L’Essentiel : Monsieur [F] [B], décédé en 2020, laisse deux fils, Monsieur [Z] [B] et Monsieur [H] [T], ce dernier né d’une union non reconnue. Après le décès, des tensions surgissent concernant la succession. En mars 2022, Monsieur [H] [T] demande sa part d’héritage, mais celle-ci est rejetée par son frère. Un acte de notoriété en juin 2022 établit la filiation de Monsieur [H] [T], le conduisant à assigner Monsieur [Z] [B] en justice. Le tribunal, dans sa décision du 15 janvier 2025, ordonne l’ouverture des opérations de partage de la succession, tout en rejetant les accusations de recel successoral.
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Contexte de l’affaireMonsieur [F] [B], décédé en 2020, laisse derrière lui deux fils : Monsieur [Z] [B], issu de son mariage avec Madame [G] [J], et Monsieur [H] [T], né d’une union non reconnue avec Madame [C] [T]. Après le décès, des tensions émergent concernant la succession, notamment en raison de l’absence de reconnaissance de Monsieur [H] [T] par son père. Demande de Monsieur [H] [T]En mars 2022, le conseil de Monsieur [H] [T] demande à son frère, Monsieur [Z] [B], de lui verser sa part d’héritage. Cette demande est rejetée par Monsieur [Z] [B] en avril 2022. En juin 2022, un acte de notoriété établit la possession d’état de Monsieur [H] [T] à l’égard de son père, ce qui le conduit à assigner son frère en justice pour annuler le partage de la succession et demander un nouveau partage. Réponse de Monsieur [Z] [B]Monsieur [Z] [B] conteste la demande de son frère, arguant qu’il a informé le notaire de l’existence de Monsieur [H] [T] et que ce dernier s’est volontairement exclu de la succession. Il demande également le rejet des demandes de Monsieur [H] [T] et présente des demandes reconventionnelles pour le remboursement de frais engagés dans le cadre de la succession. Décision du tribunalLe tribunal, dans sa décision du 15 janvier 2025, constate que le partage de la succession n’a pas été effectué et rejette la demande d’annulation du partage de Monsieur [H] [T]. Il ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, désignant un notaire pour superviser ces opérations. Sur le recel successoralMonsieur [H] [T] accuse son frère de recel successoral, mais le tribunal rejette cette accusation, établissant que Monsieur [Z] [B] n’a pas dissimulé l’existence de son frère et que ce dernier était informé des démarches à suivre pour faire valoir ses droits. Remboursement des frais de successionMonsieur [Z] [B] demande le remboursement de la moitié des frais engagés pour la succession, ce que le tribunal accorde, condamnant Monsieur [H] [T] à verser une somme correspondant à sa quote-part. Demandes reconventionnelles de Monsieur [Z] [B]Les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [Z] [B] pour préjudice financier et moral sont rejetées, le tribunal ne trouvant pas de faute de la part de Monsieur [H] [T] à l’origine des préjudices allégués. Conclusion de la décisionLe tribunal ordonne que les dépens soient supportés par les copartageants selon leurs parts respectives et rejette toutes les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, écartant également l’exécution provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 887-1 du Code civil concernant l’annulation du partage successoral ?L’article 887-1 du Code civil stipule que : « Le partage peut être également annulé si un des cohéritiers y a été omis. L’héritier omis peut toutefois demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage. Pour déterminer cette part, les biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé sont réévalués de la même manière que s’il s’agissait d’un nouveau partage. » Dans le cas présent, Monsieur [H] [T] a demandé l’annulation du partage en raison de son omission, se fondant sur cet article. Cependant, le tribunal a constaté que l’article 887-1 n’est applicable que si un partage a effectivement eu lieu. Or, il a été établi que la succession n’avait pas été partagée, mais que Monsieur [Z] [B] avait simplement perçu des biens ou liquidités. Ainsi, la demande d’annulation du partage de Monsieur [H] [T] a été rejetée, car il n’y avait pas eu de partage au sens juridique du terme. Quelles sont les implications de l’article 815 du Code civil sur le partage judiciaire ?L’article 815 du Code civil dispose que : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision. » Cet article permet à tout coindivisaire de demander le partage de l’indivision, ce qui est le cas de Monsieur [H] [T]. Le tribunal a donc ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Monsieur [F] [B]. En l’absence d’un premier partage, la demande de Monsieur [H] [T] a été considérée comme une demande d’ordonner le partage. Le tribunal a également désigné un notaire pour procéder aux opérations de partage, en raison de la complexité du dossier et du conflit entre les parties. Il a été rappelé que le notaire doit dresser un état liquidatif dans un délai d’un an, établissant les comptes entre les copartageants et la masse partageable. Quelles sont les conséquences du recel successoral selon l’article 778 du Code civil ?L’article 778 du Code civil stipule que : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. » Dans cette affaire, Monsieur [H] [T] a accusé son frère de recel successoral, arguant qu’il avait dissimulé son existence dans l’acte de notoriété. Cependant, le tribunal a constaté que Monsieur [Z] [B] avait informé le notaire de l’existence de Monsieur [H] [T] dès le début des démarches successorales. De plus, il a été établi que Monsieur [H] [T] était au courant de la saisine du notaire pour le règlement de la succession. Ainsi, le tribunal a rejeté les demandes fondées sur l’article 778, considérant que l’élément intentionnel du recel n’était pas établi. Comment l’article 864 du Code civil s’applique-t-il aux frais de succession ?L’article 864 du Code civil précise que : « Lorsque la masse partageable comprend une créance à l’encontre d’un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse. » Dans le cadre de cette affaire, Monsieur [Z] [B] a demandé le remboursement de la moitié des frais engagés pour la succession. Le tribunal a considéré que cette demande s’analysait en une demande de fixation de créance sur l’indivision successorale. Monsieur [Z] [B] a justifié avoir engagé des frais totalisant 76 158,64 euros, ce qui a été reconnu par le tribunal. En conséquence, il a été décidé que l’indivision successorale serait redevable envers Monsieur [Z] [B] de cette somme, et que Monsieur [H] [T] devrait lui verser 38 079,32 euros au titre de sa quote-part. Quelles sont les implications des demandes reconventionnelles de dommages et intérêts selon l’article 1240 du Code civil ?L’article 1240 du Code civil stipule que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Monsieur [Z] [B] a demandé des dommages et intérêts pour préjudice financier et moral, mais le tribunal a rejeté ces demandes. Il a été établi que Monsieur [Z] [B] ne justifiait d’aucune faute de la part de Monsieur [H] [T] à l’origine des préjudices allégués. Le tribunal a également noté que Monsieur [H] [T] avait un délai de dix ans pour établir sa filiation, conformément à l’article 330 du Code civil. Ainsi, les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [Z] [B] ont été rejetées, car il n’y avait pas de lien de causalité entre les actions de Monsieur [H] [T] et les préjudices subis. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :
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2ème chambre
N° RG 22/07965
N° Portalis 352J-W-B7G-CXJEW
N° MINUTE :
Assignation du :
30 Juin 2022
JUGEMENT
rendu le 15 Janvier 2025
DEMANDEUR
Monsieur [H] [T]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Maître Laure COBERT-DELAUNAY, avocat plaidant et par Maître Mélanie HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0835
DÉFENDEUR
Monsieur [Z] [B]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Maître Stéphanie POUSSARD, avocat plaidant et par Maître Thomas MONTPELLIER de la SELARL ACCANTO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0025
Décision du 15 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 22/07965 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXJEW
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COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Madame Sarah KLINOWSKI, Juge, statuant en juge unique.
assistée de Madame Adélie LERESTIF, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 04 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 15 Janvier 2025.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [F] [B], né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 9], est décédé à [Localité 10] le [Date décès 3] 2020, laissant pour lui succéder Monsieur [Z] [B], son fils, né de son union avec Madame [G] [J], dont il était divorcé depuis le 14 novembre 1986, selon acte de notoriété dressé le 15 juillet 2020 par Maître [L] [U], notaire à [Localité 7].
Monsieur [F] [B] était également le père de Monsieur [H] [T], issu de son union avec Madame [C] [T], qu’il n’a pas reconnu.
Par courrier recommandé du 25 mars 2022, le conseil de Monsieur [H] [T] a invité Monsieur [Z] [B] à verser à son frère la somme correspondant aux droits qui auraient été les siens dans la succession de leur père.
Par lettre officielle du 22 avril 2022, le conseil de Monsieur [Z] [B] n’a pas souhaité donner suite à cette demande.
Le 9 juin 2022, Maître [R] [K], notaire à [Localité 8], a établi un acte de notoriété constatant la possession d’état de Monsieur [H] [T] à l’égard de Monsieur [F] [B].
Décision du 15 Janvier 2025
2ème chambre
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S’estimant héritier de Monsieur [F] [B] au même titre que son frère, Monsieur [H] [T] a, par exploit d’huissier du 30 juin 2022, fait assigner Monsieur [Z] [B] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles d’annulation du partage intervenu sans qu’il n’y participe et d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [F] [B].
Dans ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 13 décembre 2023, Monsieur [H] [T] demande au tribunal de :
ANNULER le partage intervenu,ORDONNER en conséquence un nouveau partage auquel participera Monsieur [H] [T],DESIGNER tel notaire qu’il plaira au tribunal de nommer pour y procéder,DIRE ET JUGER que le notaire devra se faire remettre les documents bancaires, comptables, fiscaux et tous autres documents dont il estimera la production nécessaire, en intervenant directement tant auprès des parties que des tiers, sans que ces derniers puissent opposer le bénéfice du secret professionnel,AUTORISER le notaire ainsi désigné à consulter les fichiers Ficoba et Ficovie,DIRE ET JUGER que le notaire pourra, en cas d’empêchement, être remplacé par ordonnance du président du tribunal judiciaire, rendue sur simple requête,DECLARER Monsieur [Z] [B] coupable de recel successoral,CONDAMNER Monsieur [Z] [B] aux peines prévues pour le recel successoral,DIRE qu’il ne pourra en conséquence prétendre à aucune part dans la succession de son père,DEBOUTER Monsieur [Z] [B] de tous droits sur l’actif recelé,CONDAMNER Monsieur [Z] [B] à rapporter à la succession la plus-value de 75 000 euros faite sur la vente de l’immeuble dépendant de la succession,DEBOUTER Monsieur [Z] [B] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,DEBOUTER Monsieur [Z] [B] de sa demande tendant à voir écarter l’exécution provisoire,CONDAMNER Monsieur [Z] [B] à payer à Monsieur [H] [T] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,LE CONDAMNER encore aux entiers dépens.
Décision du 15 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 22/07965 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXJEW
Dans ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, Monsieur [Z] [B] demande au tribunal de :
À titre principal,
DÉBOUTER M. [H] [T] de l’ensemble de ses demandes ; À titre subsidiaire,
FAIRE APPLICATION du principe Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans,DIRE que M. [Z] [B] est dispensé de rapporter à la succession de M. [F] [B] les biens et droits qu’il a reçus,À titre infiniment subsidiaire,
CONDAMNER Monsieur [H] [T] à verser la somme de 38 079,32 € à M. [Z] [B] en remboursement de la moitié de l’ensemble des frais engagés dans le cadre de la succession de M. [F] [B],CONDAMNER Monsieur [H] [T] à verser la somme de 135 000 € à M. [Z] [B] en réparation de son préjudice financier,En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [H] [T] à verser la somme de 10 000 € à M. [Z] [B] en réparation du préjudice moral subi, CONDAMNER Monsieur [H] [T] aux entiers dépens d’instance, CONDAMNER Monsieur [H] [T] au paiement de la somme de 6 000 € à M. [Z] [B] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé plus ample des moyens de fait et de droit développés au soutien de leurs prétentions, lesquels sont présentés succinctement dans les motifs.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 4 décembre 2024.
L’affaire a été mise en délibéré au 15 janvier 2025, date à laquelle la décision a été rendue par mise à disposition au greffe.
Il est rappelé que les demandes des parties de « dire et juger » ou « constater », tendant à constater tel ou tel fait ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.
Sur la demande de nullité du partage
Monsieur [H] [T], après avoir rappelé que sa possession d’état à l’égard de Monsieur [F] [B] a été établie par acte de notoriété du 9 juin 2022 et qu’elle n’est pas contestée par son frère en défense, sollicite l’annulation du partage intervenu en son absence sur le fondement de l’article 887-1 du code civil issu de la loi du 23 juin 2006, ce nonobstant le fait qu’il ait obtenu la qualité d’héritier postérieurement au partage.
Monsieur [Z] [B] soutient quant à lui que le notaire en charge des opérations successorales a été informé dès le 15 avril 2020 de l’existence de Monsieur [H] [T], que Monsieur [H] [T] lui-même a été informé de la saisine du notaire pour régler la succession de leur père mais qu’il n’a rien souhaité entreprendre pour faire établir un lien de filiation officiel, ne souhaitant rien conserver de la part de son père, de sorte que le notaire a procédé au règlement de la succession sans lui. Monsieur [Z] [B] considère ainsi que Monsieur [H] [T] n’a pas été omis de la succession de son père mais qu’il s’en est exclu lui-même puisqu’il n’a entrepris aucune démarche alors informé de la saisine du notaire en vue de faire établir son lien de filiation, lequel n’était pas établi au jour du courrier recommandé de son conseil le 25 mars 2022. Se référant à l’article 641 du code général des impôts, lequel imparti aux héritiers six mois à compter du jour du décès pour procéder à l’enregistrement de la déclaration de succession, Monsieur [Z] [B] ajoute qu’il ne pouvait attendre indéfiniment que son frère, qui ne souhaitait rien recevoir de la part de leur père, change d’avis. Il conclut donc au rejet de la demande d’annulation du partage de Monsieur [H] [T] au visa du principe selon lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude.
Sur ce,
L’article 887-1 du code civil énonce que :
« Le partage peut être également annulé si un des cohéritiers y a été omis.
L’héritier omis peut toutefois demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage.
Pour déterminer cette part, les biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé sont réévalués de la même manière que s’il s’agissait d’un nouveau partage. »
En l’espèce, il n’est pas contesté par Monsieur [Z] [B] que Monsieur [H] [T] est héritier de leur défunt père, Monsieur [Z] [B] s’opposant seulement à l’annulation du partage au visa du principe selon lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude.
Monsieur [H] [T] verse ainsi aux débats un acte de notoriété dressé le 9 juin 2022 par Maître [R] [K] constatant la possession d’état à l’égard de Monsieur [F] [B].
Il n’est pas non plus contesté que Monsieur [Z] [B] a perçu des biens ou liquidités au titre de la succession du défunt, ce dernier sollicitant à titre infiniment subsidiaire le remboursement de la moitié des frais engagés dans le cadre de cette succession, et donc qu’un héritier a été omis à cette occasion.
Cependant, l’article 887-1 du code civil n’est applicable que si un partage est intervenu, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le fait d’être en possession de sommes supposément indivises ne caractérisant pas à lui seul un partage. Un partage nécessite a minima l’existence de deux indivisaires, de sorte que l’appréhension par Monsieur [Z] [B] des biens et droits dépendant de la succession du défunt ne peut caractériser un partage.
Il s’ensuit que l’indivision successorale de Monsieur [F] [B] n’ayant pas été partagée, la demande de nullité du partage de Monsieur [H] [T] au visa de l’article 887-1 du code civil, sera rejetée.
Sur le partage judiciaire
Monsieur [H] [T] demande au tribunal d’ordonner un nouveau partage auquel il participera, ce à quoi s’oppose Monsieur [Z] [B].
Sur ce,
Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et en application des articles 1359 et suivants du code de procédure civile, le tribunal peut désigner un notaire pour procéder aux opérations de partage judiciaire si la complexité des opérations le justifie.
En l’espèce, en l’absence d’un premier partage, la demande de Monsieur [H] [T] d’ordonner un nouveau partage de la succession de Monsieur [F] [B] ne peut s’analyser autrement qu’en une demande d’ordonner ledit partage.
En application des dispositions légales ci-avant rappelées, il y a lieu d’ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Monsieur [F] [B].
L’absence d’information sur le patrimoine à partager et le conflit existant entre les parties justifie la désignation par le tribunal d’un notaire neutre pour procéder aux opérations de partage, en la personne de Maître [S] [A], notaire à [Localité 10]. Il convient également de commettre un juge pour surveiller ces opérations.
Il y a lieu de rappeler qu’il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d’un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.
Il appartient ainsi aux parties de remettre au notaire tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, d’examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte, de déterminer, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants.
Il est rappelé aux parties qu’il n’appartient pas au notaire commis de mener des investigations notamment bancaires. C’est aux parties qu’incombe la charge de la preuve.
Il n’y a pas lieu dès lors d’autoriser le notaire commis à prendre tous renseignements utiles auprès de la Direction Générale des Finances Publiques par l’intermédiaire du Fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA).
En particulier, les parties, et notamment Monsieur [F] [B], peuvent obtenir directement auprès de l’administration fiscale communication des informations détenues par elle au FICOBA sur les comptes bancaires du défunt, conformément aux dispositions de l’article L. 151 B alinéa 2 du livre des procédures fiscales.
Ensuite, étant héritières munis de la saisine en application de l’article 724 du code civil, les parties peuvent demander aux établissements bancaires dépositaires de fonds des défunts copie des relevés de compte.
Sur le recel successoral
Monsieur [H] [T] soutient que son frère s’est rendu coupable de recel successoral en ne mentionnant pas son existence dans l’acte de notoriété, en déclarant être le seul héritier de Monsieur [F] [B], et en se prévalant d’un acte de notoriété qu’il savait faux pour vendre un bien appartenant à leur père.
En défense, Monsieur [Z] [B] rappelle qu’il n’a pas dissimulé l’existence de son frère puisque le notaire en a été informé dès le 15 avril 2020 et que Monsieur [H] [T] lui-même, par son défaut de diligence, s’est intentionnellement exclu de la succession et du partage, de sorte que l’élément intentionnel du recel successoral n’est pas établi.
Décision du 15 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 22/07965 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXJEW
Sur ce,
Aux termes de l’article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats par Monsieur [Z] [B] que :
Le 15 avril 2020, son épouse a saisi Maître [L] [U] du règlement de la succession de son beau-père, lui précisant qu’il avait un autre fils, Monsieur [H] [T],Le 18 avril 2020, Madame [C] [T], mère du demandeur, a précisé à Monsieur [Z] [B] dans un message téléphonique : « il faudra laisser le temps à la Notaire de vérifier s’il n’a pas par hasard laissé de testament »,Le 12 avril 2022, Maître [L] [U] a confirmé à Monsieur [Z] [B] par courrier qu’il lui avait bien signalé l’existence d’un autre enfant de son père, non reconnu par ce dernier, dès l’ouverture du dossier.
Monsieur [H] [T] reconnaît par ailleurs dans ses écritures que sa belle-sœur a envoyé à sa mère le 1er juin 2020 un message, qu’il verse aux débats, aux termes duquel celle-ci déclarait : « Petit message pour t’informer que nous avons eu un retour du notaire qui a presque tous les papiers pour la succession. Pas de testament. [Z] doit appeler son frangin dans la semaine pour voir s’il veut participer à la succession ».
Si le tribunal n’est pas en mesure de savoir si Monsieur [Z] [B] a effectivement demandé à son frère s’il entendait faire valoir ses droits dans la succession de leur père à l’occasion des conversations téléphoniques qu’ils ont pu avoir postérieurement au décès et dont le défendeur justifie, il est en revanche établi par les pièces susvisées d’une part, que le défendeur n’a pas omis l’existence d’un héritier au moment du règlement de la succession de son père, et d’autre part, que Monsieur [H] [T] était informé de la saisine d’un notaire pour régler la succession de son père, de sorte qu’il appartenait au notaire alors saisi et non à Monsieur [Z] [B] de prendre contact avec lui pour l’informer officiellement de l’ouverture de la succession de son père et des formalités à effectuer pour obtenir la qualité d’héritier.
En conséquence, les demandes fondées sur les dispositions de l’article 778 relatives au recel successoral seront rejetées.
Il convient de rejeter également la demande de rapport à la succession de la plus-value perçue par Monsieur [Z] [B] sur la vente du bien dépendant de la succession de Monsieur [F] [B] dès lors que les sommes par lui perçues sont indivises et qu’elles feront l’objet du partage ce jour ordonné.
De même, il convient de rejeter la demande reconventionnelle de Monsieur [Z] [B] de dispense de rapport à la succession des biens et droits qu’il a reçus s’agissant de biens indivis qu’il détient et qui feront également l’objet du partage ce jour ordonné.
Sur le remboursement des frais engagés dans le cadre de la succession de Monsieur [F] [B]
Monsieur [Z] [B] sollicite, en cas d’annulation du partage, le remboursement de la moitié des frais engagés suite au décès de son père, soit la somme de 38 079,32 euros.
Monsieur [H] [T] n’a pas conclu sur ce point.
Sur ce,
En application des dispositions de l’article 864 du code civil, lorsque la masse partageable comprend une créance à l’encontre d’un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse.
L’article 865 du code civil dispose que sauf lorsqu’elle est relative aux biens indivis, la créance n’est pas exigible avant la clôture des opérations de partage. Toutefois, l’héritier débiteur peut décider à tout moment de s’en acquitter volontairement. Il résulte de l’article 1309 du code civil qu’un indivisaire peut diviser son recours contre ses coindivisaires.
En l’espèce et à titre liminaire, il convient d’observer que la demande de remboursement des frais de succession de Monsieur [Z] [B] s’analyse en une demande de fixation de créance sur l’indivision successorale et de condamnation de son frère au paiement de sa quote-part dans le cadre de la division de son recours à l’encontre de son coindivisaire.
Monsieur [Z] [B] justifie avoir engagé la somme totale de 76 158,64 euros au titre des droits de succession, des frais et honoraires du notaire, des frais d’agence dans le cadre de la vente de l’appartement indivis, des frais de débarras de l’appartement, des factures de gaz, des cotisations d’assurance du logement du défunt, des charges de copropriété et taxes foncières afférentes, de sorte qu’il dispose d’une créance à hauteur de ce montant sur l’indivision successorale.
Dans ces conditions, l’indivision successorale sera déclarée redevable envers Monsieur [Z] [B] de la somme de 76 158,64 euros au titre des frais engagés par ce dernier dans le cadre de la succession de Monsieur [F] [B].
Par suite, Monsieur [H] [T] sera condamné à régler à Monsieur [Z] [B] la somme de 38 079,32 euros au titre de sa quote-part sur les frais avancés par son frère pour le règlement de la succession de leur père.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts
Monsieur [Z] [B] sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de Monsieur [H] [T] à lui verser la somme de 135 000 euros en réparation de son préjudice financier constitué par les intérêts d’un crédit qu’il devra souscrire s’il doit rapporter la totalité des sommes perçues dans le cadre de la succession et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Monsieur [H] [T] réplique que Monsieur [Z] [B] savait qu’il avait un frère et qu’il a pris le risque d’une action engagée à son encontre en omettant de l’associer à la succession de leur père, de sorte qu’il ne peut invoquer sa propre turpitude. Le demandeur observe par ailleurs que son frère reste taisant sur le prix de vente réel du bien dépendant de la succession du défunt, outre qu’il ne justifie nullement de la réalité de son préjudice matériel.
Sur ce,
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le retrouver.
En l’espèce, Monsieur [Z] [B] ne justifie d’aucune faute commise par Monsieur [H] [T] à l’origine des préjudices qu’il allègue.
En effet, le fait de ne pas avoir fait établir sa filiation plus tôt ou d’avoir informé son frère du changement de ses intentions plus tôt ne sont pas de nature à caractériser une faute de la part de Monsieur [H] [T], qui disposait d’un délai de dix ans à compter du décès de son père pour faire établir sa filiation, conformément aux dispositions de l’article 330 du code civil.
Par conséquent, les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [Z] [B] seront rejetées.
Sur les demandes accessoires
Il convient d’ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts respectives dans l’indivision partagée.
Décision du 15 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 22/07965 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXJEW
Compte tenu de l’équité et du caractère familial du litige, il y a lieu de débouter l’ensemble des parties de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire n’apparaît pas nécessaire au regard de la nature du litige.
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort
CONSTATE que le partage de la succession de Monsieur [F] [B] n’a pas été effectué,
REJETTE la demande de Monsieur [H] [T] de nullité du partage prétendument déjà effectué de la succession de Monsieur [F] [B],
ORDONNE le partage judiciaire de l’indivision existant entre Monsieur [F] [T] et Monsieur [Z] [B] et portant sur la succession de Monsieur [F] [B],
DÉSIGNE pour y procéder Maître [S] [A], notaire à [Adresse 11],
RAPPELLE que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
RAPPELLE que le notaire commis devra dresser un projet liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation,
DIT qu’à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris un procès-verbal de dires et son projet d’état liquidatif,
COMMET tout juge de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris pour surveiller ces opérations,
FIXE la provision à valoir sur les émoluments, frais et débours du notaire commis à la somme de 5 000 euros qui lui sera qui lui sera versé par les parties dans la proportion de leurs droits indivis, au plus tard le 30 avril 2025,
REJETTE la demande de Monsieur [H] [T] de « DIRE ET JUGER que le notaire devra se faire remettre les documents bancaires, comptables, fiscaux et tous autres documents dont il estimera la production nécessaire, en intervenant directement tant auprès des parties que des tiers, sans que ces derniers puissent opposer le bénéfice du secret professionnel »,
REJETTE la demande de Monsieur [H] [T] de « AUTORISER le notaire ainsi désigné à consulter les fichiers Ficoba et Ficovie »,
Décision du 15 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 22/07965 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXJEW
REJETTE les demandes de Monsieur [H] [T] formées au titre du recel successoral,
REJETTE la demande de Monsieur [H] [T] de « CONDAMNER Monsieur [Z] [B] à rapporter à la succession la plus-value de 75 000 euros faite sur la vente de l’immeuble dépendant de la succession »,
REJETTE la demande de Monsieur [Z] [B] de « DIRE que M. [Z] [B] est dispensé de rapporter à la succession de M. [F] [B] les biens et droits qu’il a reçus »,
INTERPRÈTE la demande de Monsieur [Z] [B] de « CONDAMNER Monsieur [H] [T] à verser la somme de 38 079,32 € à M. [Z] [B] en remboursement de la moitié de l’ensemble des frais engagés dans le cadre de la succession de M. [F] [B] » en une demande de fixation de créance sur l’indivision successorale et de condamnation du coindivisaire au paiement de sa quote-part dans le cadre de la division de son recours,
FIXE la créance de Monsieur [Z] [B] sur l’indivision successorale à la somme de 76 158,64 euros au titre des frais engagés pour le règlement de la succession de Monsieur [F] [B],
CONDAMNE Monsieur [H] [T] à verser à Monsieur [Z] [B] la somme de 38 079,32 euros au titre de sa quote-part sur les frais avancés par ce dernier pour le règlement de la succession de leur père,
REJETTE la demande de dommages et intérêts de Monsieur [Z] [B] pour préjudice financier,
REJETTE la demande de dommages et intérêts de Monsieur [Z] [B] pour préjudice moral,
RENVOIE l’affaire à l’audience du juge commis 14 mai 2025 à 13h45 pour transmission par le notaire commis d’une attestation de versement ou non versement de provision,
REJETTE toute autre demande,
ORDONNE l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage et dit qu’ils seront supportés par les copartageants à proportion de leurs parts dans l’indivision partagée,
REJETTE l’ensemble des demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ECARTE l’exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris le 15 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
Adélie LERESTIF Sarah KLINOWSKI
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