Responsabilité et prescription : enjeux d’une reconnaissance de faute inexcusable en milieu professionnel.

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Responsabilité et prescription : enjeux d’une reconnaissance de faute inexcusable en milieu professionnel.

Prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable

La prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par l’article L 431-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.

En cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription de deux ans est interrompue par l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.

Dans le cas présent, la consolidation de l’état de santé de M. [T] a été fixée au 1er février 2018, et il a saisi la CPAM d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable le 12 octobre 2020. La cour a retenu que le point de départ de la prescription était le 2 février 2018, date à laquelle les indemnités journalières ont cessé d’être versées, rendant ainsi l’action de M. [T] prescrite et irrecevable.

Responsabilité de l’employeur et faute inexcusable

La responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail est encadrée par les articles L 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, qui prévoient que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés. En cas de manquement à cette obligation, il peut être reconnu coupable de faute inexcusable.

La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait connaissance du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses salariés. Dans cette affaire, l’absence de protecteur sur la lame de la scie circulaire a été mise en avant comme une violation manifeste de l’obligation de sécurité, entraînant la reconnaissance de la responsabilité de la société utilisatrice.

Indemnisation des préjudices

L’indemnisation des préjudices subis par la victime d’un accident du travail est régie par l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, qui énumère les différents chefs de préjudice pouvant donner lieu à réparation, tels que les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, et le préjudice d’agrément.

La cour a également précisé que la CPAM doit avancer les sommes allouées à la victime au titre de la majoration de la rente et des préjudices personnels, conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l’article L 452-3, afin d’éviter une nouvelle procédure pour obtenir un titre exécutoire.

Frais irrépétibles et article 700 du Code de procédure civile

Les frais irrépétibles, tels que prévus par l’article 700 du Code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la procédure. Dans cette affaire, la cour a débouté les parties de leurs demandes respectives en application de cet article, considérant qu’il n’était pas inéquitable de les condamner aux dépens.

L’Essentiel : La prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est de deux ans à compter de l’accident ou de la cessation des indemnités. Dans le cas de M. [T], la consolidation de son état de santé a été fixée au 1er février 2018, et sa demande a été faite le 12 octobre 2020, rendant son action prescrite. La responsabilité de l’employeur est engagée en cas de manquement à son obligation de sécurité, comme l’absence de protecteur sur une scie circulaire.
Résumé de l’affaire : Le 11 juillet 2016, un salarié intérimaire, exerçant en tant que menuisier bois, a subi un accident du travail alors qu’il était mis à disposition par une société de travail temporaire à une société utilisatrice. L’accident s’est produit lors de l’utilisation d’une scie circulaire, entraînant des blessures graves à sa main gauche. La déclaration d’accident faite par l’employeur principal a mentionné une coupure profonde, et un certificat médical a confirmé les blessures.

Une enquête de l’inspection du travail a révélé l’absence de dispositifs de protection sur la scie, en violation des normes de sécurité. La Caisse primaire d’assurance-maladie a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. En avril 2017, un tribunal correctionnel a reconnu le gérant de la société utilisatrice coupable de blessures involontaires et a condamné cette société à une amende, tout en la tenant responsable des préjudices subis par le salarié.

L’état de santé du salarié a été consolidé en février 2018, et il a reçu une rente d’incapacité permanente partielle. En octobre 2020, il a demandé la reconnaissance d’une faute inexcusable des deux sociétés impliquées. Après une tentative de conciliation infructueuse, il a saisi le tribunal en mars 2021. Cependant, le tribunal a déclaré son action irrecevable en raison de la prescription, ce qui a été confirmé par un jugement en décembre 2022.

Le salarié a interjeté appel de cette décision, demandant la reconnaissance de la faute inexcusable et une réévaluation de ses préjudices. Les sociétés impliquées ont contesté la recevabilité de l’action, arguant que la prescription était applicable. L’affaire a été fixée pour plaidoirie en janvier 2025, tandis que les parties ont formulé diverses demandes concernant les préjudices et les frais.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable ?

L’article L 431-2 du code de la sécurité sociale stipule que « les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à compter notamment du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière. »

Cette prescription peut être interrompue en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Dans ce cas, l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident interrompt la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire.

Dans cette affaire, la consolidation de l’état de santé de la victime a été fixée au 1er février 2018. La demande de reconnaissance de faute inexcusable a été faite le 12 octobre 2020. Cependant, la cour a retenu que le point de départ de la prescription était le 2 février 2018, ce qui a conduit à la déclaration de l’irrecevabilité de l’action.

Quel est l’impact de la consolidation de l’état de santé sur la prescription ?

La consolidation de l’état de santé de la victime est un élément déterminant pour le début de la prescription. Selon l’article L 431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription commence à courir à compter de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.

Dans le cas présent, la cour a constaté que la consolidation de l’état de santé de la victime a été déclarée le 1er février 2018. Cela signifie que, à partir de cette date, la prescription de deux ans a commencé à courir. La demande de reconnaissance de faute inexcusable, introduite le 12 octobre 2020, est donc intervenue après l’expiration de ce délai, rendant l’action irrecevable.

Quel est le rôle de la CPAM dans la reconnaissance de la faute inexcusable ?

La Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) joue un rôle crucial dans le cadre des accidents du travail. En vertu de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, la CPAM peut être amenée à reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, ce qui a des conséquences sur le droit à des prestations complémentaires pour la victime.

Dans cette affaire, la CPAM a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. Si la cour reconnaît la faute inexcusable de l’employeur, la CPAM peut alors demander le remboursement des sommes versées à la victime, y compris la majoration de la rente et les frais d’expertise, conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l’article L 452-3.

Quel est le principe de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais irrépétibles engagés dans le cadre d’une procédure. Cet article stipule que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la cour a débouté la victime, la CPAM et la société utilisatrice de leurs demandes respectives formées en application de cet article. La cour a jugé qu’il n’était pas inéquitable de ne pas allouer de somme au titre de l’article 700, compte tenu de la décision rendue et des circonstances de l’affaire.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 20 MARS 2025

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 23/00221 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCHX

Monsieur [V] [T]

c/

S.A.S. [7]

Société [4]

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 décembre 2022 (R.G. n°21/00280) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 13 janvier 2023.

APPELANT :

Monsieur [V] [T]

né le 13 Septembre 1991 à [Localité 5]

de nationalité Tunisienne

demeurant [Adresse 2]

assisté de Me Mathilde FORTABAT substituant Me Emmanuelle DECIMA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.A.S. [7] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

assistée de Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Société [4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

assistée de Me Marie BONNET substituant Me Mathieu BONNET-LAMBERT, avocat au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]

assistée de Me Lou-Andréa VIENOT substituant Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2025, en audience publique, devant Madame Marie-Hélène Diximier, Présidente magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Hélène Diximier, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCEDURE

Le 11 juillet 2016, M. [V] [T] ( salarié), travailleur temporaire en qualité de menuisier bois, a été victime d’un accident du travail, alors qu’il était salarié intérimaire de la SAS [7], (l’employeur principal), mis à disposition de la SARL [4] du 11 juillet au 22 juillet 2016 (la société utilisatrice).

Le même jour, la société [7] a complété une déclaration d’accident du travail mentionnant : ‘ Selon les dires de l’employeur, la victime coupait du bois avec un combiné scie circulaire. La victime poussait le morceau de bois lorsque sa main est entrée en contact avec la lame de la scie circulaire. Main gauche (majeur, index, pouce). Coupure profonde (amputation ‘)’.

Le certificat initial établi le même jour par le docteur [P] [B] mentionnait ‘ plaies des 1, 2 et 3e doigt main gauche’.

Une enquête établie par l’inspecteur du travail a montré une absence de ‘protecteur sur la lame de scie circulaire malgré la réglementation en la matière’.

Le 20 juillet 2016, la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Gironde a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle.

Par jugement du 3 avril 2017, le tribunal correctionnel de Bordeaux a notamment :

– reconnu le gérant de la Société utilisatrice, [4], coupable de blessures involontaires n’excédant pas 3 mois d’ITT par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ;

– condamné la Société [4] à une peine de 5 000 € d’amende ;

– reconnu la Société [4] responsable du préjudice de M. [T].

L’état de santé du salarié a été déclaré consolidé le 1er février 2018.

Le 2 février 2018, la CPAM lui a accordé un taux d’incapacité permanente partielle fixée à 16 % et une rente trimestrielle d’un montant de 366,73 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 octobre 2020, M.[T] a adressé à la CPAM une demande de reconnaissance de faute inexcusable imputable aux sociétés [7] et [4].

A défaut de conciliation, il a saisi, aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable des sociétés [7] et [4], par requête en date du 9 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux lequel par jugement du 15 décembre 2022, a :

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [T] en reconnaissance de la faute inexcusable dirigée contre la SARL [4] et la SAS [7] ;

– débouté la SARL [4] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

Le 13 janvier 2023, par courrier, M. [T] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable comme prescrite son action en reconnaissance de la faute inexcusable dirigée contre la SAR [4] et la SAS [7] ;

– dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

L’affaire a été fixée à l’audience du 23 janvier 2025 pour être plaidée.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 novembre 2023 et reprises oralement à l’audience, M. [T] demande à la cour de:

– réformer la décision attaquée en ce qu’elle a déclaré prescrite son action et a ordonné la conservation des dépens respectifs à chacune des parties;

– statuant à nouveau :

– juger qu’il est recevable et bien fondé en son action;

– lui donner acte de la faute inexcusable commise par la société [4] et la société [7] ;

– la juger en lien direct et exclusif avec les blessures qu’il a subies,

– en conséquence,

– l’admettre au bénéfice d’une rente accident du travail majoré;

– ordonner une expertise médicale aux fins d’évaluer ses différents postes de préjudices avec mission habituelle en ce compris le déficit fonctionnel

permanent;

– lui allouer la somme de 10 000 euros à titre provisionnel à valoir sur la liquidation finale de son préjudice;

– renvoyer l’affaire à une audience ultérieure aux fins de procéder à la liquidation de sonpréjudice,

– lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. ‘

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 janvier 2025 et reprises oralement à l’audience, la société [7] à la cour de :

– à titre principal,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action introduite par M. [T];

– à titre subsidiaire,

– juger qu’en tant qu’entreprise de travail temporaire, elle n’a commis aucune faute inexcusable à l’origine de l’accident dont a été victime M. [T] ;

– en conséquence,

– débouter M. [T] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l’origine de l’accident dont il a été victime le 11 juillet 2016;

– à titre infiniment subsidiaire,

– déclarer que si une faute inexcusable a été commise, elle l’a été par la société utilisatrice [4];

– en conséquence,

– condamner la société [4] à la relever et la garantir de l’ensemble des conséquences financières résultant de la reconnaissance d’une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont a été victime M. [T], ainsi que de l’ensemble des condamnations prononcées tant en principal, intérêts et frais, qu’au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– ordonner une expertise de nature à statuer sur les préjudices subis par Monsieur M. [T] et conforme aux dispositions de l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale;

– juger que la CPAM doit faire l’avance des sommes allouées à la victime au titre de la majoration du capital et des préjudices personnels ainsi que l’avance des frais d’expertise.’

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mai 2024 et reprises oralement à l’audience, la société [4] demande à la cour de :

– déclarer M. [T] recevable mais mal fondé en son appel ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré M.[T] irrecevable en ses demandes en raison de la prescription de son action;

– à titre subsidiaire et en tant que de besoin,

– condamner la société [7] à la relever indemne de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et, à défaut ;

– retenir une responsabilité partagée entre les sociétés [7] et [4];

– à titre infiniment subsidiaire,

– débouter M. [T] et la société [7] de toutes demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre en l’absence de faute inexcusable caractérisée;

– lui donner acte de ce que, sous les plus expresses réserves de fait et de droit et sans aucune reconnaissance de responsabilité, elle ne s’oppose pas à la désignation de tel expert judiciaire qu’il plaira et qui recevra la mission habituelle en pareil matière;

– limiter la mission de l’expert qui serait désigné au chiffrage des préjudices suivants :

* les souffrances physiques et morales endurées

* les préjudices esthétiques et d’agrément

* le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle

* les frais d’adaptation du logement ou du véhicule au handicap

* le déficit fonctionnel temporaire

* le préjudice sexuel

* le préjudice d’établissement

– en tout état de cause,

– condamner M.[T], ou à défaut toute partie perdante au procès, à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 avril 2024 et reprises oralement à l’audience, la CPAM de la Gironde demande à la cour

de :

– la recevoir en ses demandes et l’en déclarer bien fondée,

– à titre principal :

– confirmer le jugement,

– à titre subsidaire et en cas d’infirmation du jugement,

– statuer ce que de droit sur l’appel interjeté par M. [T];

– si la cour jugeait que l’accident de travail, dont a été reconnu victime M. [T], était due à la « faute inexcusable » de l’employeur,

– juger également qu’elle est bien fondée dans son action contre l’employeur;

– d’une part, préciser le quantum de la majoration de la rente à allouer à M. [T]en tenant compte de la gravité de la faute commise et non du préjudice subi, d’autre part, limiter le montant des sommes à allouer à M. [T] :

* aux chefs de préjudices énumérés à l’article L. 452.3 (1er alinéa) du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle;

* ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du code de la Sécurité sociale le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire et permanent, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement;

* conformément aux dispositions du 3ème alinéa de ce même texte, elle assurera l’avance des sommes ainsi allouées que la SAS [7] sera condamnée à lui rembourser :

¿ la majoration de la rente telle qu’elle sera calculée et notifiée par la Caisse,

¿ les sommes dont la Caisse aura l’obligation de faire l’avance,

¿ et les frais d’expertise,

– et ce, afin d’éviter une nouvelle procédure en vue d’obtenir un titre exécutoire;

– condamner la partie succombante au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l’audience conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

I – SUR LA RECEVABILITÉ DE L’ACTION DE M. [T]

Moyens des parties :

En application de l’article L 431-2 du code de la sécurité sociale, M.[T] soutient en substance qu’il a perçu des indemnités journalières jusqu’au 31 décembre 2018 et que de ce fait, son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur est recevable.

Il verse à l’appui de ses allégations, en pièce 4 de son dossier, le relevé que lui a adressé la CPAM de la Gironde au titre des ‘indemnités accident du travail’ qu’il a perçues pour l’année 2018.

En réponse, en invoquant l’article L 431-2 du code de la sécurité sociale, la CPAM, la SAS [7] et la SARL [4] objectent pour l’essentiel que l’action de M.[T] est prescrite dans la mesure où la prescription avait commencé à courir à compter du 1 er février 2018.

Réponse de la cour

Sur le fondement de l’article L 431-2 du code de la sécurité sociale pris dans sa version applicable à l’espèce, ‘ les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à compter notamment du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.

Toutefois, en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par notamment l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.

Au cas particulier, il résulte des pièces versées au dossier :

– que la consolidation de l’état de santé de M.[T] a été fixée au 1 er février 2018,

– que M.[T] a saisi la CPAM d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur le 12 octobre 2020.

Cependant, contrairement à ce que soutient M.[T], au vu des dispositions sus – rappelées et des pièces produites, le point de départ de la prescription est le 2 février 2018.

En effet, seules les pièces produites par la CPAM aux débats sous le numéro 8 intitulées: – ‘ attestation de paiement des indemnités journalières période du 01/01/2018 au 31/12/2018″ ,

– ‘ attestation de paiement des indemnités journalières période du 01/01/2019 au 31/12/2019″,

– ‘ attestation de paiement des indemnités journalières période du 01/01/2020 au 31/12/2020″,

– ‘ attestation de paiement des indemnités journalières période du 01/01/2021 au 31/12/2021  »

doivent être retenues dans la mesure où celle de la période du 01/01/2018 au 31/12/2018 vise expressément ‘ accident du travail du 11/7/2016 : paiement du 01/01/2018 au 31/12/2018 : 32 jours à 38, 76€ soit 1240, 32€ …’ alors que la pièce 4 produite par l’assuré ne vise que ‘ les indemnités accident du travail’ perçues au titre de 2018 sans préciser s’il s’agit d’indemnités journalières perçues au titre de l’accident du travail du 11 juillet 2016 et surtout sans mentionner si ces sommes concernent exclusivement l’indemnisation de jours de 2018 ou si elles incluent le paiement d’indemnités relatives à la période du mois de décembre 2017.

L’absence de production par M.[T] de tout élément permettant de vérifier que les paiements d’indemnités journalières se sont poursuivis au – delà de février 2018 confirme que le versement des indemnités journalières s’est arrêté au 1 er février 2018, date de la consolidation de son état de santé.

En conséquence, comme la prescription biennale a commencé à courir le 1 er février 2018 et comme l’assuré n’a saisi le pôle social du tribunal judiciaire que par requête du 9 mars 2021, l’action de M.[T] est prescrite et de ce fait irrecevable.

II – SUR LES DEPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES :

Les dépens d’appel doivent être supportés par M.[T] qui succombe dans ses prétentions.

*

Il n’est pas inéquitable de débouter les parties – M.[T], la CPAM et la SARL [4] – de leurs demandes respectives formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 15 décembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M.[T] aux dépens,

Déboute M.[T], la CPAM de la Gironde et la SARL [4] de leurs demandes respectives formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Hélène Diximier, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud MH.Diximier


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