L’Essentiel : Le 11 septembre 2014, la SCI Cividec a signé un bail commercial avec la SAS Expert Auto pour une durée de neuf ans. Cependant, le 21 mars 2017, Expert Auto a été placée en redressement judiciaire. Le 6 octobre 2022, la liquidation judiciaire a été prononcée, entraînant la cession du fonds de commerce à M. [X]. Cividec a interjeté appel de cette cession, mais le 4 mai 2023, la déclaration d’appel a été déclarée caduque. Le tribunal a ensuite rejeté la demande de résiliation du bail pour loyers impayés, confirmant ainsi la condamnation de Cividec à verser des dommages-intérêts.
|
Constitution du bail commercialLe 11 septembre 2014, la SCI Cividec a signé un bail commercial avec la SAS Expert Auto, présidée par M. [L], pour une durée de neuf ans, débutant le 1er septembre 2024. Redressement judiciaire de la société Expert AutoLe 21 mars 2017, la société Expert Auto a été placée en redressement judiciaire suite à une assignation de l’Urssaf. Liquidation judiciaireLe 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Expert Auto, désignant la SELARL [B]-Pécou comme mandataire liquidateur. Cession du fonds de commerceLe 29 novembre 2022, le juge-commissaire a ordonné la cession du fonds de commerce de la société Expert Auto, y compris le bail commercial, à M. [X] pour un montant de 56 000 euros. Appel de la décision de cessionLe 22 décembre 2022, la société Cividec a interjeté appel de la décision du juge-commissaire concernant la cession. Caducité de la déclaration d’appelLe 4 mai 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel de la société Cividec. Demande de résiliation du bailLe 13 janvier 2023, la société Cividec a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du contrat de bail en raison de loyers impayés, mais cette requête a été rejetée le 8 mars 2023. Jugement du tribunal de commerceLe 11 juillet 2023, le tribunal de commerce a confirmé le rejet de la demande de résiliation du bail et a débouté la société Cividec de sa demande de paiement des loyers échus, tout en condamnant Cividec à verser des dommages-intérêts à la société [B]-Pécou. Appel du jugementLe 31 juillet 2023, la société Cividec a interjeté appel du jugement du 11 juillet 2023, sauf en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Conclusions des partiesLes dernières conclusions de la société Cividec demandent l’infirmation partielle du jugement et le paiement des loyers échus, tandis que la société [B]-Pécou demande la confirmation du jugement et des dommages-intérêts pour procédure abusive. Réponse de la courLa cour a statué que la société Cividec ne pouvait pas imputer la responsabilité du non-paiement des loyers au liquidateur et a rejeté ses demandes de dommages-intérêts, tout en confirmant la condamnation de Cividec à verser des dommages-intérêts pour préjudice moral à la société [B]-Pécou. Conclusion de la courLa cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, condamnant la société Cividec à payer des indemnités et les dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques de la résiliation de plein droit d’un bail commercial en cas de redressement judiciaire ?La résiliation de plein droit d’un bail commercial en cas de redressement judiciaire est régie par l’article L. 631-24 du Code de commerce, qui stipule que : « Le bail est résilié de plein droit à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, lorsque le locataire est en état de cessation des paiements. » Dans le cas présent, la société Cividec a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du contrat de bail en raison des loyers impayés après le jugement d’ouverture. Cependant, le juge-commissaire a rejeté cette demande, et le tribunal de commerce a confirmé cette décision, se déclarant incompétent pour constater la résiliation. Cela signifie que, malgré les impayés, la résiliation n’a pas été reconnue, et le bail commercial reste en vigueur jusqu’à ce qu’une décision judiciaire l’annule formellement. Quels sont les droits du bailleur en cas de non-paiement des loyers pendant une procédure de liquidation judiciaire ?Les droits du bailleur en cas de non-paiement des loyers pendant une procédure de liquidation judiciaire sont encadrés par l’article L. 641-13 du Code de commerce, qui précise que : « Les créances nées après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire sont payées dans l’ordre des créances privilégiées. » Dans cette situation, la société Cividec a tenté de faire valoir ses droits en demandant le paiement des loyers échus depuis janvier 2023. Cependant, le tribunal a jugé que ces loyers ne pouvaient pas être exigés de la liquidation judiciaire, car M. [X], le repreneur, s’était engagé à les payer. Ainsi, le bailleur doit se tourner vers le repreneur pour le recouvrement des loyers, et non vers la liquidation, ce qui limite ses recours. Quelles sont les implications de la responsabilité du liquidateur judiciaire dans le cadre d’une procédure de liquidation ?La responsabilité du liquidateur judiciaire est régie par l’article L. 641-1 du Code de commerce, qui stipule que : « Le liquidateur est chargé de réaliser l’actif et de payer les créanciers. » Dans le cas présent, la société Cividec a tenté d’imputer la responsabilité du non-paiement des loyers au liquidateur, M. [B]. Cependant, la cour a précisé que le liquidateur ne peut être tenu responsable des loyers non payés par le repreneur, car il n’a pas d’obligation d’information envers le bailleur concernant la solvabilité du repreneur. Ainsi, la responsabilité du liquidateur ne peut être engagée pour des manquements qui relèvent de la gestion du repreneur. Comment se justifie la condamnation de la société Cividec à verser des dommages-intérêts pour préjudice moral ?La condamnation de la société Cividec à verser des dommages-intérêts pour préjudice moral repose sur l’article 1382 du Code civil, qui dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Dans cette affaire, le tribunal a jugé que les propos tenus par la société Cividec à l’encontre de M. [B] étaient diffamatoires et ont porté atteinte à sa réputation. Le tribunal a donc alloué une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparer ce préjudice moral. Cette décision souligne l’importance de la responsabilité délictuelle dans le cadre des relations commerciales et la nécessité de respecter la réputation des acteurs impliqués. Quelles sont les conditions pour qu’une procédure soit considérée comme abusive et entraîne des dommages-intérêts ?Les conditions pour qu’une procédure soit considérée comme abusive sont définies par l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que : « La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans le cas présent, la société [B]-Pécou a demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive, arguant que la société Cividec avait agi de mauvaise foi en n’encaissant pas les loyers et en faisant appel de l’ordonnance du juge-commissaire. Cependant, la cour a estimé que le comportement de la société Cividec, bien que peu approprié, ne constituait pas une intention de nuire, et a donc rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Cela démontre que la simple contestation d’une décision judiciaire ne suffit pas à caractériser une procédure abusive. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 19 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/05742 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WAYK
AFFAIRE :
S.C.I. CIVIDEC
C/
SELARL [B]-PECOU
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juillet 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 7
N° RG : 2023L00772
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL
Me Ivan CORVAISIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
S.C.I. CIVIDEC Représentée par son gérant, Mosieur [S] [U], domicilié en cette qualité audit siège
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 15923 –
Plaidant : Me François PONTHIEU de la SELARL PONTHIEU AVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE
****************
INTIMES
S.E.L.A.R.L. [B]-PECOU prise en la personne de Maître [N] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS EXPERT AUTO, nommée à ces fonctions suivant jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nanterre, le 6 octobre 2022
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Ivan CORVAISIER de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 37 – N° du dossier E0002LYI
Plaidant : Me Nicolas URBAN de l’AARPI ALMATIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0560
Monsieur [R] [L] es-qualité de Président de la Société EXPERT AUTO
[Adresse 3]
[Localité 6]
Défaillant, déclaration d’appel signifiée par PV 659 du code de procédure civile
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Septembre 2024, Madame Gwenael COUGARD, Conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
Le 11 septembre 2014 la SCI Cividec a consenti à la SAS Expert Auto, dont le Président est M. [L], un bail commercial pour une durée de neuf années entières commençant au 1er septembre 2024.
Le 21 mars 2017, sur assignation de l’Urssaf, la société Expert Auto a été placée en redressement judiciaire.
Le 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé sa liquidation judiciaire et a désigné la SELARL [B]-Pécou en qualité de mandataire liquidateur.
Le 29 novembre 2022, le juge-commissaire a ordonné la cession du fonds de commerce de la société Expert Auto, en ce compris le bail commercial consenti par la société Cividec, à M. [X], pour un prix de 56 000 euros.
Le 22 décembre 2022, la société Cividec a interjeté appel de cette décision du juge-commissaire.
Le 4 mai 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
Le 13 janvier 2023, la société Cividec a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du contrat de bail du 11 septembre 2014, en raison des loyers et charges impayés après le jugement d’ouverture.
Le 8 mars 2023, le juge-commissaire a rejeté cette requête.
Le 14 mars 2023, la société Cividec a formé opposition à cette ordonnance.
Le 11 juillet 2023, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit la société [B]-Pécou, en la personne de M. [B] ès qualités recevable à intervenir dans le cadre de la présente procédure ;
– confirmé la décision de l’ordonnance du 8 mars 2023 ;
– s’est déclaré incompétent pour constater la résiliation de plein droit du bail daté du 11 septembre 2014 ;
– renvoyé la société Cividec à mieux se pourvoir pour sa demande de résiliation du contrat de bail daté du 11 septembre 2014 ;
– débouté la société Cividec de sa demande de condamnation de la société [B]-Pécou, ès qualités, au paiement des loyers échus depuis janvier 2023 ;
– débouté la société [B]-Pécou, ès qualités, de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– condamné la société Cividec au paiement à la société [B]-Pécou, ès qualités, de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– condamné la société Cividec au paiement de la société [B]-Pécou, ès qualités, de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Cividec aux dépens de l’instance ;
Le 31 juillet 2023, la société Cividec a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société [B]-Pécou, ès qualités, de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par dernières conclusions du 11 septembre 2024, la société Cividec demande à la cour de :
– infirmer pour partie le jugement déféré, notamment en ce qu’il l’a condamnée à verser au liquidateur une indemnité de 3 000 euros pour préjudice moral ;
Et, statuant à nouveau,
– condamner le liquidateur M. [B] au paiement des loyers échus depuis le mois de janvier 2023, soit la somme de 50 716, 80 euros ;
– condamner le liquidateur M. [B] au paiement d’une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident du 9 septembre 2024, la société [B]-Pécou, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Expert Auto, demande à la cour de :
Sur l’appel principal,
– juger la société Cividec mal fondée en ses demandes ;
En conséquence,
– confirmer le jugement du 11 juillet 2023 en ce qu’il l’a dit recevable à intervenir dans le cadre de la présente procédure ;
– s’en rapporte à justice et à la décision de la cour à propos de l’incompétence relevée d’office par le tribunal de commerce de Nanterre pour statuer sur la demande de résiliation de la société Cividec, ou subsidiairement, débouter la société Cividec de sa demande de résiliation judiciaire du bail ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Cividec de sa demande de la condamner au paiement des loyers échus depuis janvier 2023 ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Cividec à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Cividec à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Cividec aux dépens de l’instance ;
Sur l’appel incident,
– la juger bien fondée en son appel incident ;
En conséquence,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Et, statuant à nouveau,
– condamner la société Cividec à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
– condamner la société Cividec à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Cividec aux entiers dépens.
La déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à M. [L] le 9 octobre 2023 par la procédure de l’article 659 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures.
La cour n’est pas saisie des demandes relatives à la constatation par le juge-commissaire de la résiliation de plein droit du bail commercial.
– Sur les demandes indemnitaires présentées par la société CIVIDEC à l’encontre de la société [B] Pecou, ès qualités
La société CIVIDEC fait valoir que le repreneur n’est pas intervenu à la procédure, qu’il n’a pas répondu au courrier que lui a adressé le conseil de la société le 17 avril 2023 lui demandant ses intentions quant à l’acquisition du fonds de commerce. Elle dit s’interroger sur les raisons de la présence de M. [L], l’ancien preneur, à l’audience du 16 février 2023, confirmant ses soupçons selon lesquels M. [X] agissait en son nom et pour son compte » avec la bénédiction de M. [B] « .
Elle déplore par ailleurs l’absence de toute information de la part de M. [B], au cours du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire, ce alors qu’il se devait de protéger les intérêts des créanciers, et non d’accroître le montant des créances.
Elle soutient que M. [B] devait s’assurer de la solvabilité du jeune repreneur, puis garantir le respect de ses obligations découlant du bail commercial, c’est-à-dire le versement des loyers. Elle impute la responsabilité de son préjudice financier, lié au non-versement des loyers, au seul liquidateur, M. [B], qui a commis plusieurs négligences. Estimant que M. [B] n’apporte aucune explication valable à ses négligences, elle affirme qu’il aurait dû constater l’incapacité du repreneur à verser les loyers, décider en conséquence la rupture du bail ; que la cour peut se demander comment le liquidateur a pu restituer au repreneur les chèques de caution versés au moment de la reprise, étant précisé qu’aucun versement n’a jamais été justifié.
Elle demande la condamnation du liquidateur à lui payer une indemnité égale au montant des loyers qui auraient dû être perçus depuis la date à laquelle le repreneur lui a signifié son intention de ne pas reprendre, cette information n’ayant de surcroît jamais été transmise officiellement.
En réponse, la société [B]-Pécou, ès qualités, fait valoir que la société Cividec aurait dû adresser une facture prorata temporis sur le dernier trimestre 2022, pour la période consécutive à la date du jugement d’ouverture, les loyers n’étant exigibles que sur facturation de ceux-ci. Elle considère que la société Cividec a déstabilisé le repreneur par son comportement et sa mauvaise foi, de sorte que M. [X] a pu légitimement s’interroger sur la poursuite de l’opération de cession ou son abandon ; que le défaut de paiement des loyers résulte du seul refus du bailleur d’encaisser les chèques de loyers envoyés par M. [X].
S’agissant de la demande de condamnation au paiement des loyers échus depuis le mois de janvier 2023, elle expose que le repreneur s’est engagé à payer les loyers échus depuis le 6 octobre 2022, de sorte que ces loyers ne sont pas à la charge de la liquidation judiciaire, mais de M. [X] ; qu’en outre, les règlements ont été adressés par le repreneur, mais refusés à l’encaissement par le bailleur ; que ce dernier, qui avait jusqu’au 16 avril 2023 pour déclarer la créance constituée par les loyers impayés postérieurement au jugement d’ouverture, n’a déclaré aucune créance à ce titre. Elle en déduit le mal fondé de la demande indemnitaire présentée à son encontre. EIle ajoute que la société [B]-Pécou a la qualité de liquidateur judiciaire, et non d’administrateur de sorte que les dispositions légales relatives au pouvoir de l’administrateur pendant la période d’observation sont sans objet.
Réponse de la cour
La société CIVIDEC recherche la responsabilité de la société [B]-Pécou ès qualités et formule une demande de dommages-intérêts à l’encontre du liquidateur comme représentant l’ancien preneur du local commercial, la société Expert Auto, en liquidation judiciaire.
Or, elle formule des reproches, qui consistent d’une part en un manque d’informations par le liquidateur, et d’autre part en un défaut d’attention de ce dernier quant au sérieux du repreneur pressenti et à la solvabilité de ce dernier. Elle lui reproche enfin le non-paiement d’échéances de loyers.
Il ne peut cependant pas être reproché à la société [B]-Pécou en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Expert Auto l’absence de paiement des loyers dus par le repreneur, M. [X]. En effet, la société en liquidation ne peut être tenue d’indemniser le bailleur pour le non-paiement prétendument fautif des loyers dus postérieurement au 6 octobre 2022 dont il n’est pas contesté que M. [X] s’était engagé à en assurer le paiement.
Il ne peut pas non plus lui être reproché un manque d’information, le représentant de la société en liquidation n’étant nullement débiteur d’une telle obligation à l’encontre du bailleur.
Tous les griefs développés par la société Cividec visent en réalité des manquements que la société [B]-Pécou aurait commis en tant que mandataire judiciaire. La société [B]-Pécou, dont la responsabilité civile professionnelle serait ainsi recherchée, n’a cependant pas été attraite à la cause.
La demande ainsi formulée ne peut prospérer et sera rejetée. Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
– Sur les dommages-intérêts alloués à la société [B]-Pécou ès qualités pour préjudice moral
Contestant sa condamnation à des dommages-intérêts, la société CIVIDEC estime que la lettre qu’elle a adressée au liquidateur ne contient aucun élément justifiant une indemnité pour préjudice moral.
La société [B] Pecou demande que la condamnation de la société Cividec à lui payer des dommages-intérêts soit confirmée, compte tenu des accusations fallacieuses contenues dans ses écritures.
Réponse de la cour
Le tribunal de commerce a jugé que les propos de la société Cividec, suggérant une collusion entre M. [B] ès qualités, et les précédents dirigeants de la société Expert Auto, sont de nature diffamatoire ; rappelant que la sanction des atteintes à la probité est de nature pénale, et qu’une personne morale peut subir un préjudice moral réparable par l’octroi de dommages-intérêts en cas d’atteinte à sa réputation, il a alloué à la société [B]-Pécou une somme de 3 000 euros en réparation d’un tel préjudice.
Il est imputé à faute à la société Cividec des propos tenus à l’encontre de M. [B] d’une part dans un courrier qu’elle lui a adressé le 18 avril 2023, d’autre part dans les conclusions prises dans son intérêt pour les besoins de la présente procédure.
La société [B]-Pécou est intimée uniquement en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Expert-Auto, et ne peut demander réparation pour un préjudice qu’elle dit avoir subi en son nom personnel, sans être intervenue volontairement à la cause.
La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée et le jugement infirmé de chef.
– Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société [B]-Pécou ès qualités
La société [B]-Pécou, ès qualités, estime fondée sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, rappelant qu’elle n’a fait que faire valoir ses arguments en défense dans une procédure où elle a été citée à comparaître. Elle affirme que la société Cividec n’a pas adressé de factures ou d’appel de loyers, ni n’a encaissé les règlements de loyers reçus, mais a fait appel de l’ordonnance du juge-commissaire pour abandonner cette procédure et solliciter finalement la résiliation du bail. Elle soutient que le comportement de la société Cividec est abusif et de mauvaise foi, et révèle une intention de nuire, en ce qu’elle a bloqué le processus de cession en liquidation judiciaire et fait fuir le cessionnaire, au détriment de l’intérêt des autres créanciers.
La société Cividec ne formule pas d’observation sur cette demande.
Réponse de la cour
La société Cividec a fait preuve d’une attitude peu cohérente au cours de la procédure collective, reprochant à la fois le non-paiement des loyers par M. [X], le repreneur pressenti, tout en n’encaissant pas les chèques qui lui étaient remis.
Cependant, son attitude témoigne plus d’une incompréhension des enjeux de la procédure et d’une défiance à l’égard du candidat repreneur, qu’elle estime jeune, et du liquidateur, que d’une réelle intention de nuire.
Il n’est pas suffisamment démontré que le repreneur a modifié sa position consécutivement à ce comportement, et il n’est pas non plus justifié qu’il était durablement en mesure d’assurer la charge à laquelle il s’était engagé.
En conséquence, le comportement de la société Cividec, quoique peu approprié aux enjeux de la procédure collective, ne peut être considéré comme fautif ; de surcroît, il n’est pas caractérisé qu’il a effectivement contribué à l’échec de la cession, échec qui impacte d’ailleurs particulièrement la société bailleresse.
La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
– Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure seront rejetées.
La société Cividec, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens. Les circonstances du litige justifient sa condamnation à payer à la société [B]-Pécou, ès qualités, la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité de procédure.
La cour, statuant par défaut,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Cividec à payer à la société [B]-Pécou, ès qualités, la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité de procédure ;
Condamne la société Cividec aux dépens exposés en appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire