Existence d’un contrat de travailL’existence d’un contrat de travail repose sur trois éléments essentiels : la fourniture d’une prestation de travail, la rémunération et un lien de subordination. Selon l’article L. 1221-1 du Code du travail, le contrat de travail est défini comme un engagement à travailler pour le compte d’un employeur sous sa subordination, moyennant rémunération. Le lien de subordination se caractérise par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. La jurisprudence précise que l’existence d’un contrat de travail ne dépend pas de la volonté des parties, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée. L’article L. 1221-1 et suivants du Code du travail établissent que l’apparence d’un contrat de travail peut être déduite d’un faisceau d’indices, et il incombe à celui qui conteste la réalité du contrat de prouver son caractère fictif, notamment en démontrant l’absence de lien de subordination. Obligation de sécurité de l’employeurL’article L. 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures incluent des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, ainsi que l’adaptation de l’organisation et des moyens de travail. Le manquement à cette obligation de sécurité peut entraîner la requalification d’un licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme le stipule l’article L. 1235-3 du Code du travail. Ce dernier prévoit que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être comprise entre trois et douze mois de salaire, en tenant compte de l’ancienneté et des circonstances de la rupture. Licenciement sans cause réelle et sérieuseLe licenciement est considéré comme sans cause réelle et sérieuse lorsque l’employeur ne peut justifier d’un motif valable, notamment en cas de manquement à son obligation de sécurité. L’article L. 1235-3 du Code du travail précise que l’indemnité due au salarié dans ce cas doit être proportionnelle à son ancienneté et aux conséquences du licenciement sur sa situation. La jurisprudence a établi que le licenciement d’un salarié déclaré inapte à son poste, en raison d’une surcharge de travail causée par l’employeur, peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les risques liés à la santé mentale du salarié, comme le stipule l’article L. 4121-1 du Code du travail. Travail dissimuléLe travail dissimulé est défini par l’article L. 8221-1 du Code du travail, qui stipule qu’il s’agit de l’absence de déclaration d’un salarié auprès des organismes sociaux, entraînant une soustraction aux obligations de cotisations. Pour qu’il y ait travail dissimulé, il faut prouver que l’employeur a intentionnellement omis de déclarer le salarié et de verser les cotisations dues. En l’absence de contrat de travail formel et de déclaration auprès des organismes compétents, la demande d’indemnité pour travail dissimulé peut être fondée. Toutefois, si l’employeur peut prouver que le salarié a été rémunéré et que les cotisations ont été versées, la demande peut être rejetée. Indemnités et remboursement des allocations chômageL’article L. 1235-4 du Code du travail prévoit que, dans le cadre d’un transfert d’entreprise, le nouvel employeur peut être tenu de rembourser les indemnités de chômage versées à un salarié, même si le licenciement a été causé par l’ancien employeur. Cela signifie que le nouvel employeur est responsable des conséquences financières du licenciement, même s’il n’est pas directement à l’origine du manquement. Les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile permettent également d’accorder des frais irrépétibles à la partie gagnante, ce qui peut inclure des sommes dues pour couvrir les frais de justice engagés par le salarié dans le cadre de son litige. |
L’Essentiel : L’existence d’un contrat de travail repose sur trois éléments : la prestation de travail, la rémunération et un lien de subordination. Ce lien se caractérise par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et de contrôler l’exécution du travail. La jurisprudence indique que l’existence d’un contrat ne dépend pas de la volonté des parties, mais des conditions de fait. L’apparence d’un contrat peut être déduite d’un faisceau d’indices, et la preuve de son caractère fictif incombe à celui qui conteste.
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Résumé de l’affaire : Une salariée, engagée par une association pour la formation professionnelle des adultes, a été affectée à une société filiale après la transformation de l’association en établissement public industriel et commercial (EPIC). En janvier 2019, elle a accepté un intérim de direction d’un centre de formation, tout en continuant ses fonctions au sein de la société. En octobre 2019, elle a été placée en arrêt de travail en raison d’un burn-out, reconnu comme maladie professionnelle par la CPAM. En mai 2021, un médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste, entraînant un licenciement pour inaptitude.
Contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes, arguant que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas en compte sa surcharge de travail. Le conseil a jugé que l’EPIC n’était pas responsable de son licenciement, mais a reconnu une relation de travail entre la salariée et l’EPIC, condamnant ce dernier à verser des rappels de salaires et des congés payés. En appel, la salariée a demandé une indemnisation plus importante, affirmant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse. L’EPIC a contesté cette demande, soutenant qu’il n’y avait pas de lien de subordination entre la salariée et lui durant la période d’intérim. Cependant, la cour a retenu que l’EPIC avait manqué à son obligation de sécurité, entraînant la dégradation de la santé de la salariée. Elle a donc jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant l’EPIC à verser des dommages et intérêts significatifs, ainsi qu’à rembourser les indemnités de chômage versées à la salariée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du contrat de travail entre la salariée et l’EPIC AFPA ?Le contrat de travail repose sur les articles L 1221-1 et suivants du Code du travail, qui stipulent que le contrat de travail implique un engagement à travailler pour le compte d’un employeur sous un lien de subordination moyennant rémunération. Ainsi, pour qu’un contrat de travail soit reconnu, il doit réunir trois éléments essentiels : – La fourniture d’une prestation de travail, L’existence d’un contrat de travail ne dépend pas de la volonté des parties, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée. Il est donc nécessaire d’examiner les faits pour déterminer si un lien de subordination existait entre la salariée et l’EPIC AFPA durant la période contestée. Quel est le rôle de la délégation de pouvoir dans la reconnaissance d’un contrat de travail ?La délégation de pouvoir, comme mentionnée dans l’article 10 de la délégation de pouvoirs, ne suffit pas à établir un contrat de travail. Elle précise que les compétences transférées doivent être exercées conformément aux instructions de la direction de l’EPIC AFPA, sans que cela implique un contrôle direct ou une subordination. Pour qu’un contrat de travail soit reconnu, il faut démontrer que la salariée a reçu des directives de l’EPIC AFPA et qu’elle était soumise à un contrôle de sa hiérarchie. En l’absence de preuves de ce lien de subordination, la cour a jugé qu’il n’existait pas de contrat de travail entre la salariée et l’EPIC AFPA. Quel est le cadre juridique du travail dissimulé dans cette affaire ?Le travail dissimulé est défini par le Code du travail, qui impose à l’employeur de respecter les formalités obligatoires auprès de l’URSSAF et de verser les cotisations correspondantes. Dans cette affaire, la salariée a soutenu que l’EPIC AFPA n’avait pas régularisé ces formalités, ce qui constituerait un travail dissimulé. Cependant, la cour a jugé que, puisque l’EPIC AFPA n’était pas lié par un contrat de travail avec la salariée, il ne pouvait y avoir de travail dissimulé à son égard. Ainsi, le jugement a été confirmé sur ce point, rejetant la demande de la salariée. Quel est le fondement du licenciement pour inaptitude dans cette affaire ?Le licenciement pour inaptitude est encadré par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, qui imposent à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. La salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail, et elle a soutenu que son inaptitude était d’origine professionnelle, résultant d’une surcharge de travail. L’employeur a reconnu que la salariée avait signalé ses difficultés, mais n’a pas pris de mesures pour alléger sa charge de travail. La cour a donc conclu que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quels sont les droits de la salariée en matière d’indemnisation suite à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?L’article L 1235-3 du Code du travail prévoit que, pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a droit à une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaire, en fonction de son ancienneté et des circonstances de la rupture. Dans cette affaire, la salariée, ayant 14 années d’ancienneté, a été reconnue comme ayant droit à une indemnité de 51 000 euros, tenant compte de son âge, de son salaire moyen et des conséquences du manquement de l’employeur sur sa santé. La cour a donc condamné l’EPIC AFPA à verser cette somme à la salariée en réparation de son préjudice. Quel est le cadre juridique du remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée ?L’article L 1235-4 du Code du travail stipule que, dans le cadre d’un licenciement, l’employeur peut être condamné à rembourser les indemnités de chômage versées à un salarié dans la limite de six mois. Dans cette affaire, la cour a jugé que les conditions étaient réunies pour condamner l’EPIC AFPA à rembourser à France Travail les indemnités de chômage versées à la salariée, en application de cet article. Cela souligne la responsabilité de l’employeur dans le cadre des conséquences financières d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
N° 124
[J]
C/
S.A.S. AFPA ACCES A L’EMPLOI
E.P.I.C. AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES ‘AFPA’
copie exécutoire
le 20 mars 2025
à
Me COTTINET
Me GUARY
CB/BT
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 20 MARS 2025
*
N° RG 23/04119 – N° Portalis DBV4-V-B7H-I4IM
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 04 SEPTEMBRE 2023 (référence dossier N° RG 22/00030)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [F] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et concluant par Me Samuel COTTINET, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEES
S.A.S.U. AFPA ACCES A L’EMPLOI prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée et concluant par Me Florence GUARY de l’AARPI LEANDRI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Adeline HUSSON, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AVOCATS, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
E.P.I.C. AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES ‘AFPA’ Prise en la personne de son Directeur domicilié en cette quallité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée et concluant par Me Florence GUARY de l’AARPI LEANDRI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Adeline HUSSON, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AVOCATS, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
DEBATS :
A l’audience publique du 23 janvier 2025, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties l’affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 20 mars 2025 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 20 mars 2025, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.
* *
DECISION :
Mme [F] [J], née le 23 octobre 1962, a été embauchée à compter du 21 mai 2007 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, par l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (l’association ou l’employeur), en qualité de chargée de direction responsable de formation. A compter du 1er janvier 2018, après transformation de l’association en EPIC et la création de deux filiales de droit privé, elle a été affectée à la société AFPA accès à l’emploi en tant que directrice conseil en formation.
L’EPIC AFPA compte plus de 10 salariés.
Il n’y a pas de convention collective applicable.
Mme [J] a accepté, en plus de sa fonction de directrice conseil en formation au sein de la société AFPA accès à l’emploi, l’intérim de la direction du centre de formation de [Localité 4] pour le compte de l’EPIC AFPA, à compter du 15 janvier 2019.
Elle a été placée en arrêt de travail le 2 octobre 2019 et n’a plus repris par la suite.
Mme [J] a vu son contrat de travail transféré au sein de l’EPIC AFPA dans le cadre d’une convention tripartite, à compter du 1er avril 2020, en qualité de responsable ingénierie de parcours régional.
Le 24 août 2020, la salariée a établi une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
Le 18 mars 2021, la CPAM de l’Aisne a notifié à Mme [J] la prise en charge au titre de la législation AT/MP de sa maladie hors tableau, s’agissant d’un burn-out.
Par avis d’inaptitude du 4 mai 2021, le médecin du travail a déclaré Mme [J] inapte à son poste, en précisant : » l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi « .
Par courrier du 10 mai 2021, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 25 mai 2021.
Par lettre du 31 mai 2021, elle a été licenciée pour inaptitude.
Contestant la légitimité de son licenciement et ne s’estimant pas remplie de ses droits au titre de sa relation de travail, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens, le 10 février 2022.
Par jugement du 4 septembre 2023, le conseil a :
– dit que le conseil des prud’hommes n’était pas compétent pour statuer sur l’indemnisation des dommages résultant d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle ;
– débouté Mme [J] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse par manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;
– débouté Mme [J] des indemnités demandées ;
– dit qu’il existait une relation de travail entre Mme [J] et l’EPIC AFPA ;
– condamné l’EPIC AFPA à verser à Mme [J] la somme de 30 000 euros au titre de sa demande de rappels de salaires et 3 000 euros pour sa demande de congés payés sur rappels de salaires ;
– ordonné à l’EPIC AFPA de remettre à Mme [J] d’un bulletin de salaire rectificatif des sommes dues, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision mais a débouté Mme [J] de sa demande d’astreinte pour remise de documents et de sa demande de liquidation ;
– dit qu’il y avait absence de travail dissimulé ;
– débouté Mme [J] au titre de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé;
– débouté Mme [J] de sa demande de fixation du point de départ des intérêts au taux légal des sommes susvisées à la date de réception des convocations devant le bureau d’orientation et a fixé le point de départ à la date du jugement ;
– débouté Mme [J] de sa demande de capitalisation des intérêts au taux légal;
– débouté Mme [J] de sa demande d’exécution provisoire ;
– condamné l’EPIC AFPA à verser à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné l’AFPA Accès à l’emploi à verser à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné à l’EPIC AFPA de reverser à Pôle emploi les indemnités chômage dans la limite de 6 mois ;
– condamné l’EPIC AFPA aux entiers frais et dépens.
Mme [J], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 décembre 2023, demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– constaté qu’elle et l’EPIC AFPA étaient liés par un contrat de travail ayant débuté le 15 janvier 2019 ;
– constaté qu’elle n’avait pas perçu de salaire en contrepartie du contrat de travail formé le 15 janvier 2019 ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– limité la condamnation de l’EPIC AFPA à lui verser à la somme de 30 000 euros à titre de rappel de salaires et de 3 000 euros pour l’indemnité de congés payés y afférent;
Statuant à nouveau,
– condamner l’EPIC AFPA à lui verser la somme brute de 74 169,82 euros à titre de rappel de salaire et la somme brute de 7 416,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaire ;
– constater que l’EPIC AFPA a dissimulé son emploi ;
– condamner l’EPIC AFPA à lui payer la somme de 30 690,96 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
Par ailleurs, infirmant le jugement du 4 septembre 2023 :
– ordonner à l’EPIC AFPA de lui remettre les documents suivants sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir :
– un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues pour chaque année, conformément à la décision ;
– un certificat de travail conforme à la décision ;
– une attestation Pôle emploi conforme à la décision ;
– réserver à la juridiction de céans la liquidation des astreintes ordonnées ;
– fixer le point de départ des intérêts au taux légal de toutes les sommes susvisées à compter de la date de réception de la convocation de l’EPIC AFPA à comparaître devant le bureau d’orientation et de conciliation du conseil de prud’hommes d’Amiens (articles 1231-6 et 1231-7 du code civil) ;
– ordonner la capitalisation des intérêts légaux (article 1343-2 du code civil) ;
Par ailleurs,
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– constater que la société AFPA accès à l’emploi et l’EPIC AFPA sont responsables de la dégradation de son état de santé ayant entraîné son inaptitude sans possibilité de reclassement dans un emploi ;
– constater que son licenciement pour inaptitude sans possibilité de reclassement dans un emploi est sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner l’EPIC AFPA à lui payer :
– 61 381,92 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– fixer le point de départ des intérêts au taux légal de toutes les sommes susvisées à compter de la date de réception des convocations de l’EPIC AFPA et de la société AFPA accès à l’emploi à comparaître devant le bureau d’orientation et de conciliation du conseil de céans (articles 1231-6 et 1231-7 du code civil) ;
– ordonner la capitalisation des intérêts légaux (article 1343-2 du code civil) ;
En tout état de cause,
– condamner la société AFPA accès à l’emploi à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner l’EPIC AFPA à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société AFPA accès à l’emploi à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné l’EPIC AFPA à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter l’EPIC AFPA et la société AFPA accès à l’emploi de leurs demandes, fins et conclusions ;
– condamner l’EPIC AFPA et la société AFPA accès à l’emploi aux entiers dépens.
L’EPIC agence nationale pour la formation professionnelle des adultes » AFPA » et la société AFPA accès à l’emploi, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 mars 2024, demandent à la cour de :
– déclarer et juger Mme [J] mal fondée en son appel et l’en débouter dans son intégralité ;
– les déclarer et juger bien fondés en leur appel incident et y faire droit dans leur intégralité ;
En conséquence,
– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :
– dit qu’il existait une relation de travail entre Mme [J] et l’EPIC AFPA ;
– condamné l’EPIC AFPA à verser à Mme [J] la somme de 30 000 euros au titre de sa demande de rappels de salaires et 3 000 euros pour sa demande de congés payés sur rappels de salaires ;
– ordonné à l’EPIC AFPA de remettre à Mme [J] un bulletin de salaire rectificatif des sommes dues, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision ;
– condamné l’EPIC AFPA à verser à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société AFPA accès à l’emploi à verser à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné à l’EPIC AFPA de reverser à Pôle emploi les indemnités chômage dans la limite de 6 mois ;
– condamné l’EPIC AFPA aux entiers frais et dépens ;
– confirmer le jugement attaqué pour le surplus, notamment en ce qu’il a débouté Mme [J] :
– de sa demande indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– de sa demande de remise sous astreinte d’un bulletin de salaire rectificatif des sommes dues d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes à la décision et de sa demande de liquidation ;
– de sa demande d’indemnisation au titre d’un travail dissimulé ;
Statuant à nouveau sur les chefs du jugement attaqué dont l’infirmation est sollicitée,
– débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Mme [J] à payer à l’EPIC AFPA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [J] à payer à la société AFPA accès à l’emploi la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [J] aux entiers dépens, de première instance et d’appel.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2025 et l’affaire a été fixée en audience de plaidoirie du 23 janvier 2025.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur le contrat de travail
Mme [J] soutient qu’elle était liée par un contrat de travail avec la société AFPA accès à l’emploi mais qu’à compter du 15 janvier 2019 elle a été sollicitée par l’établissement public AFPA et a accepté d’occuper le poste de directrice par intérim du centre de formation de [Localité 4], sans qu’un contrat ne soit régularisé et était informée le 19 février 2019 qu’elle percevrait une indemnité pour charges supplémentaires, que le lien de subordination était dès lors avec l’établissement public qui lui a délivré une délégation de pouvoir pour participer notamment aux réunions avec les délégués du personnel, qu’elle devait rendre compte de la façon dont elle exécutait sa mission. Elle ajoute que l’existence d’une UES n’a pas d’incidence sur la désignation de l’employeur, l’UES ne se substituant pas aux entités juridiques qui la composent, qu’il ne peut être invoqué de mise à disposition temporaire faute de convention tripartite écrite et accord express de sa part s’agissant d’une modification de son contrat de travail, qu’il n’a pu y avoir de délégation partielle car le poste de direction exige un temps plein qui existait avant et après son arrivée, qu’en outre elle bénéficiait d’une convention de forfait jours incompatible avec un poste de directrice, qu’il ne saurait être invoqué comme le fait l’employeur une situation de coemploi car il n’y a aucune immixtion.
Les intimés répliquent qu’alors qu’elle occupait un poste de directrice conseil de formation des Hauts de France pour l’AFPA accès à l’emploi Mme [J] a accepté en janvier 2019 une mise à disposition temporaire et partielle pour prendre la responsabilité du centre de formation AFPA de [Localité 4] rattaché à l’Epic AFPA, que pour autant elle n’est pas devenue salariée de l’Epic AFPA car celui-ci constitue avec l’AFPA entreprise et la SASU AFPA accès à l’emploi une UES caractérisée par une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré et une similarité d’activité avec une communauté de travailleurs aux conditions de travail similaires, que les filiales étaient dotées de direction commune aux centres dépendants de l’Epic APFA. Ils ajoutent que la mission de Mme [J] ne recouvrait pas totalement les responsabilités de l’ancien directeur, qu’il ne peut être tiré aucune conséquence de la délégation de pouvoir, le centre ne justifiant pas d’une personne qui lui soit exclusivement dédiée alors que son contrat de travail n’a jamais été suspendu et qu’elle a perçu un supplément de rémunération, que si la cour reconnaissait que l’absence de formalisation d’un écrit devait être sanctionné, il y aurait lieu de retenir un coemploi entre l’Epic AFPA et la SASU AFPA accès à l’emploi, qu’enfin la salariée ne peut revendiquer une double indemnisation.
Sur ce
Il résulte des article L 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Ainsi, il est de principe que l’existence d’un contrat de travail suppose la réunion de trois éléments : la fourniture d’une prestation de travail moyennant rémunération dans un lien de subordination caractérisé notamment par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et des directives et d’en contrôler l’exécution.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
L’existence d’un contrat ne peut se déduire de la seule délivrance de bulletins de paie.
L’apparence d’un contrat de travail se déduit d’un examen de fait. Elle peut découler d’un élément déterminant ou d’un faisceau d’indices.
En présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste la réalité d’en démontrer le caractère fictif, notamment en établissant que l’état de subordination juridique du salarié, élément caractéristique du contrat de travail, fait défaut.
Mme [J] a été embauchée par l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes reprise sous la dénomination AFPA. Le 19 décembre 2017 elle a reçu un courrier l’informant qu’à compter du 1er janvier 2017 l’AFPA a été transformée en établissement public industriel et commercial chargé de la formation professionnelle et que ce nouvel établissement public est au plan juridique complétée par deux filiales » AFPA accès à l’emploi » et AFPA entreprises » ; qu’elle est affectée à compter du 1er janvier 2018 à l’AFPA accès à l’emploi sans modification du contrat de travail.
Le 27 avril 2020, un projet de convention tripartite non signé entre l’Epic AFPA, la SASU AFPA accès à l’emploi et Mme [J] a prévu que suite à la réorganisation des activités de l’UES AFPA un plan de transformation a conduit à la refonte des organisations et que le contrat de travail de Mme [J] allait être transféré à l’Epic AFPA qu’à compter du 1er avril 2020 les relations de travail se poursuivraient avec l’Epic AFPA et le 14 mai 2020 un contrat de travail a été régularisé entre la salariée et l’Epic AFPA qui devient le nouvel employeur.
Il convient de rechercher si Mme [J] peut revendiquer un contrat de travail avec l’Epic AFPA pour la période comprise entre le 15 janvier 2019 et le 31 mars 2020.
Par note interne du 22 juin 2017 la direction régionale de l’Epic AFPA a informé Mme [J] qu’en contre-partie de la mission d’intérim de directrice du centre de [Localité 4] pour la période comprise entre le 1er avril au 31 juillet 2017 elle percevrait pendant cette mission une indemnité mensuelle de 250 euros.
Par note interne du 19 février 2019 l’Epic AFPA a informé Mme [J] qu’elle allait percevoir une indemnité brute mensuelle de 250 euros pour la période d’intérim de [Localité 4] dont elle assure la direction. La salariée précise qu’elle a débuté ses fonctions au sein du centre de [Localité 4] le 15 janvier 2019, ce qui est confirmé par l’Epic.
Les fiches de paie ont été délivrées par l’AFPA accès à l’emploi et mentionnent la somme de 250 euros mensuels » indemnité mensuelle charge supplémentaire « , ce qui démontre d’une part que c’est l’AFPA accès à l’emploi qui payait le salaire de Mme [J] en ce compris l’indemnité pour la direction du centre de [Localité 4] et non l’Epic AFPA et que d’autre part le centre gestionnaire était inchangé.
Si le 10 septembre 2019 Mme [J] a bénéficié d’une délégation de pouvoirs de la directrice régionale AFPA Hauts de France et Grand est de l’Epic AFPA, cette délégation dont il est précisé que la salariée est » par intérim » à elle seule ne saurait caractériser un contrat de travail apparent faute de démontrer l’existence d’un lien de subordination à l’égard de l’Epic AFPA. En effet, l’article 10 de la délégation de pouvoirs précise que » les compétences transférées par l’effet de la présente décision sont exercées conformément aux instructions de la directrice de l’Epic AFPA « , ne prévoient pas d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels de sa subordonnée, ce qui caractériserait le lien de subordination. En effet rien ne démontre que dans les faits elle a reçu des directives de l’Epic ou qu’elle a été subordonnée à un contrôle quelconque par l’Epic ou à son pouvoir de direction.
Dès lors, la cour, par infirmation du jugement, jugera qu’il n’est pas établi l’existence d’un contrat de travail entre Mme [J] et l’Epic AFPA et qu’elle sera déboutée de sa demande en rappel de salaire.
Sur le travail dissimulé
Mme [J] sollicite la condamnation de l’Epic AFPA à lui verser l’indemnité pour travail dissimulé arguant qu’il n’a régularisé aucune formalité obligatoire auprès de l’URSSAF ni versé aucune cotisation, que son affectation sur le centre de [Localité 4] a permis d’économiser sur un salarie en lui faisant réaliser un travail de directrice pour une somme dérisoire.
L’Epic AFPA conteste le travail dissimulé répliquant que la salariée a été rémunérée dans le cadre d’une mission supplémentaire que cette rémunération apparaît sur sa fiche de paie et a été soumise à cotisations, qu’il n’y a eu aucune intention de se soustraire au paiement de cotisations.
Sur ce
La cour ayant jugé que l’EPIC AFPA n’est pas lié par un contrat de travail avec Mme [J], il ne peut y avoir de travail dissimulé à son égard et le jugement confirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement
Mme [J] expose que le médecin du travail l’a déclaré inapte le 4 mai 2021 après avoir été en arrêt de travail à compter du 2 octobre 2019 alors qu’elle occupait deux postes de travail ce qui a entrainé un syndrome d’épuisement professionnel qui a été pris en charge au titre de la maladie professionnelle par la Cpam après une enquête, que l’inaptitude est donc d’origine professionnelle. Elle relate que l’employeur ne conteste pas qu’elle était surchargée et en état de stress permanent ce qui a impacté sa santé, qu’elle s’en était ouverte auprès de la directrice régionale des ressources humaines et la nouvelle directrice de l’AFPA accès à l’emploi en octobre 2019, que devant les premiers juges l’employeur a fait valoir qu’elle avait reçu de l’aide ce qui est faux et non étayé, Mme [P] étant en conflit avec la direction générale et n’avait pas souhaité prendre l’intérim de [Localité 4] et a d’ailleurs été mise à pied et que M. [C] ne s’est jamais manifesté auprès d’elle, que la convention de forfait jours qui prévoyait 211 jours de travail annuel n’a pas été respectée, l’employeur n’ayant pas pris de mesure pour s’assurer que sa charge de travail était compatible avec une vie normale. Elle ajoute que si la juridiction prud’hommale n’est pas tenue par lé décision de la Cpam, la preuve est libre et cet élément fait partie des éléments légitimes à soumettre à l’appréciation de la cour, qu’en cumulant deux emplois elle avait été exposée au risque de surcharge, que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité de l’article L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, qu’il en est résulté cette situation son inaptitude, ce manquement rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Sasu AFPA accès à l’emploi que la prise en charge de la pathologie de la salariée ne lie pas le juge prud’homal, que la salariée n’a pas géré seule le centre de [Localité 4] ayant l’aide de Mme [P] et de M. [C], que M. [Y], ancien directeur avait aussi en charge le centre de [Localité 5], que la salariée ne prouve pas qu’elle faisait un nombre d’heures excessif, que dans le cadre de l’intérim il n’était pas exigé d’elle une charge déraisonnable de travail.
Sur ce
L’article L.4121-1 du code du travail dispose :
» L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes « .
L’article L.1153-5 du code du travail dispose :
‘L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal .’
Lors de l’enquête diligentée par la Cpam dans le cadre de la déclaration de maladie professionnelle, Mme [J] expose qu’en sus de son poste de directrice de formation de la région des Hauts de France la salariée avait accepté un intérim de directrice du centre de formation de [Localité 4] à compter du 15 janvier 2019, que cette charge a entrainé un surcroit de travail sur un poste dont les fonctions étaient sensiblement différentes de celles exercées à titre principal, qu’en surplus de ce double poste, le climat était difficile du fait de l’ouverture d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui allait entrainer la suppression d’une centaine de postes dans la région, qu’elle avait alerté M. [N] sa hiérarchie N +1 car l’intérim s’éternisait qui lui a assuré que la situation allait s’arranger, qu’en juillet 2019 elle a commencé à avoir des insomnies, des appréhensions à aller travailler, ressassant les tâches à accomplir, qu’elle pleurait régulièrement, travaillant pendant ses vacances d’été, qu’en revenant par la suite elle a découvert que M. [N] avait quitté l’AFPA et a évoqué avec Mme [H] sa remplaçante sa situation qu’elle ne pouvait plus concrètement assumée, que pour autant il n’y avait pas de solution du fait du conteste social, qu’elle ne se voyait pas tenir encore mais a perdu pied le 2 octobre 2019 en étant victime d’un malaise avec désorientation et s’est effondrée nécessitant un arrêt de travail avec suivi psychiatrique.
L’employeur reconnait que Mme [J] avait évoqué ses difficultés auprès de Mme [T] référente RPS et ses inquiétudes professionnelles auprès de la DRH adjointe, que Mme [H], tout juste arrivée, n’avait pas eu le temps de prendre des mesures de renfort pour [Localité 4], M. [N], confirmant le contexte professionnel décrit par la salariée ajoutant un stress supplémentaires dû à la réorganisation interne. Un des collaborateurs de la salariée avait établi une fiche d’alerte sur la situation de Mme [J] et avait eu des échanges à ce sujet avec l’équipe des ressources humaines.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient qu’il est constant que Mme [J] a fait l’objet d’arrêts de maladie ininterrompus à compter de son malaise au travail jusqu’à l’avis d’inaptitude, qu’elle avait informé sa hiérarchie de sa situation d’épuisement due à la surcharge de deux postes.
Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que la Sasu AFPA accès à l’emploi a manqué à son obligation de sécurité de résultat en laissant Mme [J] s’épuiser au travail sans se préoccuper de la surcharge de travail qu’elle devait supporter en raison de ses fonctions ni prendre aucune mesure au sens de l’article L. 4121-1 du code du travail alors même que les signes d’alerte étaient nombreux.
Le licenciement pour inaptitude résultant directement de ce manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes indemnitaires
Mme [J] sollicite la condamnation de l’Epic AFPA à lui verser des dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur ce
Au moment du licenciement au 31 mai 2021 la salariée avait pour employeur non plus la Sasu accès à l’emploi mais l’Epic AFPA suite au transfert du contrat de travail à compter du 1er avril 2020. Le paiement de la créance de réparation d’un salarié compris dans un transfert d’entreprise au sens de l’article L. 1224-1 du Code du travail peut être poursuivi contre le nouvel employeur, alors même que celui-ci n’a aucune part de responsabilité dans le dommage, entièrement causé par son prédécesseur. Ainsi, la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, présentée par la salariée qui n’a pu bénéficier de mesure pour la protéger, peut être dirigée contre la société ayant repris l’activité, alors même qu’elle était en arrêt de travail lors du transfert et qu’il était impossible à l’employeur cessionnaire de lui faire bénéficier d’une mesure de protection contre la surcharge. En conséquence la demande indemnitaire dirigée contre l’Epic AFPA devenu son employeur suite au transfert le 1er avril 2020 doit être accueillie.
La salariée est fondée à réclamer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Compte-tenu de la date de rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017. Pour une ancienneté de 14 années dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, l’article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaire.
Compte-tenu de son ancienneté de 14 années pleines, de son âge à la date de la rupture pour être née le 23 octobre 1962, du salaire mensuel moyen brut, des conditions de la rupture, de l’importance des conséquences du manquement de l’employeur sur sa santé, de l’absence d’élément précis sur sa situation postérieurement au licenciement, la cour dispose des éléments permettant de fixer l’indemnité à même de réparer de façon adéquate son préjudice à la somme de 51 000 euros, à laquelle l’employeur sera condamné.
Sur le remboursement des indemnités à France travail
Les conditions étant réunies en l’espèce, il convient de condamner l’Epic AFPA à rembourser à France Travail les indemnités de chômage versées à Mme [J] dans la proportion de six mois en application de l’article L.1235-4 du code du travail.
Sur les autres demandes
Il convient d’accueillir la demande en capitalisation des intérêts qui est de droit.
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les frais irrépétibles et sur les dépens.
L’Epic AFPA succombant au principal, sera condamné aux dépens d’appel, qui comprennent. L’équité commande de condamner l’Epic AFPA à verser à Mme [J] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
– rejeté la demande au titre du travail dissimulé et a condamné l’Epic AFPA à verser à Mme [F] [J] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Confirme sur le surplus le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que l’Epic AFPA a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Mme [F] [J] ;
Dit que le licenciement de Mme [F] [J] est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’Epic AFPA à verser à Mme [F] [J] les sommes suivantes :
– 51 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus par année entière ;
Ordonne le remboursement par l’Epic AFPA au profit de France travail des allocations versées à Mme [F] [J] dans la limite de six mois d’indemnités;
Condamne l’Epic AFPA aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.
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