Règle de droit applicableL’article L. 624-9 du Code de commerce stipule que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans un délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire. Ce délai est impératif et doit être respecté pour que la demande en revendication soit recevable. L’article R. 624-13 précise que la demande en revendication doit être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur ou, à défaut, au débiteur, et qu’une copie doit être envoyée au mandataire judiciaire. En l’absence d’acquiescement dans le délai d’un mois, le demandeur doit saisir le juge-commissaire dans le même délai, sous peine de forclusion. L’alinéa 1er de l’article L. 624-16 du même code indique que peuvent être revendiqués les biens meubles remis à titre précaire au débiteur, à condition qu’ils se retrouvent en nature. Application de la règle de droitDans le cas présent, l’EARL [Adresse 9] a tenté de revendiquer des biens après l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L. 624-9, ce qui a conduit à la contestation de la recevabilité de sa demande. La SELAS Egide, ès-qualités de liquidateur judiciaire, a soutenu que le délai d’exercice de l’action en revendication avait expiré, et que la demande n’avait pas été faite dans les formes requises par l’article R. 624-13. Cependant, le tribunal a constaté que l’EARL [Adresse 9] n’avait pas pu agir dans les délais impartis en raison de circonstances particulières, notamment le fait que les biens revendiqués n’étaient pas répertoriés dans l’inventaire de la liquidation. Le juge-commissaire a également noté que la preuve de la possession des biens litigieux n’avait pas été apportée par le liquidateur, ce qui a conduit à la décision de déclarer recevable l’action en revendication de l’EARL [Adresse 9]. Conclusion sur la recevabilitéAinsi, la décision du tribunal de confirmer la recevabilité de l’action en revendication de l’EARL [Adresse 9] repose sur l’interprétation des articles L. 624-9 et R. 624-13 du Code de commerce, ainsi que sur l’absence de preuve de possession par le liquidateur, ce qui a permis de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion. |
L’Essentiel : L’EARL [Adresse 9] a tenté de revendiquer des biens après l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L. 624-9, entraînant une contestation de la recevabilité de sa demande. La SELAS Egide, en tant que liquidateur judiciaire, a soutenu que le délai d’exercice de l’action en revendication avait expiré et que la demande n’avait pas été faite dans les formes requises. Toutefois, le tribunal a constaté que l’EARL n’avait pas pu agir dans les délais en raison de circonstances particulières.
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Résumé de l’affaire : Par ordonnance du 12 novembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Pau a désigné un administrateur provisoire pour une exploitation agricole à la suite du décès de son gérant. Le 28 mars 2023, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire pour cette exploitation et a nommé un mandataire judiciaire. Un inventaire des biens a été réalisé le 17 mai 2023, suivi d’une ordonnance le 7 septembre 2023 ordonnant la vente aux enchères des biens. La vente a eu lieu le 14 décembre 2023.
Une autre exploitation agricole a déposé une requête en restitution de certains biens, incluant un tracteur et divers équipements, en se basant sur des articles du code de commerce. Cette requête a été adressée au juge-commissaire et à la société en charge de la liquidation. Le 16 juillet 2024, le juge-commissaire a déclaré l’action en responsabilité contre le mandataire judiciaire irrecevable et a reconnu la revendication de certains biens par l’autre exploitation, tout en rejetant d’autres demandes. Le liquidateur judiciaire a interjeté appel de cette décision, soutenant que la demande de revendication était irrecevable en raison du non-respect des délais. L’autre exploitation a contesté cette irrecevabilité, arguant qu’elle n’avait pas pu agir dans les délais impartis en raison de la situation des biens revendiqués, qui n’étaient pas inclus dans l’inventaire de la liquidation. Le tribunal a confirmé la recevabilité de l’action en revendication, notant que le liquidateur n’avait pas prouvé la possession des biens au moment de l’ouverture de la liquidation. En conséquence, la cour a statué en faveur de l’autre exploitation pour certains biens, tout en rejetant d’autres demandes et en ordonnant la production de justificatifs de vente par le liquidateur. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le délai pour exercer une action en revendication selon le code de commerce ?Selon l’article L. 624-9 du code de commerce, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure. Ce délai est impératif et doit être respecté pour que l’action en revendication soit recevable. L’article R. 624-13 précise que la demande en revendication d’un bien doit être adressée dans le délai prévu par l’article L. 624-9 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur ou, à défaut, au débiteur. Il est également stipulé qu’à défaut d’acquiescement dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit saisir le juge-commissaire sous peine de forclusion. Quel est le rôle du juge-commissaire dans une procédure de liquidation judiciaire ?Le juge-commissaire a pour rôle de superviser la procédure de liquidation judiciaire, notamment en recueillant les observations des parties intéressées avant de statuer sur les demandes. Il est également chargé de vérifier la régularité et la recevabilité des demandes qui lui sont soumises, comme le stipule l’article 472 du code de procédure civile. En l’espèce, le juge-commissaire a constaté l’incompétence concernant certaines actions et a déclaré irrecevables les demandes qui ne relevaient pas de sa compétence. Quel est le fondement juridique de la revendication des biens meubles dans le cadre d’une liquidation judiciaire ?L’article L. 624-16 du code de commerce stipule que peuvent être revendiqués, à condition qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur. Cela signifie que pour qu’une revendication soit recevable, le demandeur doit prouver que les biens revendiqués étaient en possession du débiteur au moment de l’ouverture de la liquidation. Il est donc essentiel de démontrer la détention précaire des biens revendiqués pour que l’action en revendication soit fondée. Quel est l’impact de la forclusion sur l’action en revendication ?La forclusion a pour effet de rendre irrecevable une action si elle n’est pas exercée dans les délais impartis par la loi. Dans le cadre de l’article L. 624-9, si le délai de trois mois n’est pas respecté, la revendication des biens est considérée comme irrecevable. La SELAS Egide, ès-qualités de liquidateur, a soutenu que la demande en revendication était irrecevable en raison du non-respect de ce délai, mais le tribunal a jugé que les circonstances particulières de l’affaire justifiaient la recevabilité de l’action. Quels sont les critères de preuve de la propriété des biens revendiqués ?Pour établir la propriété des biens revendiqués, il appartient au demandeur de fournir des éléments de preuve tangibles, tels que des factures, des attestations ou des documents officiels. L’EARL [Adresse 9] a produit des justificatifs tels que la carte grise du tracteur et des factures pour prouver sa propriété sur certains biens. L’absence de preuve de possession ou de propriété par le liquidateur peut entraîner le rejet de la demande de revendication, comme cela a été constaté dans l’affaire en question. Quel est le rôle des pièces justificatives dans une procédure de revendication ?Les pièces justificatives jouent un rôle crucial dans une procédure de revendication, car elles permettent d’établir la propriété et la détention des biens revendiqués. L’article R. 624-13 du code de commerce exige que le demandeur adresse une copie de sa demande au mandataire judiciaire, ce qui implique que des preuves doivent être fournies pour soutenir la revendication. Dans l’affaire, le juge-commissaire a demandé à la société Egide de produire des justificatifs de vente pour les biens revendiqués, soulignant l’importance de la documentation dans le processus judiciaire. |
Numéro 25/1075
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 03/04/2025
Dossier : N° RG 24/02131 – N° Portalis DBVV-V-B7I-I5HC
Nature affaire :
Appel sur une décision du juge commissaire relative à la vente d’actifs
Affaire :
S.E.L.A.S. EGIDE
C/
E.A.R.L. [Adresse 9]
E.A.R.L. [Adresse 8]
S.E.L.A.R.L. FHB
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 03 avril 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 17 Décembre 2024, devant :
Madame Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,
assistée de Mme SAYOUS, Greffier présent à l’appel des causes,
Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.E.L.A.S. EGIDE
Es-qualité de liquidateur judiciaire de l’EARL [Adresse 8]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean Michel GALLARDO, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
E.A.R.L. [Adresse 9]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Claude GARCIA, avocat au barreau de Pau
E.A.R.L. [Adresse 8]
représentée par Maître [V] [T] es-qualité d’administrateur provisoire
[Adresse 10]
[Localité 11]
assignée
S.E.L.A.R.L. FHB
Es-qualité de mandataire ad hoc de l’EARL [Adresse 8], prise en la personne de Me [V] [T] Administrateur judiciaire.
[Adresse 3]
[Localité 5]
assignée
sur appel de la décision
en date du 16 JUILLET 2024
rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE [Localité 12]
RG : 22/36 (minute n° 24/215)
Par ordonnance du 12 novembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Pau a désigné la SELARL FHB, représentée par Maître [T], en qualité d’administrateur provisoire de l’EARL [Adresse 8] à la suite du décès le [Date décès 1] 2018 de son gérant et associé unique M. [C] [B].
Par jugement du 28 mars 2023, le tribunal judiciaire de Pau a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire concernant l’EARL [Adresse 8] et a désigné en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation la SELAS Egide représentée par Maître [R] [X]. Le jugement a été publié au BODACC le 19 avril 2023.
Un procès-verbal d’inventaire a été établi le 17 mai 2023 par Maître [F] [K] commissaire de justice associé à [Localité 12].
Par ordonnance du 7 septembre 2023, le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques des biens meubles inventoriés.
Une vente par le commissaire de justice est intervenue le 14 décembre 2023.
L’EARL [Adresse 9] a présenté auprès du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Pau (avec copie à la société Egide et à la SCP Cavalier Jove, commissaires de justice) une requête en restitution en date du 1er décembre 2023, la requête adressée au juge-commissaire visant les articles L. 624-9 et suivants du code de commerce concernant les biens suivants :
Un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7],
Des bottes enrubanées, des « rounds ballers » de foin et de paille,
Une remorque monocoque de marque Brimont,
Une faucheuse Claas 3150,
Un hydrogriffe Syma 12,
Un cornadis suédois (6 places),
7 barrières,
3 portillons.
La même requête a été présentée auprès de la société Egide.
Un courrier en date du 13 décembre 2023 d’opposition à l’ordonnance du 7 septembre 2023 a également été adressé au juge-commissaire.
Par ordonnance du 16 juillet 2024, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Pau a :
– constaté l’incompétence du juge-commissaire concernant l’action en responsabilité intentée à l’encontre de la société Egide, et par conséquent déclaré l’EARL [Adresse 9] irrecevable en cette demande,
Déclaré l’EARL [Adresse 9] irrecevable en son opposition formée le 13 décembre 2023 à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire du 7 septembre 2023,
Déclaré recevable l’action en revendication de l’EARL [Adresse 9] et y a fait droit uniquement sur les biens suivants :
Un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7],
Une remorque monocoque de marque Brimont,
Une faucheuse Claas 3150,
Un hydrogriffe Syna 12,
Un cornadis suédois,
7 barrières,
Rejeté le surplus de la demande portant sur les trois portillons, les bottes enrubannées, et les round-ballers de foin et de paille dont la propriété n’est pas justifiée,
Avant dire droit, ordonné à la société Egide de produire les justificatifs de vente intervenues concernant les biens suivants :
Un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7],
Une remorque monocoque de marque Brimont,
Une faucheuse Claas 3150,
Un Hydrogriffe Syna 12,
Un cornadis suédois,
7 barrières,
Sursis à statuer sur la question de la restitution en valeur et renvoyé l’affaire à l’audience en chambre du conseil du juge commissaire du 15 octobre 2024 à 9h15,
Dit que la notification de la présente décision vaut convocation et invitation à comparaître,
Réservé les frais irrépétibles et les dépens,
Dit que la présente ordonnance sera transmise à la société Egide, et sera notifiée par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 8 jours de sa date à la SELARL FHB ès qualités d’administrateur provisoire et de mandataire ad hoc et à l’EARL [Adresse 9].
Par déclaration en date du 19 juillet 2024, la SELAS Egide ès qualités de liquidateur judiciaire de l’EARL [Adresse 8] a interjeté appel de cette ordonnance sur les chefs de décision lui étant défavorables.
L’EARL [Adresse 8], représentée par maître [V] [T], ès-qualités d’administrateur provisoire, et la SELARL FHB, ès-qualités de mandataire ad hoc de l’EARL [Adresse 8] prise en la personne de Maître [V] [T] administrateur judiciaire n’ont pas constitué avocat devant la cour.
Le greffe a transmis une demande d’avis le 6 novembre 2024 au Ministère Public qui n’a pas répondu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2024.
***
Vu les conclusions de la SELAS Egide ès-qualités de liquidateur judiciaire de l’EARL Coustau notifiées le 24 septembre 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Voir dire qu’il mal jugé, bien appelé.
Voir constater l’irrecevabilité de l’action en revendication.
Voir débouter la requérante initiale de l’intégralité de ses demandes, ‘ns et prétentions,
Voir condamner la demanderesse à lui régler une indemnité d’un montant de 2 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
La voir condamner aux entiers dépens.
*
Vu les conclusions de l’EARL [Adresse 9] notifiées le 9 octobre 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Confirmant partiellement et réformant partiellement l’ordonnance,
Déclarer ses actions et demandes recevables,
La juger bien fondée en sa requête,
Juger qu’elle ne pouvait, au regard des faits particuliers de l’espèce, agir dans les délais impartis et, en conséquence, la relever de toute éventuelle forclusion,
En conséquence :
Débouter la SELAS EGIDE ès qualités de liquidateur de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Enjoindre la SELAS EGIDE ès qualités de liquidateur à communiquer la liste de l’ensemble des lots qui ont été vendus aux enchères les 14 et 16 décembre 2023 et le 7 mars 2024, de même que le prix de vente de ces lots,
Ordonner la restitution des biens susmentionnés lui appartenant soit un tracteur Claas
immatriculé DG 940 DM, une remorque de marque Brimont, une faucheuse Claas 3150, un hydrogriffe Syna 12, un cornadis suédois, 7 barrières, 3 portillons, les bottes de foin, les round ballers de foin et de paille,
et, en cas d’impossibilité de restituer les biens revendus, ORDONNER de lui verser
le paiement du prix de rachat de ces biens dans le commerce en 2024, à l’exclusion du fourrage dont il est demandé que soit restituée la même quantité à la valeur du cours du jour et non au produit de la vente ;
Condamner la SELAS EGIDE ès qualités de liquidateur à payer à L’EARL [Adresse 9] la somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
et condamner la SELAS EGIDE ès qualités de liquidateur aux entiers dépens.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce la déclaration d’appel a été signifiée à l’EARL [Adresse 8] représentée par Maître [T], à la SELARL FHB en qualité d’administrateur provisoire, et à la SELARL FHB ès-qualités de mandataire ad hoc de l’EARL [Adresse 8], à personne morale.
Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de relever que les chefs de décision ayant constaté l’incompétence du juge-commissaire concernant l’action en responsabilité intentée à l’encontre de la société Egide, et ayant par conséquent déclaré l’EARL [Adresse 9] irrecevable en cette demande, et déclaré l’EARL [Adresse 9] irrecevable en son opposition formée le 13 décembre 2023 à l’encontre de l’ordonnance du juge-commissaire du 7 septembre 2023, ne sont pas discutées en cause d’appel. Ces chefs de décision dont la connaissance n’est pas dévolue à la cour sont donc passés en force de chose jugée.
Sur la forclusion des demandes en revendication
La SELAS Egide, ès-qualités de liquidateur judiciaire de l’EARL Coustau, soutient que la demande en revendication est irrecevable car le délai d’exercice de l’action en revendication prévu par l’article L. 624-9 du code de commerce expirait le 21 septembre 2023.
Elle ajoute que le délai d’un mois de saisine du juge-commissaire prévu par l’article R. 624-13 du code de commerce n’a pas non plus été respecté.
Elle fait valoir que la partie adverse ne peut soutenir que les règles relatives à la revendication ne pouvaient s’appliquer dès lors que les biens réclamés étaient entreposés dans un local qui n’appartenait pas à l’EARL [Adresse 8].
Elle relève à cet égard que les biens inventoriés par l’huissier sont des biens qui étaient présents au siège social de l’EARL [Adresse 8] dans le cadre d’un bail rural qui l’unissait au défunt, lequel était connu de l’ensemble des parties et englobait les différents entrepôts à destination agricole. Elle ajoute que le débiteur avait bien la possession des meubles inventoriés par l’huissier au moment de l’ouverture de la procédure collective qui constituent le gage des créanciers de l’entreprise en liquidation (article L. 622-6) et qu’il résulte de l’article L. 624-16 du code de commerce que l’action en revendication englobe l’ensemble des biens dont le débiteur avait la détention précaire qu’il en soit propriétaire ou pas.
Elle ajoute que s’agissant des biens qui ne sont pas énumérés dans l’inventaire, elle apporte la preuve de la possession qui est établie compte tenu des modalités d’organisation de la vente sur adjudication qui est intervenue sur place.
L’EARL [Adresse 9] fait valoir que des biens lui appartenant ont été vendus aux enchères alors qu’ils ne figuraient pas dans l’inventaire de la liquidation dressé le 17 mai 2023 par Maître [K], commissaire de justice, et étaient stockés sous le hangar agricole de l’indivision [B] de sorte qu’ils n’auraient jamais dû être vendus.
Elle soutient que ces biens ne figuraient pas dans l’actif de la liquidation de l’EARL [Adresse 8].
Elle ajoute que l’argument de la partie adverse selon lequel les biens visés seraient en possession du liquidateur judiciaire par leur présence au siège de l’EARL Coustau est inopérant car il est clairement indiqué dans l’inventaire que « L’EARL [Adresse 8] n’est ni propriétaire immobilier, ni propriétaire de terres » et où les locaux appartiennent à la succession et non pas à l’EARL [Adresse 8].
Elle ajoute qu’il appartient à la SELAS Egide ès qualités de démontrer que ces biens figuraient dans l’inventaire de Maître [K] et comme appartenant à l’EARL [Adresse 8], qu’ils se trouvaient dans des locaux appartenant à l’EARL [Adresse 8], ce qui n’est pas le cas car ils étaient entreposés dans des locaux privés appartenant à l’indivision successorale.
L’EARL [Adresse 9] relève que les biens revendiqués ne pouvaient l’être dans le délai de l’article L. 624-9 non seulement parce-qu’elle ne pouvait imaginer un seul instant que des biens stockés dans des locaux n’appartenant pas à l’entreprise défaillante, ne figurant pas parmi les biens répertoriés comme appartenant à l’EARL Coustau dans l’inventaire de la liquidation, seraient vendus, mais aussi parce que certains de ces biens n’étaient pas encore là au moment où ce délai préfix a expiré.
A titre subsidiaire l’EARL [Adresse 9] fonde son action sur les dispositions de droit commun de l’article 2276 du code civil en faisant valoir que la SELAS Egide ès qualités est entrée en possession des biens litigieux de mauvaise foi.
*
Selon l’article L. 624-9 du code de commerce, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.
L’article R. 624-13 du même code dispose que la demande en revendication d’un bien est adressée dans le délai prévu à l’article L. 624-9 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur s’il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
A défaut d’acquiescement dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans le délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de réponse.
Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées.
La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
Selon l’alinéa 1er de l’article L. 624-16 du même code, peuvent être revendiqués, à condition qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur.
En l’espèce la revendication des biens litigieux par l’EARL [Adresse 9] ne s’impose pas dans les délais prévus par ces textes pour les raisons exposées ci-dessous.
En effet, l ‘EARL [Adresse 9] fait valoir, sans être contredite par la société appelante, que les biens dont elle revendique la propriété qui étaient stockés sous le hangar agricole de l’indivision [B], ne figurent pas parmi les biens répertoriés dans l’inventaire établi par Maître [K] le 17 mai 2023.
Il appartient donc au liquidateur d’apporter la preuve de la possession.
Il n’est pas non plus contesté par l’appelante dans ses conclusions que M. [C] [B] était propriétaire des immeubles et terres exploités par l’EARL [Adresse 8] dont il était l’associé unique.
L’inventaire du 17 mai 2023 mentionne expressément que « les parties présentes indiquent que l’EARL [Adresse 8] n’est ni propriétaire immobilier ni propriétaire de terres ».
Cet inventaire distingue les biens mentionnés par les personnes présentes comme la propriété de l’EARL [Adresse 8] de ceux mentionnés comme appartenant à M. [C] [B] ou à l’EARL [Adresse 9].
La SELAS Egide, ès-qualités de liquidateur de l’EARL [Adresse 8], n’apporte aucun élément à l’appui de ses allégations selon lesquelles les terres et entrepôts à destination agricole étaient exploités par l’EARL [Adresse 8] dans le cadre d’un bail rural qui l’unissait au défunt. Aucune pièce ne vient corroborer l’existence d’un tel bail.
Le liquidateur doit justifier que les biens litigieux avaient été introduits en nature dans le patrimoine apparent de l’EARL [Adresse 8] au moment de l’ouverture de la liquidation le 28 mars 2023.
La preuve de la possession de ces biens n’est pas rapportée en l’espèce du fait de leur seule présence à l’adresse du siège social de l’EARL [Adresse 8] au moment de leur vente aux enchères alors que l’inventaire réalisé ne les mentionne pas dans la liste des biens de la débitrice, que l’EARL [Adresse 8], qui avait cessé son activité depuis des années, n’était pas propriétaire des biens immobiliers dans lesquels ils étaient entreposés et qu’il n’est pas démontré qu’elle en avait été locataire. Au surplus, l’inventaire établi sur les lieux propriété de l’indivision successorale distingue expressément les biens mentionnés comme appartenant au défunt (et donc à l’indivision) ou à l’EARL [Adresse 9], de ceux appartenant à l’EARL [Adresse 8], de sorte qu’il ne pouvait être déduit de la seule présence dans ces locaux au moment de la vente aux enchères de biens non listés dans l’inventaire leur possession ou détention par l’EARL [Adresse 8].
Par conséquent, en l’absence de tout élément de nature à établir une possession ou une détention par l’EARL [Adresse 8] des biens revendiqués au moment de l’ouverture de sa liquidation judiciaire, il n’est pas établi que ces biens étaient entrés en nature à cette date dans son patrimoine apparent.
Il s’en suit que la revendication des biens litigieux ne s’impose pas dans les délais du code de commerce qui ne peuvent être opposés à l’EARL [Adresse 9].
Il n’y a donc pas lieu de statuer sur sa demande tendant à être relevée de forclusion.
Par conséquent la fin de non-recevoir tirée du non-respect par l’EARL [Adresse 9] des délais prévus par les articles L. 624-9 et R. 624-13 du code de commerce sera rejetée et le jugement déféré confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action en revendication de l’EARL [Adresse 9].
Par des motifs précis et pertinents le juge-commissaire a constaté que l’EARL [Adresse 9] avait justifié être propriétaire d’un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7], d’une remorque monocoque de marque Brimont, d’une faucheuse Claas 3150, d’un Hydrogriffe Syna 12, d’un cornadis suédois et de 7 barrières en produisant la carte grise du tracteur, des factures de ces équipements ou une attestation du crédit agricole concernant le financement de l’hydrogriffe Syna 12.
L’EARL [Adresse 9] sollicite l’infirmation de l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté sa demande portant sur les trois portillons, les bottes enrubannées et les round-ballers de foin et de paille. L’attestation signée par M. [J] [D] indique que durant la campagne de foin 2023, il a aidé M. [H] gérant de l’EARL [Adresse 9], à transporter le foin de ses diverses parcelles vers un hangar à [Localité 11]. M. [Z] [E] atteste que « depuis l’année 2021 datte à l’aquelle les bovins son présent dans les battiment de son oncle situés à [Localité 11] [M] [H] faisai appel à moi et à mon fils pour le récupérer a chaque voyage et fourage de foin ou paille car étant tous seul on aller le chercher au parcelle ou a [Localité 11] l’orsque le fouage et la remorque etai decharger ».(sic).
Ces pièces nouvelles produites en cause d’appel, non contestées par la SELAS Egide qui ne les évoque pas dans ses écritures, établissent l’existence de foin et de paille appartenant à l’EARL [Adresse 9] sur le site de [Localité 11] visé notamment dans l’inventaire des biens de la débitrice.
En revanche la propriété des trois portillons revendiquée par l’EARL [Adresse 9] n’est pas établie.
Le liquidateur n’apporte pas de précision sur la vente aux enchères des biens revendiqués par l’EARL [Adresse 9] dont il ne conteste pas la réalité et reste taisant sur la liste des biens vendus dans ce cadre ainsi que le montant des ventes.
Il y a donc lieu de retenir que les biens revendiqués dont la liste est retenue ont effectivement été vendus aux enchères.
Compte tenu de ces éléments, il convient de rejeter la demande de revendication portant sur les trois portillons mais d’y faire droit en ce qui concerne les biens suivants :
Un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7],
Une remorque monocoque de marque Brimont,
Une faucheuse Claas 3150,
Un hydrogriffe Syna 12,
Un cornadis suédois,
7 barrières,
les bottes enrubannées, les round-ballers de foin et de paille.
Les biens litigieux ayant fait l’objet de ventes aux enchères, leur restitution en nature est devenue impossible. La demande tendant à leur restitution en nature doit donc être rejetée.
C’est à juste titre que le juge-commissaire a sollicité, avant-dire droit, afin de pouvoir se prononcer sur la question de la restitution en valeur, que la société Egide ès-qualités verse aux débats les justificatifs des ventes aux enchères intervenues concernant les biens revendiqués dont la liste a été retenue. Il convient de confirmer la décision déférée sur ce point en étendant la demande aux bottes enrubannées, aux round-ballers de foin et de paille. Il n’y a pas lieu de demander à la SELAS Egide la communication de la liste des autres lots vendus aux enchères et de leur prix de vente, cette communication devant être cantonnée aux biens dont l’intimée justifie être propriétaire.
Il convient également de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a sursis à statuer sur la question de la restitution en valeur et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure du juge-commissaire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a réservé les frais irrépétibles et les dépens.
Eu égard à la solution du litige, il convient de dire que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Il convient de rejeter les demandes formulées par les parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance déférée uniquement en ce qu’elle a rejeté l’action en revendication concernant les bottes enrubannées, les round-ballers de foin et de paille ;
Confirme l’ordonnance déférée en ses autres dispositions déférées à la cour,
En conséquence,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute la SELAS Egide, ès-qualités de liquidateur de l’EARL [Adresse 8] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l’action en revendication de l’EARL [Adresse 9] ;
Déclare recevable l’action en revendication de l’EARL [Adresse 9] et y fait droit uniquement sur les biens suivants :
Un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7],
Une remorque monocoque de marque Brimont,
Une faucheuse Claas 3150,
Un hydrogriffe Syna 12,
Un cornadis suédois,
7 barrières,
les bottes enrubannées, les round-ballers de foin et de paille.
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de l’EARL [Adresse 9] tendant à être relevée de forclusion.
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté le surplus de la demande portant sur les trois portillons ;
Avant-dire-droit, ordonne à la société Egide, ès-qualités de liquidateur de l’EARL [Adresse 8], de produire les justificatifs de ventes intervenues concernant les biens suivants :
Un tracteur Claas immatriculé [Immatriculation 7],
Une remorque monocoque de marque Brimont,
Une faucheuse Claas 3150,
Un hydrogriffe Syna 12,
Un cornadis suédois,
7 barrières,
les bottes enrubannées, les round-ballers de foin et de paille.
Rejette la demande de l’EARL [Adresse 9] portant sur la demande de communication de la liste des autres lots vendus aux enchères et de leur prix de vente ;
Rejette la demande de l’EARL [Adresse 9] de restitution des biens ;
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a sursis à statuer sur la question de la restitution en valeur et renvoyé l’affaire à une audience ultérieure du juge-commissaire ;
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a réservé les dépens et les demandes relatives aux frais irrépétibles ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Rejette les demandes formulées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente
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