L’Essentiel : La rupture brutale des relations commerciales impose un préavis raisonnable, sauf en cas de faute grave. La jurisprudence indique qu’une rupture sans préavis peut entraîner une indemnisation pour le préjudice subi. Les conditions de résiliation, définies par les parties, stipulent un préavis de six mois. La résiliation doit être notifiée par lettre recommandée, bien que ce formalisme ne conditionne pas sa validité. L’indemnisation du préjudice se base sur la perte de marge brute, nécessitant la preuve de l’ampleur du préjudice.
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Rupture brutale des relations commercialesLa rupture brutale des relations commerciales est régie par l’article L. 442-1 du Code de commerce, qui stipule qu’une partie ne peut rompre les relations commerciales établies qu’après avoir respecté un préavis raisonnable, sauf en cas de faute grave. La jurisprudence a précisé que la rupture sans préavis ou avec un préavis insuffisant peut donner lieu à une indemnisation pour le préjudice subi par l’autre partie. Conditions de résiliation des contratsLes conditions de résiliation des relations contractuelles sont définies par les parties dans leurs conditions générales de vente, conformément à l’article 1103 du Code civil, qui dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. En l’espèce, les conditions générales de vente stipulent un préavis de six mois pour la résiliation, ce qui doit être respecté par la partie souhaitant mettre fin aux relations contractuelles. Formalisme de la résiliationLe formalisme de la résiliation, tel que prévu dans les conditions générales de vente, doit être respecté pour que la résiliation soit opposable. L’article 10 des conditions générales de vente précise que la résiliation doit être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, mais ce formalisme est considéré comme ad probationem et non ad validatem, ce qui signifie qu’il ne conditionne pas la validité de la résiliation mais permet simplement d’en prouver l’accomplissement. Indemnisation du préjudiceL’indemnisation du préjudice résultant de la rupture des relations commerciales doit être calculée sur la base de la perte de marge brute, conformément aux principes de responsabilité délictuelle énoncés à l’article 1240 du Code civil. La partie lésée doit prouver l’existence et l’ampleur de son préjudice, en tenant compte des coûts directs et indirects liés à l’activité commerciale. Capitalisation des intérêtsLa capitalisation des intérêts est régie par l’article 1343-2 du Code civil, qui permet la capitalisation des intérêts échus à compter de la demande en justice, sous réserve que cette demande soit fondée. Cette disposition vise à garantir que la créance soit intégralement indemnisée, y compris les intérêts dus. |
Résumé de l’affaire : La société spécialisée dans la fabrication de produits cosmétiques, désignée comme la société ML, a collaboré avec la société de transport, désignée comme la société Mazet, depuis 2013. En octobre 2019, un responsable de la chaîne d’approvisionnement de la société ML a informé la société Mazet de l’ouverture d’un appel d’offres pour ses prestations de transport. En juin 2020, la société ML a notifié à la société Mazet qu’elle n’avait pas été retenue et a mis fin à leur relation commerciale à compter du 28 août 2020.
Suite à cette rupture, la société Mazet a exigé le paiement d’une indemnité de 41.714,35 euros HT, arguant qu’aucun préavis n’avait été respecté. En février 2021, la société Mazet a assigné la société ML devant le tribunal de commerce de Marseille pour obtenir réparation du préjudice causé par cette rupture brutale. Le tribunal a jugé que la société ML avait effectivement rompu ses relations commerciales de manière brutale et a condamné la société ML à verser 42.896,48 euros HT à la société Mazet, ainsi que des intérêts et des dépens. La société ML a interjeté appel, demandant la confirmation de certains points du jugement tout en contestant d’autres. Elle a soutenu que la société Mazet n’avait pas respecté les conditions de préavis stipulées dans leurs conditions générales de vente. En réponse, la société Mazet a demandé la confirmation du jugement initial, arguant qu’elle avait subi un préjudice en raison de la rupture. La cour a finalement infirmé le jugement en ce qui concerne le montant de l’indemnité, le réduisant à 27.692,10 euros, tout en confirmant la capitalisation des intérêts et les dépens. La société ML a été condamnée à verser des frais supplémentaires à la société Mazet pour les frais engagés dans le cadre de la procédure d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la rupture des relations commerciales entre la société ML et la société Mazet ?La rupture des relations commerciales entre la société ML et la société Mazet est fondée sur l’article 1103 du code civil, qui stipule que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les termes de leur contrat, y compris les modalités de résiliation. En l’espèce, la société ML a notifié la rupture par courriel le 4 juin 2020, ce qui a fait courir le délai de préavis contractuel. Il est également important de noter que les conditions générales de vente, acceptées par la société ML, précisent les modalités de résiliation, notamment l’obligation d’un préavis de six mois pour les relations commerciales de plus de trois ans. Quel préavis devait être respecté lors de la rupture des relations commerciales ?Selon l’article 10 des conditions générales de vente, le préavis à respecter pour la résiliation des relations contractuelles est de six mois lorsque la durée d’exécution du contrat dépasse trois ans. En l’espèce, la société ML a rompu les relations commerciales avec la société Mazet après plus de trois ans de collaboration. Le point de départ du préavis a été fixé au 4 juin 2020, date à laquelle la société Mazet a été informée de la cessation des relations. Ainsi, le préavis aurait dû courir jusqu’au 4 décembre 2020. La société ML n’a pas respecté ce préavis, ce qui a entraîné un préjudice pour la société Mazet. Quel est le montant du préjudice subi par la société Mazet ?La société Mazet a justifié son préjudice à hauteur de 27 692,10 euros, calculé sur la base de son chiffre d’affaires moyen avec la société ML et du taux de marge brute applicable. L’expert-comptable de la société Mazet a établi que le chiffre d’affaires s’élevait à 208 572 euros HT sur la période de septembre 2019 à août 2020, avec un taux de marge brute de 46,86 %. Le calcul du préjudice a été effectué en multipliant la moyenne journalière de chiffre d’affaires par le nombre de jours de préavis non respectés, soit 102 jours. Quel est le rôle des conditions générales de vente dans ce litige ?Les conditions générales de vente, acceptées par la société ML, jouent un rôle crucial dans ce litige. Elles définissent les modalités de résiliation des relations contractuelles, stipulant que la résiliation doit être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et qu’un préavis doit être respecté. Ces conditions sont opposables à la société ML, qui ne peut pas se prévaloir d’un formalisme non respecté pour contester la résiliation. En effet, même si la notification par courriel ne respecte pas le formalisme prévu, elle a été considérée comme suffisante pour marquer la volonté de mettre fin aux relations contractuelles. Quel est l’impact de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais irrépétibles engagés dans le cadre d’une procédure. Dans cette affaire, la société Mazet a obtenu une condamnation de la société ML à verser 3 000 euros au titre de cet article. Cette somme est destinée à couvrir les frais engagés par la société Mazet pour sa défense dans le cadre de l’appel. La société ML, ayant succombé dans ses demandes, est également condamnée aux dépens, ce qui renforce l’application de l’article 700 dans ce litige. |
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRÊT DU 10 AVRIL 2025
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/17571 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRGK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2022 – Tribunal de Commerce de Marseille – RG n° 2021F00284
APPELANTE
S.A. LABORATOIRES ML, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Manosque sous le numéro 305 823 296
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel Guizard de la SELARL Guizard et Associes, avocat au barreau de Paris, toque : L0020
Assistée de Me Jean Baillis, avocat au barreau de Paris, toque : D1178
INTIMÉE
S.A.S. MAZET MESSAGERIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Aubenas sous le numéro 492 486 402
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Guillaume Dauchel de la SELARL Cabinet Sevellec Dauchel, avocat au barreau de Paris, toque : W09
Assistée de Me Xavier Rodamel, substitué par Me Laurence Catin, tous deux du cabinet Rodamel, avocats au barreau de Lyon, toque : T557
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Mme Christine Soudry, conseiller
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Marilyn Ranoux-Julien dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
La société Laboratoires ML (ci-après la société ML) est spécialisée dans la fabrication de produits cosmétiques connus notamment sous la marque « L’Occitane ».
Depuis 2013, la société ML confie à la société Mazet Messagerie (ci-après la société Mazet) les transports de ses produits fabriqués par son usine de [Localité 4] vers son site de [Localité 1].
M. [W], responsable de la chaîne d’approvisionnement des achats mondiaux de la société L’Occitane International, a, par courriel daté du 23 octobre 2019, informé la société Mazet de la mise en place d’un appel d’offres ainsi que d’un calendrier prévisionnel pour l’ensemble des prestations de transport de la société ML.
Par courriel du 4 juin 2020, M. [W] informait la société Mazet qu’elle n’était pas retenue à l’issue de l’appel d’offre et lui notifiait la fin des relations commerciales à compter du 28 août 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2020, la société Mazet mettait en demeure la société ML de lui régler, en l’absence d’un préavis préalable à la rupture des relations commerciales, la somme de 41.714,35 euros HT correspondant à la perte de marge brute sur une période de 6 mois.
Par acte du 12 février 2021 la société Mazet a assigné la société Laboratoires devant le tribunal de commerce de Marseille en paiement d’une indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales.
Par jugement du 13 septembre 2022, le tribunal de commerce de Marseille a :
– Déclaré que la société ML a rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Mazet ;
En conséquence,
– Condamné la société ML à payer à la société Mazet la somme de 42 896,48 euros HT au titre du préjudice né de la rupture des relations commerciales, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, date de la mise en demeure ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société ML aux dépens ;
– Dit que le jugement était de plein droit exécutoire à titre provisoire ;
– Rejeté pour toutes autres demandes contraires.
Par déclaration du 12 octobre 2022, la société ML a interjeté appel du jugement en visant l’intégralité des chefs du jugement critiqué.
Par ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, la société ML demande de :
– Confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la société L’Occitane International disposait d’un mandat et avait agi pour le compte de la société ML ;
– L’infirmer pour le surplus et, en conséquence :
A titre principal :
– Débouter la société Mazet de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la société Mazet à payer à la société ML la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,
A titre subsidiaire :
– Limiter à 3 mois le préavis pouvant être alloué à la société Mazet mais constater qu’elle ne justifie pas de son préjudice,
En toutes hypothèses :
– Condamner la société Mazet à payer à la société ML la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Mazet aux entiers dépens
Par ses dernières conclusions notifiées le 29 mars 2023, la société Mazet demande, au visa des articles 1103 du code civil, L.1432-4 du code des transports, 26.2 et suivants du décret du 31 mars 2017, L. 442-1 du code de commerce, de :
A titre principal
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* Déclaré que la société ML a rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Mazet ;
* En conséquence,
* Condamné la société ML à payer à la société Mazet la somme de 42 896,48 euros HT au titre du préjudice né de la rupture des relations commerciales, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, date de la mise en demeure ainsi que la somme de de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
* Conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal ;
* Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, condamné la société ML aux dépens.
A titre subsidiaire
– Juger que la société ML n’a pas respecté le préavis du contrat type général institué par le décret du 31 mars 2017 à l’article 26-2 ;
– Condamner la société ML à payer à la société Mazet la somme de 42 896,48 euros HT au titre du préjudice né de la rupture des relations commerciales, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2020 ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts.
A titre infiniment subsidiaire
– Juger que la société ML a rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Mazet et lui a causé un préjudice ;
– Condamner la société ML à payer à la société Mazet la somme de 42 896,48 euros HT au titre du préjudice né de la rupture des relations commerciales, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2020 ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts.
En tous cas
– Débouter la société ML de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamner la société ML à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamner la société ML aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 novembre 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur le non-respect du préavis de la rupture des relations commerciales
La société Mazet soutient que :
– Elle n’entretenait aucune relation contractuelle avec la société L’Occitane dont les statuts ne lui permettaient pas d’intervenir pour le compte de la société ML : à défaut de mandat express, l’appel d’offres du 23 octobre 2019 adressé par M. [W], tout comme le courriel du 4 juin 2020, ne lui sont pas opposables.
– La société ML n’a pas respecté la forme du préavis contractuel prévue par les conditions générales de vente qu’elle avait acceptées : en application de l’article 10 desdites conditions, la résiliation du contrat devait intervenir par lettre avec accusée de réception et les parties devaient respecter un délai de préavis de 6 mois.
– La notification d’un appel d’offre ne fait courir de délai que s’il indique précisément la date de fin de préavis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La société ML n’a donc pas respecté ses obligations contractuelles et elle est redevable de l’indemnité correspondant à 6 mois de préavis non-exécuté.
– A titre subsidiaire, c’est le contrat type général, tel que prévu à l’article L. 1432-4 du code des transports, qui s’applique. L’article 26.2 prévoit également l’application d’un délai de préavis de 6 mois.
– En tout état de cause, si par extraordinaire la cour considérait que la société Mazet ne peut prétendre à un préavis contractuel, il ne pourrait toutefois que constater que la rupture est intervenue brutalement et lui a nécessairement causé un préjudice sur le fondement de l’article L.442-1 du code de commerce.
La société ML réplique que :
– Alors qu’aux termes des conditions générales de vente, le préavis est de six mois, la société Mazet a bénéficié d’un préavis de 10 mois. Le point de départ du délai de préavis est la réception par la société Mazet du courriel du 23 octobre 2019 par lequel M. [W], chargé de l’organisation de l’appel d’offres de la société ML, l’a informée de l’ouverture de la procédure de mise en concurrence. Il est indifférent de savoir si ce dernier disposait d’un mandat express car le mandat peut être tacite et en tout état de cause, il disposait d’un mandat apparent.
– Les conditions générales de vente ou les dispositions du contrat type visant à suppléer l’absence de convention (ce qui n’est pas le cas en l’espèce), ne s’imposent pas de manière impérative dès lors que l’information est donnée et reçue. Le formalisme requis ne conditionne pas la validité de l’acte mais il permet simplement de prouver son accomplissement : la notification de la rupture est donc opposable à la société Mazet.
– La date de cessation des relations était connue de tous puisque le cahier des charges précisait la date de sélection du fournisseur et la date de signature du nouveau contrat. Par courriel du 4 juin 2020, la société Mazet a été informée que les relations cesseraient le 28 août 2020.
– Subsidiairement, si le point de départ du préavis court à compter du courriel du 4 juin 2020, les relations ayant cessé le 28 août, la société Mazet aurait bénéficié d’un préavis de 3 mois. Ce préavis doit être imputé sur les 6 mois réclamés, seul un préavis de 3 mois resterait donc dû.
– La société Mazet ne rapporte pas en tout état de cause la preuve de son préjudice, son expert-comptable faisant référence à un taux de marge brute « moyen » et ne déduisant pas les économies de frais fixes réalisés du fait de la rupture.
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L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Sur la validité de la résiliation
En l’espèce, la société ML ne conteste pas entretenir des relations commerciales avec la société Mazet depuis 2013, selon des conditions générales de ventes qui lui ont été notifiées le 3 mai 2018, puis à nouveau le 3 décembre 2019, et qu’elle a acceptées par validation électronique.
Les conditions générales de vente sont dès lors opposables à la société ML. Celles-ci stipulent en leur article 10, intitulé « conditions de résiliation des relations contractuelles » que : « les relations contractuelles peuvent être résiliées par l’une ou l’autre des parties par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception moyennant un préavis. Ce préavis est :
– D’un mois quand la durée d’exécution du contrat ne dépasse pas six mois
– De deux mois quand cette durée dépasse six mois sans excéder un an ;
– De trois mois quand cette durée est supérieure à un an et inférieure à trois ans ;
– De six mois quand cette durée est supérieure à trois ans.
Le tarif appliqué pendant le préavis devra respecter l’économie du contrat et sera celui déterminé par la société Mazet. »
Les parties ayant défini, aux termes des conditions générales de vente, les modalités de résiliation de leurs relations contractuelles, les dispositions du contrat type résultant du décret du 11 mars 2017, qui ne sont que supplétives, ne s’appliquent pas au litige.
Il ressort des pièces versées aux débats que :
– par courriel du 23 octobre 2019, M. [W] , responsable de la chaîne d’approvisionnement des achats mondiaux de la société L’Occitane International, a indiqué à la société Mazet que : « comme échangé veuillez prendre connaissance du dossier de consultation concernant le projet « Ambition 3 » qui associe nos besoins de transports et logistiques pour nos activités industrielles. Votre société est invitée à participer à cet appel d’offres et nous comptons sur vos expertises dans ce domaine pour accompagner le groupe l’Occitane dans la recherche de solution performante, innovante, et en lien avec nos objectifs environnementaux. Pouvez-vous nous confirmer votre intérêt à participer à cette consultation pour le vendredi 25 octobre ».
– par courriel du même jour, la société Mazet a répondu : « Nous vous remercions pour votre consultation et nous vous confirmons que nous y participerons ».
– par courriel du 4 juin 2020, M. [W] de la société L’Occitane Internationale a indiqué à la société Mazet que : « Comme échangé par téléphone hier, nous sommes en capacité de vous confirmer officiellement le projet d’implémentation suite au résultat final de l’appel d’offres déjà évoqué (‘). Le résultat et l’analyse de l’appel d’offres a démontré que les transports Mazet n’avaient pas su répondre entièrement à toutes nos exigences et attentes, et par conséquent votre société n’a pas été sélectionnée et ce malgré la qualité de votre offre. Par conséquent, nous vous confirmons notre volonté d’arrêter vos prestations pour le compte de ML au vendredi 28 août et ce dans le respect du résultat de l’appel d’offre. »
Si les parties avaient expressément convenu d’un formalisme particulier pour marquer la fin de leurs relations contractuelles, à savoir la transmission d’une lettre recommandée avec accusé de réception, ces modalités de résiliation ne constitue qu’un formalisme ad probationem et non ad validatem. Dès lors, la société Mazet ne peut se prévaloir de son non-respect pour invoquer l’absence de toute résiliation des relations contractuelles.
En revanche, pour prendre effet, l’avis de résiliation, qui marque le point de départ du délai de préavis, doit être exprimé de façon non équivoque.
Le seul fait que ces courriels émanent de M. [W] de la société L’Occitane International ne peut avoir pour effet de rendre équivoque le préavis, alors que les nombreux échanges de courriels versés aux débats démontrent qu’à compter du mois d’octobre 2019, M. [W] était devenu l’interlocuteur habituel de la société Mazet concernant les besoins à venir de transports de la société ML. Le transporteur n’a jamais mis en doute l’existence du mandat de M. [W] en s’informant directement auprès la société ML, alors que leur correspondance s’est étendue sur plusieurs mois. Enfin, en évoquant l’antériorité de leurs relations contractuelles dans son courriel du 24 janvier 2020, la société Mazet témoigne avoir parfaitement identifié M. [W] et la société L’Occitane Internationale comme représentant les intérêts de la société ML : « Bonjour M. [W] (‘) nous vous confirmons tout l’intérêt que nous portons à ce projet et notre capacité à le gérer dans les meilleures conditions et vous accompagner dans votre développement. En effet compte tenu de la diversité de vos flux vous avez besoin d’un prestataire pluridisciplinaire, et le Groupe Mazet s’inscrit parfaitement dans ce schéma :
(‘)
-Connaissance de vos produits et de vos attentes au travers de notre collaboration de longue date ».
Si la simple information, par courriel du 23 octobre 2019, de l’ouverture d’une procédure d’appel d’offres ne manifeste pas la volonté non équivoque de la société ML de mettre fin au contrat, en revanche, le courriel du 4 juin 2020, l’informant de ce qu’elle n’avait pas été retenue et la volonté d’arrêter ses prestations, a fait courir le délai contractuel de préavis.
En conséquence, c’est à tort que le tribunal a relevé qu’aucun préavis valable n’avait été adressé à la société Mazet, la société ML l’ayant informée de la cessation des relations contractuelles le 4 juin 2020.
Sur le respect du préavis contractuel
La durée des relations contractuelles étant supérieure à trois ans, le délai de préavis que devait respecter la société ML était donc de six mois. Le point de départ du délai de préavis étant fixé au 4 juin 2020, la période de préavis courrait jusqu’au 4 décembre 2020. Entre le 28 août et le 4 décembre 2020, la société ML n’a pas respecté 102 jours de préavis.
Les conditions générales de vente stipulent que « le tarif appliqué pendant le préavis devra respecter l’économie du contrat et sera celui déterminé par la société Mazet. »
La société Mazet produit une attestation du 4 février 2021 de son expert-comptable selon laquelle celle-ci a réalisé avec la société ML un chiffre d’affaires s’élevant à la somme de 208 572 euros HT de septembre 2019 à août 2020 et il y est indiqué que le taux de marge brute s’élève à 40% en précisant qu’il s’agit du « taux moyen dans l’activité de transport ».
Aux termes d’une seconde attestation du 16 septembre 2021, l’expert-comptable de la société Mazet a affiné le taux de marge brute à la situation de la situation de la société Mazet. Il précise que la société Mazet a réalisé avec la société ML :
– un chiffre d’affaires s’élevant à la somme de 208 572 euros HT de septembre 2019 à août 2020 ;
– des coûts directs (gazoil, péages, coûts salariaux notamment) s’élevant à 63 120 euros HT sur la période ;
– des coûts indirects (suivi administratif) s’élevant à 47 714 euros HT sur la période ;
– un taux de marge brute de 97 736 euros HT soit 46,86% en adéquation avec le taux moyen de 40% dans l’activité de transport.
Il résulte du tableau de calcul joint que l’expert-comptable a calculé le taux de marge brute en déduisant l’ensemble des coûts.
Le chiffre d’affaires mensuel moyen de la société Mazet avec la société ML dans les 12 mois précédent la rupture s’est donc élevé à la somme de 17 381 euros HT (208 572/12) soit une moyenne journalière de 579,36 euros (17 381/30).
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société Mazet justifie avoir subi un préjudice à concurrence de la somme de :
579,36 x 102 x 46,86 % = 27 692,10 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société ML à payer à la société Mazet la somme de 42 896,48 euros. La société ML sera condamnée à payer à la société Mazet la somme de 27 692,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, date de la mise en demeure.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné en outre que les intérêts échus, pour au moins une année entière, soit capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil. Il sera précisé que la capitalisation des intérêts interviendra à compter du 12 février 2021, date de la demande en justice.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société ML pour procédure abusive
Il résulte de l’article 1240 du code civil qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus.
La société ML succombant à titre principal au litige, l’abus de droit de la société Mazet n’est pas caractérisé. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société ML sur le fondement de la procédure abusive.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société ML aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société ML, partie qui succombe, est condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande que la société ML soit condamnée à verser à la société Mazet la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés dans le cadre de la procédure d’appel.
La Cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Laboratoires ML et ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Laboratoires ML à payer à la société Mazet Messagerie la somme de 27 692,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 ;
Ordonne que les intérêts échus, pour au moins une année entière, soit capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil à compter du 12 février 2021 ;
Condamne la société Laboratoires ML à payer à la société Mazet Messagerie la somme supplémentaire de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Laboratoires ML aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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