Indemnité spécifique de rupture conventionnelleEn vertu de l’article L.1237-13 du Code du travail, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 du même code. L’avenant n°4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, stipule en son article 2 que l’indemnité spécifique de rupture ne peut être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la convention collective applicable, lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale de licenciement. L’accord d’entreprise du 27 juin 1972, applicable à l’ensemble des salariés de la société Bollhoff Otalu, prévoit en son article 10 une indemnité de congédiement dont le calcul diffère de celui prévu par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, en vigueur à la date de la rupture du contrat de travail, en son article 29. L’article 33 de cette même convention collective précise que les dispositions de la convention s’imposent aux rapports nés des contrats individuels ou collectifs, sauf si les clauses de ces contrats sont plus favorables que celles de la convention. L’article L. 2253-3 du Code du travail établit que, dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2, les stipulations de la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche ou de l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. En l’espèce, l’accord d’entreprise du 27 juin 1972 prévoit une indemnité de congédiement plus favorable au salarié que celle prévue par la convention collective. Ainsi, en application de l’article L. 2253-3 du Code du travail et de l’article 33 de la convention collective nationale, les stipulations de l’accord collectif d’entreprise, qui sont plus favorables, doivent s’appliquer au salarié. L’indemnité de rupture conventionnelle ne peut donc être, selon l’article 2 de l’avenant n°4 du 18 mai 2009, d’un montant inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l’accord d’entreprise du 27 juin 1972. Le salaire de référence à retenir pour le calcul de l’indemnité est déterminé par l’article R. 1234-4 du Code du travail, qui stipule que l’on doit prendre la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois. Demande de dommages et intérêts pour préjudice moralL’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Dans le cas présent, les éléments soumis aux débats ne permettent pas de retenir une faute de l’employeur, mais plutôt une divergence d’interprétation quant aux textes applicables. Le salarié ne produit pas d’éléments justifiant l’existence d’un préjudice moral, ce qui conduit à confirmer la décision déférée qui a débouté le salarié de sa demande à ce titre. Dépens et article 700 du Code de procédure civileL’article 700 du Code de procédure civile permet à la partie qui obtient gain de cause de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses intérêts. Dans cette affaire, l’employeur, succombant à l’instance au principal, est condamné aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. |
L’Essentiel : En vertu de l’article L.1237-13 du Code du travail, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement. L’avenant n°4 du 18 mai 2009 stipule que cette indemnité ne peut être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement si celle-ci est supérieure à l’indemnité légale. L’accord d’entreprise du 27 juin 1972 prévoit une indemnité de congédiement plus favorable, qui doit s’appliquer au salarié selon l’article L. 2253-3 du Code du travail.
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Résumé de l’affaire : Un salarié a été employé par la S.A. Bollhoff Otalu en tant que responsable zone export depuis le 1er décembre 1994. Cette entreprise, spécialisée dans la fabrication de vis et de boulons, emploie environ 420 personnes et est régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Un accord collectif d’entreprise a été signé en 1972, modifié en 2012. En raison de problèmes de santé, le salarié a été placé en temps partiel thérapeutique à partir du 16 septembre 2019, jusqu’à la rupture de son contrat de travail le 30 avril 2020, qui a eu lieu par voie de rupture conventionnelle.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Chambéry le 12 mars 2021, demandant un complément d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Par jugement du 12 janvier 2023, le conseil a condamné la S.A. Bollhoff Otalu à verser au salarié un reliquat de 12 613,33 euros, ainsi qu’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’entreprise a été également contrainte de rectifier divers documents liés à la rupture. En revanche, les autres demandes des parties ont été rejetées. L’employeur a interjeté appel de cette décision, tandis que le salarié a formé un appel incident. Dans ses conclusions, la S.A. Bollhoff Otalu a demandé la confirmation du jugement concernant le débouté de la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, tout en sollicitant l’infirmation du jugement pour le surplus. Le salarié, de son côté, a demandé la confirmation du jugement pour le reliquat d’indemnité et l’infirmation concernant le préjudice moral. L’affaire a été instruite, et l’audience de plaidoiries a été fixée au 28 novembre 2024, avec une décision attendue pour le 20 mars 2025. Les deux parties ont présenté des arguments contradictoires concernant le calcul de l’indemnité de rupture et la reconnaissance d’un préjudice moral. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ?L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est régie par plusieurs dispositions légales et conventionnelles. Selon l’article L.1237-13 du Code du travail, le montant de cette indemnité ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 du même code. De plus, l’avenant n°4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail stipule en son article 2 que l’indemnité spécifique de rupture ne peut être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la convention collective applicable, lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale. L’accord d’entreprise du 27 juin 1972, applicable à l’ensemble des salariés de la société, prévoit également une indemnité de congédiement dont le calcul diffère de celui de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Ainsi, en vertu de l’article L. 2253-3 du Code du travail, les stipulations de l’accord d’entreprise prévalent sur celles de la convention de branche lorsque celles-ci sont plus favorables au salarié. Quel est le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle due au salarié ?Le salarié a soutenu qu’il aurait dû bénéficier d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d’au moins 116 243,33 euros nets, alors qu’il a reçu 103 630 euros. En application de l’article L.1237-13 du Code du travail, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit être calculée sur la base de l’indemnité conventionnelle de licenciement, qui, dans ce cas, est déterminée par l’accord d’entreprise. Le salaire de référence à retenir pour le calcul de cette indemnité est fixé à 6481,97 euros, conformément à l’accord entre les parties. L’employeur a reconnu que le calcul du montant sollicité par le salarié était conforme aux modalités de l’accord d’entreprise, ce qui justifie le versement d’un reliquat de 12 613,33 euros. Il est donc établi que le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle due au salarié est de 12 613,33 euros bruts, conformément aux dispositions légales et conventionnelles applicables. Quel est le fondement de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ?La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral repose sur l’article 1240 du Code civil, qui stipule que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Le salarié a allégué avoir subi un burn-out professionnel et avoir été privé d’une partie de ses droits, ce qui aurait causé un préjudice moral important. Cependant, l’employeur a contesté cette demande, arguant que le salarié n’apportait pas la preuve d’une faute, d’un préjudice ou d’un lien de causalité direct entre les faits allégués et le préjudice subi. Les éléments soumis aux débats n’ont pas permis de retenir une réticence de mauvaise foi de l’employeur, mais plutôt une divergence d’interprétation des textes applicables. En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral a été déboutée, confirmant ainsi la décision du conseil de prud’hommes. Quel est le régime des dépens et des frais de justice dans cette affaire ?En matière de dépens, l’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, l’employeur, ayant succombé à l’instance au principal, a été condamné aux dépens de première instance et d’appel. Concernant les frais de justice, l’article 700 du Code de procédure civile permet à la cour de condamner la partie perdante à verser à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. La décision déférée a confirmé la condamnation de l’employeur à verser au salarié la somme de 1 700 euros au titre de l’article 700 en cause d’appel. Ainsi, l’employeur est tenu de rembourser les frais de justice engagés par le salarié, en plus des dépens, conformément aux dispositions légales applicables. |
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 MARS 2025
N° RG 23/00148 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HFNK
S.A. BOLLHOFF OTALU Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
C/ [V] [H] [M]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 12 Janvier 2023, RG F 21/00050
APPELANTE :
S.A. BOLLHOFF OTALU Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Franck GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de CHAMBERY – Représentant : Me Fanny GAMBIER, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [V] [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Benjamin GUY de la SELARL JUMP AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 novembre 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,
qui en ont délibéré
Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
M. [V] [M] a été embauché à compter du 1er décembre 1994 en contrat à durée indéterminée en qualité de responsable zone export, statut cadre.
La S.A. Bollhoff Otalu, est spécialisée dans le secteur d’activité de la fabrication de vis et de boulons. Elle compte un effectif d’environ 420 salariés.
La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie est applicable.
Un accord collectif d’entreprise conclu en date du 27 juin 1972, modifié et complété par avenant régularisé a été signé le 3 avril 2012.
Le salarié a été placé en temps partiel thérapeutique à compter du 16 septembre 2019 jusqu’à la rupture de son contrat de travail.
Le 30 avril 2020, le contrat de travail de M. [V] [M] a été rompu par rupture conventionnelle.
Par requête du 12 mars 2021, M. [V] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Chambéry aux fins de solliciter un complément d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Par jugement du 12 janvier 2023, le conseil des prud’hommes de Chambéry, a :
– condamné la S.A. Bollhoff Otalu à payer à M. [V] [M] les sommes suivantes :
12 613.33 euros nets au titre du reliquat de l’indemnité spéci que de rupture conventionnelle,
1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– ordonné la rectification par la S.A. Bollhoff Otalu de l’attestation Pole Emploi, du certi cat de travail, du solde de tout compte et du dernier bulletin de salaire sous un mois à compter de la noti cation du présent jugement ;
– Débouté les parties de leurs autres demandes ;
– Condamné la S.A. Bollhoff Otalu aux éventuels dépens.
La S.A. Bollhoff Otalu a interjeté appel à l’encontre de cette décision par déclaration enregistrée le 27 janvier 2023 par RPVA. M. [V] [M] a formé appel incident.
Par dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2024, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la S.A. Bollhoff Otalu demande à la Cour de :
– Confirmer le jugement du 12 janvier 2023 en ce qu’il a débouté M. [V] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,
– Infirmer le jugement pour le surplus,
Et jugeant de nouveau,
– Débouter M. [V] [M] de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner M. [V] [M] à lui rembourser la somme de :
12613,33 € nets indûment versée au titre du reliquat de rupture conventionnelle indue,
1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamner M. [V] [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner M. [V] [M] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 16 juillet 2024, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [V] [M] demande à la Cour de :
– Confirmer le Jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Chambéry le 12 janvier 2023, en ce qu’il a condamné la S.A. Bollhoff Otalu à lui verser un reliquat d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle à hauteur de 12613,33 € nets et ordonné la rectification par la S.A. Bollhoff Otalu, des documents de fin de contrat ;
– Infirmer le Jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Chambéry le 12 janvier 2023 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formulée à hauteur de 25928 euros ;
– Infirmer le Jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Chambéry le 12 janvier 2023 en ce qu’il a condamné la S.A. Bollhoff Otalu à lui verser la somme de 1 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;
Statuant à nouveau,
– Condamner la S.A. Bollhoff Otalu à lui verser la somme de 25928 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– Condamner la S.A. Bollhoff Otalu à lui verser la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;
– Condamner la S.A. Bollhoff Otalu à lui verser la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Débouter la S.A. Bollhoff Otalu de sa demande formulée à hauteur de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamner la S.A. Bollhoff Otalu aux entiers dépens.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 06 novembre 2024. L’audience de plaidoiries a été fixée au 28 novembre 2024. A l’issue, la décision a été mise en délibéré au 20 février 2025, délibéré prorogé au 20 mars 2025.
Sur l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
– Moyens
Le salarié soutient que, disposant d’une ancienneté de 25 ans et 5 mois, il aurait dû bénéficier d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue dans l’accord d’entreprise de minimum 116 243.33 euros nets alors qu’il a reçu une indemnité de 103 630 euros; qu’il avait par ailleurs sollicité l’application des dispositions de l’accord d’entreprise lors du premier entretien de négociations aux fins de rupture conventionnelle ; que l’avenant n° 4 de l’ANI du 11 janvier 2008 ne vise pas restrictivement la convention collective de branche applicable et qu’un accord d’entreprise est bien une sorte de convention collective ; qu’en tout état de cause, l’accord collectif d’entreprise peut toujours déroger favorablement à l’accord de branche en matière d’indemnité de rupture de sorte que l’employeur a fait application à tort des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie sans appliquer le principe de primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche ; que l’inspecteur du travail a confirmé à diverses reprises que les dispositions de l’accord d’entreprise devaient s’appliquer ; qu’au regard de ces éléments, il est bien fondé à obtenir un reliquat de 12613,33 euros nets.
L’employeur fait valoir pour sa part qu’il a parfaitement respecté ses obligations légales et conventionnelles en ce qu’il a versé l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui était alors applicable ; que l’avenant n°4 du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008 est venu expressément préciser que l’indemnité versée au salarié dans le cadre d’une rupture conventionnelle ne pouvait être inférieure ni à l’indemnité légale de licenciement ni à l’indemnité conventionnelle prévue par la convention collective ; qu’ainsi ce dispositif ne saurait s’étendre à d’autres types d’accord que la convention collective applicable, tel qu’un accord collectif d’entreprise, qui est une notion juridique distincte de la convention collective ; qu’il n’existe aucune stipulation expresse relative à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans l’accord d’entreprise du 27 juin 1972, de sorte que seule l’indemnité prévue par la convention collective peut trouver application ; qu’il a fait une correcte application de l’avenant n°4 de l’ANI du 11 janvier 2008 et de son accord d’entreprise du 27 juin 1972 en ce qu’aucun de ces textes n’autorisent le versement de l’indemnité de congédiement de l’accord d’entreprise en cas de rupture conventionnelle ; que l’indemnité de congédiement et l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle n’ont pas le même objet et que, par conséquent, ni le principe de primauté ni le principe de faveur ne sont applicables ; que le salarié a accepté en toute connaissance de cause la rupture conventionnelle et qu’il a été informée plus de 3 mois avant la signature que seule l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la convention collective s’appliquait ; que l’instruction DGT du 8 décembre 2009 pose le principe du versement de l’indemnité conventionnelle la plus faible dès lors que les indemnités en présence sont supérieures à l’indemnité légale de licenciement et que ce principe s’applique au cas d’espèce ; que l’administration a homologué cette rupture sans observation ; que même dans l’hypothèse où l’accord du 27 juin 1972 devrait être pris en considération au titre de la rupture conventionnelle, l’indemnité de congédiement qu’il prévoit ne pourrait en tout état de cause trouver application ; que le calcul de l’indemnité de congédiement dont se prévaut le salarié est erroné en ce que les salaires pris en compte par le salarié pour le calcul ne correspondent pas aux salaires réellement perçus.
L’employeur expose par ailleurs qu’il n’a pas retenu la bonne période de référence pour le calcul de l’indemnité de sorte qu’il a été plus favorable au salarié que le calcul de base, sans qu’il n’entende pour autant remettre en cause le montant de l’indemnité versé au salarié, mais que le salarié ne saurait en revanche se fonder sur ce calcul avec des salaires surévalués pour solliciter le reliquat d’indemnité de rupture conventionnelle qu’il réclame ; que le salarié sollicite à tort un reliquat d’indemnité sur lequel sont dues des charges salariales de sorte que le traitement social est également infondé.
– Sur ce
En application de l’article L.1237-13 du code du travail, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail.
L’avenant n°4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, dont est issu le régime de la rupture conventionnelle prévoit en son article 2 que l’indemnité spécifique de rupture ne peut pas être d’un montant inférieur à « l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la convention collective applicable », lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale de licenciement.
L’accord d’entreprise du 27 juin 1972, qui s’applique à l’ensemble des salariés de la société Bollhoff Otalu, prévoit pour le personnel cadre, en son article 10 une indemnité de congédiement dont le calcul est différent de celui prévu à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, en vigueur à la date de la rupture du contrat de travail, en son article 29.
Par ailleurs, il résulte de l’article 33 de cette même convention collective que « les dispositions de la présente convention s’imposent aux rapports nés des contrats individuels ou collectifs, sauf si les clauses de ces contrats sont plus favorables que celles de la convention ».
Enfin, il résulte de l’article L. 2253-3 du code du travail que dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2, les stipulations de la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche ou de l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. En l’absence d’accord d’entreprise, la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large s’applique.
En l’espèce, l’accord d’entreprise du 27 juin 1972 prévoit une « indemnité de congédiement », c’est-à-dire de licenciement, plus favorable au salarié que celle prévue à la convention collective. Ainsi, en application tant de l’article L. 2253-3 du code du travail que de l’article 33 de la convention collective nationale, ce sont les stipulations en la matière de l’accord collectif d’entreprise (qui constitue un « contrat collectif »), qui ont le même objet que celles relatives à l’indemnité de licenciement de la convention collective et qui sont plus favorables que cette dernière sur ce point, qui doivent s’appliquer au salarié.
Ainsi l’indemnité de rupture conventionnelle du salarié ne peut être, en application de l’article 2 de l’avenant n°4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, d’un montant inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement qui s’applique à elle, en l’occurrence celle prévu par l’accord d’entreprise du 27 juin 1972.
Le salaire de référence à retenir est, en application de l’article R. 1234-4 du code du travail, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
Par ailleurs, il résulte d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 12 juin 2024 (n°23-13.975, publié au bulletin) que lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu’il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé et que l’assiette de calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé.
En l’espèce, des arrêts de travail du salarié pour maladie ont précédé ce temps partiel thérapeutique en juin et juillet, et les parties ne produisent pas les bulletins de paye du salarié antérieurs à mars 2019, de sorte qu’elles ne mettent pas en mesure la juridiction d’effectuer le calcul sur les trois et douze derniers mois précédant ces arrêts maladie.
Par contre, il résulte du formulaire de rupture conventionnelle régularisé entre les parties que celles-ci se sont entendues sur un salaire de référence à retenir de 6481,97 euros. Il convient donc en l’espèce de retenir ce montant.
L’employeur ne conteste pas le calcul du montant sollicité par le salarié au titre du reliquat de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle sur la base de ce salaire de référence de 6481,97 euros, calcul qui apparaît conforme aux modalités de calcul fixées par l’accord d’entreprise, l’ancienneté du salarié et ce salaire de référence.
La décision déférée sera donc confirmée s’agissant du versement au salarié du reliquat qu’il sollicite, sauf à dire que la somme sera versée en brute puisque susceptibles d’être assujettie à prélèvements sociaux.
La décision déférée sera également confirmée en ce qu’elle a ordonné la rectification par la S.A. Bollhoff Otalu de l’attestation Pole Emploi, du certificat de travail, du solde de tout compte et du dernier bulletin de salaire dans le délai un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
– Moyens
Le salarié expose qu’il s’est résolu à accepter la rupture conventionnelle alors qu’il n’était plus en mesure de poursuivre l’exécution de son contrat de travail ; qu’il a été privé d’une partie de ses droits ; qu’il a été victime d’un burn out professionnel qui l’a conduit à un arrêt de travail puis à un temps partiel thérapeutique à compter du 16 septembre, qui l’a fragilisé ; que le manque à gagner qu’il subit depuis le 30 avril 2020 et la résistance abusive de l’employeur lui ont causé un préjudice moral important ; que l’absence de paiement spontané de l’entreprise suite à la rupture qu’elle a elle-même initiée démontre une absence de considération au regard de son ancienneté.
L’employeur fait valoir que le salarié n’apporte pas la preuve d’une faute, d’un préjudice ou d’un lien de causalité direct entre les deux, ni la preuve d’une quelconque résistance ; que le salarié ne s’est jamais plaint de son indemnité de rupture, qu’il a signé la rupture conventionnelle en toute connaissance de cause et que sa saisine a été tardive ; que le versement de 103 630 euros ne peut pas être qualifié de rupture particulièrement désavantageuse ; qu’il n’existait par ailleurs pas de demande au titre des dommages et intérêts dans sa requête devant le Conseil de Prud’hommes de Chambéry de sorte que le préjudice n’était pas évident pour lui ; qu’il n’avait pas connaissance de son burn out, qui ne peut être valablement établi sur la base d’un arrêt de travail unique délivré par son médecin traitant et qui n’a aucun lien avec la prétendue résistance abusive.
– Sur ce
Il sera relevé que le salarié n’expose aucun moyen de droit au soutien de sa demande à ce titre.
Il résulte de l’article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, les éléments soumis aux débats permettent de retenir, plus qu’une réticence de mauvaise foi de l’employeur à appliquer son accord d’entreprise, une divergence d’interprétation quant aux textes à appliquer. Par ailleurs, le salarié ne produit aucun élément de nature à justifier de l’existence du préjudice moral qu’il allègue. Ainsi, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle l’a débouté de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
L’employeur succombant à l’instance au principal, il sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. La décision déférée sera confirmée s’agissant de la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’employeur sera condamné à verser à M. [V] [M] la somme de 1700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare la S.A. Bollhoff Otalu et M. [V] [M] recevables en leurs appel et appel incident,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 en ce qu’il a condamné la S.A. Bollhoff Otalu à payer à M. [V] [M] la somme de 12 613.33 euros net au titre du reliquat de l’indemnité spéci que de rupture conventionnelle,
Statuant à nouveau,
Condamne la S.A. Bollhoff Otalu à payer à M. [V] [M] la somme de 12613.33 euros brute au titre du reliquat de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle,
Confirme pour le surplus le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 12 janvier 2023,
Y ajoutant,
Précise que la communication des documents de fin de contrat rectifiés devra intervenir dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt,
Condamne la S.A. Bollhoff Otalu aux dépens en cause d’appel,
Condamne la S.A. Bollhoff Otalu à verser à M. [V] [M] la somme de 1700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Déboute la S.A. Bollhoff Otalu de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 20 Mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
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