Qualification professionnelle et charge de la preuveLa qualification professionnelle d’un salarié est déterminée par les fonctions effectivement exercées au sein de l’entreprise, en tenant compte de la classification conventionnelle applicable. En cas de contestation, il appartient au juge d’examiner la nature de l’emploi occupé et la qualification requise. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui a été attribuée (article L 1221-6 du Code du travail). Prescription en matière de rappel de salairesL’action en paiement ou en répétition de salaire est soumise à une prescription de trois ans, conformément à l’article L 3245-1 du Code du travail. Cette prescription court à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action. En cas de rupture du contrat de travail, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture (article L 3171-4 du Code du travail). Obligation de l’employeur en matière de paiement des salairesL’employeur est tenu de prouver le paiement des salaires dus. En cas de litige sur le nombre d’heures de travail effectuées, le salarié doit fournir des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre (article L 3171-4 du Code du travail). Le juge évalue souverainement l’existence d’heures supplémentaires et fixe les créances salariales correspondantes. Harcèlement moral et obligation de sécuritéConformément à l’article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral, qui peuvent dégrader ses conditions de travail et porter atteinte à sa dignité. L’employeur a une obligation de sécurité de résultat, selon l’article L 4121-1 du Code du travail, et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés. En cas de harcèlement, il incombe à l’employeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs. Rémunération variable et objectifs de performanceLa rémunération variable doit être définie de manière claire et précise, conformément aux dispositions du contrat de travail et du Payplan applicable. Les objectifs fixés doivent être mesurables et réalisables, et leur absence ou leur imprécision peut constituer un manquement à l’obligation de l’employeur de garantir des conditions de travail adéquates (article L 3121-1 du Code du travail). Indemnisation pour licenciement nulEn cas de licenciement nul, le salarié a droit à des dommages et intérêts, conformément à l’article L 1235-3 du Code du travail, qui précise que le juge peut accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. Cette indemnité vise à réparer le préjudice subi par le salarié en raison de la nullité du licenciement. Exécution des obligations contractuellesL’employeur doit respecter les termes du contrat de travail, y compris le paiement des salaires et des primes, ainsi que la mise en œuvre des conditions de travail convenues. Le non-respect de ces obligations peut justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur (article L 1231-1 du Code du travail). |
L’Essentiel : La qualification professionnelle d’un salarié est déterminée par les fonctions exercées et la classification conventionnelle applicable. En cas de contestation, le juge examine l’emploi occupé et la qualification requise. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification différente. L’employeur doit prouver le paiement des salaires dus, et en cas de litige, le salarié doit fournir des éléments précis. L’employeur a une obligation de sécurité de résultat et doit protéger la santé de ses salariés.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un vendeur automobile a été embauché par une société en janvier 2017 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. En février 2022, un avenant a été signé avec une autre société. En février 2023, le vendeur a été placé en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif. En mars 2023, il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, ainsi que le paiement de diverses sommes dues.
Le conseil de prud’hommes a rendu un jugement en février 2024, prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et condamnant la société à verser plusieurs sommes au vendeur, notamment pour des journées de travail non rémunérées, des primes, des heures supplémentaires et des dommages pour harcèlement moral. La société a été également condamnée à remettre les documents nécessaires au vendeur sous astreinte. La société a interjeté appel en mars 2024, demandant l’infirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le surplus des demandes du vendeur. Dans ses conclusions, elle a contesté les montants alloués et a demandé à ce que le vendeur soit débouté de ses demandes. De son côté, le vendeur a également formé appel, demandant une requalification de sa classification professionnelle et des montants plus élevés pour les sommes dues. La cour a examiné les arguments des deux parties, notamment sur la classification professionnelle, le paiement des salaires, les heures supplémentaires et le harcèlement moral. Elle a confirmé certains aspects du jugement initial, notamment le non-paiement de journées travaillées et d’heures supplémentaires, tout en infirmant d’autres éléments, notamment le montant des dommages pour harcèlement moral, qui a été réduit. La cour a également souligné que l’employeur n’avait pas démontré l’absence de travail pour les journées concernées et a reconnu l’existence de menaces de sanctions financières, établissant ainsi un harcèlement moral. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la résiliation judiciaire du contrat de travail ?La résiliation judiciaire du contrat de travail est fondée sur l’article L 1231-1 du Code du travail, qui stipule que « le contrat de travail peut être résilié par le juge à la demande de l’une des parties lorsque l’autre partie a commis une faute grave ». Dans le cas présent, le conseil de prud’hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur, considérant que ce dernier avait manqué à ses obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne le paiement des salaires et des heures supplémentaires. Il est également important de noter que l’article L 1152-1 du Code du travail interdit le harcèlement moral, ce qui a été pris en compte dans la décision de résiliation judiciaire. Ainsi, la résiliation judiciaire a été justifiée par des manquements graves de l’employeur, notamment le non-paiement des salaires dus et des heures supplémentaires, ainsi que des comportements constitutifs de harcèlement moral. Quel est le régime de prescription applicable aux demandes de rappel de salaire ?L’article L 3245-1 du Code du travail précise que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Dans cette affaire, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 30 mars 2023, ce qui signifie que sa demande de rappel de salaire ne peut porter que sur les sommes dues au titre des trois années précédant cette date. Ainsi, le conseil de prud’hommes a retenu que le salarié ne pouvait prétendre à des rappels de salaire pour des journées travaillées antérieures au 30 mars 2020, conformément à la prescription triennale. Il est également à noter que l’article L 3171-4 du Code du travail impose au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur de répondre utilement. Quel est le cadre juridique du harcèlement moral au travail ?L’article L 1152-1 du Code du travail stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour établir l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits. Dans cette affaire, le salarié a présenté plusieurs faits, tels que le refus de paiement de son salaire et de ses heures supplémentaires, ainsi que des menaces de sanctions financières. Ces éléments ont été jugés suffisants pour établir la présomption d’un harcèlement moral, ce qui a conduit à la condamnation de l’employeur. L’article L 1154-1 du Code du travail précise que, dans le cas où des faits de harcèlement moral sont établis, il appartient à l’employeur de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Quel est le rôle de la charge de la preuve dans les litiges relatifs aux heures supplémentaires ?L’article L 3171-4 du Code du travail impose que, en cas de litige relatif au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies. Cela signifie que le salarié doit fournir des preuves concrètes pour étayer sa demande d’heures supplémentaires, permettant ainsi à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Dans cette affaire, le salarié a soutenu avoir effectué des heures supplémentaires, mais l’employeur a contesté cette affirmation, arguant que le salarié n’avait pas fourni d’éléments probants. Le juge, après avoir examiné les pièces produites par les deux parties, a retenu que le salarié avait apporté des éléments suffisants pour établir l’existence d’heures supplémentaires, ce qui a conduit à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes. Quel est le cadre juridique de la classification professionnelle d’un salarié ?La classification professionnelle d’un salarié est régie par l’article L 2221-1 du Code du travail, qui stipule que « la qualification professionnelle d’un salarié s’apprécie en considération des fonctions qu’il remplit effectivement au sein de l’entreprise ». Dans le cas présent, le salarié a soutenu qu’il devait être classé comme cadre en raison des fonctions qu’il exerçait. Cependant, l’employeur a contesté cette classification, arguant que le salarié n’avait pas prouvé qu’il accomplissait des tâches correspondant à une classification de cadre. Le juge a rappelé que la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée. En l’espèce, le salarié n’a pas réussi à établir qu’il remplissait les critères nécessaires pour être classé comme cadre, ce qui a conduit à la confirmation du jugement en ce sens. Ainsi, la classification professionnelle doit être fondée sur des éléments concrets et vérifiables, et le salarié doit être en mesure de prouver qu’il remplit les conditions requises pour la classification revendiquée. |
du 20/03/2025
N° RG 24/00383 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FOVW
OJ/ACH
Formule exécutoire le :
20/03/2025
à :
[L]
[V]
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 20 mars 2025
APPELANTE :
d’une décision rendue le 08 février 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de REIMS, section COMMERCE (n° F 23/00167)
S.A.S. KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me François-xavier CHEDANEAU de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉ :
Monsieur [B] [U]
[Adresse 2]
[Localité 1] / France
Représenté par Me Paul-marie GAURY, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 janvier 2025, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 20 mars 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François MELIN, président
Madame Isabelle FALEUR, conseillère
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS,greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Selon contrat à durée indéterminée en date du 9 janvier 2017, M. [B] [U] a été embauché par la SAS PONT DE VESLE AUTOMOBILES en qualité de vendeur automobile, statut employé, échelon 9, pour une durée hebdomadaire de 37 heures avec en contrepartie 12 jours de repos spécifiques annuels, moyennant une partie fixe et des primes calculées sur le montant des ventes et fixées selon le Pay plan.
Un avenant au contrat de travail a été établi le 1er février 2022 entre la SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE et M. [B] [U].
La convention collective nationale applicable est celle des services de l’automobile.
M. [B] [U] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 2 février 2023 pour un syndrome anxio-dépressif.
M. [B] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims le 30 mars 2023 de demandes de requalification, de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et de condamnation de celui-ci au paiement de sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement en date du 8 février 2024, le conseil de prud’hommes a :
– rejeté la demande in limine litis de faire écarter des débats les pièces 34, 35 et 36 de la partie demanderesse ;
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [B] [U] aux torts de la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE ;
– dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul ;
– condamné la SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE, en la personne de son représentant légal, à payer à M. [B] [U] les sommes suivantes :
– 300 euros au titre des journées de travail non rémunérées ;
– 30 euros au titre des congés payés afférents ;
– 150 euros au titre de la commission attachée à la commande VO237085;
– 15 euros au titre des congés payés afférents ;
– 374,40 euros au titre de prime ;
– 37, 40 euros au titre des congés payés afférents ;
– 190 euros au titre de prime ;
– 19 euros au titre des congés payés afférents ;
– 10.078,12 euros bruts au titre des heures supplémentaires accomplies ;
– 1.007,81 euros au titre des congés payés afférents ;
– 4.000 euros en réparation du harcèlement subi ;
– 42.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné à la SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE, en la personne de son représentant légal, de remettre à M. [B] [U] ses bulletins de paie, son solde de tout compte et son attestation Pôle Emploi, le tout conformément au présent jugement, et ce sous astreinte de 10 euros par jour de retard et pour l’ensemble des documents à compter du 30e jour suivant la notification du présent jugement ;
– dit que le conseil s’est réservé la faculté de liquider l’astreinte ;
– débouté M. [B] [U] du surplus de ses demandes ;
– débouté la SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE, en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle ;
– rappelé l’exécution provisoire de droit sur le fondement de l’article R 1454-28 du code du travail ;
– condamné la SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE, en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’huissier de justice en cas de recours forcé.
La SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE a formé appel le 7 mars 2024 aux fins d’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [B] [U] du surplus de ses demandes.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 9 décembre 2024 par voie électronique, la SAS KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE, ci-après société KEOS, demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Reims du 8 février 2024 dans les limites de la déclaration d’appel ;
– rejeter l’appel incident interjeté par M. [U] et, par conséquent, confirmer le jugement pour le surplus ;
Et statuant à nouveau :
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner M. [U] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais engagés en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 5 novembre 2024 par voie électronique, M. [B] [U] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 8 février 2024 en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes et réduit les quantums demandés ;
Et statuant à nouveau ou y ajoutant :
– juger que la qualification réelle est celle de cadre C.C.I.1 ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser :
– la somme de 10.764 euros (52 journées) au titre des journées de travail non rémunérées, outre 1.076 euros au titre des congés payés afférents ;
– la somme de 150 euros au titre de la commission attachée à la commande VO237085, outre 15 euros au titre des congés payés afférents ;
– la somme de 374,40 euros au titre de prime, outre 37, 40 euros au titre des congés payés afférents ;
– la somme de 190 euros au titre de prime, outre 19 euros au titre des congés payés afférents ;
– la somme de 61.450 euros bruts au titre des heures supplémentaires accomplies, outre la somme de 6.154 euros au titre des congés payés afférents ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 15.000 euros en réparation du harcèlement subi ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 15.000 euros pour violation de l’obligation de sécurité de résultat ;
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE ;
– juger que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 60.000 euros au titre du licenciement nul ;
A titre subsidiaire, si la nullité du licenciement n’était pas retenue, juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 8.009,13 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 15.585,33 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1.558 euros bruts au titre de congés payés afférents ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 31.170,66 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– ordonner la remise de document conforme à savoir les bulletins de paie avec la mention de qualification Cadre C.C.I.1, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conforme au jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
En tout état de cause,
– débouter la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société KEOS [Localité 4] BY AUTOSPHERE à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
A titre liminaire, la cour relève que, si la société KEOS demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande in limine litis de faire écarter des débats les pièces 34, 35 et 36 produites en première instance par M. [B] [U], elle ne formule aucune prétention à ce titre ni de moyen au soutien de cette infirmation, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
1) Sur la classification de M. [B] [U]:
M. [B] [U] soutient que, depuis son embauche en qualité de vendeur, il a exercé des fonctions supérieures d’encadrement. Il estime que le salaire minimal de base a été en-deçà de sa qualification pendant plusieurs années, laquelle correspond à celle de cadre C.I.1, notamment pour la réalisation de financement. Il sollicite la rectification de ses bulletins de salaire.
Selon la société KEOS, la proposition faite à M. [B] [U] de bénéficier du statut cadre à compter de l’année 2023 s’inscrit dans le cadre de la réorganisation interne et tient compte de l’expérience qu’il a acquise depuis son embauche et non de l’existence de supposées fonctions managériales. Elle soutient qu’il échoue à rapporter la preuve de ce qu’il accomplissait des tâches correspondant à une classification de cadre depuis le début de son contrat de travail.
Sur ce,
La qualification professionnelle d’un salarié s’apprécie en considération des fonctions qu’il remplit effectivement au sein de l’entreprise, cette appréciation devant se faire par ailleurs au regard de la classification conventionnelle applicable à la relation contractuelle de travail entre les parties.
En cas de contestation de la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert. En outre, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée.
En l’espèce, pour soutenir qu’il accomplissait des tâches relevant de la catégorie cadres, M. [B] [U] se réfère essentiellement à une mention tirée d’une évaluation professionnelle indiquant qu’il a atteint voire dépassé les objectifs en matière de financement.
De plus, il ressort des pièces versées aux débats par la société KEOS que la proposition faite en début d’année 2023 correspond à une volonté de promouvoir les vendeurs expérimentés dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise, sans que cela n’établisse que les vendeurs concernés effectuent des tâches relevant de la catégorie des cadres.
Enfin, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, M. [B] [U] ne rapporte pas la preuve des fonctions d’encadrement qu’il revendique.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] [U] de sa demande de classification au niveau cadre C.C.I.1 ainsi que de sa demande de rectification du bulletin de salaire.
2) Sur le défaut de règlement des salaires:
a) Sur les journées travaillées non rémunérées:
La société KEOS rappelle qu’en matière de rappel de salaires, la prescription est de trois ans, de sorte que M. [B] [U] ne peut prétendre au paiement des journées travaillées antérieures au 30 mars 2020, ainsi que l’avait retenu le conseil de prud’hommes.
La société KEOS indique que la dernière journée évoquée par M. [B] [U] est le 22 janvier 2021 et que le contrat de travail s’est poursuivi au-delà de cette date, de sorte que le non-paiement de journées travaillées, à le supposer établi, ne peut justifier une résiliation judiciaire compte tenu de l’ancienneté de ce grief.
Elle estime que M. [B] [U] ne verse aucun élément pour justifier qu’il a travaillé les jours concernés, d’autant qu’ils correspondent à la période de confinement (2020) pendant laquelle il ne travaillait pas.
Elle expose, après avoir précisé le fonctionnement des leads, que M. [B] [U] fait état de journées prétendument travaillées alors qu’il n’avait pas traité les leads sur lesquels il s’était positionné.
Elle soutient qu’il ne fait état que deux journées, 19 octobre 2020 et 12 janvier 2021, correspondant pour la première date à une minute qui est le temps nécessaire à l’attribution du dossier via l’application et, pour la seconde, à dix-sept minutes, après une alerte suite à un retard de prise en charge d’un client dans un dossier dans lequel il s’était positionné auparavant.
Selon la société KEOS, ces deux captures d’écran sont insuffisantes à établir qu’il a travaillé toute la journée à ces dates et que l’employeur lui avait demandé de le faire.
Elle indique enfin que M. [B] [U] intervertissait régulièrement ses journées de repos avec M. [E] [J], lequel est également en litige prud’homal avec la société, et elle soutient que M. [B] [U] n’a pas travaillé les 5 et 19 octobre 2020.
Selon M. [B] [U], il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectué.
M. [B] [U] soutient qu’il a travaillé 52 jours qui n’ont pas été rémunérés sur une période allant du 1er juin 2019 au 22 janvier 2021, en produisant un tableau récapitulatif.
Il expose que certaines des journées concernées correspondent à des journées « portes ouvertes » et qu’il ne s’agit pas de jours de repos. Il ajoute que son travail ne se limite pas au traitement des leads. Il soutient qu’il n’a pas interverti ses jours de repos avec M. [E] [J], comme celui-ci l’atteste.
Sur ce,
Aux termes de l’article L 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail a été rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il résulte de l’article L 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, la société KEOS demande à la cour de confirmer l’application de la prescription triennale en matière de rappel de salaire et M. [B] [U] soutient que sa demande est soumise à la prescription quinquennale de droit commun qui est applicable au harcèlement.
Il y a lieu de rappeler qu’en droit du travail, le régime de la prescription est lié à la nature de la créance.
Si M. [B] [U] forme également une demande de dommages et intérêts en réparation d’un harcèlement moral, en invoquant notamment le non paiement du salaire, il formule une demande spécifique au titre des jours travaillés non rémunérés qui est une demande relative au paiement du salaire soumise à la prescription prévue à l’article L 3245-1 du code du travail.
Compte tenu de la date de la saisine du conseil de prud’hommes le 30 mars 2023 notamment aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail, la demande de rappel de salaire formée par M. [B] [U] ne peut pas porter sur la période antérieure au 30 mars 2020, comme l’a retenu à juste titre le conseil de prud’hommes, ce qui correspond, au vu des pièces produites par le salarié, à 22 jours sur la période du 8 juin 2020 au 22 janvier 2021.
En effet, au soutien de sa demande, M. [B] [U] produit en pièce 7 un calendrier mentionnant pour chaque jour concerné par la demande « travaillé Non payé Non récupéré » et en précisant que des jours ont été travaillés alors qu’ils correspondaient à des jours de repos.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, ce qu’il ne fait que pour certains jours, en faisant état de captures d’écran pour les 19 octobre 2020 et 12 janvier 2021, alors que ces deux journées ne figurent pas dans la liste des journées dont le paiement est sollicité.
Par ailleurs, si la société KEOS indique que certains jours sont mentionnés comme travaillés par M. [B] [U] alors qu’il n’a traité aucun lead à ces dates, il convient de noter que la demande de paiement du salarié concerne d’autres journées de travail dont la liste est limitative.
La société KEOS ne produit aucun élément de nature à contredire les allégations de M. [B] [U] concernant les 22 journées de travail sur la période du 8 juin 2020 au 22 janvier 2021.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel de salaire mais il sera infirmé quant au montant, de sorte que M. [B] [U] se verra allouer une somme de 1.000 euros à titre de rappel de salaire outre 100 euros au titre des congés payés afférents.
b) sur la part variable de la rémunération:
La société KEOS demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [B] [U] les sommes suivantes :
– 150 euros au titre de la commission attachée à la commande VO237085 ;
– 15 euros au titre des congés payés afférents ;
– 374,40 euros au titre de prime ;
– 37, 40 euros au titre des congés payés afférents ;
– 190 euros au titre de prime ;
– 19 euros au titre des congés payés afférents.
Elle indique toutefois que des erreurs de paiement de plusieurs primes ont été commises, pour des montants respectifs de 374,40 euros, de 190 euros et de 150 euros, qui ont fait l’objet d’une régularisation sur le bulletin de paie du mois de septembre 2023. Elle soutient qu’il s’agit d’erreur involontaire, liée au nombre important de commissions devant être vérifiées par le service paie, et qu’elle ne présente pas un degré de gravité suffisant pour justifier une résiliation judiciaire. La société KEOS verse aux débats les documents justifiant que les lettres d’objectifs étaient remises mensuellement à M. [B] [U] en estimant que les objectifs étaient proportionnés.
Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire et de harcèlement moral, M. [B] [U] reproche à son employeur de ne pas avoir procédé régulièrement au règlement de la part variable qui lui est due en vertu de son contrat de travail, en faisant état de l’absence d’objectifs ou de la transmission d’objectifs irréalisables ou contraires au Payplan annuel.
La cour relève que, si M. [B] [U] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a réduit certains quanta demandés, il sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes dues au titre des primes ou d’une commission du même montant que celui alloué par le conseil de prud’hommes.
L’employeur ne rapportant pas la preuve que les sommes concernées ont été effectivement régularisées, à défaut de production du bulletin de salaire de septembre 2023, tout en reconnaissant qu’elles sont dues, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société KEOS à payer les sommes de 150, 190 et 374,40 euros au titre de primes ou de commission, outre les congés payés afférents à chacun de ces éléments du salaire.
3) Sur les heures supplémentaires:
Selon la société KEOS, M. [B] [U] soutient avoir effectué 20 heures supplémentaires par semaine car son employeur exigeait sa présence de 8 heures à 20 heures, alors que la concession ferme à 19 heures.
De plus, elle estime qu’il ne verse aucun élément suffisamment précis pour lui permettre de répondre, contrairement au mécanisme probatoire prévu par la loi et la jurisprudence.
En effet, elle estime que les attestations de MM. [J] et [I] sont irrecevables car ces salariés sont en litige avec elle. Elle précise que les horaires de travail de M. [I] étaient de 8h30 à12h et de 14h à 17h30, ce qui ne lui permet pas d’attester de la présence de M. [U] de 8 h à 20 h. Quant à M. [J], elle fait valoir qu’il n’a pas accompli d’heure supplémentaire après le mois de juillet 2019, de sorte qu’il ne peut témoigner de la présence de M. [U] jusqu’à 20 h.
Enfin, en ce qui concerne le mail de M. [N], selon l’employeur, il ne s’agit pas d’une demande adressée aux vendeurs de se rendre disponible à toute heure mais seulement d’une mobilisation des équipes pour la période à venir.
La société KEOS indique également que, suite à l’entrée en vigueur du confinement, le télétravail a été mis en place.
Pour sa part, M. [B] [U] soutient qu’il apporte les éléments suffisants à l’appui de sa demande, en indiquant que la société a exigé une présence et un travail effectif journalier de 8 h à 20 h et qu’il était tenu de répondre aux leads à tout moment, comme le démontre un mail émanant de sa hiérarchie.
Il estime que le nombre d’heures de travail dépassait 60 heures par semaine, soit une moyenne de 20 heures supplémentaires, et que les messages de traitement des leads démontrent que des heures supplémentaires étaient réalisées au vu des heures des messages.
Il fait également état d’attestations de deux autres salariés concernant les heures de travail accomplies.
Sur ce,
Il sera rappelé qu’en application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, la société KEOS demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à faire écarter des débats les pièces n° 34 et 35 produites par M. [B] [U], qui correspondent aux attestations de MM. [J] et [I]. Elle soutient qu’elles sont irrecevables compte tenu des litiges existants avec ces salariés.
Or, ces attestations n’ont pas été obtenues de manière déloyale et elles ne sont pas irrecevables.
Cependant, la valeur probante de ces attestations devra être examinée au regard de l’existence des litiges prud’homaux impliquant ces salariés et la société KEOS.
Si M. [B] [U] se réfère aux tableaux produits au titre des journées travaillées non rémunérées (pièce n° 7), il convient de noter qu’ils ne font pas état des heures de début et de fin de travail pour les journées considérées.
M. [E] [J] indique que « M. [B] [U] devait traiter les leads et répondre aux clients de 8 h à 20 h à la demande du chef des ventes » et M. [W] [I] atteste qu’il « dépassait régulièrement ses horaires légal de travail et qu’il travaillait souvent de 8 h à 20 h ».
Enfin, pour démontrer qu’une forte disponibilité était exigée, M. [B] [U] se fonde sur le courriel de M. [R] [N], chef des ventes, en date du 25 novembre 2019 ainsi rédigé : « Messieurs. Il faut absolument être à 100 %. Impossible pour moi d’être à 78 %. Même en repos en soirée pendant le repas ou même sous la douche il faut décrocher. J’espère que le message est très clair pour vous ».
Comme M. [B] [U] soutient qu’il effectuait 20 heures supplémentaires par semaine, qu’il produit des documents justifiant le traitement de leads au-delà de 20 heures à certaines dates et un tableau détaillant les journées travaillées, ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
Toutefois, la société KEOS ne rapporte pas la preuve de la non-réalisation des heures supplémentaires invoquées par le salarié.
Dans ces conditions, au vu des éléments produits, il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui a procédé à une exacte appréciation des éléments de la cause.
4) Sur le harcèlement moral:
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par la salariée, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de sa demande, M. [B] [U] présente plusieurs faits qu’il convient d’examiner successivement.
– le refus non justifié du règlement de son salaire et des heures supplémentaires.
M. [B] [U] se réfère à ses demandes présentées auparavant en soutenant que son employeur a toujours refusé de lui payer les jours travaillés et des heures supplémentaires.
Il a été précédemment retenu que la société KEOS n’a pas payé l’intégralité des jours travaillés sur la période du 8 juin 2020 au 22 janvier 2021 ni des heures supplémentaires accomplies par le salarié, de sorte que ce fait est matériellement établi au moins en partie.
– le refus non justifié d’établir une rémunération variable régulière.
M. [B] [U] expose que la société n’a jamais mis en place les objectifs réguliers nécessaires au règlement de la part variable de sa rémunération et qu’il n’y avait pas d’objectif clair, précis, mesurable, atteignable, prévisible et réaliste. Il estime qu’un tel procédé vise à exercer une pression fincancière sur le salarié puisque le salaire de base était de 913 euros. Il se réfère également aux moyens développés à l’appui de la demande d’indemnisation des primes et d’une commission.
Il a été précédemment retenu que des primes et une commission n’avaient pas été payées au salarié, de sorte que le fait est matériellement établi.
– le blocage des outils informatiques.
M. [B] [U] soutient que son employeur a bloqué ses accès aux outils informatiques pour le contraindre dans son action en justice, en produisant une capture écran et l’attestation de M. [I] indiquant qu’il avait l’interdiction de communiquer avec lui.
Le document produit par le salarié n’est pas daté et il montre seulement une fenêtre de dialogue « automanager » avec l’adresse mail et le mot de passe sous forme d’étoiles et un symbole correspondant à un délai d’attente pour une connexion.
De plus, l’attestation de son collègue de travail n’évoque nullement le blocage d’outils informatiques.
Dès lors, ces éléments ne sont pas suffisants à établir la matérialité des faits invoqués par le salarié.
– les menaces et sanctions financières arbitraires, illégales et humiliantes.
A ce titre, le salarié soutient que son supérieur hiérarchique l’a menacé de sanctions financières sous forme de retrait de commissions, en produisant des courriels rédigés en majuscules par M. [R] [N].
Au vu des termes des messages adressés par son supérieur hiérarchique, ce fait est matériellement établi.
– la demande de signature sous pression d’un avenant, d’un quitus et d’un Payplan.
M. [B] [U] soutient que son employeur lui a présenté le 13 janvier 2023 un nouveau contrat de travail, un Payplan et un quitus pour signature, avant de le menacer de devoir démissionner à défaut de signature.
Il indique également que, par courrier du 16 février 2023, la société lui aurait reproché de s’être placé en arrêt maladie et lui a proposé un Payplan différent de celui évoqué en janvier 2023, avec des éléments à la baisse.
S’il n’est pas contesté qu’un nouveau contrat de travail a été proposé à M. [B] [U], dans le cadre d’une réorganisation interne après avis des représentants du personnel, en lui permettant d’accéder au statut cadre avec un Payplan spécifique à cette catégorie de salariés, le contenu des échanges produits par M. [B] [U] ne permet pas d’établir les menaces de démission ni une quelconque pression, l’employeur l’ayant informé qu’à défaut de signature de l’avenant, il resterait soumis à son contrat initial avec la qualité de vendeur, le Payplan transmis le 16 février 2023 étant celui des vendeurs.
En effet, seul M. [B] [U] soutient que s’il ne signait pas l’avenant, il devrait démissionner, l’employeur ayant contesté avoir tenu de tels propos dès le lendemain, comme le montrent les courriels des 18 et 19 janvier 2023.
De plus, aucun terme du courrier du 16 février 2023 ne contient un reproche d’être en arrêt maladie : « à la suite de nos échanges sur le sujet, vous avez été placé en arrêt maladie, ce que nous regrettons ».
Au vu de ces éléments, M. [B] [U] n’établit pas la matérialité du fait invoqué.
– les alertes du salarié et la référente harcèlement.
M. [B] [U] soutient qu’il a exprimé à de nombreuses reprises son mal être, que l’employeur reconnaît que le Dr [K] a été sollicité par lui mais qu’il n’a pas pu conduire d’enquête l’ayant encouragé à agir en justice. Selon le salarié, la société KEOS ne dispose pas de référente harcèlement, contrairement à ses allégations.
Cependant, le salarié ne produit aucun élément justifiant qu’il a alerté son employeur à plusieurs reprises, le seul message produit étant le courriel du 27 janvier 2023 dans lequel il affirme « vous n’ignorez pas non plus que cette situation a un impact sur mon état de santé ».
En ce qui concerne l’existence d’un référent harcèlement, la cour relève que dans le procès-verbal de la réunion du CSE du 16 décembre 2022, l’un des membres du comité a cette qualité.
Dès lors, M. [B] [U] n’établit pas la matérialité du fait invoqué.
*
Il résulte de ce qui précède que sont matériellement établis, au moins pour partie, les faits suivants :
– le refus non justifié du règlement de son salaire et des heures supplémentaires;
– le refus non justifié d’établir une rémunération variable régulière ;
– les menaces et sanctions financières arbitraires, illégales et humiliantes.
M. [B] [U] indique également que son état de santé s’est dégradé en février 2023, comme l’atteste son arrêt de travail du 2 février 2023 sur lequel est indiqué « syndrome anxio dépressif ».
Pris dans leur ensemble, les faits matériellement établis, à savoir le non paiement de journées travaillées et d’heures supplémentaires ainsi que l’existence de menaces de sanctions financières, sont de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral, puisque ce sont des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors, il appartient à l’employeur de démontrer que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La société KEOS indique en premier lieu que le harcèlement moral a été évoqué pour la première fois par le conseil de M. [B] [U] dans un courrier du 24 février 2023, soit un mois avant la saisine du conseil de prud’hommes.
– Concernant le refus du règlement du salaire et des heures supplémentaires, il sera rappelé que la société KEOS a été condamnée à payer une certaine somme à titre de rappel de salaire correspondant à des journées travaillées et à des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées, dans la mesure où l’employeur n’a pas démontré l’absence de travail pour les journées concernées.
– Concernant la rémunération variable et la détermination des objectifs, M. [B] [U] soutient que les objectifs devaient être fixés annuellement et non mensuellement selon son contrat de travail, que des lettres d’objectifs lui étaient adressées alors que le mois avait commencé, qu’elles ne contenaient aucun critère et qu’il n’y a pas eu de Payplan pour l’année 2022.
Sur ce point, la société KEOS a admis qu’il y avait eu des erreurs de paiement de primes liées au nombre de commissions devant être vérifiées par le service paie.
La société KEOS rappelle que, selon l’avenant au contrat de travail de M. [B] [U] applicable à compter du 1er janvier 2022, sa rémunération comprend une partie fixe et une partie variable correspondant aux primes qui sont calculées sur le montant des ventes et fixées selon le Payplan en vigueur.
Elle expose que le Payplan a pour objectif de définir la structure de la rémunération variable et que les lettres d’objectifs informent les vendeurs sur les objectifs à réaliser.
Selon le Payplan 2021, pour la détermination de la part variable, il est notamment indiqué : « un objectif commande sera défini mensuellement, en fonction du poids du marché, des objectifs du point de vente, du volume de leads et du taux de transformation atteint » et « chaque mois, en fonction de l’actualité et de la problématique du moment, un objectif spécifique sera fixé à chaque vendeur ».
La société KEOS soutient que la pratique consistant à fixer mensuellement des objectifs en complément d’un Payplan annuel n’est pas illégale et elle verse aux débats les documents justifiant que les lettres d’objectifs étaient remises mensuellement à M. [B] [U].
La société KEOS indique que le Payplan 2021 a été prorogé pour l’année 2022, de sorte qu’il n’y a pas eu de communication d’un Payplan spécifique, d’autant que les primes perçues par M. [B] [U] en 2022 ont été calculées sur la base du Payplan 2021.
De plus, la société KEOS soutient que la gestion quotidienne du service digital fait partie du métier de M. [B] [U], d’autant que le Payplan annuel prévoit une rémunération mensuelle pour la réalisation de cette tâche : « prime taux de transformation des leads autosphere.fr et pourcentage de photo ».
Elle estime ne pas être responsable de la diminution des objectifs réalisés entre 2018 et 2020, d’autant qu’il y a eu la pandémie de Covid-19 qui l’a conduite à mettre en place une nouvelle grille en novembre 2020, étant précisé que M. [B] [U] a alors atteint le palier le plus élevé concernant le nombre de voitures vendues, ainsi que le mentionne son bulletin de salaire de décembre 2020, avec une prime de 910 euros.
Quant à la transmission des objectifs au-delà du premier jour du mois, si la société KEOS ne fournit aucune explication, il ressort des pièces versées que les objectifs étaient réalisables, d’autant qu’ils ont pu être atteints par le salarié, et que l’objectif mensuel tenait nécessairement compte de l’activité réalisée au cours du mois entier.
– Concernant les menaces et les sanctions financières arbitraires, M. [B] [U] se fonde sur plusieurs messages de M. [R] [N].
L’employeur expose que les mails évoqués par M. [B] [U] étaient destinés à l’ensemble des vendeurs, de sorte qu’ils ne pourraient être interprétés comme contenant une menace à l’encontre de M. [B] [U]. Il soutient qu’il s’agissait de simples rappels des règles de travail, voire de l’expression d’un agacement légitime. Il ajoute que M. [R] [N] avait l’habitude d’écrire ses courriels en lettres majuscules sans formule de politesse, y compris à l’égard de la direction. Il précise que M. [R] [N] a été muté en mai 2021 à la concession de [Localité 3] et a donc cessé toute relation avec M. [B] [U] deux ans avant la saisine de la juridiction prud’homale.
Si la société KEOS justifie que M. [R] [N] avait l’habitude d’écrire en lettres majuscules à tous ses interlocuteurs dans ses courriels, dans un style direct et sans formule de politesse, y compris au directeur de la concession, il n’en demeure pas moins que dans plusieurs mails adressés aux vendeurs, il les menace, usant d’un ton péremptoire, de sanctions financières sous forme de retraits de commissions.
Bien que ces mails soient adressés à l’ensemble des vendeurs, ils constituent un agissement de harcèlement moral collectif qui s’est manifesté personnellement pour M. [B] [U].
*
Le harcèlement moral est donc établi et caractérisé par des agissements moindres que ceux retenus par le premier juge, de sorte que le jugement sera infirmé quant à la somme allouée en réparation de ce harcèlement moral qui sera limitée à 2.500 euros.
5) Sur le manquement à l’obligation de sécurité:
M. [B] [U] sollicite une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité en soutenant qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires, alors qu’il se trouvait dans une situation de souffrance au travail et qu’il a été victime de harcèlement moral. Il ajoute qu’il a été placé en arrêt maladie en raison de ses conditions de travail.
Il expose également qu’il a été contraint de travailler sans prendre de jour de repos au cours de plusieurs périodes soit en cas d’absence d’un collègue soit en raison des portes ouvertes. Il soutient qu’il a été amené à travailler durant des jours de repos, rappelant qu’il devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur pour traiter les leads, comme le chef des ventes l’avait exigé.
La société KEOS soutient que M. [B] [U] ne justifie pas d’avoir averti son employeur de la dégradation de son état de santé et qu’il ne verse aucun élément médical susceptible d’établir un lien entre la dégradation de son état de santé et la sphère professionnelle, le certificat médical produit ne faisant que reprendre ses propos. Pour les heures supplémentaires, elle indique que M. [B] [U] bénéficiait d’une contrepartie pour les heures comprises entre 35 et 37 heures et qu’il ne démontre pas avoir accompli des heures au-delà. Elle conclut à l’absence de manquement à l’obligation de sécurité.
Il résulte des articles L 1152-4 et L 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaire
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