Rupture du contrat d’agence commercialeLa rupture d’un contrat d’agence commerciale peut être justifiée par une faute grave de l’agent, conformément aux articles L.134-11 à L.134-13 du Code de commerce. Ces articles stipulent que, dans le cas d’un contrat à durée indéterminée, chaque partie peut mettre fin au contrat avec un préavis, sauf si la rupture est causée par une faute grave de l’une des parties. En cas de cessation des relations, l’agent a droit à une indemnité compensatrice, sauf si la rupture est due à sa faute grave. Obligation de loyauté et comportement de l’agentL’article L.134-4 du Code de commerce impose que les contrats d’agence soient conclus dans l’intérêt commun des parties, et que les relations entre l’agent et le mandant soient régies par une obligation de loyauté. Le comportement de l’agent commercial doit donc être conforme à cette obligation, ce qui inclut le maintien de relations professionnelles respectueuses et la communication d’informations pertinentes à son mandant. Indemnisation du préjudice moral et d’imageLa réparation du préjudice moral et d’image causé par le comportement de l’agent commercial peut être fondée sur les articles 1240 et 1363 du Code civil, qui prévoient la responsabilité délictuelle et l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui. Dans le cadre d’une relation d’agence, un comportement dégradant ou injurieux de l’agent à l’égard de ses interlocuteurs peut justifier une demande d’indemnisation pour le préjudice subi par le mandant. Restitution du matériel et astreinteLa restitution du matériel appartenant à la société mandante est régie par les dispositions du Code civil relatives à la restitution des biens. En cas de non-restitution dans le délai imparti, une astreinte peut être prononcée, conformément à l’article L131-3 du Code des procédures civiles d’exécution, qui permet d’imposer une sanction financière pour chaque jour de retard dans l’exécution d’une obligation de restitution. |
L’Essentiel : La rupture d’un contrat d’agence commerciale peut être justifiée par une faute grave de l’agent. Dans un contrat à durée indéterminée, chaque partie peut mettre fin au contrat avec un préavis, sauf en cas de faute grave. L’agent a droit à une indemnité compensatrice, sauf si la rupture est due à sa faute. Les contrats d’agence doivent être conclus dans l’intérêt commun, et l’agent doit maintenir des relations professionnelles respectueuses et communiquer des informations pertinentes.
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Résumé de l’affaire : La société DAW France, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de peintures, a conclu un contrat d’agent commercial avec un agent commercial en octobre 2008. En décembre 2020, la société a résilié ce contrat pour faute grave, invoquant des comportements inappropriés de l’agent, tels que des attitudes injurieuses et un manque de communication sur son activité. En réponse, l’agent a contesté cette résiliation et a réclamé des arriérés de commissions, une indemnité de préavis et une indemnité de rupture, totalisant plus de 600 000 euros.
En avril 2021, l’agent a assigné la société devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal a rendu un jugement en janvier 2023, confirmant la résiliation du contrat pour faute grave de l’agent et déboutant ce dernier de ses demandes d’indemnités et de commissions. Le tribunal a également ordonné à l’agent de restituer le matériel en sa possession à la société, sous astreinte. L’agent a interjeté appel de cette décision, tandis que la société a formé un appel incident. Dans ses écritures, l’agent a demandé l’infirmation du jugement et le paiement des sommes réclamées, tandis que la société a contesté la validité de l’appel de l’agent et a demandé la confirmation du jugement initial. La cour d’appel a confirmé la résiliation du contrat pour faute grave, tout en infirmant partiellement le jugement en ce qui concerne les dommages et intérêts, condamnant l’agent à verser 5 000 euros à la société pour préjudice moral et d’image. La cour a également ordonné la restitution du matériel sous astreinte et a condamné l’agent à payer les dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la résiliation du contrat d’agence commerciale ?La résiliation du contrat d’agence commerciale est fondée sur les articles L.134-11 à L.134-13 du Code de commerce. Ces articles stipulent que lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin moyennant un préavis, sauf en cas de faute grave de l’une des parties. En cas de cessation des relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice, sauf si la cessation est provoquée par sa faute grave. Ainsi, la société Daw France a justifié la résiliation du contrat par des comportements jugés fautifs de l’agent commercial, notamment des attitudes déplacées et un manque de respect envers les clients et les employés de la société. Quel est le critère de la faute grave dans le cadre d’un contrat d’agence commerciale ?Le critère de la faute grave est précisé dans l’article L.134-13 du Code de commerce, qui énonce que la cessation du contrat n’ouvre pas droit à indemnité si elle est provoquée par la faute grave de l’agent commercial. La jurisprudence a établi que des comportements répétés et inappropriés, tels que des agressions verbales et un manque de respect envers les clients et les employés, peuvent constituer une faute grave. Dans ce cas, le tribunal a confirmé que les manquements de l’agent commercial étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat. Quel est le droit à indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat d’agence ?L’article L.134-12 du Code de commerce précise que l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en cas de cessation de ses relations avec le mandant, sauf si la rupture est due à une faute grave de sa part. Dans cette affaire, l’agent commercial a été débouté de sa demande d’indemnité compensatrice en raison de la faute grave qui a conduit à la résiliation du contrat. Le tribunal a jugé que les comportements de l’agent commercial avaient gravement compromis la relation de confiance nécessaire à l’exécution du contrat. Quel est le régime des commissions dues à l’agent commercial ?Les articles R.134-3 et 13 du Code de commerce stipulent que l’agent commercial a droit à des commissions sur les ventes réalisées, à condition que celles-ci soient issues de clients qu’il a visités régulièrement. Le contrat précise que les commissions ne sont acquises qu’après le parfait paiement des factures et que l’agent doit prouver qu’il a visité le client dans les six mois précédant la cessation de son activité pour prétendre à des commissions sur des affaires postérieures à la résiliation. Dans cette affaire, le tribunal a confirmé que l’agent commercial n’avait pas prouvé qu’il avait droit aux commissions réclamées, notamment en ce qui concerne le client Tapis Saint Maclou, ce qui a conduit à son déboutement. Quel est le fondement des demandes reconventionnelles de la société Daw France ?Les demandes reconventionnelles de la société Daw France reposent sur les articles 1240 et 1363 du Code civil, qui prévoient la réparation du préjudice causé par un comportement fautif. La société a demandé des dommages-intérêts pour le préjudice moral et d’image résultant du comportement de l’agent commercial, qui a dégradé l’image de la société et perturbé l’ambiance de travail. Le tribunal a reconnu ce préjudice et a condamné l’agent commercial à verser des dommages-intérêts à la société. Quel est le rôle de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, le tribunal a condamné l’agent commercial à verser une somme à la société Daw France en application de cet article, en raison des frais engagés pour la procédure. Cela souligne l’importance de cet article dans la répartition des frais de justice entre les parties. |
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 19 MARS 2025
N° RG 23/00669 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NDMT
Monsieur [L] [W] [H]
c/
S.A.S.U. DAW FRANCE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 janvier 2023 (R.G. 2021F00466) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 07 février 2023
APPELANT :
Monsieur [L] [W] [H] agent commercial inscrit au registre spécial des agents commerciaux de Bordeaux sous le n° 402 640 072,
né le 06 Avril 1956 à [Localité 3] (33)de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX assistée par Maître Géraud VACARIE avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
S.A.S.U. DAW FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Maître François DEAT, avocat au barreau de BORDEAUX assistée par Maître Pierre Alain TOUCHARD de la SELARL BBO avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
1. La société DAW France, filiale française du groupe allemand DAW, fabrique et commercialise des peintures et produits destinés à la protection et à la décoration des bâtiments à destination des professionnels et du grand public sous les marques Caparol et Alpina.
Monsieur [L] [W] [H] et la société Daw France ont conclu un contrat d’agent commercial le 1er octobre 2008.
Par courrier du 07 décembre 2020, la société Daw France a résilié pour faute grave le contrat d’agence commerciale qui la liait à M. [W] [H] et a levé la clause de non-concurrence.
Par courrier du 11 février 2021, M. [W] [H] a contesté les motifs de la rupture et a mis en demeure la société Daw France de lui régler sous quinzaine les arriérés de commissions évalués provisoirement à la somme de 130’000 euros HT, la somme de 33’750 euros à titre d’indemnités de préavis et la somme de 505’000 euros à titre d’indemnité de rupture.
Par courriel du 28 janvier 2021, la société Daw France a sollicité la restitution du matériel en possession de M. [W] [H], demande renouvelée le 08 février 2021 et le 15 février 2021.
Par acte du 14 avril 2021, M. [W] [H] a fait assigner la société Daw France devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de diverses sommes au titre de la cessation des relations contractuelles et d’arriérés de commissions.
2. Par jugement prononcé le 3 janvier 2023, le tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :
– déboute la société DAW France de sa demande de nullité de l’assignation ;
– juge fondée la rupture de la relation contractuelle pour faute grave de Monsieur [L] [W] [H] ;
– déboute Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis de 33’750 euros ;
– déboute Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’indemnité de rupture de 505’000 euros ;
– déboute Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’arriérés de commissions à hauteur d’au moins 130’000 euros ;
– condamne Monsieur [L] [W] [H] à remettre à la société DAW France le matériel en sa possession sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du dixième jour de la signification du présent jugement, et ce pendant un mois ;
– ne se réserve pas le droit de liquider l’astreinte conformément à l’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;
– déboute la société DAW France de ses demandes reconventionnelles ;
– condamne Monsieur [L] [W] [H] à payer à la société DAW France la somme de 2’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
– dit l’exécution provisoire de droit.
M. [W] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 7 février 2023. La société Daw a formé un appel incident.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
3. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 19 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [L] [W] [H] demande à la cour de :
Vu les dispositions du contrat et des articles L134-1 et suivants du code de
commerce,
– Infirmer le jugement rendu le 3 janvier 2023 par le tribunal de commerce de
Bordeaux en ce qu’il :
Juge fondée la rupture de la relation contractuelle pour faute grave de Monsieur [L] [W] [H] ,
Déboute Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’indemnités compensatrice de préavis de 33 750 euros,
Déboute Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’indemnités de rupture de 505 000 €,
Déboute Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’arriérés de commissions à hauteur d’au moins 130 000 euros,
Condamne Monsieur [L] [W] [H] à remettre à la Société DAW France SARL le matériel en sa possession sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du dixième jour de la signification du présent jugement, et ce pendant un mois,
Ne se réserve pas le droit de liquider l’astreinte conformément à l’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution,
Condamne Monsieur [L] [W] [H] à payer à la société DAW France SARL la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
– Condamner la société DAW France à payer à Monsieur [W] [H] :
les arriérés de commissions à hauteur d’au moins 130’000 euros, sous réserve d’un chiffrage plus complet lorsque la société DAW France aura communiqué sous telle astreinte que la Cour fixera les pièces comptables correspondant au secteur de clientèle exclusif de Monsieur [W] [H] pour la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2021 ;
la somme de 33’750 euros à titre d’indemnité de préavis ;
la somme de 505’000 euros à titre d’indemnité de rupture du contrat d’agent commercial ;
– Rejeter l’appel incident et toutes les demandes de la société DAW France.
– Condamner la société DAW France au paiement à Monsieur [W] [H] d’une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
***
4. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 25 novembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la SAS Daw France demande à la cour de :
Vu les articles 1240, 1363, 1984 et 1993 du code civil
Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce
Vu l’article R.134-1 du code de commerce
Vu le contrat d’agence commerciale
Vu le jugement
– Ecarter des débats les pièces n°8 et 9 de Monsieur [L] [W] [H] ;
– Juger Monsieur [L] [W] [H] mal fondé en son appel ;
– L’en débouter ;
– Confirmer en conséquence le jugement en ce qu’il a :
Jugé fondée la rupture de la relation contractuelle pour faute grave de Monsieur [L] [W] [H] ;
Débouté Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis de 33’750 euros ;
Débouté Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’indemnité de rupture de 505 000 euros ;
Débouté Monsieur [L] [W] [H] de sa demande d’arriérés de commissions à hauteur de 130 000 euros ;
Condamné Monsieur [L] [W] [H] à remettre à la société DAW France le matériel en sa possession sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du dixième jour de la signification du jugement et ce pendant un mois ;
Condamné Monsieur [L] [W] [H] à payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
– Juger la société DAW recevable et bien fondée en son appel incident
Y faisant droit
– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société DAW France de ses demandes reconventionnelles
Statuant à nouveau :
– Condamner Monsieur [L] [W] [H] à payer à la société DAW France la somme de 68’458,53 euros à titre de rappel de commissions indues ;
– Condamner Monsieur [L] [W] [H] payer à la
société DAW France :
20’000 euros en réparation des désorganisations qu’il a causées,
5’000 euros en réparation de son préjudice d’image,
5’000 euros en réparation de son préjudice moral.
En toute hypothèse :
– Assortir la condamnation à restitution à la société DAW France du matériel en possession de Monsieur [L] [W] [H] d’une nouvelle astreinte à hauteur d’appel de 250 euros par jour de retard à compter de la signification à partie de l’arrêt à intervenir et ce, pendant une durée de 2 mois compte-tenu du comportement
exclusif de bonne foi et inutilement résistant de Monsieur [L] [W] [H] ;
– Juger que Monsieur [W] [H] ne saurait prétendre à un montant d’indemnité de rupture supérieur à 257’318,53 euros ;
– Juger que l’indemnité compensatrice de préavis ne saurait excéder 32’164,8 euros ;
– Condamner Monsieur [L] [W] [H] payer à la société DAW France la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Monsieur [L] [W] [H] aux dépens d’appel.
***
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 décembre 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
1. Sur la résiliation du contrat d’agence commerciale
5. M. [W] [H] fait grief au jugement déféré d’avoir retenu que la résiliation du contrat conclu avec la société Daw France était provoquée par sa faute grave.
L’appelant fait valoir que les faits allégués, qu’il conteste, sont anciens pour la plupart et ne sont pas démontrés ; que, postérieurement aux manquements prétendus, la mandante a conservé des relations contractuelles avec son agent commercial, ce qui invalide la notion de gravité.
M. [W] [H] ajoute que le défaut de remise de rapports d’activité ne repose sur aucun fondement contractuel et qu’il s’agit d’une décision unilatérale en 2020 de l’un des responsables de l’intimée ; que, au demeurant, il a toujours pris soin d’informer sa mandante ; que le grief d’avoir utilisé des mots grossiers n’est pas sérieux, cette utilisation devant être replacée dans son contexte.
L’appelant conclut en indiquant qu’il était un excellent agent commercial, ce qui est démontré par la progression constante du montant de ses commissions ; que, en réalité, la société Daw France est en cours de réorganisation de sa structure commerciale et se sépare de ses agents commerciaux, ce d’autant qu’elle vient de perdre son principal client.
6. La société Daw France répond que M. [W] [H] a adopté avec ses interlocuteurs chez Daw France, mais également avec les clients de l’entreprise, un ton injurieux, méprisant, humiliant et agressif et que ce comportement s’est dégradé avec le temps ; que ces faits sont contraires aux stipulations des articles 3 et 9 de son contrat d’agence commerciale.
L’intimée ajoute que l’appelant n’a pas respecté son obligation légale et contractuelle de rendre compte à son mandant de son activité ; que cette opacité a conduit la société Daw France à étudier de manière approfondie les diligences commerciales de son agent ; qu’elle a ainsi découvert que M. [W] [H] négligeait les clients qui n’étaient pas susceptibles de lui rapporter des commissions importantes ou qui étaient éloignés de son domicile, ce qui a conduit à des ruptures d’approvisionnement ou à des référencements obsolètes ; que ce manquement a d’autant plus d’importance que l’appelant était son seul agent commercial dans le secteur géographique attribué.
La société Daw France conclut en faisant valoir que ces manquements, contraires au principe de l’intérêt commun du mandat d’agence commerciale.
Sur ce,
7. En vertu des articles L.134-11 à L.134-13 du code de commerce, lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis ; ces dispositions ne s’appliquent cependant pas lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties.
En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Toutefois, cette réparation n’est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.
8. La société Daw France a rompu le contrat d’agence commerciale par courrier en date du 7 décembre 2020 en énonçant les griefs suivants au soutien de sa décision :
– une attitude déplacée et discourtoise renouvelée à l’égard de salariés de la société Daw France,
– une attitude déplacée et discourtoise à l’égard d’un client de la société,
– des ordres et instructions donnés au directeur commercial de la société,
– le dénigrement de la société auprès des clients,
– l’absence de compte-rendu de son activité.
9. L’intimée produit aux débats deux attestations établies respectivement par Mme [X] et par M. [D], ainsi qu’une série d’échanges électroniques entre M. [W] [H] et divers interlocuteurs au sein de la société Daw France, dont, en particulier, M. [I], directeur commercial.
Il résulte de l’examen de ces pièces que l’appelant a, au cours de la période de juillet 2019 à décembre 2020, manifesté d’une manière de plus en plus affirmée, un comportement agressif, colérique, grossier et violent verbalement, cela en particulier à l’égard du directeur commercial auquel il donnait des ordres et des instructions, nonobstant le principe selon lequel la politique commerciale de l’entreprise est déterminée par ce directeur commercial.
A cet égard, M. [W] [H] produit lui-même à son dossier un message électronique adressé le 24 juin 2020 par M. [E], agent commercial, à M. [I] ; or les termes de ce courriel font au contraire la démonstration de ce que, si les relations ont pu être tendues entre M. [I] et deux agents commerciaux, il était parfaitement possible pour ceux-ci de s’adresser courtoisement au directeur commercial de la société pour faire valoir leur point de vue d’acteurs de terrain.
Egalement, M. [D], responsable logistique de l’entreprise, atteste du comportement déplacé de M. [W] [H] à son égard et précise que, compte tenu de ses fonctions, il lui était possible de couper court aux appels véhément de l’intéressé. M. [D] a également assisté, grâce à la fonction haut-parleur, à un appel extrêmement violent de M. [W] [H] à Mme [X] et aux débordements de vocabulaire et qualificatifs injurieux utilisés à l’égard du service logistique de la société.
Or le contrat d’agence commerciale conclu entre les parties stipule, à l’article 3, que M. [W] [H] doit apporter tous les soins requis par la diligence professionnelle pour entretenir des relations confiantes avec la clientèle et développer l’image de marque. De plus, l’article L.134-4 du code de commerce rappelle que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties et que les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté.
Le comportement de M. [W] [H] à l’égard de ses interlocuteurs au sein de la société contrevient à cette obligation de loyauté ; ce même comportement à l’égard des clients de l’intimée contrevient au principe de l’intérêt commun puisque l’incapacité de l’agent commercial à se tempérer dès qu’une difficulté se présente a mis en cause l’image de marque de sa mandante, contrainte de présenter des excuses écrites à ses partenaires logistiques ainsi qu’elle en rapporte la preuve aux débats.
Il apparaît que M. [W] [H] avait fait l’objet d’un rappel à l’ordre en 2013 de la part de sa mandante en raison du fait qu’il avait manifesté un comportement verbalement très violent et injurieux à l’égard de deux transporteurs partenaires de la société Daw France.
L’appelant est fondé à soutenir que ces deux faits sont anciens et, puisque les relations contractuelles se sont poursuivies, ne peuvent caractériser aujourd’hui une faute grave au sens de l’article L.134-13 du code de commerce.
Cependant, il est constant en droit qu’une faute qui, prise isolément, a pu être tolérée par le mandant, peut être qualifiée de faute grave en raison de sa répétition. Or les agressions verbales et injures écrites de M. [W] [H] n’ont pas été ponctuelles mais se sont renouvelées quelques années plus tard et se sont alors multipliées ; ces fautes successives et répétées, qui sont des manquements contractuels, constituent, par leur caractère répétitif et leur accumulation, une faute grave qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.
10. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé qu’était fondée la rupture du contrat en raison de la faute grave de l’agent commercial et débouté en conséquence M. [W] [H] de ses demandes au titre du préavis, conformément à l’article L.134-11 alinéa 4 du code de commerce, et de l’indemnité de rupture.
2. Sur la demande au titre des commissions
11. M. [W] [H] fait grief au jugement déféré d’avoir rejeté sa demande en paiement d’un arriéré de commissions, dont il estime le montant à 130.000 euros.
L’appelant explique qu’il bénéficiait de l’exclusivité sur son secteur et que toutes les commandes qui y sont passées ouvrent donc droit à commission, ce jusqu’au 30 septembre 2021, conformément aux stipulations contractuelles.
M. [W] [H] estime que la société Daw France ne fournit pas les bons éléments et qu’il est en droit d’exiger, ainsi que le rappelle l’article R.134-3 du code de commerce, que sa mandante lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.
L’appelant proteste contre le refus de l’intimée de fournir les éléments relatifs aux commandes passées par la société Tapis Saint Maclou dont il explique qu’il s’agit d’un client qui entrait bien dans son portefeuille.
12. La société Daw France répond qu’il appartient à M. [W] [H] d’établir qu’un arriéré de commissions lui serait dû ; que, au demeurant, elle produit les éléments nécessaires qui démontrent que toutes les sommes dues à son agent commercial lui ont été réglées selon les modalités contractuellement prévues, étant rappelé que l’appelant a systématiquement refusé de rendre compte de ses diligences ; que l’absence de visite d’un client lui interdit le paiement de commissions sur les commandes de ce client ; qu’il a lui-même établi ses factures, lesquelles ont été payées sans discussion.
L’intimée soutient que le client Tapis Saint Maclou n’a jamais été visité par M. [W] [H], ni les grossistes et que la seule pièce produite à ce titre par l’agent commercial date de 2011 et a pour objet de défrayer une visite ponctuelle destinée à s’assurer que les machines à teinter étaient bien en place.
Sur ce,
13. Le contrat du 1er octobre 2008 prévoit aux articles 1 et 3 et en annexes 1, 2 et 3 que la société Daw France confie à M. [W] [H] un mandat exclusif de vente dans le Sud Ouest, départements 03 (partie ouest), 09, 11 (partie nord), 15, 16, 17, 18, 19, 23, 24, 31, 32, 33, 36, 40, 46, 47, 64, 65, 79, 81, 82, 85, 86 et 87, portant sur les gammes grand public dénommées GSP, Symphonie, Gamme Pro et Alpina, ce auprès des distributeurs exclusivement grand public : surfaces de bricolage, spécialistes en décoration et négociants en matériaux uniquement à destination du grand public.
Il est expressément stipulé que les centrales d’achat ou de référencement à réseau national ne sont pas confiées à M. [W] [H].
Les principes de la rémunération de Monsieur [W] [H] sont définis à l’article 13 du contrat. Il est prévu que l’agent commercial percevra une commission à la condition que :
– l’ordre émane d’un client visité régulièrement par l’agent,
– le fait générateur de la commission sera constitué par l’acceptation de la commande par le mandant,
– les commissions ne sont définitivement acquises qu’après parfait paiement des factures.
Les commissions sont calculées sur le chiffre d’affaire net hors-taxes facturé et hors remise facturée au client et sous déduction le cas échéant d’avoir.
Il est prévu que les comptes des commissions sont arrêtés au dernier jour de chaque mois sur la base de tous les encaissements perçus par la société Daw France au cours du mois pour la clientèle du secteur considéré et les produits concernés par l’objet du mandat.
Le relevé mensuel des commissions est envoyé à l’agent dans les sept premiers jours du mois suivant. Le règlement des commissions intervient par chèque le dernier jour du mois de réception de la facture de l’agent. Le relevé mensuel des commissions est accompagné d’un relevé des encaissements perçus et les factures également émises au cours du mois considéré précisant les dates prévues pour le règlement. Faute de contestation dans les sept jours de la réception du relevé, celui-ci est considéré comme définitif.
Il doit être relevé que, à l’article 13.3 alinéa 4, il est prévu que en cas de rupture du contrat, Monsieur [W] [H] aura droit à sa rémunération sur toutes les commandes passées et acceptées avant la cessation de son activité ainsi que sur les affaires traitées dans les trois mois suivant cette date, ce dès lors que la preuve est rapportée d’une visite effective depuis moins de six mois.
14. La société Daw France produit à son dossier la totalité des factures émises par son agent commercial pour la période courant de janvier 2019 à décembre 2020 ; le relevé comptable des commandes passées sur le secteur attribué à M. [W] [H] jusqu’au 31 mars 2021, conformément à l’article 13.3 alinéa 4 du contrat et les paiements correspondants au bénéfice de l’appelant, selon la ventilation de taux prévu au contrat.
L’appelant ne produit aucune pièce contraire à ces éléments, qui porterait en particulier sur des commandes payées par l’intimée et pour lesquelles il n’aurait pas reçu la commission due, étant rappelé qu’il doit, en vertu de l’article 13.3 alinéa 4 du contrat, rapporter la preuve qu’il a effectivement visité le client depuis moins de six mois pour prétendre à une commissions sur les affaires postérieures à la résiliation du contrat.
Enfin, en ce qui concerne la société Tapis Saint Maclou, il apparaît que ce client n’était pas entré dans le portefeuille de M. [W] [H] qui ne démontre d’ailleurs pas avoir transmis une commande de cette société au cours de l’exécution du contrat, le seul élément produit à ce titre étant une facture datée du 2 septembre 2011 qui mentionne d’une part deux relevés de commissions, d’autre part une ‘intervention chez Saint Maclou’ pour 300 euros, qui n’est donc pas facturée comme une commission.
15. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [W] [H] de sa demande en paiement de commissions.
3. Sur les demandes de la société Daw France
16. Il n’est pas discuté par M. [W] [H] qu’il a conservé du matériel appartenant à sa mandante, qui établit d’ailleurs qu’elle le lui a réclamé le 28 janvier, le 8 février et le 15 février 2021.
L’appelant ne peut sérieusement soutenir qu’il suffit à la société Daw France de prendre rendez-vous avec lui à cet effet alors que les termes du troisième courriel en date du 15 février 2021 démontrent qu’il ne répond pas aux messages écrits et téléphoniques de l’intimée.
La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu’il a ordonné, sous astreinte, à M. [W] [H] de restituer ce matériel et, y ajoutant, prononcera une nouvelle astreinte provisoire de même montant et pour la même durée.
17. L’intimée tend au remboursement de commissions qu’elle aurait versées par erreur à son agent commercial au titre des commandes passées par la société Delzongle Aquitaine. Elle explique que ce client ne dispose d’aucun réseau de distribution grand public proposant les gammes confiées à M. [W] [H], ces gammes étant proposées comme grossiste aux professionnels du bâtiment.
Il faut cependant relever que la société Daw France, qui verse tout de même à l’appelant des commissions depuis plusieurs années sur les commandes passées par la société Delzongle, ne démontre pas le caractère exclusif de la clientèle de ce distributeur et donc le fait qu’il ne serait pas entré dans le portefeuille de l’agent commercial.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
18. La société Daw France tend à l’indemnisation du préjudice qui résulte du comportement de M. [W] [H], lequel a eu des conséquences sur l’image de marque de la société ainsi que sur l’ambiance de travail au sein de l’entreprise.
A cet égard, il doit être relevé que Mme [X] a attesté que, postérieurement à l’incident du 17 juillet 2019, elle laissait un collègue répondre à sa place lorsque M. [W] [H] appelait le service logistique. Il doit aussi être observé que M. [I], pourtant directeur commercial de l’entreprise, ne pouvait qu’être affecté par le dénigrement systématique dont il faisait l’objet par l’appelant. Egalement, il n’est pas discutable que l’attitude d’un agent commercial qui perd ses nerfs devant les clients et partenaires logistiques et dénigre son propre mandant dégrade l’image de la société.
La cour, infirmant le jugement à ce titre, condamnera M. [W] [H] à verser à la société Daw France une somme de 5.000 euros en indemnisation du préjudice moral et d’image de la société.
19. Il convient enfin de confirmer les chefs de dispositif du jugement déféré quant aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
M. [W] [H], partie tenue au paiement des dépens de l’appel, sera condamné à payer à la société Daw France une somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
20. Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de l’intimée relative au rejet des pièces n°8 et 9 de l’appelant. Il s’agit en effet de deux attestations rédigées par M. [W] [H] lui-même au soutien de son action, qui n’ont donc pas de valeur probante.
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Infirme le jugement prononcé le 3 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a débouté la société Daw France de sa demande en dommages et intérêts.
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne Monsieur [L] [W] [H] à payer à la société Daw France la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Confirme pour le surplus le jugement prononcé le 3 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [L] [W] [H] à remettre à la société Daw France le matériel en sa possession dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard pendant un mois.
Condamne Monsieur [L] [W] [H] à payer à la société Daw France la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code d procédure civile.
Condamne Monsieur [L] [W] [H] à payer les dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
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