Ressemblances non fortuites entres sites internet

·

·

Ressemblances non fortuites entres sites internet

L’Essentiel : Les similitudes entre sites internet peuvent révéler un parasitisme, même en l’absence de protection par le droit d’auteur. En effet, des éléments tels qu’une charte graphique ou une architecture de site, jugés non originaux, ne suffisent pas à établir une protection. La combinaison d’éléments standards ne traduit pas un effort créatif. Ainsi, si un site concurrent reproduit des choix de mise en page et de design similaires, cela peut constituer une concurrence déloyale, créant un risque de confusion pour les utilisateurs. Les juges peuvent alors évaluer les dommages en fonction des investissements détournés, comme dans le cas d’une somme de 465.000 euros.

Originalité insuffisante

Les éditeurs ne doivent pas désespérer en cas d’absence de protection de leur site par le droit d’auteur, le parasitisme se révèle être un levier juridique intéressant à exploiter.  En l’espèce, le droit d’auteur a été écarté pour absence d’originalité d’un site. Les dispositions de l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.  Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité du seul fait qu’elle constitue une création originale.

Néanmoins lorsque cette protection est contestée en défense, il appartient à celui qui l’invoque d’établir et de caractériser l’originalité de l’oeuvre, qui ressort notamment de partis pris esthétique et de choix arbitraires portant l’empreinte de la personnalité de son auteur. N’ont pas été considérés comme originaux, les éléments suivants :

– une charte graphique, composée de blanc, de bleu et de gris avec des touches d’orange appliquée de manière harmonisée sur l’ensemble du site internet ainsi qu’aux logos ;

– une architecture en zoning (schéma rudimentaire des pages clés d’un site internet et de leur zones principales : menus, logos, textes, moteur de recherche…), donnant l’impression d’un site convivial, jeune et dynamique ;

– une présentation des produits sous forme de listes avec des encarts de couleurs vives pour mettre en avant les « sélections premium » et « sélections quality », un bouton d’achat d’une couleur orange dégradée, des fiches produits complètes, un système de notation des produits.

En effet, la combinaison d’éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d’originalité ne peut manifester un effort créatif que si elle confère à l’oeuvre revendiquée une originalité traduisant un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

Savoir-faire et fonds commun du webdesign

Or en l’espèce, le choix d’utiliser la couleur grise pour la barre de menu, un fond bleu et la couleur orange pour l’annonce des prix relève d’un travail de mise en page d’un site internet sans caractériser des choix arbitraires empreints de la personnalité de leur auteur. Il en est de même du choix de disposer en bas de page d’encadrés sur fond gris comprenant les différents icônes sur lesquels l’utilisateur du site peut cliquer, comme celui de positionner le logo en haut à gauche, la barre de recherche horizontale dans toute la largeur de la page, les listes de produits dans un tableau à colonne comprenant en première colonne un visuel de pneu et en troisième colonne des encarts de couleur sur la nature du pneu, et le fait de proposer l’analyse des produits sur différents critères avec une représentation graphique des notes obtenues dans un cercle.

Tous ces éléments relevant du fonds commun de la mise en page graphique des sites sur internet et révélant un travail technique de graphisme et de mise en page ne caractérisant pas un effort créatif et des choix arbitraires portant l’empreinte de la personnalité de son auteur de nature à lui accorder la protection d’une oeuvre de l’esprit.

Efficacité du parasitisme

Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383 du code civil) que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Selon la formule consacrée, le principe est celui de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit.

Ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs tels que l’emploi de moyens contraires aux usages normaux du commerce et à la probité attendue d’un concurrent visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

En l’espèce, la comparaison des sites en présence montrait que le site concurrent avait choisi de positionner ses logos, ses icones et ses onglet de la même façon avec en sus une reprise d’une charte graphique quasi à l‘identique (orange et noire).

Ces similitudes qui ne pouvaient pas être fortuites et n’étaient pas imposées par la fonctionnalité de l’organisation d’un site qui laisse au contraire à son éditeur un grand choix d’options en matière de mise en page et de choix de couleurs, constituent bien un parasitisme. La présentation  du site concurrent avait bien pour but de créer un risque de confusion pour les internautes sur un  marché concurrentiel de commandes faites exclusivement par internet.

Au vu de la durée des faits de concurrence déloyale constitués par le risque de confusion sur une durée de près de cinq ans auxquels s’ajoutent les agissements déloyaux de publicité comparative illicite ayant détourné des utilisateurs du site et en tenant compte du montant des frais de référencement sur internet dépensés par la société, les juges ont évalué le montant des investissements détournés à la somme de 465.000 euros.

Télécharger 

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que l’originalité dans le contexte du droit d’auteur ?

L’originalité est un critère fondamental pour la protection d’une œuvre par le droit d’auteur, tel que stipulé dans l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle.

Pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit être une création originale, ce qui signifie qu’elle doit refléter un effort créatif et un choix esthétique qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Ainsi, des éléments qui ne présentent pas d’originalité, comme des choix de couleurs ou des mises en page standards, ne peuvent pas être protégés par le droit d’auteur.

En conséquence, la protection d’une œuvre ne peut être invoquée que si l’originalité est clairement établie et caractérisée.

Quels éléments ne sont pas considérés comme originaux ?

Dans le cadre de la protection par le droit d’auteur, plusieurs éléments ont été jugés non originaux.

Par exemple, une charte graphique utilisant des couleurs comme le blanc, le bleu et le gris, avec des touches d’orange, a été considérée comme une combinaison standard sans originalité.

De même, une architecture en zoning, qui est un schéma rudimentaire des pages clés d’un site, a été jugée trop commune pour revendiquer une protection.

Enfin, la présentation des produits sous forme de listes avec des encarts colorés et un bouton d’achat dégradé n’a pas été considérée comme un effort créatif suffisant pour établir l’originalité.

Comment le savoir-faire influence-t-il la protection des œuvres ?

Le savoir-faire dans le design et la mise en page d’un site internet joue un rôle déterminant dans la détermination de l’originalité.

Les choix techniques, comme l’utilisation de couleurs spécifiques pour des éléments de navigation ou la disposition des icônes, sont souvent considérés comme des pratiques standards dans le domaine du webdesign.

Ces choix ne sont pas nécessairement empreints de la personnalité de l’auteur et relèvent plutôt d’un fonds commun de mise en page.

Ainsi, même si un site peut être esthétiquement plaisant, cela ne garantit pas qu’il soit protégé par le droit d’auteur si les éléments utilisés sont jugés trop conventionnels.

Qu’est-ce que le parasitisme dans le contexte juridique ?

Le parasitisme est un concept juridique qui se réfère à l’exploitation des efforts et des investissements d’autrui sans compensation.

Selon les articles 1240 et 1241 du code civil, une personne peut être tenue responsable des dommages causés à autrui par sa négligence ou son imprudence.

Dans le cadre de la concurrence déloyale, le parasitisme se manifeste lorsque des comportements fautifs, comme la reproduction d’éléments d’un site concurrent, créent un risque de confusion pour les consommateurs.

Cela peut inclure des similitudes dans la charte graphique ou la mise en page qui ne sont pas justifiées par la fonctionnalité du site.

Comment les juges évaluent-ils les cas de concurrence déloyale ?

Les juges évaluent les cas de concurrence déloyale en examinant les similitudes entre les sites en question et en déterminant si ces similitudes sont fortuites ou intentionnelles.

Dans l’affaire mentionnée, le site concurrent avait reproduit des éléments de mise en page et de charte graphique de manière quasi identique, ce qui a été interprété comme un acte de parasitisme.

Les juges prennent également en compte la durée des actes de concurrence déloyale et les investissements réalisés par la partie lésée.

Dans ce cas, les juges ont évalué les investissements détournés à 465.000 euros, tenant compte des frais de référencement et des efforts de marketing déployés par la société lésée.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon