Responsabilité d’un établissement de soins en cas d’infection nosocomiale : enjeux d’indemnisation et de garantie d’assurance.

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Responsabilité d’un établissement de soins en cas d’infection nosocomiale : enjeux d’indemnisation et de garantie d’assurance.

Responsabilité des établissements de soins

Les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère, conformément à l’article L1142-1 du Code de la santé publique. Cette responsabilité est engagée lorsque le dommage est survenu dans le cadre d’une intervention médicale, comme le stipule l’article L1142-1 alinéa 2, qui précise que les établissements de santé doivent prouver qu’une cause étrangère a conduit à l’infection pour échapper à leur responsabilité.

Droit d’action directe contre l’assureur

Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, selon l’article L124-3 du Code des assurances. Cette disposition permet à M. [O] d’agir directement contre la société MMA IARD, assureur du centre médico-chirurgical [10], pour obtenir réparation des préjudices subis en raison de l’infection nosocomiale contractée.

Prescription des actions en responsabilité

Les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance, conformément à l’article L114-1 du Code des assurances. De plus, l’article L251-2 alinéa 3 précise que tout contrat d’assurance conclu en application de l’article L1142-2 garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, indépendamment de la date des autres éléments constitutifs du sinistre.

Obligation de déclaration de créance en cas de liquidation judiciaire

En cas de liquidation judiciaire, les créanciers doivent déclarer leur créance auprès du mandataire liquidateur, comme le stipulent les articles L622-21 et L622-22 du Code de commerce. Ces articles précisent que toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent est interrompue jusqu’à ce que le créancier ait procédé à cette déclaration, ce qui est essentiel pour la recevabilité de toute demande d’indemnisation.

Conditions de la garantie d’assurance

La garantie d’assurance s’applique aux conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant la période de validité du contrat, comme le précise l’article 9 des conventions spéciales n°869b. Cette garantie s’étend également aux sinistres dont la première réclamation est formulée dans un délai de cinq ans suivant la date d’expiration ou de résiliation des garanties, ce qui est pertinent pour déterminer si M. [O] a respecté les délais pour faire valoir ses droits contre l’assureur.

L’Essentiel : Les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf preuve d’une cause étrangère. Cette responsabilité est engagée lors d’une intervention médicale. Le tiers lésé peut agir directement contre l’assureur garantissant la responsabilité civile. Les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement. En cas de liquidation judiciaire, les créanciers doivent déclarer leur créance auprès du mandataire liquidateur. La garantie d’assurance s’applique aux sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant la période de validité du contrat.
Résumé de l’affaire : Le 7 janvier 2001, un patient a subi une luxation du poignet droit après une chute dans des escaliers. Transporté au centre médico-chirurgical [10], il a été opéré le jour même par un médecin. Suite à l’opération, le patient a continué à ressentir des douleurs nocturnes et a consulté son médecin, qui a prescrit un examen bactériologique. Ce dernier a révélé une infection à staphylococcus aureus, entraînant une nouvelle opération en mars 2001. Les douleurs persistantes ont conduit le patient à consulter un autre médecin en mai 2001, qui a également constaté une infection.

En janvier 2004, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre du centre médico-chirurgical [10]. En mars 2012, le patient a saisi la Commission de Conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, mais sa demande a été rejetée, car l’acte médical incriminé avait eu lieu avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’indemnisation des infections nosocomiales. Par la suite, le patient a assigné le centre médico-chirurgical, le centre hospitalier, les médecins impliqués, ainsi que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et l’assureur du médecin, devant le tribunal de grande instance.

Le tribunal a débouté le patient de ses demandes en raison de l’irrecevabilité de ses demandes contre le centre médico-chirurgical, car il n’avait pas déclaré sa créance au liquidateur. En 2021, le patient a interjeté appel, demandant la reconnaissance de la responsabilité du centre médico-chirurgical pour l’infection nosocomiale. La cour a finalement déclaré le centre responsable et a confirmé que le patient pouvait agir contre l’assureur, la société MMA IARD, pour obtenir réparation des préjudices subis. Toutefois, le tribunal a également condamné le patient aux dépens, y compris les frais d’expertise.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la responsabilité des établissements de soins en cas d’infection nosocomiale ?

Les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère, conformément à l’article L1142 I alinéa 2 du code de la santé publique.

Cet article stipule que « les établissements de santé sont responsables des dommages causés par les infections nosocomiales, sauf s’ils prouvent qu’ils n’ont pas commis de faute ».

Dans le cas présent, l’expert a conclu à la survenance d’une infection nosocomiale contractée au sein de la clinique au décours de l’intervention chirurgicale, ce qui engage la responsabilité de l’établissement.

Quel est l’impact de la procédure de liquidation judiciaire sur les actions en justice des créanciers ?

Selon les articles L622-21 et L622-22 du code de commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

L’article L622-22 précise que « les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier ait procédé à la déclaration de sa créance ».

Dans cette affaire, M. [O] n’a pas justifié d’une déclaration de créance contre le centre médico-chirurgical, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de ses demandes indemnitaires.

Quel est le droit d’action directe d’un tiers lésé contre l’assureur en matière de responsabilité civile ?

L’article L124-3 du code des assurances dispose que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Ainsi, M. [O] a le droit d’agir directement contre la société MMA IARD, assureur du centre médico-chirurgical, en raison de l’infection nosocomiale contractée.

Cependant, l’article L114-1 du code des assurances prévoit que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance, ce qui soulève des questions sur la recevabilité de l’action de M. [O].

Quel est le délai de prescription applicable aux actions en responsabilité civile en matière médicale ?

L’article L114-1 du code des assurances stipule que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ».

De plus, l’article L251-2 alinéa 3 précise que « tout contrat d’assurance garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat ».

Dans le cas présent, M. [O] n’a pas justifié d’une réclamation présentée à l’assureur dans le délai imparti, ce qui a conduit à la confirmation du rejet de ses demandes indemnitaires.

Quel est le rôle du mandataire ad litem dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire ?

Le mandataire ad litem, désigné par le tribunal, représente les intérêts de l’établissement en liquidation judiciaire. Dans cette affaire, Me [G] a été désigné pour agir au nom du centre médico-chirurgical.

Ce rôle est crucial car il permet de garantir que les droits des créanciers et des victimes sont respectés dans le cadre de la procédure collective, tout en assurant la défense des intérêts de l’établissement en liquidation.

L’article 474 du code de procédure civile précise que « l’arrêt sera réputé contradictoire lorsque les parties ont été régulièrement appelées à l’instance », ce qui s’applique également à la désignation du mandataire ad litem.

Quel est le principe de la condamnation aux dépens en matière civile ?

L’article 696 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens ».

Dans cette affaire, M. [O] a été condamné aux dépens d’appel, ce qui signifie qu’il doit supporter les frais engagés par la procédure, y compris les frais d’expertise.

Cette règle vise à garantir que la partie qui succombe dans ses prétentions contribue aux frais de justice, ce qui est une pratique courante en matière civile.

RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 03 AVRIL 2025

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17501 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEOAE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2019 – Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 16/03413

APPELANT

Monsieur [U] [S] [O]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 12] (GUADELOUPE)

[Adresse 4]

[Localité 9]

Assisté de Me Nadia KHATER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 275

(Aide juridictionnelle totale n° 2021/042169 du 15/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉES

S.A. MMA IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS du Mans sous le numéro 440 048 882

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Dominique DUFAU de la SELARL DUFAU-ZAYAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : C1249, substituée à l’audience par Me Pauline DEIDDA de la SELARL DUFAU-ZAYAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : C1249

Maître [K] [G] de la SARL [G] es qualité de mandataire ad litem de la S.A.R.L. CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [10] (CMC [10]), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Défaillant, régulièrement avisé le 19 janvier 2022 par procès-verbal de remise à personne habilitée

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Défaillante, régulièrement avisée le 14 janvier 2022 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été plaidée le 23 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Odile DEVILLERS, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Mme Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Valérie JULLY

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Odile DEVILLERS, Présidente et par Caroline GAUTIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

Faits et procédure

M. [U] [O] est le 7 janvier 2001 tombé dans ses escaliers et s’est luxé le poignet droit.

Il a été transporté au service des urgences du centre médico-chirurgical [10] (SARL) aux [Localité 11] (Seine Saint-Denis) et a le même jour été opéré par le Dr [T] [Z].

Suite à cette opération et se plaignant de douleurs nocturnes au poignet droit, M. [O] a consulté son médecin, qui a prescrit un examen bactériologique. Celui-ci a été effectué le 21 février 2001 par le laboratoire de biologie médicale des [Localité 11] et a révélé de nombreuses colonies de staphylococcus aureus. L’intéressé a alors dû à nouveau être opéré par le Dr [Z] au centre médico-chirurgical [10] au mois de mars 2001.

Les douleurs persistant, M. [O] s’est le 18 mai 2001 rendu au centre hospitalier [14] à [Localité 13] et a été reçu en consultation par le Dr [I] [A]. Celui-ci a le 21 juin 2001 pratiqué une synovectomie (ablation de la muqueuse articulaire) et indiqué qu’il avait pu retrouver à l’examen bactériologique la présence d’un staphylocoque doré sensible aux antibiotiques.

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Le tribunal de commerce de Bobigny a par jugement du 12 janvier 2004 ordonné l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre du centre médico-chirurgical [10], désignant Me [V] [E] en qualité de liquidateur judiciaire.

*

Arguant d’une infection contractée lors de son hospitalisation au mois de janvier 2001, M. [O] a par courrier du 28 mars 2012 saisi la Commission de Conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), qui a refusé sa demande d’indemnisation, l’acte médical incriminé ayant été réalisé exercé le 7 janvier 2001, soit antérieurement au 5 septembre 2001, date d’entrée en vigueur de la loi sur l’indemnisation des CRCI.

M. [O] a alors par actes des 22, 26, 27 et 28 novembre 2012 assigné la clinique [10] (représentée par Me [E], son liquidateur judiciaire), le centre hospitalier [14], les Drs [Z] et [A], la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis et la SA MMA IARD, recherchée en qualité d’assureur du Dr [Z], devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins d’expertise. Le Dr [W] [R] a été désigné en qualité d’expert par ordonnance du 13 février 2013, rectifiée par ordonnance du 6 mars 2013 (erreur sur la civilité de M. [O]).

M. [O] a ensuite par actes des 18 et 19 avril 2013 assigné la CPAM du Val d’Oise et la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles (SHAM) en sa qualité d’assureur du Dr [Z] devant le juge des référés aux fins d’expertise commune. Les opérations de l’expert ont été rendues communes à ces parties selon ordonnance du 29 mai 2013.

L’expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 20 janvier 2015.

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Le tribunal de commerce de Bobigny a par jugement du 30 juin 2016 ordonné la clôture des opérations de liquidation judiciaire, pour insuffisance d’actif, engagées contre le centre médico-chirurgical [10]. Le centre de soins a le même jour été radié du registre du commerce et des sociétés.

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M. [O] a au vu du rapport d’expertise judiciaire, par actes des 10, 15 et 17 février 2017, assigné Me [V] [E], liquidateur judiciaire du centre médico-chirurgical [10], la société MMA IARD (en qualité d’assureur du centre médico-chirurgical [10]) et la CPAM du Val d’Oise en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

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Le tribunal, par jugement du 8 octobre 2019, a :

– débouté M. [O] de ses demandes à l’encontre de la société MMA IARD, y compris celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société MMA IARD de sa demande à l’encontre de M. [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit le jugement commun à la CPAM du Val d’Oise,

– condamné M. [O] aux dépens, incluant les frais d’expertise.

Le premier juge constaté que M. [O] ne produisait pas sa déclaration de créance entre les mains du mandataire liquidateur du centre médico-chirurgical [10] et ne justifiait pas avoir demandé à être relevé de la forclusion encourue et a en conséquence considéré que ses demandes indemnitaires, dirigées contre l’établissement de soins, étaient irrecevables.

Il a ensuite observé que M. [O] ne démontrait pas que la société MMA IARD ait été l’assureur du Dr [Z] (non en la cause) ni du centre médico-chirurgical [10] au moment de sa réclamation.

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Le tribunal de commerce de Bobigny a par ordonnance du 1er juillet 2021 désigné Maître [K] [G] (SELARL [G]) en qualité de mandataire ad litem du centre médico-chirurgical [10].

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M. [O] a par acte du 6 octobre 2021 interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 8 octobre 2019, intimant la société MMA IARD, le centre médico-chirurgical [10] pris en la personne de la société [G], son mandataire ad litem, et la CPAM devant la Cour.

*

M. [O], dans ses dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2024, demande à la Cour de :

– recevoir son appel comme régulier en sa forme,

– infirmer le jugement en ce qu’il :

. l’a déclaré irrecevable en ses demandes à l’encontre de la SCP [E]-[G] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire du centre médico-chirurgical [10],

. l’a débouté de ses demandes à l’encontre de la société MMA IARD, y compris celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. a débouté la société MMA IARD de sa demande à son encontre au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. a dit le jugement commun à la CPAM du Val d’Oise,

. l’a condamné aux dépens comprenant les frais d’expertise,

Statuant à nouveau, y faisant droit, en conséquence,

– déclarer le centre médico-chirurgical [10], pris en la personne de Me [G] de la SELARL [G] ès qualités de mandataire ad litem, responsable de l’infection nosocomiale qu’il a contractée au sein de la clinique au décours du geste opératoire du 7 janvier 2001,

– le déclarer recevable en son action en indemnisation dirigée contre la société MMA IARD, assureur du centre médico-chirurgical [10],

En conséquence et y faisant droit,

– condamner la société MMA IARD, assureur du centre médico-chirurgical [10], à lui payer les sommes de :

. 5.180 euros en réparation du préjudice de perte de gains professionnels actuels,

. 6.680 euros en réparation du préjudice frais divers (assistance d’une tierce personne),

. 8.500 euros en réparation du préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire,

. 8.000 euros en réparation des souffrances endurées,

. 20.000 euros en réparation du préjudice lié au déficit fonctionnel permanent,

. 15.000 euros en réparation du préjudice d’agrément,

. 2.000 euros en réparation du préjudice esthétique,

. 3.000 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

– confirmer la décision querellée en ce qu’elle a dit le jugement commun à la CPAM du Val d’Oise,

– ordonner l’exécution provisoire [sic],

– condamner « les défendeurs » aux entiers dépens, y compris aux frais d’expertise,

A titre subsidiaire,

– mettre les dépens, y compris les frais d’expertise, à la charge du Trésor Public.

M. [O] estime être recevable en son action contre Maître [G], en sa qualité de mandataire ad litem du centre médico-chirurgical [10], ne présentant pas de demandes indemnitaires contre l’établissement mais recherchant seulement sa responsabilité du fait d’une infection nosocomiale.

Il exerce ensuite son droit d’action directe contre la société MMA IARD, assureur du centre médico-chirurgical [10] et estime être recevable en cette action, non subordonnée à la mise en cause de l’assuré et non prescrite. A titre subsidiaire, il rappelle avoir adressé à l’Agence Régionale de l’Hospitalisation d’Ile de France (ARHIF) une demande d’indemnisation, dirigée contre le centre médico-chirurgical [10], le 4 janvier 2006.

Il demande en conséquence la condamnation de la société MMA IARD à garantir la clinique [10] des conséquences dommageables de sa responsabilité du fait de la maladie nosocomiale contractée au décours de son hospitalisation.

Il présente ensuite ses demandes indemnitaires poste par poste.

La société MMA IARD, dans ses dernières conclusions signifiées le 7 mars 2022, demande à la Cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes d’indemnisation à son encontre,

En conséquence,

– débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires formulées en cause d’appel à son encontre, y compris celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

– condamner M. [O] « à la somme de » 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

A titre subsidiaire, si la Cour venait infirmer le jugement attaqué,

En conséquence et statuant à nouveau,

– fixer le préjudice de M. [O] comme suit :

. préjudices patrimoniaux temporaires

. « PGPA » : rejet,

. tierce personne : 4.676 euros,

. préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

. « DFT » : 6.450 euros,

. « SE » : 4.000 euros,

. préjudices extrapatrimoniaux permanents :

. « DFP » : 5.500 euros,

. préjudice d’agrément : rejet,

. préjudice esthétique : rejet,

– réduire le montant réclamé au titre de l’article 700 du « CPC » à de plus justes proportions.

La société MMA IARD rappelle qu’en matière médicale, l’assureur appelé à garantir le dommage est celui qui assure le responsable au jour de la réclamation. Elle indique avoir été l’assureur du centre médico-chirurgical [10] du 1er janvier 1995 au 1er janvier 2003 et ajoute que sa garantie subséquente de cinq ans a pris fin le 1er janvier 2008, soit bien avant la réclamation formée par M. [O], survenue durant l’année 2012 (date de la saisine de la CRCI). Elle estime que M. [O] ne justifie pas d’une déclaration dès 2006, la pièce qu’il produit à ce titre ne constituant pas une déclaration de sa part et le courrier de l’ARHIF ne mentionnant aucune déclaration.

A titre subsidiaire, l’assureur discute les demandes indemnitaires de M. [O].

Le centre médico-chirurgical [10], représenté par son mandataire ad litem, qui a reçu signification de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelant selon acte délivré le 19 janvier 2022 à personne habilitée à le recevoir, n’a pas constitué avocat devant la Cour.

La CPAM, qui a reçu signification de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelant selon acte délivré le 14 janvier 2022 à personne habilitée à le recevoir, n’a pas constitué avocat devant la Cour.

L’arrêt sera en conséquence réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 11 décembre 2024, l’affaire plaidée le 23 janvier 2025 et mise en délibéré au 3 avril 2025.

Motifs

Sur la recevabilité de l’action de M. [O] contre le centre médico-chirurgical [10]

L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne sans examen au fond un défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

Il ressort des dispositions des articles L622-21 et 22 du code de commerce que le jugement d’ouverture (d’une procédure collective) interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, que les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, qu’elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan dûment appelés et qu’elles tendent alors uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant (article L622-22 du code de commerce).

Ces dispositions, instituées au titre de la sauvegarde des entreprises, sont applicables à la procédure de redressement judiciaire (article L631-14 alinéa 1er du code de commerce) et à la procédure de liquidation judiciaire (article L641-3 du même code).

Or il apparaît que M. [O], qui certes ne justifie pas d’une déclaration de créance contre le centre médico-chirurgical [10] placé en liquidation judiciaire par jugement du 12 janvier 2004 (procédure collective clôturée, pour insuffisance d’actifs, selon jugement du 30 juin 2016), ne présente aucune demande de condamnation à paiement de dommages et intérêts contre celui-ci, mais une demande tendant seulement au constat de sa responsabilité, les demandes indemnitaires étant présentées contre l’assureur du centre de soins.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré M. [O] irrecevable en sa demande à l’encontre de Me [G], ès qualités de mandataire ad litem du centre médico-chirurgical [10].

Statuant à nouveau, la Cour dira M. [O] recevable en sa demande présentée contre Me [G], ès qualités.

Au fond, sur la responsabilité du centre médico-chirurgical [10]

Il résulte des dispositions de l’article L1142 I alinéa 2 du code de la santé publique que les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.

L’expert qui a examiné M. [O] et son dossier médical a constaté qu’après la luxation du poignet dont il a été victime le 7 janvier 2001, celui-ci a subi une tentative de réduction et brochage et a été immobilisé par un plâtre. Il n’a retenu aucune faute du médecin ou du centre médical. Il a ensuite observé que le patient avait, sans que la date exacte soit définie, présenté une infection à staphylocoque doré « constituant une arthrite septique du complexe articulaire du carpe » et a conclu à la survenance d’une infection nosocomiale contractée au sein de la clinique [10] au décours de l’intervention chirurgicale du 7 janvier 2001.

Aucun élément du dossier ne vient remettre en cause les conclusions de l’expert, que la Cour retiendra donc, déclarant le centre médico-chirurgical [10] responsable des conséquences préjudiciables pour M. [O] de l’infection nosocomiale contractée au décours de l’intervention du 7 janvier 2001

Sur la garantie de la société MMA

Le centre médico-chirurgical [10] était soumis à une obligation d’assurance, posée par l’article L1142-2 du code de la santé publique et a ainsi été assuré auprès de la société MMA IARD selon police n°8.400.840 qui a pris effet le 1er janvier 1995.

L’article L124-3 du code des assurances dispose que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable et M. [O] dispose donc d’une action directe contre la société MMA IARD, assureur garantissant la responsabilité du centre médico-chirurgical [10], du fait d’une infection nosocomiale contractée en son sein.

L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

L’article L114-1 du code des assurances prévoit que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

L’article L251-2 alinéa 3 du code des assurances énonce que tout contrat d’assurance conclu en application de l’article L1142-2 du code des assurances garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l’assuré garanties au moment de la première réclamation.

La SARL Ascora, courtier d’assurance, a par courrier du 11 décembre 2001 adressé à la société Covea Risks (dont le portefeuille de contrat a été transféré à, notamment, la société MMA IARD le 1er janvier 2016) deux ordres de remplacement datés du 11 décembre 2001. Par le premier, le directeur de la société MMA IARD indique qu’il entend résilier à la date du 1er janvier 2003 la police souscrite sous le n°108400840 et a décidé de procéder à son remplacement, par l’intermédiaire de la société Ascora. La société MMA IARD a par courrier du 7 mars 2002 accusé réception de l’ordre de remplacement des polices et lui a donné acte du transfert. Concernant le contrat RC n°8.400.840, l’assureur a informé le courtier qu’il n’entendait pas procéder au remplacement « de cette affaire » et qu’il procéderait à la résiliation du contrat à sa prochaine échéance, soit le 1er janvier 2003 « suivant le désistement de l’assuré figurant dans l’Ordre de remplacement ». La société Ascora a pris acte de ce non-renouvellement du contrat n°8.400.840 pour l’échéance du 1er janvier 2003. Il apparaît ainsi que le centre médico-chirurgical [10] n’est plus assuré auprès de la société MMA IARD depuis le 1er janvier 2003.

L’article 9 des conventions spéciales n°869b (auxquelles les conditions particulières de la police n°08.400.840 souscrite par le centre médico-chirurgical [10] auprès de la société MMA IARD fait référence) rappelle que la garantie s’applique aux conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités garanties au moment de la première réclamation, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Il est ajouté que la garantie s’applique également aux sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai de cinq ans à partir de la date d’expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties.

M. [O] pouvait ainsi présenter une réclamation à la société MMA IARD pendant le délai de validité de la police souscrite auprès d’elle, jusqu’au 1er janvier 2003, puis encore pendant les cinq années qui ont suivi jusqu’au 1er janvier 2008.

Il ne justifie cependant d’aucune réclamation présentée à l’assureur du centre médico-chirurgical [10] dans ce délai.

Un courrier de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation d’Ile de France (ARHIF) du 14 février 2006 indique à M. [O] avoir réceptionné un courrier de sa part le 10 janvier 2005, par lequel il attire son attention « sur une demande de validité de l’actif assurance de la clinique [10] (‘), fermée en 2004 » et l’informe de ce qu’elle a transmis ce courrier au « Pôle des Politiques Hospitalières » de sa direction. Le courrier de M. [O] n’est pas versé aux débats et ce courrier en réponse de l’ARHIF ne fait nullement référence à une réclamation de M. [O] faite auprès de la société MMA IARD. Ce courrier ne peut pas démontrer l’existence d’une telle réclamation, par laquelle l’intéressé aurait exprimé sa volonté d’obtenir réparation de son dommage.

M. [O] ne démontre par aucun moyen avoir adressé au centre médico-chirurgical [10] ou à la société MMA IARD, son assureur, une demande d’indemnisation valant réclamation avant la saisine de la CCI par courrier du 28 mars 2012, mettant en cause, sinon l’assureur lui-même, au moins le centre médico-chirurgical [10] (la lettre de saisine et la décision de la CCI ne sont pas versées aux débats).

Le premier juge a donc à juste titre rejeté les demandes indemnitaires présentées par M. [O] contre la société MMA IARD.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l’arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, mis à la charge de M. [O], et aux frais irrépétibles, laissés à la charge de chacune des parties.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera M. [O], qui succombe en son recours, aux dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Tenu aux dépens, M. [O] sera condamné à payer à la société MMA IARD la somme équitable de 1.000 euros en indemnisation des frais exposés devant la Cour et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ces condamnations emportent rejet des prétentions de M. [O] de ces chefs.

Par ces motifs,

La Cour,

Infirme le jugement en ce qu’il a dit M. [U] [O] irrecevable en sa demande présentée contre la SARL centre médico-chirurgical [10], représenté par son mandataire ad litem, Me [K] [G] (SELARL [G]),

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit M. [U] [O] recevable en sa demande présentée contre la SARL centre médico-chirurgical [10], représenté par son mandataire ad litem, Me [K] [G] (SELARL [G]),

Dit la SARL centre médico-chirurgical [10] responsable des conséquences préjudiciables pour M. [U] [O] de l’infection nosocomiale contractée au décours de l’intervention du 7 janvier 2001,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Condamne M. [U] [O] aux dépens d’appel,

Condamne M. [U] [O] à payer à la SA Mutuelles du Mans (MMA) IARD la somme de 1.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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