Obligation de sécurité de l’employeurL’employeur est tenu, en vertu de l’article L. 4121-1 du Code du travail, d’une obligation de sécurité et de protection de la santé envers ses salariés. Cette obligation implique que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses employés. En cas de manquement à cette obligation, la responsabilité de l’employeur peut être engagée pour faute inexcusable, conformément à l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Preuve de la faute inexcusableLa charge de la preuve de la faute inexcusable incombe à la victime ou à ses ayants droit, comme le stipule l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. Il est précisé que la faute inexcusable ne se présume pas et doit être établie par des éléments concrets démontrant la conscience du danger par l’employeur. L’appréciation de cette conscience du danger se fait au regard des circonstances de fait, notamment la nature de l’activité du salarié et le respect des règles de sécurité. Responsabilité de l’employeur en cas de signalement de dangerL’employeur doit également être vigilant face aux signalements de dysfonctionnements ou de dangers potentiels. Selon l’article R. 4321-1 du Code du travail, l’employeur doit s’assurer que les mesures de sécurité sont mises en œuvre, notamment lorsqu’il est informé d’un risque. Dans le cas où un salarié signale un dysfonctionnement, l’employeur doit prendre des mesures appropriées pour remédier à la situation, ce qui inclut la mise à l’arrêt de l’équipement défectueux et l’organisation d’interventions de maintenance. Évaluation des circonstances de l’accidentL’évaluation des circonstances entourant l’accident est cruciale pour déterminer la responsabilité de l’employeur. Il est établi que même si un précédent signalement a été effectué, il doit être prouvé que l’employeur avait connaissance du danger spécifique lié à l’accident survenu. La jurisprudence indique que la responsabilité de l’employeur ne peut être engagée que si un lien direct entre la faute inexcusable et l’accident est établi, ce qui nécessite une analyse approfondie des faits et des preuves présentées par la victime. Conclusion sur la reconnaissance de la faute inexcusableEn l’absence de preuves suffisantes établissant que l’employeur avait connaissance du danger lié à l’ascenseur utilisé par la victime, la demande de reconnaissance de la faute inexcusable ne peut être retenue. Les juges doivent se fonder sur les éléments factuels et les rapports d’intervention pour conclure à l’absence de faute inexcusable, conformément aux principes énoncés dans le Code du travail et le Code de la sécurité sociale. |
L’Essentiel : L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité et de protection de la santé envers ses salariés, impliquant la prise de mesures nécessaires pour assurer leur sécurité. En cas de manquement, sa responsabilité peut être engagée pour faute inexcusable, caractérisée par la conscience du danger et l’absence de mesures préventives. La charge de la preuve incombe à la victime, qui doit établir des éléments concrets démontrant cette conscience. L’employeur doit également réagir aux signalements de dangers potentiels.
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Résumé de l’affaire : Le litige concerne un accident survenu le 11 avril 2019, lorsque la victime, employée par la société, a chuté en sortant d’un ascenseur. Cet accident a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, qui a pris en charge les conséquences au titre des risques professionnels. La victime a été déclarée avec un taux d’incapacité permanente partielle de 15 % en avril 2022. Après une tentative de conciliation infructueuse, elle a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Le jugement rendu le 26 août 2022 a débouté la victime de sa demande, affirmant qu’elle n’avait pas prouvé la faute inexcusable de la société. En conséquence, la victime a été condamnée à verser 1 500 euros à la société pour les frais de justice. Insatisfaite, la victime a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la faute inexcusable de la société, ainsi qu’une expertise pour évaluer son préjudice. La société a demandé la confirmation du jugement initial et a contesté la recevabilité des conclusions de l’assureur, arguant qu’elles ne respectaient pas les délais. La caisse, quant à elle, a pris acte de la situation et a réservé ses droits concernant la réparation des préjudices. Concernant la faute inexcusable, la victime a soutenu que l’accident était dû à un ascenseur signalé comme défaillant par une collègue deux jours auparavant. Cependant, la société a contesté cette affirmation, précisant que l’ascenseur utilisé par la victime n’était pas celui signalé. Les enquêtes ont révélé qu’aucun dysfonctionnement n’avait été constaté sur l’ascenseur utilisé par la victime avant l’accident. Le tribunal a conclu que la société avait pris les mesures nécessaires pour prévenir le danger, confirmant ainsi le jugement initial et condamnant la victime aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la faute inexcusable de l’employeur ?La faute inexcusable de l’employeur est définie par le Code du travail, notamment dans l’article L. 4121-1, qui stipule que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés. Cette obligation implique que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses employés. En cas de manquement à cette obligation, la faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est important de noter que la faute inexcusable ne se présume pas et que la charge de la preuve incombe à la victime ou à ses ayants droit. L’appréciation de la conscience du danger se fait en fonction des circonstances de fait, notamment la nature de l’activité du salarié et le respect des règles de sécurité. Quel est le rôle des rapports d’intervention dans l’évaluation de la faute inexcusable ?Les rapports d’intervention jouent un rôle crucial dans l’évaluation de la faute inexcusable de l’employeur. Dans cette affaire, les rapports d’intervention de la société de maintenance des ascenseurs ont été examinés pour déterminer si l’employeur avait connaissance des dysfonctionnements. Il a été établi que l’ascenseur utilisé par la victime n’avait pas fait l’objet de signalements antérieurs et qu’aucune défaillance n’avait été constatée avant l’accident. Les rapports ont également montré que l’ascenseur signalé par une collègue avait été mis à l’arrêt et réparé avant l’accident de la victime. Ainsi, l’absence de signalement concernant l’ascenseur utilisé par la victime a été déterminante pour conclure que l’employeur n’avait pas conscience du danger. Quel est l’impact de la procédure sur la recevabilité des conclusions de la société ?La recevabilité des conclusions de la société a été contestée par la victime, qui a soutenu qu’elles ne respectaient pas les délais de constitution. Cependant, conformément à l’article R. 142-11 du Code de la sécurité sociale, la procédure en matière de protection sociale est orale et sans représentation obligatoire. Cela signifie que les conclusions présentées par la société, même si elles ont été déposées en cours de procédure, sont recevables. La cour a donc rejeté la demande de la victime visant à déclarer ces conclusions irrecevables, affirmant que la société avait respecté les règles de procédure applicables. Quel est le fondement des demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses intérêts. Dans cette affaire, la victime a demandé une indemnité sur ce fondement, mais la cour a décidé de débouter les parties de leurs demandes d’indemnité. Cela signifie que, bien que la victime ait succombé dans ses demandes, la cour a jugé équitable de ne pas accorder d’indemnité à aucune des parties. Cette décision est souvent fondée sur le principe selon lequel les frais doivent être supportés par la partie qui succombe, ce qui a été appliqué dans ce cas. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 89B
Ch.protection sociale 4-7
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MARS 2025
N° RG 22/02805 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNNE
AFFAIRE :
[M] [R]
C/
Caisse PRIMAIRE D’ ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Société [12]
S.A. [9]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de NANTERRE
N° RG : 20/01121
Copies exécutoires délivrées à :
Me Isabelle SANTESTEBAN
Me Bruno SERIZAY
Me Florence MONTERET AMAR
Copies certifiées conformes délivrées à :
[M] [R]
Caisse PRIMAIRE D’ ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE, Société [12] société européenne
Adresse complète : [Adresse 4]
[Localité 5] (IRLANDE)
, S.A. [9]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [M] [R]
[Adresse 2]
[Localité 7]
comparante en personne, assistée de Me Isabelle SANTESTEBAN, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : G0874
APPELANTE
Caisse PRIMAIRE D’ ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Division du contentieux
[Localité 6]
représentée par Madame [F] [D] (représentant légal) en vertu d’un pouvoir spécial.
Société [12] société européenne
Adresse complète : [Adresse 4]
[Localité 5] (IRLANDE)
[Adresse 4]
[Localité 5] / IRLANDE
représentée par Me Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 substituée par Me Audrey BELMONT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K020
S.A. [9]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Florence MONTERET AMAR de la SCP MACL SCP d’Avocats, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0184 substituée par Me Vincent DESRIAUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue le 23 Janvier 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère faisant fonction de présidente,
Madame Charlotte MASQUART, conseillère,
Madame Julie MOUTY-TARDIEU, conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Anne REBOULEAU
Greffière, lors du prononcé: Madame Mélissa ESCARPIT
Employée par la société [12] (la société), Mme [M] [R] (la victime) a été victime d’une chute en sortant d’un ascenseur le 11 avril 2019, accident que la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, par décision du 26 avril 2019.
L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé le 26 avril 2022 et un taux d’incapacité permanente partielle de 15 % lui a été attribué.
Après échec de sa tentative de conciliation, la victime a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société.
Par jugement du 26 août 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– dit que la victime n’établit pas que l’accident survenu le 11 avril 2019 procède de la faute inexcusable de son employeur ;
– débouté la victime de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société ;
– condamné la victime à payer à la société la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
– condamné la victime aux dépens de l’instance.
La victime a relevé appel de cette décision. L’affaire a été plaidée à l’audience du 23 janvier 2025.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la victime demande à la cour :
– d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Par conséquent :
– de dire et juger que la société a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail du 11 avril 2019,
– d’ordonner, compte tenu des séquelles, une expertise pour évaluer son préjudice,
– de condamner la société à payer une provision sur dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros,
– de déclarer irrecevables les conclusions de la société [9] ainsi que sa communication de pièces ;
– de rendre opposable la décision à [9], assureur de la société,
– de condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la victime au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société [9] demande à la cour:
à titre liminaire
– se déclarer incompétente pour statuer sur un éventuel appel en garantie formulé à son encontre;
à titre principal
– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
en conséquence,
– de débouter la victime de l’intégralité de ses demandes ;
à titre subsidiaire
– de statuer ce que de droit sur la demande de majoration de la rente ;
– d’ordonner la mise en ‘uvre d’une expertise judiciaire et de limiter la mission de l’expert désigné à l’évaluation des préjudices énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’à ceux qui ne sont pas couverts en tout ou partie ou de manière restrictive par les dispositions du livre IV du Code de la Sécurité Sociale, à l’exclusion du poste de perte de possibilité de promotion professionnelle ;
– de mettre à la charge de la caisse les frais d’expertise ;
– de réduire à de plus justes proportions la demande de provision de la victime, qui ne saurait être supérieure à la somme de 5 000 euros,
en tant que de besoin,
– de lui déclarer commun et opposable l’arrêt à intervenir ;
en tout état de cause,
– de réduire la demande de la victime présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la victime à lui payer la somme de 2 000 euros,
– de condamner la victime aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
– de prendre acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société ;
dans le cas où la Cour de céans reconnaîtrait la faute inexcusable de l’employeur,
– de lui donner acte de ce qu’elle se réserve le droit de discuter le cas échéant le quantum correspondant à la réparation des préjudices personnels à l’issue des opérations d’expertise, lesquels ne devront pas excéder les montants ordinairement alloués par les juridictions de droit commun ;
– de ramener à de plus justes proportions la demande de provision de la victime qui ne saurait être supérieure à la somme de 5 000 euros ;
– de rappeler qu’elle bénéficie de plein droit d’une action récursoire contre la société ;
– de rappeler qu’il appartient à la société de lui rembourser les frais d’expertise réalisée en vue de l’évaluation des chefs de préjudices subis par la victime et au besoin l’y condamner ;
– de rendre opposable l’arrêt à intervenir à la société [9], assureur de la société ;
– de laisser les dépens à la charge de la partie qui succombe, soit la victime en cas de rejet de sa demande, soit la société en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable.
Sur la recevabilité des conclusions de la société [9]
La victime demande que les conclusions de la société [9] soient déclarées irrecevables comme ne respectant pas les délais pour se constituer et conclure devant la Cour d’appel.
Néanmoins, comme l’a souligné la société [9] dans ses écritures, la victime se fonde sur des dispositions concernant la procédure avec représentation obligatoire alors que, en matière de protection sociale, la procédure est orale et sans représentation obligatoire, conformément à l’article R. 142-11 du code de la sécurité sociale.
En conséquence, les conclusions de la société [9], présentées en cours de procédure et déposées à l’audience, sont recevables.
La demande de la victime sera ainsi rejetée.
Sur la faute inexcusable
La victime expose qu’elle est tombée en sortant de l’ascenseur qui ne s’est pas arrêté au niveau du sol en arrivant au 5ème étage sur son lieu de travail ; que cet ascenseur avait déjà fait l’objet d’un signalement de la part d’une collègue, Mme [Y], deux jours plus tôt, et que son employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger.
Elle ajoute que la société entretient une confusion entre les deux ascenseurs mais que le second était à l’arrêt et que c’est le même ascenseur qui a causé la chute de Mme [Y] et la sienne.
La société affirme que la victime n’a pas utilisé le même ascenseur que celui qui a été la cause de la chute de Mme [Y] et que la victime ne justifie pas que son employeur ait été informé d’un dysfonctionnement de l’ascenseur qu’elle a utilisé.
La société [9] reprend les motifs du jugement pour en demander la confirmation.
La caisse s’en rapporte à justice sur l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.
Sur ce,
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié et des dispositions pertinentes du code du travail, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation légale de résultat de sécurité et de protection de la santé. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru à la survenance de l’accident du travail.
La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit d’en apporter la preuve. L’appréciation de la conscience du danger relève de l’examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l’activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité.
C’est à juste titre que les premiers juges, après avoir rappelé les articles L 4121-1 et R. 4321-1 et suivants du code du travail, ont relevé que si la société, locataire au sein de l’immeuble JAVA situé au [Adresse 3] à [Localité 11], n’avait pas une obligation d’entretien des locaux, elle devait prendre toutes les mesures utiles pour informer le bailleur et s’assurer que les mesures de remise en état soient prises dans l’hypothèse où elle serait avisée de dysfonctionnements de l’ascenseur donnant accès à ses locaux mis à la disposition de ses salariés.
Le moyen tiré de l’absence de toute obligation légale de la société en matière d’entretien des ascenseurs est donc inopérant.
En l’espèce, la victime a mis en avant l’existence d’un précédent dysfonctionnement identique de l’ascenseur qu’elle a emprunté qui a été porté à la connaissance de l’employeur.
Le 9 avril 2019, Mme [Y] a signalé qu’un ascenseur desservant la zone Europe n’était plus à niveau avec le sol à l’étage AMERICA R+5, bâtiment BATIGNOLLES/JAVA.
L’accident de la victime a eu lieu le 11 avril 2019 au matin. Mme [Y] a attesté que le 11 avril 2019, en arrivant sur son lieu de travail, elle a vu la victime allongée par terre. Elle précise : « J’ai constaté que l’ascenseur que j’avais signalé le 09 avril 2019 était à l’origine de sa chute. »
Elle a dessiné un plan montrant la batterie des quatre ascenseurs, l’ascenseur défaillant le 9 avril 2019 était celui le premier à gauche en regardant vers l’espace de travail zone Europe.
Néanmoins, la victime ne désigne pas précisément l’emplacement de l’ascenseur qu’elle a utilisé.
Le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a diligenté une enquête, consultant les rapports d’interventions d'[10], société prestataire en charge de la maintenance des ascenseurs.
Il en résulte que :
– plusieurs ascenseurs sont à la disposition des salariés, et notamment une batterie de quatre ascenseurs dont ceux dénommés n° S 5508 et n° S 5509 ;
– l’accident survenu à la victime a mis en cause la cabine d’ascenseur n° S5509 ;
– selon les rapports d’intervention d'[10], l’ascenseur S5508 a été arrêté pour appareil en panne, travaux de maintenance, vérification des câbles de traction et défaut de la chaîne de sécurité le 8 avril 2019 à 10h27 puis a été remis en service le même jour à 15h43 ;
– Mme [Y] a déclaré un incident le 9 avril 2019 à 10h47 sur l’ascenseur que les agents de sécurité ont identifié comme étant le S5508. Le service de sécurité de l’immeuble a prévenu [10], a mis à l’arrêt la cabine jusqu’à l’intervention d'[10] ;
– une visite de maintenance de l’ascenseur S5508 a été effectuée par [10] le 10 avril 2019 à 14h56, la fin des travaux intervenant à 15h52 ;
– l’ascenseur S5509 a été arrêté le 11 avril 2019 à 12h27 puis remis en service le même jour à 16h41, l’appareil étant déréglé. aucune intervention n’a été réalisée à la suite d’un dysfonctionnement les jours précédents.
Il en ressort qu’aucune défaillance n’a été constatée sur l’ascenseur S5509 avant le 11 avril 2019 et que l’ascenseur S5508 a fait l’objet d’une intervention le 10 avril 2019.
La victime conteste que l’incident survenu aux dépens de Mme [Y] se soit passé avec l’ascenseur S5508 puisqu’il était à l’arrêt. Mais la lecture des rapports d’intervention d'[10] montre que cet ascenseur a été mis à l’arrêt temporairement le 8 avril 2019, qu’il a été remis en service le soir même puis de nouveau arrêté par les services de sécurité de l’immeuble lors du signalement du dysfonctionnement par Mme [Y] le 9 avril 2019 jusqu’au 10 avril.
C’est ainsi à juste titre que le tribunal en a déduit que la société ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel elle exposait sa salariée, aucun signalement n’ayant été réalisé pour l’ascenseur emprunté par la victime et le deuxième ascenseur ayant fait l’objet d’un ordre de réparation.
En tout état de cause, même s’il s’agissait du même ascenseur ayant dysfonctionné les 9 et 11 avril 2019, les services d'[10] ont été informés du dérèglement de l’ascenseur dès le signalement de Mme [Y], les services de sécurité de l’immeuble l’ont mis à l’arrêt dans l’attente des réparations qui ont été réalisées le 10 avril 2019.
Toutes les diligences nécessaires ont été accomplies par le prestataire chargé de l’entretien de l’ascenseur et l’employeur a ainsi mis en oeuvre les moyens nécessaires pour prévenir le danger encouru par ses salariés.
En conséquence, le jugement, qui a rejeté la demande de la victime d’une reconnaissance de faute inexcusable de la part de son employeur, sera confirmé en toutes ses dispositions.
Le présent arrêt sera déclaré commun à la société [9].
Sur les dépens et les demandes accessoires
La victime, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens d’appel.
Il paraît équitable de laisser à la charge des parties les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens. Les parties seront ainsi déboutées de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de Mme [M] [R] tendant à voir déclarer les conclusions de la société [9] irrecevables ;
Déclare le présent arrêt commun à la société [9] ;
Condamne Mme [M] [R] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Bénédicte Jacquet, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mélissa ESCARPIT, greffière, à laquelle la magistrat signataire a rendu la minute.
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,
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