Rupture anticipée d’un contrat de travail : responsabilité de l’employeur engagée.

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Rupture anticipée d’un contrat de travail : responsabilité de l’employeur engagée.

Rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée

L’article L1243-1 du Code du travail stipule que, sauf accord des parties, un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ne peut être rompu avant son terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

En cas de rupture à l’initiative du salarié, il est nécessaire d’examiner si le comportement de l’employeur a contribué à cette décision. La jurisprudence (Soc. 29 nov. 2006, n°04-48.655 ; Soc. 12 janv. 2010, n°08-43.128) précise que l’inexécution par l’employeur de ses obligations peut rendre la rupture imputable à celui-ci, à condition que ses agissements constituent une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel.

Indemnités en cas de rupture anticipée

L’article L1243-4 alinéa 1er du Code du travail prévoit que la rupture anticipée d’un CDD à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L1243-8.

Obligations de l’employeur

L’employeur a l’obligation de respecter les termes du contrat de travail, y compris le lieu de travail stipulé. En cas de non-respect de ces obligations, le salarié peut invoquer une rupture anticipée pour faute grave de l’employeur. La jurisprudence a établi que le non-respect des obligations essentielles du contrat de travail par l’employeur peut suffire à établir la faute grave (Soc. 27 juin 2012, n°11-10.569).

Preuve de la faute de l’employeur

Il incombe à la partie qui invoque la faute grave d’en rapporter la preuve. Les attestations et les éléments de preuve fournis par le salarié, tels que des témoignages et des échanges de correspondance, peuvent être déterminants pour établir la réalité des manquements de l’employeur.

L’Essentiel : L’article L1243-1 du Code du travail stipule qu’un CDD ne peut être rompu avant son terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude. En cas de rupture à l’initiative du salarié, il est essentiel d’examiner le comportement de l’employeur. La jurisprudence précise que l’inexécution par l’employeur de ses obligations peut rendre la rupture imputable à celui-ci, à condition que ses agissements constituent une faute grave.
Résumé de l’affaire : Une gérante de deux commerces de détail d’habillement, La Garçonnerie et Le Sac à Malice, a engagé une vendeuse par un contrat à durée déterminée. Ce contrat, initialement prévu jusqu’au 28 février 2023, a été prolongé jusqu’au 31 août 2023. En mars 2023, la salariée a été convoquée pour un entretien concernant ses obligations professionnelles. Elle a ensuite été en arrêt maladie en juin 2023. Le 9 juin, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat, invoquant des manquements graves de l’employeur, tels que des remarques sur son physique, des menaces de licenciement, et des conditions de travail inappropriées.

L’employeur a contesté ces accusations par courrier, indiquant que l’absence de la salariée serait considérée comme une démission. La salariée a alors saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de la rupture en licenciement aux torts de l’employeur et des dommages-intérêts. Le jugement du 4 avril 2024 a reconnu la prise d’acte comme une rupture anticipée aux torts de l’employeur, condamnant la société à verser des salaires dus et une indemnité de précarité.

L’employeur a interjeté appel, contestant la qualification de la rupture et demandant le rejet des demandes de la salariée. Il a soutenu que la salariée avait changé d’attitude après l’entretien et qu’elle avait refusé une proposition de CDI. En revanche, la salariée a maintenu que les conditions de travail étaient insupportables et a fourni des attestations et des preuves de ses allégations.

La cour a confirmé le jugement initial, considérant que l’employeur avait manqué à ses obligations contractuelles, justifiant ainsi la rupture anticipée du contrat par la salariée. La société a été condamnée à verser des indemnités et à remettre les documents de fin de contrat.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée ?

La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée est régie par l’article L1243-1 du code du travail, qui stipule :

« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. »

Il est essentiel de noter que lorsque la rupture est initiée par le salarié, il convient d’examiner si le comportement de l’employeur a contribué à cette décision.

L’inexécution par l’employeur de ses obligations peut rendre la rupture imputable à celui-ci, à condition que ses agissements soient constitutifs d’une faute grave.

Le juge doit établir l’existence d’une telle faute (Soc. 29 nov. 2006 n°04-48.655, Soc. 12 janvier 2010, 08-43.128).

Quel est le droit à des dommages et intérêts en cas de rupture anticipée ?

L’article L1243-4 alinéa 1er du code du travail précise que :

« La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8. »

Ainsi, si la rupture est jugée injustifiée, le salarié a droit à des indemnités correspondant aux salaires dus jusqu’à la fin du contrat, ainsi qu’à l’indemnité de précarité.

Quel est le rôle des attestations dans la preuve des manquements de l’employeur ?

Les attestations fournies par le salarié jouent un rôle crucial dans l’établissement des manquements de l’employeur.

La cour a considéré que les attestations produites par le salarié, bien que contestées par l’employeur, étaient suffisamment probantes pour établir la réalité des faits allégués.

Les attestations doivent être produites en forme légale et doivent présenter des garanties suffisantes pour être retenues.

Dans ce cas, les attestations de clients et d’autres témoins ont été jugées crédibles et concordantes, confirmant la présence et le travail effectif du salarié dans les deux établissements.

Quel impact a la présence de la salariée dans un autre établissement sur la validité de son contrat ?

La cour a souligné que la salariée a été contrainte de travailler dans un autre établissement, Le Sac à Malice, sans que cela soit prévu dans son contrat de travail.

Cela constitue une violation des obligations de l’employeur, car le contrat stipule que la salariée devait exercer ses fonctions uniquement au sein de La Garçonnerie.

Cette situation a été qualifiée de travail dissimulé, ce qui a contribué à établir la faute grave de l’employeur.

Quel est le fondement des demandes de dommages-intérêts supplémentaires par le salarié ?

Le salarié a demandé des dommages-intérêts supplémentaires en raison de la rupture anticipée de son contrat, arguant que l’employeur avait rompu unilatéralement une promesse de contrat à durée indéterminée.

Elle a également fait valoir que son état de santé s’était dégradé à cause des agissements de l’employeur, ce qui a eu un impact significatif sur sa situation financière.

Ces éléments sont cruciaux pour justifier une demande d’indemnisation au-delà des montants minimaux prévus par la loi.

ARRÊT DU

01 AVRIL 2025

PF/LI*

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N° RG 24/00443 – N° Portalis DBVO-V-B7I-DG6D

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S.A.S.U. LA GARCONNERIE

C/

[U] [L]

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Grosse délivrée

le :

à

Me Laurent HUC

Me Camille GAGNE

ARRÊT n°

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

S.A.S.U. LA GARCONNERIE prise en la personne de son président actuellement en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

Représentée par Me Laurent HUC, avocat au barreau de GERS

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUCH en date du 28 Février 2024 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 23/00056

d’une part,

ET :

[U] [L]

née le 31 Mars 2000 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Camille GAGNE, avocat au barreau D’AGEN

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C47001 2024 001912 du 05/07/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AGEN)

INTIMÉE

d’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 04 Mars 2025 devant la cour composée de :

Président : Nelly EMIN, Conseiller,

Assesseurs : Pascale FOUQUET, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience

Anne Laure RIGAULT, Conseiller

Greffière : lors des débats : Laurence IMBERT

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [N] [P] est gérante de deux commerces de détail d’habillement situés à [Localité 2] : La Garçonnerie et Le Sac à Malice dont les sièges sociaux sont situés à la même adresse, [Adresse 3] à [Localité 2].

Le magasin Le Sac à Malice est une société par actions simplifiée, créée le 1er janvier 2021.

Le magasin La Garçonnerie est une société par action simplifiée à associé unique, créée le 20 juin 2022.

Il s’agit donc de deux entités juridiques distinctes ayant la même gérante.

Selon contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 1er septembre 2022 au 28 février 2023, Mme [U] [L] a été engagée par la société La Garçonnerie en qualité de vendeuse pour exercer ses fonctions au siège social de la société éponyme.

Le contrat à durée déterminée, initialement prévu pour être renouvelé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2023, a été renouvelé jusqu’au 31 août 2023.

Le 18 mars 2023, la salariée a été convoquée à un entretien le 21 mars ayant pour objet  » une mise au point sur vos obligations sur votre poste de travail « .

Mme [L] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 juin jusqu’au 23 juin 2023.

Le 9 juin 2023, Mme [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur aux motifs suivants :

 » Les faits suivants dont la responsabilité incombe entièrement à  » la Garçonnerie  » me contraignent à vous notifier la présente prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail :

– remarques sur mon physique (me disant qu’il faut que je plaise aux clients) ;

– remarques sur mon poids ;

– répétition sans cesse que je suis  » nulle en vente  » ;

– menace sans cesse de me licencier ;

– salaire payé le dernier jour du mois au début de mon contrat pour arriver à être payée aujourd’hui le 10 du mois suivant ;

– me demandant de faire moi-même des achats dans la boutique si jamais je ne faisais pas de vente dans la journée,

– me répéter sans cesse qu’à cause du payement de mon salaire vous ne pouvez pas vous payer ;

– prolongement tardif de mon CDD, alors que le CDI m’était promis ;

– pour l’enterrement de mon grand-père, le 16 mai 2023, n’ayant pas droit à un jour de congé exceptionnel, je vous ai demandé de poser un jour de congés-payés sachant qu’il m’en restait 10, ce que vous m’avez refusé.

Cette rupture est entièrement imputable à la société  » La Garçonnerie  » puisque les faits précités constituent un grave manquement aux obligations contractuelles « .

Par courrier du 16 juin 2023, l’employeur a contesté les faits reprochés et a indiqué à Mme [L] qu’à défaut de reprise du travail, son absence vaudrait démission.

Par requête introductive d’instance enregistrée au greffe le 30 juin 2023, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch pour obtenir la requalification de la prise d’acte en rupture anticipée du contrat de travail aux torts de l’employeur, la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages-intérêts et l’indemnité de précarité d’emploi.

Par jugement contradictoire rendu le 4 avril 2024, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil de prud’hommes d’Auch a :

– qualifié la prise d’acte en rupture anticipée aux torts de la société La Garçonnerie ;

– condamné la société La Garçonnerie à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

* 4 649,47 euros pour les montants des salaires restants dus jusqu’au 31 août 2023 ;

* 1 985, 24 euros à titre d’indemnité de précarité d’emploi ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné la société La Garçonnerie aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 4 avril 2024, la société La Garçonnerie a régulièrement formé appel du jugement en désignant Mme [L] en qualité de partie intimée et en visant les chefs de jugement critiqués qu’elle cite dans sa déclaration d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2025 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 4 mars 2025.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

A) Moyens et prétentions de la société La Garçonnerie, appelante

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 17 février 2025, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions par application de l’article 455 du code de procédure civile, la société La Garçonnerie demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il :

– l’a déboutée de ses demandes en ce que la rupture du contrat est injustifiée et s’analyse en une démission et conclu donc au rejet de ses demandes indemnitaires ;

– a qualifié la prise d’acte en rupture anticipée à ses torts ;

– l’a condamnée à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

* 4 649,47 euros pour les montants des salaires restants dus jusqu’au 31 août 2023 ;

* 1 985,24 euros à titre d’indemnité de précarité d’emploi ;

– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle à hauteur de 2 000 euros et de sa demande d’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros ;

– l’a condamnée aux entiers dépens.

Statuant à nouveau :

– déclarer que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à ses torts est injustifiée ;

– déclarer en conséquence que la rupture du contrat de travail, initiée par Mme [L], s’analyse en une démission ;

– débouter en conséquence Mme [L] de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner Mme [L] au payement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi au regard de la rupture anticipée du contrat à l’initiative de la salariée

A titre subsidiaire, si la cour retient la prise d’acte à ses torts :

– débouter Mme [L] de sa demande formulée par voie d’appel incident en ce qu’elle sollicite l’infirmation du jugement rendu en ce qu’il a limité à la somme de 4 649,47 euros la somme octroyée au titre de la rupture anticipée à ses torts et en ce qu’elle sollicite aujourd’hui sa condamnation à la somme de 7 000 euros à ce titre ;

– déclarer en conséquence que la demande de dommages-intérêts supplémentaires de 2 350,43 euros est injustifiée ;

– la condamner au seul payement de la somme de 4 649,47 euros pour les montants des salaires restants dus jusqu’au 31 août 2023 ;

– prendre acte du règlement d’une partie des condamnations mises à sa charge au profit de Mme [L] à hauteur de 2 258,68 euros ;

– débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

– condamner Mme [L] au payement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

– condamner Mme [L] au payement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

– condamner Mme [L] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions, la société La Garçonnerie fait valoir que :

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

– l’attitude de Mme [L] a changé après l’entretien du 21 mars 2023, lors duquel il lui a été annoncé que, compte tenu de la stagnation des ventes, son CDD ne se poursuivrait pas en CDI comme il avait été initialement envisagé

– la salariée ne disposant d’aucun diplôme de vente, elle s’est chargée de sa formation

– en mai 2023, elle a proposé à la salariée un CDI à temps partiel accompagné d’une formation en vente financée par la société qu’elle a refusé

– elle a déposé une main courante en gendarmerie à la suite de la venue du père de la salariée, le 9 juin 2023, sur son lieu de travail, lequel a été verbalement virulent à son égard, lui disant qu’il  » lui ferait cracher son pognon  »

– le départ de la salariée doit s’analyser comme un abandon de poste et donc en une démission

– la situation financière de la société est délicate comme le démontre le chiffre d’affaires apparaissant dans les soldes de caisse de septembre 2022 à juin 2023 qu’elle verse aux débats

Sur les remarques alléguées liées au physique de Mme [L]

* M. [S], client, témoigne en la faveur de la salariée en raison d’un différend qui l’oppose à lui

* la retranscription de l’enregistrement entre elle et Mme [L] doit être écartée des débats comme étant un mode de preuve déloyal

Sur les injures alléguées à l’encontre de la salariée

– la salariée ne verse aux débats qu’une seule attestation, celle de Mme [J], datée du 15 juin 2023

– alors qu’elle-même verse aux débats :

– l’attestation de Mme [H] dont la fille a effectué un stage dans sa boutique faisant état des bons rapports entre elle et Mme [L]

– celles de Mme [W], stagiaire et de Mme [E], ancienne employée

– les attestations produites par la salariée sont de pure complaisance ou attestent de fait postérieurs à son départ

– son comportement courtois, professionnel et bienveillant et la formation qu’elle apportait à la salariée sont établis par les attestations produites aux débats

Sur le prétendu travail de Mme [L] dans le magasin Le Sac à Malice

– la salariée a été amenée à se rendre plusieurs fois dans ce magasin pour sa formation

– la salariée n’a jamais géré seule les boutiques contrairement à ce qu’elle prétend

– elle était présente à l’ouverture chaque jour comme le démontrent les attestations produites

Sur l’obligation pour Mme [L] d’acheter des produits de la boutique

– elle le conteste et cette affirmation est contredite par l’existence de journées ayant un chiffre d’affaires égal à zéro

– la salariée a porté de nombreux articles afin de les montrer aux clientes pour un montant de 1 769,70 euros et elle les détient encore à ce jour

– elle ne lui a jamais intimé de tels ordres et la salariée n’en justifie pas

Sur l’absence de congés pour décès

– elle le conteste et la salariée n’a jamais communiqué l’acte de décès permettant de justifier son absence après du service comptable

Sur l’état de santé de la salariée

– la salariée ne verse qu’un seul certificat médical

– l’origine de l’état de santé dégradé de la salariée est inconnue et résulte d’un état antérieur lié à une maladie de longue durée

-Sur le paiement des salaires :

-elle a payé les salaires à chaque début du mois et elle en justifie en produisant les bulletins de paie

-ce grief n’est pas soutenu en appel

Sur la remise des documents de fin de contrat

– elle n’a jamais refusé de remettre à la salariée ces documents, qui ont été communiqués entre avocats le 7 juillet 2023

– elle a effectué trois règlements afin de s’acquitter d’une partie des condamnations mises à sa charge : 1 658,68 euros par chèque d’août 2019, 300 euros par chèque du 7 janvier 2025 et 300 euros par chèque du 30 janvier 2025, soit le versement de la somme totale de 2 258,68 euros, dont elle demande de prendre acte.

B) Moyens et prétentions de Mme [L], intimée

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 5 février 2025, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions par application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [L] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– qualifié la prise d’acte en rupture anticipée aux torts de la société La Garçonnerie ;

– condamné la société La Garçonnerie à lui payer la somme de 1 985,24 euros à titre d’indemnité de précarité d’emploi

Infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

– condamner la société La Garçonnerie à lui payer les sommes suivantes :

* 7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée aux torts de l’employeur

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel

– ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés ;

– condamner la société La Garçonnerie aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions, Mme [L] fait valoir :

1° Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

– à compter du renouvellement du contrat de travail, en mars 2023, les propos humiliants et agressifs de la gérante se sont multipliés à son égard ;

– la prise d’acte de la rupture est motivée par les manquements commis par Mme [P] à savoir :

* il lui était imposé de travailler très régulièrement dans les deux établissements gérés par Mme [P], La Garçonnerie et Le Sac à Malice, sans être déclarée pour le compte du magasin le Sac à Malice, ce travail n’étant ni ponctuel ni destiné à sa formation

* le recours à un contrat à durée déterminée est injustifié, l’ouverture du second magasin La Garçonnerie ne justifiait pas l’existence d’un surcroît temporaire d’activité

* son employeur a usé de propos et d’attitudes inadaptés à son égard, et elle en justifie par de nombreuses attestations, par les sms échangés et par les enregistrements retranscrits par commissaire de justice

– M.[O], attestant, n’a été son compagnon que quelques semaines et ne l’était plus lorsqu’il a délivré son attestation ;

– M.[C] et Mme [Y], attestants, sont des proches de Mme [P]

– les relevés de caisse à zéro sont extrêmement rares et mensongers car contredits par les sms échangés

– il est vrai que quelques articles lui ont été remis à titre promotionnel

– les enregistrements constatés par commissaire de justice sont recevables car ils établissent l’attitude inadaptée de l’employeur

– l’employeur ne démontre pas qu’elle a porté des tenues inadaptées

– Mme [P] a fait pression sur ses témoins pour obtenir des attestations à son profit

– Mme [P] a multiplié les agressions verbales à son encontre

– elle conteste l’attitude de son père telle qu’elle est alléguée par Mme [P] et les propos qui lui sont prêtés

– l’employeur a refusé de lui communiquer les documents de fin de contrat tant qu’elle n’avait pas démissionné

– l’attestation de son compagnon et le certificat médical de son médecin traitant établissent la dégradation de son état de santé

– par courrier du 16 juin 2023, Mme [P] lui a demandé de démissionner

2° Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

Sur l’indemnité de précarité

– l’indemnité est égale à 10% de la somme totale des salaires reconstitués soit 1 985,24 euros.

Sur la rupture anticipée

– l’indemnité de 4 649,57 euros correspond à l’indemnité minimale, c’est-à-dire au montant des salaires restant dus jusqu’au 31 août 2023 mais cela ne correspond pas à la réalité de son préjudice :

* le motif de recours à un contrat à durée déterminée est illégitime

* l’employeur a rompu unilatéralement et irrégulièrement la promesse de contrat à durée indéterminée du 25 novembre 2022

* elle a travaillé également dans la boutique Le Sac à Malice, sans bénéficier de la protection au titre des accidents du travail

* son état de santé a fait l’objet d’une dégradation importante du fait des agissements de l’employeur

* l’employeur a refusé de lui remettre ses documents de fin de contrat

* cette situation l’a placée dans une situation financière délicate.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour précise que les termes de  » démission  » ou de  » prise d’acte  » sont improprement employés en matière de contrat à durée déterminée et s’analysent en une rupture anticipée à l’initiative de la salariée et rappelle que les dispositions légales relatives à l’interdiction de rupture avant terme du contrat à durée déterminée, sauf causes limitatives, ont pour objectif de ne pas accentuer la précarité du salarié, dont il est admis qu’il n’a pas à supporter les risques économiques de l’entreprise.

I – Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

L’article L1243-1 du code du travail dispose que :  » Sauf accord des parties, le con-trat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.  »

Lorsque la rupture immédiate est le fait du salarié, il convient de rechercher si le comportement de l’employeur n’est pas à l’origine de la décision du salarié. L’inexé-cution par l’employeur de ses obligations lui rend la rupture imputable, à condition que ses agissements soient constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel. Le juge doit caractériser l’existence d’une faute grave commise par l’employeur (Soc. 29 nov. 2006 n°04-48.655, Soc.12 janvier 2010, 08-43.128).

La rupture anticipée peut intervenir alors que le salarié, auteur de la prise d’acte, est placé en congé pour maladie (Soc 27 juin 2012, 11-10.569).

Selon l’article L1243-3 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative du salarié en dehors des cas prévus aux articles L. 1243-1 et L. 1243-2 ouvre droit pour l’employeur à des dommages et inté-rêts correspondant au préjudice subi.

Selon l’article L1243-4 alinéa 1er du même code, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préju-dice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.

Il appartient à la partie qui invoque la faute grave d’en rapporter la preuve.

Au soutien de ses prétentions, Mme [L] invoque des propos inadaptés et le non-respect des obligations de l’employeur :

– en lui imposant de travailler au sein des deux établissements, la plupart du temps seule, sans être déclarée pour le compte du magasin Le Sac à Malice, l’obligeant ainsi à assumer des responsabilités qui n’étaient pas les siennes notamment quant à la sécurité des deux magasins et caractérisant un travail dissimulé

– le recours à un CDD dont le motif est erroné

– des menaces, des propos humiliants et inadaptés liés à son physique

Mme [L] verse aux débats :

– les attestations de plusieurs clientes et clients déclarant avoir constaté sa présence dans les deux enseignes : Mme [J], M. [K], Mme [KK], Mme [Z], Mme [D], Mme [G], Mme [F] [UI], Mme [B], Mme [V], Mme [M], Mme [A], Mme [T], Mme [KN], M. [X], Mme [I], Mme [R] et M. [O]

– des photographies et des échanges de sms avec Mme [P] du 4 janvier 2023 au 3 août 2023

Mme [P] remet en cause la force probante de sept attestations sur les dix-sept produites au motif qu’elles seraient de pure complaisance.

Les attestations remises en cause sont produites en la forme légale et la cour, dans son pouvoir souverain, considère qu’elles présentent suffisamment de garanties pour les retenir.

De plus, les dix autres attestations ne sont pas contestées et sont concordantes quant à la présence régulière de la salariée travaillant pour le magasin Le Sac à Malice.

Les SMS versés aux débats confirment la présence et le travail effectif de Mme [L] dans ce magasin :  » j’ai fait une vente de votre côté « ,  » je viens juste de vendre une banane en face « ,  » les caisses sont ouvertes des deux côtés « ,  » assez difficile de gérer les deux en même temps  » et Mme [P] répondant :  » demain aprem tu ouvres que sac à malice « .

En conséquence, aucun élément n’est de nature à justifier la présence et le travail de Mme [L] dans le magasin Le Sac à Malice alors qu’il ressort de son contrat de travail qu’elle était employée pour travailler au sein de l’établissement La Garçonnerie : « A titre purement informatif, il est précisé que le salarié exercera ses fonctions au siège social de la société La Garçonnerie situé [Adresse 3] à [Localité 2]. « .

La cour rappelle qu’il s’agit de deux entités juridiques distinctes. L’employeur a donc fait travailler la salariée en toute illégalité sur un lieu autre que celui contractuellement prévu.

En conséquence, la cour juge que la salariée rapporte la preuve du non-respect par l’employeur de ses obligations essentielles inhérentes au contrat de travail et qu’un tel non-respect est suffisant à lui seul pour établir la faute grave sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs invoqués.

Par substitution de motifs, le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a qualifié la prise d’acte en rupture anticipée aux torts de la société La Garçonnerie.

II- Sur les dommages et intérêts pour rupture anticipée

Selon l’article 1243-4 alinéa 1er du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société La Garçonnerie à payer à Mme [L] la somme de 4 649,47 euros au titre des salaires restants dus jusqu’au 31 août 2023 et à celle de 1 985,24 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat.

III – Sur les demandes accessoires, les dépens et les frais non répétibles de procédure

La cour condamne la société La Garçonnerie à remettre à Mme [L] les documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent arrêt.

La cour confirme le jugement ayant condamné la société La Garçonnerie aux dépens de première instance.

L’appelante, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme [L] la somme de 2 000 euros au titre des indemnités de procédure de première instance et d’appel.

Le jugement entrepris sera réformé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 4 avril 2024 sauf en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais non répétibles de procédure

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société La Garçonnerie à délivrer à Mme [U] [L] les documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent arrêt,

CONDAMNE la société La Garçonnerie aux dépens de première instance et d’appel,

CONDAMNE la société La Garçonnerie à payer à Mme [U] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles de procédure de première instance et d’appel,

DEBOUTE la société La Garçonnerie de ses prétentions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et par Laurence IMBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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