Responsabilité d’un voyagiste en cas de défaillance lors d’un séjour à l’étranger

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Responsabilité d’un voyagiste en cas de défaillance lors d’un séjour à l’étranger

L’Essentiel : Madame [N] [B] a participé à un voyage linguistique à Malte du 15 juillet au 3 août 2019. Le 27 juillet, elle a ressenti une faiblesse physique lors d’un festival de musique, nécessitant son retour à l’hébergement. Son état ne s’étant pas amélioré, elle a été hospitalisée le 3 août et rapatriée en France le 12 août. À son retour, des symptômes inquiétants l’ont conduite à consulter plusieurs établissements de santé. Le 19 novembre 2019, elle a assigné EF EDUCATION pour obtenir une expertise médicale, suivie d’une demande d’indemnisation en février 2021, contestée par la société.

Contexte du Voyage Linguistique

Madame [N] [B] a signé un contrat avec la société EF EDUCATION pour un voyage linguistique à Malte, qui s’est déroulé du 15 juillet au 3 août 2019.

Événements survenus à Malte

Le 27 juillet, [N] [B] a assisté à un festival de musique où elle a commencé à ressentir une faiblesse physique significative, l’amenant à retourner à son hébergement. Le jour de son retour prévu en France, son état ne s’étant pas amélioré, elle a été hospitalisée le 3 août et est restée à l’hôpital jusqu’au 12 août, date à laquelle elle a été rapatriée en France.

Conséquences à son Retour

De retour chez elle, [N] [B] a présenté divers symptômes qui ont conduit sa mère à l’emmener en urgence dans plusieurs établissements de santé, y compris un centre psychiatrique.

Procédure Judiciaire

Le 19 novembre 2019, [N] [B] a assigné EF EDUCATION devant le juge des référés pour demander une expertise médicale. Le rapport d’expertise, déposé le 23 octobre 2020, a révélé des antécédents psychiatriques stabilisés et des souffrances endurées, sans déficit fonctionnel permanent.

Demande d’Indemnisation

Considérant que l’organisateur du séjour avait failli à ses obligations, [N] [B] a assigné EF EDUCATION pour obtenir une indemnisation de son préjudice le 19 février 2021. La société a contesté toute responsabilité dans cette affaire.

Évolution de la Procédure

Après plusieurs renvois pour permettre à la demanderesse de répondre, le juge a ordonné la radiation de l’affaire le 29 novembre 2022. [N] [B] a demandé la réinscription au rôle le 16 avril 2024, et l’affaire a été mise en délibéré après l’audience du 14 novembre 2024.

Demandes des Parties

Dans ses conclusions, [N] [B] a demandé la reconnaissance de la responsabilité d’EF EDUCATION et une indemnisation totale de 18.785 €, tandis qu’EF EDUCATION a demandé le rejet des demandes de [N] [B].

Analyse de la Responsabilité

Le tribunal a examiné la responsabilité d’EF EDUCATION selon l’article L 211-16 du Code du Tourisme, qui impose une obligation de sécurité au voyagiste. Cependant, cette obligation ne couvre pas le rapatriement en cas de maladie. [N] [B] a soutenu que la société avait failli à son devoir de prise en charge, tandis qu’EF EDUCATION a contesté cette affirmation.

Décision du Tribunal

Le tribunal a conclu que [N] [B] n’avait pas prouvé la faute d’EF EDUCATION ni le lien de causalité avec son préjudice. En conséquence, elle a été déboutée de ses demandes et condamnée à payer 500 euros à EF EDUCATION au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de la SARL EF EDUCATION en vertu de l’article L211-16 du Code du Tourisme ?

La responsabilité de la SARL EF EDUCATION est régie par l’article L211-16 du Code du Tourisme, qui stipule que :

« Le professionnel qui vend un forfait touristique est responsable de plein droit de l’exécution des services prévus par le contrat. Il peut néanmoins être exonéré de tout ou partie de sa responsabilité en prouvant que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables. »

Dans cette affaire, [N] [B] soutient que la société EF EDUCATION a été défaillante dans sa prise en charge, ce qui constituerait une violation de son obligation de sécurité.

Cependant, il est important de noter que cette obligation de sécurité ne couvre pas le rapatriement, qui n’est pas de la responsabilité de l’organisateur de voyage.

La société EF EDUCATION a contesté toute faute, arguant que [N] [B] n’a pas prouvé de lien de causalité entre son état de santé et une éventuelle négligence de leur part.

Ainsi, la question de la responsabilité se pose dans le cadre de l’exécution des services prévus par le contrat, et il appartient à la demanderesse de prouver la faute de l’organisateur.

Quels sont les éléments à prouver pour établir la faute de l’organisateur de voyage ?

Pour établir la faute de l’organisateur de voyage, il est nécessaire de prouver plusieurs éléments, notamment :

1. L’existence d’une obligation de sécurité : Comme mentionné précédemment, l’article L211-16 impose une obligation de sécurité à l’organisateur de voyage.

2. La caractérisation de la faute : La demanderesse doit démontrer que l’organisateur a manqué à cette obligation. Cela implique de prouver que la société EF EDUCATION n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et le bien-être de [N] [B] durant son séjour.

3. Le lien de causalité : Il est essentiel de prouver que la faute alléguée a directement causé le préjudice subi par la victime.

Dans le cas présent, la société EF EDUCATION a soutenu que [N] [B] avait des antécédents médicaux et que sa mère, médecin, n’avait pas jugé nécessaire d’intervenir.

Cela soulève la question de savoir si la société a effectivement manqué à son obligation de sécurité ou si le préjudice est imputable à des facteurs extérieurs.

Comment le tribunal a-t-il évalué la demande d’indemnisation de [N] [B] ?

Le tribunal a évalué la demande d’indemnisation de [N] [B] en tenant compte des éléments suivants :

1. Le rapport d’expertise : Le rapport du Dr [I] [T] a mis en évidence des antécédents psychiatriques stabilisés au moment du voyage, ainsi qu’une absence de déficit fonctionnel permanent.

2. Les souffrances endurées : L’expert a estimé les souffrances endurées à 4/7, mais cela ne suffit pas à établir la responsabilité de la société EF EDUCATION.

3. L’absence de preuve de faute : Le tribunal a noté que [N] [B] n’a pas fourni d’éléments probants pour démontrer que la société avait agi de manière fautive ou négligente.

En conséquence, le tribunal a débouté [N] [B] de ses demandes d’indemnisation, considérant qu’elle n’avait pas établi la responsabilité de la société EF EDUCATION dans la survenance de son préjudice.

Quelles sont les implications des frais de justice dans cette affaire ?

Les implications des frais de justice dans cette affaire sont régies par l’article 700 du Code de Procédure Civile, qui stipule que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a condamné [N] [B] à payer à la SARL EF EDUCATION la somme de 500 euros au titre de l’article 700, en raison de sa position de partie perdante.

De plus, [N] [B] a été condamnée aux dépens, ce qui inclut les frais d’expertise.

Cela souligne l’importance de la préparation et de la présentation des preuves dans une procédure judiciaire, car une partie qui échoue à établir sa demande peut se voir contrainte de supporter les frais de l’autre partie.

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 Janvier 2025
61B

RG n° N° RG 21/01475 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VG6A

Minute n°

AFFAIRE :

[N] [B]
C/
S.A.R.L. EF EDUCATION

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL CADIOT-FEIDT
Me Jean-jacques DAHAN

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Rebecca DREYFUS, juge,
statuant en juge Unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.

DÉBATS :

à l’audience publique du 14 Novembre 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [N] [B]
née le [Date naissance 1] 1998 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Jean-jacques DAHAN, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE

S.A.R.L. EF EDUCATION prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Anne CADIOT-FEIDT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame [N] [B] a conclu un contrat aux fins de voyage linguistique à Malte avec la société EF EDUCATION, voyage s’étant réalisé entre le 15 juillet 2019 et le 03 août 2019.

Le 27 juillet, [N] [B] a participé à un festival de musique, durant lequel elle a commencé à présenter une faiblesse physique importante, la conduisant à retourner à son hébergement.

Le jour de son retour prévu en France, le 03 août, son état ne s’étant pas amélioré, elle a été conduite à l’hôpital [8], d’où elle est ressortie le 04 août. Devant la persistance de ses symptômes, elle y est retournée et y a été admise jusqu’au 12 août, date à laquelle elle a pu reprendre un avion pour la France dans le cadre d’un rapatriement sanitaire.

De retour à son domicile, [N] [B] a présenté divers symptômes conduisant sa mère à la conduire en urgence au centre hospitalier [7] puis au centre hospitalier [6], ce dernier étant un établissement pour soins psychiatriques.

Par acte du 19 novembre 2019, [N] [B] a assigné la SARL EF EDUCATION devant le juge des référés afin de voir ordonner une expertise médicale. Par ordonnance du06 janvier 2020, il a été fait droit à cette demande avec désignation du Dr [I] [T], expert psychiatre près la cour d’appel de Bordeaux. Celui-ci a déposé son rapport définitif le 23/10/2020, qui a mis en exergue des antécédents psychiatriques stabilisés au moment de son voyage à Malte, ainsi qu’une absence de déficit fonctionnel permanent mais des souffrances endurées estimées à 4/7.

Considérant que l’organisateur du séjour, EF EDUCATION, avait été défaillant dans sa prise en charge, elle a assigné cet organisme aux fins d’indemnisation de son préjudice par acte d’huissier en date du 19 février 2021.

La société EF EDUCATION a formulé des conclusions en réponse, rejetant toute responsabilité dans les griefs formulés par la demanderesse.

Suite à trois renvois successifs à la mise en état aux fins de permettre à la demanderesse de répondre, et sans information de sa part, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance de radiation le 29 novembre 2022.

Par conclusions déposées au greffe le 16 avril 2024, la demanderesse a demandé la réinscription au rôle.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 14 novembre 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 16 avril 2024, Mme [B] demande au tribunal de :
Vu l’article L211-16 du Code du Tourisme,
Vu la Jurisprudence,
Vu le rapport d’expertise,
DIRE ET JUGER que la SARL EF EDUCATION est responsable du préjudice subi par Mademoiselle [B].
CONDAMNER la SARL EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [B], les sommes correspondant à la réparation des préjudices tels qu’évalués par l’Expert à savoir
ITT : 1.475 € Souffrances endurées : 10.000€ Préjudice d’agrément : 2.000€ Préjudice économique : 5.310€ Soit la somme totale de 18.785 €.
CONDAMNER solidairement la SARL EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [B], la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Dans ses conclusions notifiées par moyen électronique le 20 septembre 2021, la société EF EDUCATION demande au tribunal de :
DIRE et JUGER que la société EF INTENATIONAL n’a commis aucune faute
DEBOUTER Mademoiselle [N] [B] de toutes ses demandes
Très subsidiairement, les ramener à de plus justes proportions.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la SARL EF EDUCATION

L’article L 211-16 du code du tourisme prévoit une responsabilité de plein droit du professionnel qui vend un forfait touristique quant à l’exécution des services prévus par ce contrat. Il peut néanmoins être exonéré de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.

Cette obligation de sécurité ne concerne pas le rapatriement, puisqu’il n’appartient pas à l’organisateur de voyage d’assurer celui-ci à l’égard des participants, que ce soit en cas de maladie ou d’accident déclaré au cours du voyage.

En demande, [N] [B] estime que le voyagiste EF EDUCATION a été défaillant à son égard, ce qu’elle estime caractérisé par une absence de prise en charge. Elle fait notamment valoir que la société ne s’est pas préoccupée de son sort, la laissant seule à l’hôpital, voire se montrant « menaçante » à son égard, ce qui a entraîné un isolement ayant conduit à sa décompensation psychique une fois rentrée à son domicile. Ainsi, [N] [B] estime que la société EF EDUCATION a commis une faute dans l’exécution de son obligation de sécurité à son égard.

En défense, la société EF EDUCATION fait valoir que la requérante n’établit ni faute ni lien de causalité avec le préjudice qu’elle dénonce. Elle souligne que [N] [B] a des antécédents sur le plan de la santé dont elle n’a jamais été informée, mais que sa propre mère, médecin, n’a pas été inquiétée par l’état de santé présenté par sa fille, qui l’en a informé à distance.

Les deux parties évoquent également des faits qui ne sont ni justifiés ni prouvés :
[N] [B] pour souligner le prétendu désintéressement total de EF EDUCATION à son égardEF EDUCATION pour assurer au contraire de ses diligences sur place mais également pour tenir informés les parents de [N] [B]
Sur ce, il appartient au requérant de qualifier et de caractériser la faute de son co-contractant dans l’exécution de son obligation. Si l’obligation de sécurité existe bel et bien dans le contrat conclu avec un voyagiste, celle-ci constitue une obligation de moyen et non de résultat. Le fait de contracter une maladie aussi courante que la gastro-entérite ne saurait constituer en soit un manquement à cette obligation de sécurité. De surcroît, malgré des conclusions en défense, contestant totalement l’absence de prise en charge et d’attention portée à [N] [B] à la fin du séjour maltais, la requérante n’a fourni aucun élément nouveau venant au soutien de ses affirmations.

En conséquence, [N] [B] échoue à démontrer en quoi la société EF EDUCATION aurait eu un comportement fautif à son égard dans l’exécution de son contrat, faute qui aurait de surcroît généré son préjudice, majoritairement composé des conséquences de la décompensation psychique dont elle a fait l’objet à son retour en France. La société EF EDUCATION ne saurait être tenue pour responsable d’une prise en charge médicale qui ne relève manifestement pas ni de sa compétence, ni de son champ d’action.

[N] [B] sera donc déboutée de ses demandes.

Sur les frais du procès

Succombant à la procédure, [N] [B] sera condamnée aux dépens dans lesquels sont inclus les frais de l’expertise judiciaire.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société EF EDUCATION les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner [N] [B] à une indemnité en sa faveur d’un montant de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

DEBOUTE [N] [B] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE [N] [B] à payer à la SARL EF EDUCATION la somme de 500 euros au titre de l’article au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [N] [B] aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise ;

Le jugement a été signé par Rebecca DREYFUS, président, et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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