Rétention administrative : conditions et perspectives d’éloignement.

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Rétention administrative : conditions et perspectives d’éloignement.

Règle de droit applicable

L’article L 741-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que le maintien en rétention d’un étranger ne peut être ordonné que si l’obligation de quitter le territoire n’a pas été exécutée.

Il est précisé que la situation de tentative d’éloignement, notamment lorsque les retenus sont raccompagnés en rétention après un refus d’embarquer, ne relève pas des dispositions de cet article.

Diligences de l’administration

L’article L 741-3 du même code impose à l’administration de rechercher concrètement les diligences effectuées pour permettre le départ de l’étranger, limitant ainsi la rétention au temps strictement nécessaire à son départ.

Le juge doit vérifier l’existence de diligences effectives, sans imposer des actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats, car l’administration n’a pas de pouvoir de contrainte sur ces autorités.

Appréciation du juge judiciaire

La jurisprudence (1re Civ., 5 décembre 2018, pourvoi n° 17-30.979) indique que le juge judiciaire ne peut pas apprécier la légalité de la décision administrative fixant le pays de renvoi sous couvert d’une évaluation de la perspective d’éloignement.

Il ne peut se prononcer sur l’opportunité d’un éloignement vers un pays donné sans excéder ses pouvoirs.

Absence de décision définitive

Dans le cas présent, la non-admission de M. [S] [Y] dans son pays d’origine ne découle pas d’une décision définitive des autorités de ce pays, ce qui est essentiel pour justifier la poursuite de la rétention.

Les diligences effectuées par l’administration, telles que la demande de routing, sont également prises en compte pour évaluer la possibilité d’éloignement.

L’Essentiel : L’article L 741-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers stipule que le maintien en rétention d’un étranger ne peut être ordonné que si l’obligation de quitter le territoire n’a pas été exécutée. La situation de tentative d’éloignement, notamment après un refus d’embarquer, ne relève pas de cet article. L’article L 741-3 impose à l’administration de rechercher concrètement les diligences pour permettre le départ de l’étranger, limitant ainsi la rétention au temps strictement nécessaire.
Résumé de l’affaire : Un étranger, de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative suite à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Le préfet du Val d’Oise a ordonné son maintien en rétention, décision contestée par l’intéressé, qui a fait appel. L’audience s’est tenue en présence de son avocat, qui a demandé l’infirmation de l’ordonnance initiale, tandis que le représentant du préfet a soutenu la confirmation de cette décision.

L’appelant a fait valoir que l’OQTF avait été exécutée, arguant qu’il n’était pas possible de le maintenir en rétention sur cette base. Cependant, le tribunal a constaté que l’obligation de quitter le territoire n’avait pas été effectivement réalisée, car il n’était pas prouvé que l’étranger avait quitté la France. La situation de tentative d’éloignement, où un individu est raccompagné en rétention après un refus d’embarquer, ne relève pas des dispositions légales permettant de contester la rétention.

Concernant les perspectives d’éloignement, le tribunal a souligné que le juge doit examiner les diligences effectuées par l’administration pour permettre le départ de l’étranger. Il a été noté que des démarches avaient été entreprises, notamment une demande de routing, mais que la non-admission de l’étranger dans son pays d’origine ne résultait pas d’une décision définitive des autorités de ce pays.

En conclusion, le tribunal a confirmé l’ordonnance de maintien en rétention, considérant que les perspectives d’éloignement n’étaient pas caractérisées par un défaut de diligences de l’administration. L’ordonnance a été prononcée en audience publique, et les voies de recours ont été précisées pour l’étranger et son avocat.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la rétention de l’étranger ?

La rétention de l’étranger est fondée sur l’article L 741-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui stipule que l’obligation de quitter le territoire doit être exécutée pour justifier une nouvelle décision de placement en rétention.

Cet article précise que la rétention ne peut être prolongée que si l’étranger n’a pas effectivement quitté le territoire français.

Il est donc essentiel de prouver que l’étranger a quitté le territoire, y compris la zone internationale, pour que la rétention soit considérée comme justifiée.

Quel est le rôle du juge dans l’évaluation des perspectives d’éloignement ?

Le juge de la rétention a pour mission d’analyser les éléments qui pourraient indiquer l’impossibilité d’un éloignement durant la période de rétention, comme le souligne la jurisprudence (1re Civ., 18 novembre 2015, n° 14-29.075).

Il doit également vérifier l’existence de diligences effectives de l’administration pour permettre l’éloignement, conformément à l’article L. 741-3 du code précité.

Cet article impose à l’administration de ne maintenir l’étranger en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, sans imposer des actes sans véritable effectivité.

Quel est l’impact des démarches administratives sur la rétention ?

Les démarches administratives antérieures au placement en rétention n’ont pas d’incidence sur la décision de prolonger la rétention, comme l’indique la jurisprudence (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165).

Il est précisé que l’administration française ne peut pas contraindre les autorités consulaires, ce qui limite l’obligation de réaliser des relances auprès des consulats.

Ainsi, le juge ne peut pas exiger la répétition d’actes déjà accomplis, tels qu’une nouvelle saisine initiale du consulat, si ces actes n’ont pas conduit à un résultat concret.

Quel est le pouvoir du juge judiciaire concernant la légalité de la décision d’éloignement ?

Le juge judiciaire ne peut pas apprécier la légalité de la décision administrative fixant le pays de renvoi, comme le stipule la jurisprudence (1re Civ., 5 décembre 2018, pourvoi n° 17-30.979).

Il doit se limiter à évaluer la perspective raisonnable d’un éloignement à l’issue de la rétention, sans se prononcer sur l’opportunité d’un éloignement vers un pays donné.

Cette restriction vise à éviter que le juge n’excède ses pouvoirs en se mêlant des décisions administratives relatives à l’éloignement.

Quel est le statut de la demande de routing dans le cadre de la rétention ?

La demande de routing présentée auprès de la division nationale de l’éloignement le 26 mars 2025 est un élément important dans l’évaluation des diligences effectuées par l’administration.

Cette demande montre que des efforts sont en cours pour organiser l’éloignement de l’étranger, ce qui contribue à justifier la poursuite de la rétention.

Ainsi, le défaut de perspectives d’éloignement n’est pas caractérisé si des démarches sont en cours pour faciliter le départ de l’étranger.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 31 MARS 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/01700 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CLB3I

Décision déférée : ordonnance rendue le 28 mars 2025, à 11h47, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [S] [Y]

né le 01 octobre 1996 à [Localité 2], de nationalité algérienne

RETENU au centre de rétention : [1]

assisté de Me Funda Iclek, avocat de permanence de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DU VAL D’OISE

représenté par Me Diana Capuano du cabinet Actis, avocat au barreau du Val-de-Marne

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

– Vu l’ordonnance du 28 mars 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant la requête de M. [S] [Y] et ordonnant le maintien de M. [S] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire jusqu’au 08 avril 2025 à 18h47;

– Vu l’appel motivé interjeté le 28 mars 2025, à 17h03, par M. [S] [Y] ;

Sur interrogation de la présidente l’intéressé indique : ‘je comprends bien le français, je ne souhaite pas d’interprète.’

– Après avoir entendu les observations :

– de M. [S] [Y], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet du Val d’Oise tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Sur la poursuite de la rétention

Il est soutenu que l’OQTF a été exécutée et qu’il n’est pas possible de prendre une nouvelle décision de placement en rétention sur la base de cette OQTF au regard de l’article L 741-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Or il ne résulte pas des pièces du dossier que l’obligation de quitter le territoire aurait été exécutée dès lors qu’il n’est pas établi que M. [S] [Y] a effectivement quitté le territoire français en ce comprise la zone internationale. La situation de tentative d’éloignement comme celle qui conduit les retenus à être raccompagnés en rétention après leur refus d’embarquer ne relève pas des dispositions de l’article L741-7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur les perspectives d’éloignement

Ainsi que le relève M. [Y], il appartient au juge de la rétention de procéder à une analyse des éléments dont pourrait résulter l’impossibilité de procéder à un éloignement dans le temps de la rétention (1re Civ., 18 novembre 2015, n° 14-29.075, lre Civ., 14 juin 2023, pourvoi n°22-15.531) même si la recherche d’un pays de retour peut justifier la poursuite de la mesure de rétention (Avis CE, 14 décembre 2015, n° 393591). Dans tous les cas, le juge doit vérifier l’existence de diligences effectives permettant l’éloignement (1re Civ., 23 novembre 2016, n°15-28.375).

S’il importe, en application de l’article L. 741-3 du code précité, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, il n’y a pas lieu d’imposer la réalisation d’actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats, dès lors que l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165, publié). Le constat que des démarches ont été accomplies antérieurement au placement en rétention est à cet égard sans incidence, et il serait artificiel d’imposer la répétition d’actes déjà accomplis, tels qu’une nouvelle saisine initiale du consulat.

Par ailleurs, le juge judiciaire ne peut, sous le couvert d’une appréciation de la perspective raisonnable d’un éloignement à l’issue de la rétention porter une appréciation sur la légalité de la décision ou se prononcer sur l’opportunité d’un éloignement vers un pays donné, et, par suite, sur la légalité de la décision administrative fixant le pays de renvoi, sans excéder ses pouvoirs (1re Civ., 5 décembre 2018, pourvoi n° 17-30.979 ; 1re Civ., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-23.986).

Dans le présent dossier, la non-admission de M. [S] [Y] dans le pays dont il est le ressortissant ne résulte pas d’une décision définitive des autorités de ce pays dont la preuve serait rapportée en procédure.

S’agissant des diligences, une nouvelle demande de routing a été présentée auprès de la division nationale de l’éloignement le 26 mars 2025.

Dans ces conditions, le défaut de perspectives d’éloignement n’est pas caractérisé et il y a lieu de confirmer l’ordonnance.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l’ordonnance,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 31 mars 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé


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