;[S] [AP] [O] ;[W] [O] épouse [C] ;[G] [MG] [O] épouse [M].
[T] [F] [O] est décédé le [Date décès 8] 1974 à [Localité 9].

Selon la copie intégrale de l’acte de décès dressé le 29 janvier 2020 par la mairie de [Localité 9], Mme [Y] [X] [D] [MG] est décédée à [Localité 9], le [Date décès 6] 2019.

3. Les requérants sollicitent l’ouverture des opérations suite aux décès de [T] [F] [O] et d’[Y] [X] [D] [MG].

4. Le tribunal observe que les parties ne versent pas aux débats les actes de décès de [T] [F] [O] et de [J] [V] [O] ni d’acte de notoriété.

Les opérations de partage se poursuivent sans préjudice des dispositions de l’article 778 du code civil.

5. Il ressort de ces éléments que l’ensemble des co-partageants portés à la connaissance du tribunal est dans la cause et la procédure est recevable.

6. Il convient par conséquent d’accueillir la demande présentée par Mme [G] [MG] [O], M. [L] [P] [MG] [O], M. [Z] [F] [MG] et Mme [S] [AP] [O] et d’ordonner l’ouverture des opérations de comptes-liquidation-partage des successions de [T] [F] [O] et d’[Y] [X] [D] [MG].

2) Sur la désignation d’un notaire

7. Selon l’article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et à défaut par le tribunal.

8. En l’espèce, les désaccords entre les copartageants sur les droits de chacun caractérisent le caractère complexe des opérations de partage judiciaire et justifient qu’un notaire soit désigné.

Les requérants sollicitent que Maître [B] [H], notaire à [Localité 9], chargé initialement des opérations de succession, soit désigné.

En l’absence d’opposition par les autres parties, il convient de désigner Me [B] [H], notaire à [Localité 9].

9. Il sera rappelé qu’il appartiendra au notaire de procéder à toutes investigations pour déterminer notamment la situation active et passive de l’indivision et notamment l’existence de comptes bancaires et placements financiers de toutes natures en interrogeant le Fichier FICOBA ainsi que le fichier AGIRA.

Dans le cadre de la poursuite des opérations de partage, il convient de rappeler qu’en application des articles 1365 à 1376 du code de procédure civile :

– le notaire liquidateur a une mission de liquidation globale : il doit établir les comptes entre les copartageants, la masse partageable, faire l’estimation des biens pour l’établissement de son état liquidatif, déterminer les droits des parties, composer les lots à répartir et dresser l’état liquidatif ;

– le notaire liquidateur dispose d’un délai d’un an suivant sa désignation pour dresser son acte liquidatif, sauf existence d’une cause de suspension dudit délai ; en raison de la complexité des opérations, ce délai ne peut être prorogé pour une durée supérieure à une année ;

– le notaire liquidateur dispose de moyens pour réaliser sa mission : il doit convoquer les parties et leur demander tout document utile à l’accomplissement de sa mission. Si la valeur ou la consistance des biens le justifie, il peut s’adjoindre un expert choisi d’un commun accord entre les copartageants, ou à défaut, désigné par le juge commis. Il peut faire appel au juge commis en cas de difficulté ou lui demander de tenter une conciliation entre les parties. Il peut également solliciter, en cas d’inertie de l’un des cohéritiers, la désignation d’un représentant (article 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile) ;

– le juge commis est juge conciliateur et juge de la mise en état. Il veille au bon déroulement des opérations de partage et au respect du délai imparti. Il peut, sur demande ou d’office, adresser des injonctions aux parties ou au notaire, prononcer des astreintes et procéder au remplacement du notaire. Il statue sur toutes les demandes concernant l’instruction des opérations de partage judiciaire, mais ne peut trancher au fond ;

– si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge commis qui constate la clôture de la procédure ;

– en cas de désaccord persistant entre les copartageants, le juge du fond disposera du procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et d’un projet d’état liquidatif adressés par le notaire. Il disposera également le cas échéant du rapport écrit du juge commis concernant les points de désaccord subsistants ;

– si le juge du fond est saisi pour statuer définitivement sur les points de désaccord, l’article 1374 du code de procédure civile pose le principe d’une instance unique en vue de trancher toutes les demandes des parties relatives aux opérations de liquidation, comptes et partage, ce qui induit pour celles-ci une obligation de concentration des demandes. Toute demande distincte présentée après le rapport du juge commis devra être déclarée irrecevable sauf si le fondement de cette nouvelle prétention est né ou a été révélé postérieurement à l’établissement du rapport par le juge commis.

10. Il est ici souligné que la demande d’ordonner la production des contrats d’assurance-vie contractés par la défunte et de délier les organismes bancaires de leur obligation de secret a été rejetée par le juge de la mise en état notamment pour défaut de motivation en fait et en droit.

Cette demande n’est pas davantage motivée en l’espèce.

Il y a lieu de débouter les requérants de ce chef.

Il a été rappelé ci-dessus que, en application de l’article L. 151 B du Livre des procédures fiscales, le notaire commis peut solliciter la consultation des fichiers FICOBA et AGIRA.

11. Il y a également lieu de souligner que la demande d’expertise, reprise dans le dispositif de Mme [S] [AP] [O] a été rejetée par le juge de la mise en état par ordonnance du 25 mars 2022.

Cette demande n’est pas nouvelle et n’est pas motivée dans ses dernières conclusions.

Il y a lieu de débouter la requérante de ce chef.

12. Il est également demandé au tribunal de dire et juger que le notaire désigné devra se faire communiquer par les parties ou obtenir de la banque, les relevés bancaires des comptes de la défunte et un état des procurations existant sur les comptes, afin de déterminer le montant du rapport à succession dû par les défendeurs, une fois obtenu de la part de ceux-ci des explications complètes.

Il y a lieu de relever que les relevés de comptes de la société générale ont été obtenus et sont produits aux débats. Dès lors, il appartient aux requérants de solliciter auprès des établissements bancaires la communication des relevés des éventuels autres comptes bancaires de la défunte et des procurations sur ses comptes en vertu de leur qualité d’héritier.

Enfin, il n’apparaît pas nécessaire de préciser que le notaire devra déterminer le montant du rapport à la succession des donations, ces différents calculs et diligences entrant dans le cadre habituel de la mission dont le tribunal l’a investi.

Sur la demande d’enjoindre Mesdames [W] [AP] [O] et [S] [AP] [O] à communiquer leurs relevés de compte bancaire du 1er janvier au [Date décès 6] 2019 aux fins de déceler des éventuels dépôts d’espèces
13. L’article 138 du code de procédure civile dispose que « si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce. »

Aux termes de l’article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites conformément aux dispositions de l’article 138.

14. En l’espèce, la demande des requérants de produire les relevés de compte pour vérifier l’existence d’encaissement d’espèces ne repose que sur des suppositions et n’apparaît pas justifié.

Au surplus, il est constaté que Mme [W] [AP] [O] a produit aux débats les relevés de son compte personnel, de son compte commun avec son conjoint et ceux de son époux, sur l’année 2019.

Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] seront déboutés de leur demande de ce chef.

3) Sur les demandes de rapport à la succession des donations

15. A titre liminaire, il sera observé que si les requérants soutiennent que les donations faites aux petits-enfants et arrières petits-enfants ne sont pas rapportables mais doivent être prises en compte pour la réunion fictive des libéralités afin de déterminer si une indemnité de réduction doit être versée, ils ne formulent pas de prétention en ce sens dans le dispositif de leurs dernières conclusions.

Il appartiendra au notaire de déterminer l’indemnité de réduction le cas échéant.

16. L’article 843 du code civil dispose que « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. »

L’article 866 du même code énonce que « les sommes rapportables produisent intérêt au taux légal, sauf stipulation contraire.
Ces intérêts courent depuis l’ouverture de la succession lorsque l’héritier en était débiteur envers le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l’indivision ».

Sur les donations au bénéfice de Mme [S] [AP] [O]
17. En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [S] [AP] [O] a reçu selon les relevés de comptes de la défunte, par deux virements en date des 8 et 18 février 2019, la somme totale de 5.000,00 euros à titre d’une donation de somme d’argent.

Elle soutient qu’il s’agit de dons effectués hors part successorale sans toutefois produire des éléments permettant d’en justifier.

Or, l’article 843 du code civil précité énonce que les dons de somme d’argent sont par principe rapportables, sauf s’ils ont été faits expressément hors part successorale.

Ainsi, en l’absence de preuve du caractère expressément hors part successorale des dons, il y a lieu de considérer qu’ils ont été faits en avancement de part successorale et ordonner le rapport à la succession de la somme de cinq mille euros (5.000,00 euros) par Mme [S] [AP] [O] avec intérêt au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, date du décès d’[Y] [X] [D] [MG].

Sur les donations au bénéfice de Mme [W] [AP] [O]
18. Il est constant que Mme [W] [AP] [O] a reçu par virements sur l’année 2019 un montant total de 6.340,00 euros en provenance du compte de sa mère, selon les relevés de compte de cette dernière, produits aux débats.

Elle reconnaît dans ses dernières conclusions devoir les rapporter à la succession.

En conséquence, en application des articles 843 et 866 du code civil, il y a lieu d’ordonner le rapport à la succession de la somme de six mille trois cent quarante euros (6.340,00 euros) par Mme [W] [AP] [O] avec intérêt au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, date du décès d’[Y] [X] [D] [MG].

4) Sur la demande de reddition de comptes pour les retraits et paiements par carte bancaire et sur la demande en rapport de ces sommes.

19. Il convient de relever tout d’abord que la procuration dont bénéficiait Mme [W] [AP] [O] sur les comptes de sa mère n’est pas versée aux débats, de telle sorte que son étendue n’est pas établie.

20. Par ailleurs, si les demandes des requérants sont relatives à « tous les titulaires de procuration », « tous mandataires du fait de la procuration donnée par la défunte », ils ne mentionnent expressément que Mme [W] [AP] [O] et ne justifient pas avoir interrogé la banque quant à l’existence d’autres procurations.

Ils seront déboutés de ce chef.

21. Si aux termes des dispositions de l’article 1993 du code civil, « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant », il est cependant constant que le bénéficiaire d’une procuration n’est comptable que des opérations réalisées sur le compte du défunt par son intermédiaire.

22. Ainsi, s’il appartient au mandataire de rendre compte de l’utilisation des fonds prélevés au moyen de la procuration, il incombe toutefois, au préalable, aux requérants, venant aux droits de la mandante, de rapporter la preuve que les opérations critiquées ont été réalisées par Mme [W] [AP] [O], au moyen de la procuration.

23. Dans le cas présent, une somme de 130.000 euros a été retirée en espèces le 17 juillet 2019 du compte bancaire de [Y] [D] [MG] et plusieurs dépenses pour un montant total de 32.500 euros sont constatées entre le 4 février et le 8 juillet 2019.

24. En premier lieu, la demande de livraison de 130.000,00 euros en espèces porte la mention de Mme [W] [AP] [O] comme mandataire ainsi que deux signatures.

Mme [W] [AP] [O] conteste être l’auteur de la demande de livraison en date du 6 juillet 2019 et allègue que les signatures portées sur le bon de livraison et le bon de retrait ne sont pas les siennes.

Toutefois, il est précisé sur le bon de commande ainsi que sur le bon de retrait que la remise des fonds est conditionnée à la vérification d’une pièce d’identité du client et du mandataire.

Par ailleurs, l’allégation selon laquelle elle n’était pas disponible le samedi 6 juillet 2019 (jour de la demande de livraison) en raison de sa présence au travail se heurte à l’attestation de son employeur aux termes de laquelle les mercredis après-midi et samedis sont des jours chômés.

Dès lors, la présence de son nom, en qualité de mandataire, et de sa signature à côté de celle attribuée à [Y] [D] [MG], permet de démontrer la participation de Mme [W] [AP] [O] à l’opération de retrait d’un montant de 130.000 euros.

Toutefois, il est certain que [Y] [D] [MG] a signé le bon de commande ainsi que le bon de retrait. Le tribunal en déduit qu’elle était ainsi présente lors de la commande de la livraison d’espèce ainsi que lors du retrait de la somme de 130.000 euros. Mme [W] [AP] [O] n’a donc pas agi en qualité de mandataire et sa présence lors du retrait d’espèce litigieux ne se limite qu’à assister [Y] [D] [MG], de sorte que la demande en reddition de compte n’est pas fondée.

25. En second lieu, les simples relevés de comptes ne permettent pas de déterminer l’auteur des retraits ou des dépenses.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’[Y] [X] [D] [MG] conservait malgré la procuration de Mme [W] [AP] [O], la libre disposition de son argent. En effet, il n’est pas contesté qu’[Y] [X] [D] [MG] a, au cours de l’année 2019, fait divers dons manuels de somme d’argent par virements notamment à ses petits-enfants.

Les requérants ne démontrent nullement que compte tenu de son âge et de son état de santé, elle était dans l’impossibilité d’effectuer elle-même ces retraits et ces dépenses.

Il résulte des débats qu’aucune mesure de protection n’avait été mise en place. Le jugement du juge des tutelles de Lille en date du 14 décembre 2015 relate au contraire que si [Y] [X] [D] [MG] avait une absence de maîtrise de l’écriture, de la lecture et du calcul résultant d’un défaut de scolarisation qui pouvait entraîner une certaine dépendance à son entourage pour la gestion administrative et financière, elle exprimait sa volonté avec une grande clarté et n’apparaissait aucunement en difficulté sur ce point. Il ajoute que lors de son audition avec un interprète, elle a exprimé son projet de vendre sa maison afin de disposer de davantage de ressources pour profiter de sa vie sans qu’un élément de son discours ne soit incohérent ou semble être dicté par une personne de sa famille.

Cette volonté exprimée devant le juge de vouloir profiter de la vie avec le prix de vente de sa maison peut expliquer l’augmentation des montants de ses retraits et de ses dépenses au cours de l’année 2019. Cette volonté de profiter grâce au versement de son prix de vente est corroborée par une attestation d’un des témoins l’ayant assisté à la signature de l’acte de vente et produite aux débats.

De plus, si selon son dossier médical, elle était atteinte d’un cancer et suivait une radiothérapie au début de l’année 2019, elle était en rémission complète en octobre 2019 et aucun élément ne permet d’attester qu’elle ne pouvait gérer elle-même ses biens. Le compte-rendu médical du 14 novembre 2019 produit aux débats relate seulement des troubles de la marche et des chutes depuis un mois.

Il n’est donc pas établi que Mme [W] [AP] [O] soit intervenue en qualité de mandataire s’agissant des dépenses effectuées avec la carte bancaire de la défunte.

26. La demande de reddition de compte sera ainsi rejetée.

Dès lors qu’il n’est pas démontré que les sommes litigieuses aient été remises à Mme [W] [AP] [O], il n’y a pas lieu d’ordonner de rapport.

5) Sur le recel successoral

27. L’article 778 du code civil dispose que « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession ».

28. Il incombe à celui qui invoque le recel de rapporter la preuve de l’élément matériel et intentionnel du recel, à savoir l’existence d’un détournement matériel soutenu par la volonté de rompre l’égalité du partage.

29. il y a lieu de rappeler qu’il n’a été retenu aucune faute à l’encontre de Mme [W] [AP] [O] dans l’utilisation qu’elle a pu faire de la procuration dont elle était titulaire de sorte qu’aucun fait matériel de recel ne se trouve caractérisé en lien avec l’usage de ladite procuration.

Mme [W] [AP] [O] n’a par ailleurs été jugée bénéficiaire d’aucune libéralité rapportable qu’elle aurait voulu dissimuler à ses cohéritiers.

Ainsi, il convient de retenir la carence probatoire des requérants dans la caractérisation des faits de recel qu’il reproche à leur sœur, Mme [W] [AP] [O] d’avoir commis à leur préjudice.

Ils seront déboutés de ce chef.

6) Sur la demande de dommages-intérêts

30. L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

31. En l’espèce, les requérants allèguent que l’absence de compte-rendu de son mandat par Mme [W] [AP] [O] leur cause un préjudice moral.

32. Or, aucune faute relative à l’exercice de son mandat n’ayant été retenu par la juridiction, les conditions de l’article 1240 du code civil ne sont pas réunies et ils seront donc déboutés de leurs demandes de ce chef.

7) Sur les demandes accessoires

33. Les dépens seront employés en frais privilégiés du partage.

34. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement après débats en audience publique, par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort ;

ORDONNE l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage judiciaire des successions de [T] [F] [O], décédé le [Date décès 8] 1974 à [Localité 9] et [Y] [X] [D] [MG], décédée le [Date décès 6] 2019 à [Localité 9] ;

DÉSIGNE pour procéder auxdites opérations Me [B] [H], notaire à Lille, sous le contrôle du juge spécialement affecté à la surveillance des opérations de partage de ce tribunal, lequel est commis pour surveiller ces opérations ;

PRECISE qu’en cas d’empêchement du notaire ou du juge commis, il sera procédé à son remplacement à la requête de la partie la plus diligente par voie d’ordonnance ;

ORDONNE aux parties de verser entre les mains du notaire désigné une provision d’un montant de 5.000 euros ;

DIT qu’il appartient au notaire commis d’en référer au juge commis en cas de difficultés ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] de leur demande d’ordonner la production des contrats d’assurance-vie contractés par la défunte et délier les organismes bancaires de leur obligation de secret ;

DEBOUTE Mme [S] [AP] [O] de sa demande d’expertise ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] de leur demande de dire et juger que le notaire désigné devra se faire communiquer par les parties ou obtenir de la banque, les relevés bancaires des comptes de la défunte et un état des procurations existant sur les comptes, afin de déterminer le montant du rapport à succession dû par les défendeurs, une fois obtenu de la part de ceux-ci des explications complètes ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O], M. [Z] [F] [O] seront déboutés de leur demande d’enjoindre Mesdames [W] [AP] [O] et [S] [AP] [O] à communiquer leurs relevés de compte bancaire du 1er janvier au [Date décès 6] 2019 aux fins de déceler des éventuels dépôts d’espèces ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] de leur demande tendant à la reddition des comptes s’agissant des sommes ayant été retirées ou dépensées sur le compte de [Y] [X] [D] [MG] pour un montant de 166.000 euros ;

ORDONNE le rapport à la succession par Mme [S] [AP] [O] de la somme de cinq mille euros (5.000,00 euros) avec intérêt au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, date du décès d’[Y] [X] [D] [MG] ;

ORDONNE le rapport à la succession par Mme [W] [AP] [O] de la somme de six mille trois cent quarante euros (6.340,00 euros) avec intérêt au taux légal à compter du [Date décès 6] 2019, date du décès d’[Y] [X] [D] [MG] ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O], M. [Z] [F] [O] et Mme [S] [AP] [O] de leur demande de rapport à la succession par Mme [W] [AP] [O] de la somme de cent soixante-six mille cinq cent euros (166.500,00 euros) ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] de leur demande au titre du recel ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] de leur demande rapport par Mme [W] [AP] [O] de toutes les dépenses effectuées à partir du compte de la défunte non exposées dans l’intérêt de cette dernière ;

DEBOUTE Mme [G] [MG] [O] épouse [M], M. [L] [P] [MG] [O] et M. [Z] [F] [O] de leur demande de dommages-intérêts ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon