Obligation de sécurité de l’employeurL’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité et de protection de la santé, conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail. Cette obligation implique que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses employés. En cas de manquement à cette obligation, la responsabilité de l’employeur peut être engagée pour faute inexcusable, selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Caractère de la faute inexcusableLa faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou à ses ayants droit d’en apporter la preuve, comme le stipule l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale. L’appréciation de la conscience du danger relève de l’examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l’activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, même si d’autres fautes ont également contribué à l’accident. Nullité de la déclaration d’appelLa nullité d’un acte de procédure, comme la déclaration d’appel, est régie par l’article 54 du Code de procédure civile, qui impose que la demande initiale mentionne, pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement. L’article 114 du même code précise qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief causé par l’irrégularité. Charge de la preuveLa charge de la preuve incombe à celui qui prétend un fait, conformément à l’article 9 du Code de procédure civile. Dans le cadre d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable, il appartient à la victime de prouver que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement a contribué à l’accident. Les éléments de preuve peuvent inclure des témoignages, des attestations, ainsi que des documents relatifs aux conditions de travail et aux mesures de sécurité mises en place par l’employeur. |
L’Essentiel : L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité et de protection de la santé, impliquant la prise de toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité. En cas de manquement, sa responsabilité peut être engagée pour faute inexcusable, caractérisée lorsque l’employeur avait conscience du danger et n’a pas agi. La faute inexcusable ne se présume pas et doit être prouvée par la victime, qui doit démontrer le lien entre le manquement et l’accident survenu.
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Résumé de l’affaire : Un technicien, employé par une société, a été victime d’un accident de travail le 23 septembre 2013, lors d’un chantier au Maroc. Il a chuté d’un toit alors qu’il était chargé de l’installation d’un dispositif anti-volatiles. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu l’accident comme étant lié à la législation professionnelle, et le technicien a été déclaré avec un taux d’incapacité permanente partielle de 73 % en juillet 2018. Suite à un échec de conciliation, il a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Le tribunal a rendu un jugement le 22 août 2022, déboutant le technicien de sa demande et confirmant que la société n’avait pas commis de faute inexcusable. Le technicien a alors interjeté appel de cette décision. Lors de l’audience du 23 janvier 2025, il a demandé à la cour d’infirmer le jugement, de reconnaître la faute inexcusable de la société, et d’ordonner une expertise pour évaluer ses préjudices. De son côté, la société a contesté la déclaration d’appel, arguant qu’elle avait changé de dénomination sociale et que le technicien avait agi de manière négligente en montant sur le toit sans autorisation. Elle a également soutenu que le cordiste, présent sur le chantier, était responsable de la sécurité. La caisse, quant à elle, a pris acte de la situation et a demandé à la cour de se prononcer sur la faute inexcusable de la société. La cour a examiné les éléments de preuve, notamment les attestations des témoins et les déclarations du cordiste. Elle a conclu que le technicien n’avait pas prouvé que son employeur avait conscience du danger et n’avait pas respecté son obligation de sécurité. En conséquence, la cour a confirmé le jugement du tribunal de première instance, déboutant le technicien de ses demandes et le condamnant aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la nullité de la déclaration d’appel ?La société a soulevé la nullité de la déclaration d’appel en raison d’une erreur dans la dénomination sociale, arguant que la déclaration était dirigée contre la société [9] alors que celle-ci avait changé de nom pour devenir la société [8]. Selon l’article 54 du code de procédure civile, la demande initiale doit mentionner, pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement. L’article 114 du même code précise qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. En l’espèce, la cour a constaté que la société n’avait pas informé le tribunal du changement de dénomination, et que la déclaration d’appel a été régularisée par la suite. Ainsi, la société n’a pas justifié d’un préjudice particulier, et la cour a rejeté la demande de nullité de la déclaration d’appel. Quel est le critère de la faute inexcusable de l’employeur ?La faute inexcusable de l’employeur est définie par le manquement à son obligation de sécurité envers ses salariés. En vertu des dispositions du code du travail, l’employeur doit garantir la sécurité et la santé de ses employés. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est important de noter que, selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que la faute inexcusable soit la cause déterminante de l’accident ; il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour engager la responsabilité de l’employeur. Dans cette affaire, la cour a examiné les circonstances de l’accident et a conclu que l’employeur n’avait pas eu connaissance du danger, car le salarié avait agi de manière imprudente en montant sur le toit sans autorisation. Quel est le rôle de la preuve dans la reconnaissance de la faute inexcusable ?La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe à la victime ou à ses ayants droit. Cela signifie que c’est à eux de démontrer que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. L’appréciation de la conscience du danger se fait en fonction des circonstances de fait, notamment la nature de l’activité du salarié et le respect des règles de sécurité. Dans cette affaire, le salarié n’a pas réussi à prouver que son employeur avait connaissance du danger. Les témoignages et les attestations présentés n’ont pas corroboré sa version des faits, et la cour a jugé que l’employeur ne pouvait pas être tenu responsable de l’accident. Quel est l’impact des attestations sur la décision de la cour ?Les attestations jouent un rôle crucial dans l’évaluation des faits et des circonstances entourant l’accident. Dans cette affaire, plusieurs attestations ont été produites, mais certaines étaient contestées par le salarié. La cour a jugé que l’attestation du cordiste, bien que contestée, n’était pas irrecevable. Elle a également pris en compte les témoignages des autres personnes présentes lors de l’accident, qui ont confirmé que le salarié avait agi de manière imprudente. Les attestations ont donc contribué à établir que le salarié n’avait pas respecté les consignes de sécurité et qu’il avait pris l’initiative de monter sur le toit sans autorisation, ce qui a influencé la décision de la cour de confirmer le jugement initial. Quel est le sort des demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses intérêts. Cependant, la cour a décidé de débouter les parties de leurs demandes d’indemnité sur ce fondement. Cela signifie que, bien que chaque partie ait le droit de demander le remboursement de ses frais, la cour a jugé qu’il n’était pas équitable d’accorder une indemnité dans ce cas particulier. En conséquence, les frais exposés par chaque partie resteront à leur charge, et aucune indemnité ne sera versée au titre de l’article 700. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 89B
Ch.protection sociale 4-7
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MARS 2025
N° RG 22/02779 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNJO
AFFAIRE :
[H] [O]
C/
S.A.S. [8]
CPAM des HAUTS DE SEINES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Août 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de NANTERRE
N° RG : 20/00872
Copies exécutoires délivrées à :
Me Stefan RIBEIRO
Me Johan ZENOU
Copies certifiées conformes délivrées à :
[H] [O]
S.A.S. [8],
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [H] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Johan ZENOU de la SELEURL CABINET ZENOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1821
APPELANT
S.A.S. [8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Stefan RIBEIRO, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 80 – N° du dossier E0001Y3E
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE
[Adresse 6]
[Localité 3]
non comparante
INTIMEES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère chargée d’instruire l’affaire.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère faisant fonction de présidente,
Madame Charlotte MASQUART, conseillère,
Madame Julie MOUTY-TARDIEU, conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
Greffière, lors du prononcé: Madame Mélissa ESCARPIT,
Employé par la société [9], devenue la société [8] (la société), en qualité de technicien, M. [H] [O] a été victime d’un accident le 23 septembre 2013 que la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle, par décision du 14 février 2024, M. [O] ayant chuté d’un toit dans le cadre d’un chantier de pose de dispositif anti-volatiles situé à [Localité 10] (Maroc).
L’état de santé de M. [O] a été déclaré consolidé le 24 juillet 2018 et un taux d’incapacité permanente partielle de 73 % lui a été attribué.
Après échec de sa tentative de conciliation, M. [O] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 22 août 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– débouté M. [O] de son recours ;
– déclaré le jugement commun et opposable à la société [5] ;
– dit sans objet la demande en garantie formulée par la société ;
– rejeté toutes les autres et plus amples demandes ;
– condamné M. [O] aux dépens.
M. [O] a relevé appel de cette décision. Après mise en état, et renvoi, l’affaire a été plaidée à l’audience du 23 janvier 2025.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l’audience auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [O] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement déféré ;
– de rejeter l’exception de nullité soulevée par la société ;
– de reconnaître la faute inexcusable de la société ;
– d’ordonner la majoration au taux maximum de la rente versée ;
– avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices, d’ordonner une mesure d’expertise ;
– de condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l’audience auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :
in limine litis,
– de prononcer la nullité de la déclaration d’appel ;
– d’ordonner que la société [5] soit attraite à la procédure ;
au fond,
à titre principal,
– de confirmer le jugement déféré ;
– de dire et juger qu’elle n’a pas commis de faute inexcusable ;
– de débouter en conséquence M. [O] de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
– de dire et juger que M. [O] a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident dont il a été victime ;
– de dire et juger que l’expertise ne peut porter que sur les préjudices dont M. [O] est en mesure de rapporter l’existence et ceux qui ne sont pas déjà pris en charge au titre de la législation professionnelle sur les accidents du travail ;
– d’ordonner la diminution de la majoration de la rente en raison de la faute inexcusable qu’il a commise ;
– d’exclure du champ de l’expertise à venir les chefs de préjudices suivants : incidence professionnelle de l’accident, préjudice d’agrément, préjudice sexuel, préjudice d’établissement ;
– de condamner M. [O] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner la victime aux dépens.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l’audience auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
– de prendre acte de ce que la caisse s’en rapporte à justice sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société au titre de l’accident survenu à M. [O] le 23 septembre 2013 ;
Si la cour reconnaît la faute inexcusable :
– de lui donner acte qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour sur la majoration de la rente ;
– de rappeler que ne peuvent faire l’objet d’une expertise que les dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
– de dire et juger qu’elle bénéficie de plein droit d’une action récursoire contre la société ;
– de rappeler qu’il appartient à la société de lui rembourser l’intégralité des indemnités versées à M. [O] et au besoin l’y condamner ;
– de rappeler qu’il appartient à la société de lui rembourser le capital représentatif de majoration de rente et au besoin l’y condamner ;
– de rappeler qu’il appartient à la société de lui rembourser les frais d’expertise et au besoin l’y condamner ;
– de condamner aux dépens la partie qui succombe ;
– de déclarer l’arrêt commun et opposable à la société [5].
Sur la nullité de la déclaration d’appel
La société expose, in limine litis, que la déclaration d’appel a été dirigée contre la société [9] sise à [Localité 7] alors que depuis le 1er janvier
2022, la dénomination sociale de l’entreprise est [8] et son siège social a été transféré à [Localité 4].
M. [O] réplique qu’il a procédé à la régularisation de la déclaration d’appel et que l’erreur n’a causé aucun grief à la société.
Sur ce,
Aux termes de l’article 54 du code de procédure civile, à peine de nullité, la demande initiale mentionne notamment, pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement.
L’article 114 du même code ajoute qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En l’espèce, la Cour relève que le jugement du 22 août 2022 mentionne le nom de la société [9] en qualité de défenderesse, la société n’ayant manifestement pas informé le tribunal d’un changement de dénomination en cours de procédure.
La déclaration d’appel du 7 septembre 2022 vise cette même société [9], par référence au jugement du tribunal judiciaire de Nanterre.
Le greffe a été informé du changement de dénomination de la partie intimée lors de la réception de la constitution d’avocat le 28 décembre 2022. La convocation a été adressée par le greffe le 15 juin 2023 à la société [8] à son siège social de [Localité 4].
Les conclusions de M. [O] ont repris la dénomination sociale exacte.
La société ne justifie pas d’un préjudice particulier. Il s’ensuit que les actes postérieurs ont régularisé la déclaration d’appel dans le cadre d’une procédure sans représentation obligatoire et que la nullité n’est donc pas encourue.
La société sera déboutée de sa demande de nullité de la déclaration d’appel.
Sur la faute inexcusable
M. [O] expose qu’il a été embauché par un contrat à durée déterminée qui s’est renouvelé en qualité de technicien ; qu’il a été envoyé sur un chantier au Maroc pour l’installation de fils électriques en hauteur alors qu’il ne disposait pas des compétences requises et qu’il n’avait pas été formé ; qu’aucune mesure de sécurité n’a été mise en place et qu’il ne disposait même pas d’un harnais de sécurité ; qu’il est tombé d’une hauteur de huit mètres.
Il demande de déclarer irrecevable l’attestation de M. [B], le cordiste, qui est juge et partie, qui n’est corroborée par aucune autre attestation et qui contient des éléments mensongers.
Il affirme que la société a manqué à son obligation de sécurité en l’absence d’éléments de sécurité alors qu’il devait travailler en hauteur ; que la société invoque l’existence d’un cordiste mais que ce dernier n’était pas présent lors de l’accident ; que son employeur reconnaît qu’il devait travailler à partir de balcons ou terrasses, c’est-à-dire en hauteur ; que deux témoins confirment que le cordiste n’était pas présent sur les lieux lors de la chute.
Il indique que la société ne l’a pas fait rapatrier et que sa femme a dû s’en charger ; que le cordiste affirme être allé chercher Mme [O] à l’aéroport alors que c’est faux, ce qui fait douter du reste de son attestation ; que la société n’a pas pris des nouvelles de sa santé ; que la société avait connaissance du danger quelle faisait encourir à son salarié, ayant annulé la commande d’une nacelle qui devait être utilisée et aucun cordiste n’étant sur les lieux, et qu’elle n’a pris aucune mesure pour y remédier.
En réponse, la société expose qu’elle a été sollicitée pour équiper de dispositifs anti-volatiles le toit de la résidence royale à [Localité 10] ; qu’un premier devis prévoyait l’utilisation d’une nacelle automotrice que M. [O] devait utiliser ; qu’une visite sur place a permis de se rendre compte de l’impossibilité d’utiliser une nacelle et que l’intervention d’un cordiste a été proposée et que le devis a été accepté par le client ; que M. [B], cordiste spécialisé, est intervenu à compter du début du chantier le 23 septembre 2013 ; que M. [O] a pris l’initiative de monter sur le toit avec une échelle puis de se déplacer sur une gouttière pour installer lui-même les dispositifs et qu’il est tombé ; qu’elle a adressé une déclaration d’accident du travail dès le lendemain.
Elle soutient que la chute de M. [O] ne résulte que de sa propre négligence dès lors qu’il n’avait pas à monter sur le toit ; qu’il était habitué à travailler en hauteur, à monter et démonter les échafaudages et qu’il savait qu’il ne devait pas intervenir sans échafaudage ou nacelle pour laquelle il avait eu une formation.
La caisse s’en rapporte à la sagesse de la Cour pour la question de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de l’accident du travail dont a été victime M. [O].
Sur ce,
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié et des dispositions pertinentes du code du travail, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation légale de résultat de sécurité et de protection de la santé. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concourus à la survenance de l’accident du travail.
La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit d’en apporter la preuve. L’appréciation de la conscience du danger relève de l’examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l’activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité.
En l’espèce, il résulte de plusieurs devis et échanges de courriels que la société a d’abord établi un devis en date du 10 juin 2013 pour un chantier d’une semaine en vue de la protection de la toiture contre la présence de pigeons par la fourniture et la pose d’un circuit d’électro-répulsion par un technicien aidé d’un intérimaire avec utilisation d’une nacelle automotrice articulée de 22 mètres, en partie par échafaudage roulant et échelle de couvreur.
La société a, par courriel du 2 août 2013, proposé l’intervention d’un cordiste en plus du technicien et de l’ouvrier marocain, la nacelle ne pouvant être utilisée sur place, proposition acceptée par le client le 5 août suivant.
La société a fait appel à M. [P] [B], cordiste, pour la pose d’un système anti-pigeon électro-répulsif sur les faîtages selon devis du 6 août 2013, le chantier devant démarrer le lundi 23 septembre 2013.
Il en résulte que le cordiste, M. [B], était chargé de mettre en place les dispositifs répulsifs le long du toit, M. [O] ne pouvant utiliser ni échafaudage ni nacelle automotrice, et que M. [O] est monté sur le toit, sans autorisation de la société, aucun matériel de sécurité ne lui ayant été fourni puisqu’il n’en avait pas besoin.
M. [O] a affirmé qu’il devait monter sur des terrasses ou des balcons pour apporter les éléments à M. [B]. Néanmoins, le fait de se positionner sur une terrasse ou un balcon ouvert à du public profane ne saurait constituer un travail en hauteur dangereux nécessitant du matériel de sécurité particulier.
M. [O] soutient également qu’il lui a été demandé de monter sur le toit pour aider à la pose des dispositifs anti-pigeons.
A l’appui de sa thèse, il produit deux attestations non signées mais auxquelles sont jointes des pièces d’identité dépourvues de nom.
La première émane de M. [E] [L]. Il atteste : ‘ avoir assisté à l’accident de M. [O] du 21/09/2013, ce jour effectivement l’entreprise qui a envoyé M. [O] a annulé une nacelle et mis une échelle pour les travaux que celui-ci devait effectuer.
Un cordiste l’accompagnait mais M. [O] m’a bien dit ce jour là qu’il envoyait avec moi un cordiste alors qu’il ne connaît pas le travail de technicien, ‘je suis obligé de monter mon patron me demande de terminer en une semaine’…’
Il commet une erreur de date de l’accident mais confirme la présence du cordiste. Il ne fait ensuite que rapporter les propos de M. [O] sur le travail qu’il devait accomplir.
M. [G] [V] atteste également ‘avoir assisté à l’accident qui a été très traumatisant pour moi et je pense aussi pour toutes les personnes qui étaient présentes ce jour-là qui s’est produit le 21 septembre 2013.
M. [O] a fait une chute de 8 mètres, sa tête a percuté une sorte de lampe en pointe intégrée dans le jardin de l’enceinte du domaine, pour illuminer le jardin, c’est pour cela que la nacelle a été annulée par l’entreprise afin de ne pas les abîmer, je me souviens très bien que nous nous sommes tous précipités pour lui porter secours mais on avait peur car il avait un trou énorme au niveau du crâne, nous avons cherché son collègue apparemment d’après M. [O] un cordiste, mais nous l’avons trouvé au bout d’un certain temps.’
Lui aussi commet une erreur de date de l’accident, les attestations ayant été réalisées en septembre 2020, mais confirme aussi la présence de M. [B] sur les lieux mais pas au même point du toit que M. [O] qui n’était donc pas en train de l’assister.
M. [B] a lui aussi rédigé une attestation. M. [O] soulève l’irrecevabilité du document. Cependant, M. [B] n’a pas été mis en cause dans l’accident dont a été victime M. [O]. Si M. [O] conteste les déclarations du cordiste dans le déroulement des faits, il s’agit d’une question de fond ne soulevant pas une condition de recevabilité de l’attestation. Il n’y a donc pas lieu de la déclarer irrecevable.
M. [B] atteste : ‘Ma mission était de poser un système anti-pigeons électro-répulsif le long des gouttières et les faîtages du palais royal. Ainsi, j’étais la seule personne assermentée à cette mission de par mes diplômes, par l’entreprise [9] et par l’administration princière, à travailler sur la toiture du palais. Je maîtrisais ce type de prestation de pose de dispositif anti-volatile : avant ce chantier, j’étais déjà intervenu sur 4 chantiers pour le compte de l’entreprise [9], qui ont duré plusieurs jours à chaque fois, pour poser le même type de dispositif.
Quant à M. [O], sa mission consistait à m’acheminer les barrettes inox et câbles électriques de connexion préparés par ses soins, par le biais d’une cordelette, à partir su sol ou à partir de balcons ou terrasses ou toits terrasses sécurisées, lorsque le prince n’était pas là et qui n’étaient accessibles qu’aux visiteurs du palais autorisés, depuis l’intérieur du bâtiment. Mais en aucun cas, sa mission n’était de me les apporter sur mes lieux d’intervention en hauteur….
Le matin du premier jour du chantier, le lundi 23 septembre 2013, nous avons amené le matériel au pied de la zone de la toiture concernée. Puis je suis monté sur le toit, au moyen de l’échelle à 2 pans d’environ 10m de hauteur que j’avais installée, en utilisant les EPI adéquats (baudrier, casque, gants, genouillères, lunettes, chaussures de sécurité, système antichute relié à la corde de sécurité laquelle était reliée à un point fixe, corde de travail). Cette échelle me permettait de monter sur un toit terrasse à partir duquel je pouvais accéder au pan de toiture qui devait être équipé. M. [O] m’a envoyé les barrettes à l’aide d’une cordelette prévue à cet effet. Chaque barrette mesure un mètre et je ne pouvais en réceptionner plus de 6-8 mètres d’un coup car je les portais à ma ceinture. Il s’est ainsi arrêté le temps que j’installe le premier lot, ce qui devait prendre environ 40 minutes. Pendant cet intervalle, il n’avait rien besoin de faire, et n’avait donc pas besoin de bouger. Il s’est quand même éloigné sans que je m’en aperçoive car j’avais commencé mon intervention sur le pan du toit opposé au mur au pied duquel se trouvait M. [O], que je ne voyais donc plus.
Alors que j’étais en train d’installer les barrettes sur un pan de toiture, un personnel du site (un jardinier tondant la pelouse de l’immense parc de la propriété) m’annonce, en contrebas, qu’une personne était tombée du toit.’
Les explications de M. [B] sont cohérentes avec les devis acceptés par le client, c’est-à-dire l’intervention d’un cordiste et l’absence de nacelles ou d’échafaudage qui rend inutile le travail spécialisé en hauteur de M. [O], et avec les attestations des témoins de l’accident, qui ont cherché un certain temps le cordiste se trouvant sur le toit et hors de vue.
Le fait que M. [O] conteste que M. [B] soit allé chercher sa femme à l’aéroport pour la mener à l’hôpital comme il le prétend est indifférent, d’autant que l’amie de Mme [O], Mme [U] [T], atteste avoir prêté sa voiture quand elle a atterri à Rabat le 22 octobre 2023 et non quelques jours après l’accident.
Il s’ensuit que M. [O], à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas que son employeur lui a demandé de monter sur le toit. La société ne pouvait donc avoir conscience du danger d’un travail en hauteur et n’a pu y remédier en fournissant des équipements de protection individuelle et de sécurité.
En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes en lien avec la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Dès lors, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les demandes accessoires
M. [O], qui succombe à l’instance, est condamné aux dépens d’appel.
Il paraît équitable de laisser à la charge des parties les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens. Les parties seront ainsi déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande de nullité de la déclaration d’appel formée par M. [H] [O] ;
Rejette la demande d’irrecevabilité de l’attestation de M. [P] [B] ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [O] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mélissa ESCARPIT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.
La greffière La conseillère faisant fonction de présidente
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