Solidarité financière et responsabilité du donneur d’ordre : enjeux et limites

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Solidarité financière et responsabilité du donneur d’ordre : enjeux et limites

Conditions de mise en œuvre de la solidarité financière

La solidarité financière du donneur d’ordre est subordonnée à l’établissement d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l’encontre de son cocontractant, conformément à l’article L. 8222-2 du Code du travail. Cette disposition stipule que le donneur d’ordre peut être tenu solidairement responsable des cotisations dues par son cocontractant en cas de travail dissimulé, à condition qu’un procès-verbal ait été établi à l’encontre de ce dernier.

Les décisions de la Cour de cassation, notamment les arrêts Civ. 2e, 21 décembre 2017 (pourvoi n° 16-236.72) et Civ. 2e, 26 mai 2016 (pourvoi n° 15-17.556), confirment cette exigence. En l’espèce, il a été établi qu’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé a été dressé à l’encontre de la société cocontractante, ce qui satisfait à la condition préalable à la mise en œuvre de la solidarité financière.

Calcul des cotisations dues

Les cotisations mises à la charge du donneur d’ordre au titre de la solidarité financière doivent être calculées en fonction de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, et du chiffre d’affaires du cocontractant, conformément à l’article L. 8222-3 du Code du travail. Cet article précise que les sommes exigibles en vertu de l’article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés et de la rémunération en vigueur dans la profession.

La jurisprudence, notamment l’arrêt Civ. 2e, 10 décembre 2009 (pourvoi n° 09-12.173), établit que le chiffre d’affaires du cocontractant retenu pour le calcul des cotisations doit se rapporter uniquement à la période durant laquelle le cotisant a sous-traité son activité. Ainsi, le montant des cotisations dues par le donneur d’ordre est calculé selon la formule suivante : montant des cotisations dues par le sous-traitant multiplié par le chiffre d’affaires HT réalisé par le donneur d’ordre, divisé par le chiffre d’affaires HT réalisé par le sous-traitant.

Frais de justice

En matière de frais de justice, l’article 700 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a gagné le procès. Dans le cas présent, M. [W] a été condamné à verser une somme de 1 000 euros à la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes, en application de cet article, en raison de sa position de partie perdante dans le litige.

L’Essentiel : La solidarité financière du donneur d’ordre est subordonnée à l’établissement d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l’encontre de son cocontractant. Cette disposition stipule que le donneur d’ordre peut être tenu solidairement responsable des cotisations dues par son cocontractant en cas de travail dissimulé, à condition qu’un procès-verbal ait été établi. Les cotisations mises à la charge du donneur d’ordre doivent être calculées en fonction de la valeur des travaux réalisés et du chiffre d’affaires du cocontractant.
Résumé de l’affaire : Un entrepreneur, exerçant sous l’enseigne Viti Parc, a conclu en 2009 un contrat avec une société roumaine pour des travaux d’entretien des vignes. En 2010, un tribunal a condamné le dirigeant de cette société pour travail dissimulé, ce qui a conduit la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes à notifier à l’entrepreneur une mise en œuvre de la solidarité financière, lui réclamant plus de 48 000 euros. L’entrepreneur a contesté cette décision, mais la commission de recours amiable a rejeté sa réclamation. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a ensuite confirmé la demande de la caisse, déclarant l’action non prescrite et condamnant l’entrepreneur à payer la somme due.

En 2019, la cour d’appel a confirmé ce jugement, ajoutant une condamnation supplémentaire pour frais. Cependant, en 2023, la Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt, soulignant que le chiffre d’affaires utilisé pour le calcul des cotisations devait se limiter à la période où l’entrepreneur avait effectivement sous-traité son activité. La cour a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel, tout en condamnant la caisse aux dépens et à verser des frais à l’entrepreneur.

L’entrepreneur a alors saisi la cour d’appel de Bordeaux, demandant l’infirmation du jugement initial et contestant la mise en œuvre de la solidarité financière, arguant qu’aucun procès-verbal de travail dissimulé n’avait été établi contre la société avec laquelle il avait contracté. La caisse a, de son côté, soutenu que la procédure avait été diligentée contre la société, même si seul le dirigeant avait été poursuivi.

La cour a finalement confirmé que la solidarité financière était applicable, mais a ajusté le montant des cotisations dues par l’entrepreneur à 35 222,17 euros, tout en le condamnant aux dépens et à verser des frais à la caisse.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la solidarité financière du donneur d’ordre ?

La solidarité financière du donneur d’ordre est régie par l’article L. 8222-2 du Code du travail, qui stipule que le donneur d’ordre est solidairement responsable du paiement des cotisations dues par son cocontractant en cas de travail dissimulé.

Cet article précise que cette responsabilité est subordonnée à l’établissement d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l’encontre du cocontractant.

Ainsi, la jurisprudence a confirmé que la mise en œuvre de cette solidarité nécessite un constat formel de la commission d’une infraction par le cocontractant, ce qui est essentiel pour engager la responsabilité du donneur d’ordre.

Quel est l’impact de la condamnation pénale du représentant légal sur la responsabilité de la société ?

Le principe de l’autonomie de la personne morale, qui est un fondement du droit des sociétés, stipule que la société ne s’identifie pas à son représentant légal.

Cela signifie que la condamnation pénale d’un dirigeant, en l’occurrence le gérant de la société cocontractante, n’affecte pas directement la responsabilité pénale de la société elle-même.

En vertu de ce principe, un procès-verbal établi à l’encontre d’un dirigeant ne vaut pas pour la société, sauf si cette dernière a également été expressément visée par des actes judiciaires.

Quel est le critère de calcul des cotisations dues au titre de la solidarité financière ?

L’article L. 8222-3 du Code du travail précise que les sommes exigibles au titre de la solidarité financière sont déterminées à proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, et de la rémunération en vigueur dans la profession.

Le calcul des cotisations dues par le donneur d’ordre se base sur le chiffre d’affaires réalisé par le cocontractant durant la période où le donneur d’ordre a sous-traité son activité.

Il est donc crucial que le chiffre d’affaires retenu pour le calcul corresponde uniquement à la période d’exécution des travaux sous-traités.

Quel est le montant des cotisations mises à la charge du donneur d’ordre ?

Le montant des cotisations dues par le donneur d’ordre est calculé selon la formule suivante :

montant des cotisations dues par le sous-traitant multiplié par le chiffre d’affaires HT réalisé par le donneur d’ordre, divisé par le chiffre d’affaires HT réalisé par le sous-traitant.

Dans cette affaire, les parties s’accordent sur le montant des cotisations dues par le sous-traitant, mais elles sont en désaccord sur le chiffre d’affaires HT réalisé par le cocontractant.

La cour a finalement déterminé que les cotisations mises à la charge du donneur d’ordre s’établissent à 35 222,17 euros, en tenant compte des éléments de preuve fournis.

Quel est le régime des frais irrépétibles en matière de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Ces frais comprennent les honoraires d’avocat et autres frais engagés pour la procédure.

Dans cette affaire, le donneur d’ordre a été débouté de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles, et la cour a condamné ce dernier à verser une somme de 1 000 euros à la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes, conformément à l’article 700.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 20 MARS 2025

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 24/00477 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-NTU6

Monsieur [M] [W]

c/

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES CHARENTES

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour :jugement rendu le 24 juin 2016 (R.G. n°13/ 2386 et 24/2567) par le Tribunal des Affaires Sociales de BORDEAUX, suite cassation par arrêt de la Cour de cassation en date du 30 novembre 2023 (N°1222 F-D), de l’arrêt rendu le 7 Février 2019 par la cour d’appel de BORDEAUX, suivant déclaration de saisine du 30 janvier 2024.

DEMANDEUR A LA SAISINE:

Monsieur [M] [W]

né le 24 Juillet 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

représenté par Me Dabia BEY substituant Me Eric VISSERON de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE A LA SAISINE :

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES CHARENTES prise en la personne de son directeur domicilié de droit audit siège [Adresse 1] – [Localité 3]

représentée par Monsieur [J] [P] rédacteur juridique, muni d’un pouvoir régulier

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 décembre 2024, en audience publique, devant Madame Marie-Paule MENU, Présidente magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCEDURE

1 – M. [M] [W] exerce une activité d’entretien des vignes sous l’enseigne Viti Parc. Au cours de l’année 2009, il a conclu avec la SRL [N] DANIEL, société de droit roumain, établie en Roumanie, un contrat pour effectuer divers travaux d’entretien des vignes.

2- Par un jugement en date du 16 septembre 2010, le tribunal correctionnel de Saintes a condamné M. [N] , personne physique, pour des faits d’exécution de travail dissimulé commis de février 2007 à février 2010.

3 – Par une lettre du 22 octobre 2012, la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes a notifié à M. [W] la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue à l’article L. 8222-2 du code du travail. Le 9 mai 2014, l’organisme de sécurité sociale a mis en demeure M. [W] de lui payer la somme de 48 113,91 euros en principal représentant sa quote-part au titre de la solidarité financière.

4- M. [W] a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable qui a

rejeté sa réclamation par une décision en date du 9 septembre 2014. Le cotisant a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde, lequel par un jugement en date du 24 juin 2016 a déclaré non prescrite l’action de la caisse à l’encontre de M. [W] et a condamné ce dernier à lui payer la somme de 48 113,91 euros au titre des cotisations mises à sa charge.

5 – Par un arrêt en date du 7 février 2019, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement entrepris et y ajoutant a condamné M. [W] à payer à la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

6 – Par un arrêt en date du 30 novembre 2023, rendu sur le pourvoi formé par M. [W], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a , après avoir relevé que le chiffre d’affaires du cocontractant retenu par la caisse pour calculer le montant des cotisations dues au titre de la solidarité financière ne pouvait se rapporter qu’à la période au cours de laquelle le cotisant avait lui-même sous-traité son activité, sur le constat que la cour avait violé les dispositions de l’article L.8222-3 du code du travail en retenant que la caisse avait appliqué la formule de calcul prescrite audit article en évaluant le chiffre d’affaires du sous-traitant à partir des factures recueillies pour la période comprise entre le deuxième trimestre 2007 et la quatrième trimestre 2009, cassé et annulé l’arrêt rendu le 7 février 2019 sauf en ce qu’il joint les recours du cotisant et déclare l’action de la caisse non prescrite, remis, sauf sur ces points, les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt en les renvoyant devant la même cour, autrement composée, condamné la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes aux dépens et à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

7 – M. [W] a saisi la cour d’appel de Bordeaux par une déclaration du 30 janvier 2024.

PRETENTIONS

8 – Suivant ses dernières conclusions, en date du 21 novembre 2024, reprises oralement à l’audience, M. [W] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 24 juin 2016 ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer à la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes la somme de 48 113,91 euros au titre des cotisations mises à sa charge et statuant de nouveau, vu les articles L.8222-1 et L.8222-2 du code du travail,

– juger que la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes n’est pas fondée à mettre en ‘uvre la solidarité financière à son égard en l’absence du procès-verbal de travail dissimulé établi contre la société [N] DANIEL, son cocontractant,

– juger que les conditions de la mise en ‘uvre de la solidarité financière du donneur d’ordres ne sont pas réunies,

– débouter la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 47 550,50 euros au titre des cotisations appelées sur le fondement de la solidarité financière du donneur d’ordre

– débouter la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– à titre subsidiaire, limiter le montant de la condamnation à la somme de 35 222, 10 euros,

– condamner la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

9 – Suivant ses dernières conclusions, en date du 28 août 2024, reprises oralement à l’audience, la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes demande à la cour de:

– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale dela Gironde en ce qu’il a reconnu le bien-fondé de la mise en ‘uvre de la procédure de solidarité financière à l’encontre de M.[W] et qu’il a jugé non prescrite son action,

– dire et juger que les conditions de mise en ‘uvre de la procédure de solidarité financière sont réunies,

– prendre acte que le montant des cotisations appelées auprès de M. [W] au titre de la solidarité financière s’élève désormais à la somme de 47 550,50 euros et confirmer ce montant,

– rejeter la demande de M. [W] tendant à la condamnation de la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

– condamner M. [W] à verser à la la somme de 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

10 – Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l’audience ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

En l’état des demandes de M. [W], les dispositions du jugement déféré qui jugent l’action de la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes non prescrite ne sont plus discutées; elles ne pourront dès lors qu’être confirmées.

I – Sur les conditions de mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre

Moyens des parties

11 – M. [W] fait valoir qu’en vertu du principe de l’autonomie de la personne morale, celle-ci ne s’identifie pas à son représentant légal, qu’il s’en déduit que la condamnation pénale du représentant légal d’une société est sans incidence sur la responsabilité pénale de celle-là et que le procès-verbal pour travail dissimulé dressé à l’encontre du dirigeant de la société ne vaut pas établissement d’un procès-verbal de même nature à l’encontre de la société; qu’en l’espèce si un procès-verbal pour délit de travail dissimulé a été établi à l’encontre de M.[N], aucun ne l’a été à l’encontre de la société [N] DANIEL avec laquelle il a contracté.

12 – La caisse de mutualité sociale agricole des Charentes objecte que la procédure de la gendarmerie de Jonzac a été diligentée à l’encontre de la SRL [N] DANIEL, qu’il est indifférent que seul M. [N] ait été renvoyé devant le tribunal correctionnel dès lors qu’il a été poursuivi et condamné en sa qualité de gérant de la SRL [N] DANIEL.

Réponse de la cour

13 – La solidarité financière du donneur d’ordre est subordonnée à l’établissement d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l’encontre de son cocontactant (Civ. 2 e, 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-236.72; Civ. 2 e, 26 mai 2016, pourvoi n° 15-17.556, Civ. 2 e, 26 novembre 2015, pourvoi n° 14-23.851).

14 – En l’espèce, il est constant que M. [W], qui exploite une entreprise de travaux viticoles sous le nom commercial VITI PARC, a eu recours entre le mois de mars 2009 et le mois d’octobre 2009 à la société [N] DANIEL pour effectuer divers travaux et que la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes lui a adressé le 22 octobre 2022 dans le dossier référencé Dossier : SRL [N] DANIEL, une lettre d’observations au titre de la solidarité financière du donneur d’ordre pour l’informer qu’il était solidairement redevable de la somme de 48 113,91 euros.

15 – Il ressort du dossier établi par la gendarmerie de [Localité 6] que l’enquête a été diligentée pour des faits de travail dissimulé et d’emploi d’étrangers démunis d’une autorisation de travail salarié commis par la SRL [N] DANIEL et que celle-ci était dirigée par M. [N]; la notification du redressement de cotisations a d’ailleurs été adressé à la SRL [N] DANIEL d’abord. Il s’en déduit que M.[W] ne peut pas valablement prétendre qu’il n’a pas été dressé de procès-verbal de travail dissimulé à l’encontre de son cocontractant, peu important le choix du parquet compétent de renvoyer devant le tribunal correctionnel M. [N] uniquement. Le moyen soulevé par M. [W] pour dire les conditions nécessaires à la mise en jeu de la solidarité financière du donneur d’ordre non remplies n’est en conséquence pas fondé.

II – Sur le montant des cotisations mises à la charge de M. [W] au titre de la solidarité financière du donneur d’ordre

Moyens des parties

16 – M. [W] fait valoir que la solidarité financière du donneur d’ordre ne peut pas porter comme revendiqué par la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes sur les années 2007, 2008 et 2009 puisqu’il a utilisé les services de la société [N] DANIEL en 2009 uniquement, que la proratisation du montant de cotisations à lui imputer doit s’appliquer aux seuls trimestres de 2009 au cours desquels il a utilisé la masse salariale de son cocontractant pour réaliser son chiffre d’affaires, que le nouveau calcul de la caisse de mutualité sociale des Charentes est erroné en ce qu’il ressort de l’enquête pénale que le chiffre d’affaires réalisé par la SRL [N] DANIEL en 2009 s’établit à la somme de 752 453,27 euros TTC soit 632 424,39 euros HT.

17 – La caisse de mutualité sociale des Charentes expose que le montant des cotisations dont M. [W] est redevable au titre de la solidarité financière du donneur d’ordre s’établit, en application de l’arrêt de la Cour de cassation, pour un chiffre d’affaires HT réalisé par la SRL [N] DANIEL en 2009 s’établissant à la somme de 468 457 euros, à la somme de 47 550,50 euros.

Réponse de la cour

18 – Selon l’article L. 8222-3 du code du travail, les sommes dont le paiement est exigible

en application de l’article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession (Civ. 2 e, 10 décembre 2009, pourvoi n° 09-12.173; Civ. 2 e, 17 janvier

2008, pourvoi n° 06-20.594).

Le chiffre d’affaires du cocontractant retenu par l’organisme social pour calculer le montant des cotisations dues au titre de la solidarité financière doit se rapporter uniquement à la période au cours de laquelle le cotisant a sous-traité son activité.

19 – Il n’est pas discutable, ni d’ailleurs discuté par M. [W], que les cotisations mises à la charge du donneur d’ordre se calculent comme suit :

montant des cotisations chiffrées dues par le sous-traitant x CA HT réalisé par le donneur d’ordre

CA HT réalisé par le sous- traitant

20 – Les parties s’accordent sur le montant des cotisations chiffrées dues par la SRL [N] DANIEL – 307 913,18 euros – et sur le montant du chiffre d’affaires HT réalisé par M. [W]

– 72 343 euros – mais sont en désaccord sur le montant du chiffre d’affaires HT réalisé par la SRL [N] DANIEL en 2009.

21 – Il ressort de la liste des factures 2009 annexée aux observations que le directeur adjoint du travail a adressées au tribunal de grande instance de Saintes le 23 février 2010 que le chiffre d’affaires réalisé par la SRL [N] DANIEL en 2009 s’établit à 752 453,27 euros TTC dont 120 028,88 euros de TVA soit un chiffres d’affaires HT de 632 424,39 euros. Il s’en déduit que les cotisations mises à la charge de M. [W] au titre de la solidarité du donneur d’ordre s’établissent à la somme de 35 222,17 euros, que M. [W] est condamné à payer.

III – Sur les frais du procès

22 – M.[W], qui succombe devant la cour, doit supporter les dépens d’appel et en conséquence être débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

23 – L’équité commande de ne pas laisser à la caisse de mutualité social agricole des Charentes la charge de ses frais irrépétibles. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, M. [W] est condamné à lui payer la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions , à l’exception de celles qui fixent le montant des cotisations mises à la charge de M. [W] au titre de la solidarité du donneur d’ordre à la somme de 48 113,91 euros ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Fixe le montant des cotisations dues par M. [W] au titre de la solidarité du donneur d’ordre à la somme de 35 222,17 euros et condamne M. [W] à payer à la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes la somme de 35 222,17 euros ;

Condamne M. [W] aux dépens d’appel ; en conséquence le déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne M. [W] à payer à la la caisse de mutualité sociale agricole des Charentes la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud MP. Menu


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