Responsabilité des voisins en cas de désordres liés à des travaux de construction

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Responsabilité des voisins en cas de désordres liés à des travaux de construction

L’Essentiel : Monsieur [R] [X] et Madame [M] [K] ont subi des dommages lors de la construction d’une maison par leurs voisins, les époux [U]. En août 2018, des travaux de terrassement ont provoqué l’effondrement de leur terrain et de leur mur de clôture. Malgré un accord pour des réparations, les désordres ont persisté, entraînant une expertise judiciaire. En janvier 2024, les époux [X] ont assigné les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP, demandant des réparations pour préjudices matériel et moral. Le tribunal a finalement condamné les parties à indemniser les époux [X] et a ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Contexte de l’affaire

Monsieur [R] [X] et Madame [M] [K] sont propriétaires d’une maison à [Adresse 1] à [Localité 7]. Ils sont voisins de Monsieur [Z] [U] et Madame [S] [U], qui ont entrepris la construction d’une maison individuelle sur leur parcelle. Le 4 avril 2017, un contrat de construction a été signé avec la SAS MAISON PIERRE, qui a sous-traité les travaux de terrassement à la SAS LTDTP.

Événements déclencheurs

Le 21 août 2018, lors des travaux de terrassement, une partie du terrain des époux [X] ainsi que leur mur de clôture se sont effondrés. Malgré une expertise amiable et un accord avec la SAS MAISON PIERRE pour des travaux de remise en état, les désordres ont persisté, poussant les époux [X] à demander une expertise judiciaire.

Procédures judiciaires

Le 22 mars 2019, le tribunal a ordonné une expertise judiciaire, et le rapport a été déposé le 29 novembre 2022. En janvier 2024, les époux [X] ont assigné les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP devant le tribunal judiciaire de Bobigny, demandant des réparations pour préjudices matériel et moral, ainsi que des frais d’expertise.

Demandes des époux [X]

Dans leurs conclusions du 28 août 2024, les époux [X] ont demandé la reconnaissance des responsabilités des époux [U], de la SAS MAISON PIERRE et de la SAS LTDTP, ainsi que des condamnations financières pour divers préjudices, incluant 1.500 € pour le préjudice matériel et 9.600 € pour le préjudice de jouissance.

Réponses des époux [U]

Les époux [U] ont contesté leur responsabilité dans leurs conclusions du 6 septembre 2024, demandant leur mise hors de cause et le rejet des demandes des époux [X]. Ils ont également sollicité un recours contre la SAS MAISON PIERRE pour garantir leur défense.

Position de la SAS MAISON PIERRE

La SAS MAISON PIERRE, dans ses conclusions du 5 septembre 2024, a demandé le rejet des demandes des époux [X] et a contesté les montants réclamés, suggérant des montants réduits pour les préjudices. Elle a également demandé à la SAS LTDTP de garantir ses condamnations.

Expertise et responsabilités

Le rapport d’expertise a établi que l’effondrement du terrain des époux [X] était dû à des travaux mal exécutés par la SAS LTDTP, sous la supervision de la SAS MAISON PIERRE. Les responsabilités ont été attribuées aux différents acteurs impliqués dans la construction.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné in solidum les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP à indemniser les époux [X] pour leur préjudice de jouissance et moral. La SAS MAISON PIERRE a été condamnée à garantir les époux [U] des condamnations, tandis que la SAS LTDTP a été condamnée à garantir la SAS MAISON PIERRE à hauteur de 80 %.

Conclusion et exécution provisoire

Le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de la décision, confirmant ainsi les condamnations financières et les responsabilités des parties impliquées dans cette affaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les responsabilités engagées dans le cadre des désordres causés par les travaux de construction ?

La responsabilité des époux [U], de la SAS MAISON PIERRE et de la SAS LTDTP est engagée sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, qui stipulent :

**Article 1240 :** « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

**Article 1241 :** « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »

Dans le cas présent, il a été établi que l’effondrement du terrain des époux [X] et du mur de clôture est dû à des travaux de terrassement réalisés par la SAS LTDTP, pour le compte de la SAS MAISON PIERRE, elle-même agissant pour le compte des époux [U].

L’expert judiciaire a conclu que les désordres étaient causés par un mode constructif inadapté et un manque de précautions lors des terrassements.

Ainsi, la responsabilité de plein droit des époux [U], de la SAS MAISON PIERRE et de la SAS LTDTP est engagée, car ils ont causé un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, ce qui justifie leur condamnation solidaire.

Quels préjudices peuvent être réparés dans ce litige ?

Les préjudices pouvant être réparés incluent le préjudice matériel, le préjudice de jouissance et le préjudice moral.

**Préjudice matériel :** Les époux [X] ont demandé 1.500 € pour un préjudice matériel lié à un vol dans leur jardin. Cependant, ce préjudice n’a pas été établi comme étant en lien direct avec les désordres causés par les travaux, ce qui a conduit à leur déboutement.

**Préjudice de jouissance :** Les époux [X] ont réclamé 9.600 € pour avoir été privés de jouissance de leur jardin pendant 320 mois. L’expert a constaté que l’affaissement avait rendu une partie de leur jardin inaccessible pendant 29 mois.

Le tribunal a retenu un montant de 2.320 € pour ce préjudice, calculé sur la base de 5% du loyer mensuel estimé de 1.600 €.

**Préjudice moral :** Les époux [X] ont également demandé 5.000 € pour le préjudice moral résultant de l’angoisse causée par l’affaissement de leur jardin. Le tribunal a évalué ce préjudice à 2.500 €, tenant compte de la durée de l’incertitude et de l’angoisse subies.

Comment sont réparties les responsabilités entre les différents intervenants dans ce litige ?

La répartition des responsabilités entre les différents intervenants se fait selon le principe de la responsabilité proportionnelle, comme le stipulent les articles 1240 à 1242 du Code civil.

Dans cette affaire, bien que la SAS LTDTP ait réalisé les travaux de terrassement, la SAS MAISON PIERRE, en tant que maître d’œuvre, a également une part de responsabilité en raison de son défaut de surveillance et de conception inadaptée.

Le tribunal a condamné la SAS MAISON PIERRE à garantir intégralement les époux [U] des condamnations prononcées à leur encontre, tandis que la SAS LTDTP a été condamnée à garantir la SAS MAISON PIERRE à hauteur de 80% des condamnations.

Cette répartition des responsabilités est fondée sur les fautes respectives de chaque partie, établies par l’expert judiciaire, qui a mis en évidence les manquements de la SAS MAISON PIERRE dans la conception et la surveillance des travaux.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans ce jugement ?

L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du Code de procédure civile, qui dispose que :

**Article 514 :** « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Dans le cas présent, le tribunal a décidé de ne pas écarter l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que les condamnations prononcées à l’encontre des époux [U], de la SAS MAISON PIERRE et de la SAS LTDTP peuvent être exécutées immédiatement, même en cas d’appel.

Cette mesure vise à garantir que les victimes, en l’occurrence les époux [X], puissent obtenir réparation rapidement, sans attendre la fin des procédures d’appel, ce qui est particulièrement important dans les affaires où des préjudices matériels et moraux sont en jeu.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 13 JANVIER 2025

Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 24/00355 – N° Portalis DB3S-W-B7I-YS2Q
N° de MINUTE : 25/00014

Monsieur [R] [X]
né le 18 Mai 1976 à [Localité 4] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]

Madame [M] [X]
née le 05 Juin 1971 à [Localité 4] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]

Ayant pour Avocat :
Maître Ismahan BENAYAD de la SELARL BDG AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D 1320

DEMANDEURS

C/

Monsieur [Z] [U]
[Adresse 1]

Madame [S] [U]
[Adresse 1]

Ayant pour Avocat :
Me Antonios VAROUDAKIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1259

La S.A.S. MAISONS PIERRE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par Maître Stanislas COMOLET de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P 0435

La S.A.S. LTDTP ([Localité 5] TERRASSEMENT DEMOLITION TRAVAUX PUBLICS)
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Charlotte THIBAUD, statuant en qualité de Juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

DÉBATS

Audience publique du 04 Novembre 2024, à cette date l’affaire a été mise en délibéré au 13 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Madame Charlotte THIBAUD, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [R] [X] et Madame [M] [K] épouse [X] sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation située [Adresse 1] à [Localité 7].

Monsieur [Z] [U] et Madame [S] [U] sont propriétaires de la parcelle voisine sur laquelle ils ont fait entreprendre la construction d’une maison individuelle.

Pour ce faire, le 04 avril 2017 ils ont conclu avec la SAS MAISON PIERRE un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, laquelle a confié les travaux de terrassement à la SAS LTDTP.

Le 21 août 2018, à l’occasion des travaux de terrassement, une partie du terrain des époux [X] et le mur de clôture entre les deux propriétés s’est effondré.

Ces désordres persistants, en dépit d’une expertise amiable diligentée par l’assurance des consorts [X] et d’un protocole d’accord conclu entre ces derniers et la SAS MAISON PIERRE aux termes duquel celle-ci s’engageait à effectuer les travaux de remise en état, les consorts [X] ont saisi le Président du tribunal de grande instance de Bobigny statuant en matière de référé aux fins d’obtenir une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 22 mars 2019, il a été fait droit à cette demande et Madame [H] [J] a été désignée en qualité d’expert pour y procéder.

Selon ordonnance en date du 08 janvier 2020, à la demande de la SAS MAISON PIERRE, les opérations d’expertise ont été étendues à la SAS LTDTP.

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 29 novembre 2022.

C’est dans ces conditions que par actes de commissaire de justice en date des 5 et 8 janvier 2024, Monsieur [R] [X] et Madame [M] [K] épouse [X] ont fait assigner Monsieur [Z] [U], Madame [S] [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à leur payer, outre les dépens et sous le bénéfice de l’exécution provisoire les sommes suivantes :
– 1500 € en réparation de leur préjudice matériel ;
– 5000 € en réparation du préjudice moral ;
– 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 septembre 2024 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 04 novembre 2024.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 août 2024, les époux [X] demandent au tribunal de :
« RECEVOIR les époux [X] en leur demande, la déclarant bien fondée,

EN CONSÉQUENCE,

RETENIR les responsabilités des époux [U], la société MAISONS PIERRE et la société LTDTP des désordres et des préjudices subis par les époux [X].

CONDAMNER solidairement les époux [U], la société MAISONS PIERRE et la société LTDTP à payer aux époux [X] la somme de 1500 euros en réparation du préjudice matériel ;

CONDAMNER solidairement les époux [U], la société MAISONS PIERRE et la société LTDTP à payer aux époux [X] une somme de euros 9600 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

CONDAMNER solidairement les époux [U], la société MAISONS PIERRE et la société LTDTP à payer aux époux [X] une somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral ;

CONDAMNER solidairement les époux [U], la société MAISONS PIERRE et la société LTDTP à payer aux époux [X] les sommes suivantes :
-4500 euros au titre des frais d’expertise avancés
-1563.14 euros au titre des frais d’huissiers avancés

CONDAMNER solidairement les époux [U], la société MAISONS PIERRE et la société LTDTP à payer aux époux [X] une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LES CONDAMNER in solidum aux entiers dépens y compris ceux de l’assignation ;

DEBOUTER les Consorts [U] et la société MAISONS PIERRE de l’ensemble de ses demandes et prétentions à l’égard des époux [X] ;

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir. »

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 06 septembre 2024, les époux [U] demandent au tribunal de :
« ENTERINER les conclusions du rapport d’expertise judiciaire en ce qui concerne les responsabilités engagées.

CONSTATER l’absence de toute imputabilité à l’encontre de Monsieur et Madame [U] dans le rapport de Madame [J] du 29 novembre 2022.

CONSTATER que les demandes formulées à l’encontre de Monsieur et Madame [U] ne sont pas motivées en fait et en droit.

En conséquence,

A titre principal :

ORDONNER la mise hors de cause de Monsieur et Madame [U].

DEBOUTER Monsieur et Madame [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Monsieur et Madame [U].

A titre subsidiaire :

FAIRE DROIT au recours de Monsieur et Madame [U] à l’encontre de la société MAISONS PIERRE.

CONDAMNER la société MAISONS PIERRE à relever et garantir Monsieur et Madame [U] de toutes condamnations qui seraient susceptibles d’être prononcées à leur encontre ;

En tout état de cause :

CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [X] ainsi que toutes parties succombantes à verser à Monsieur et Madame [U] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [X] ainsi que toutes parties succombantes aux entiers dépens. »

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 05 septembre 2024 et par acte de commissaire de justice remis à étude le 14 mai 2024 à la SAS LTDTP, la SAS MAISON PIERRE demande au tribunal de :

« A titre principal,
DEBOUTER les consorts [U] de leur appel en garantie ainsi que de toutes leurs demandes formées à l’encontre de la société MAISONS PIERRE ;

DEBOUTER les consorts [X] de toutes leurs demandes formées à l’encontre de la société MAISONS PIERRE ;

DEBOUTER les consorts [X] de leurs demandes de paiement de la somme de 1.500 € au titre du préjudice matériel, 9.600 € au titre du préjudice de jouissance, et 5.000 € au titre du préjudice moral à l’encontre de la société MAISONS PIERRE ;

A titre subsidiaire,
Et dans le cas où Tribunal entrait en voie de condamnation, ramener à de plus justes proportions les demandes manifestement exagérées des consorts [X] et :

FIXER le montant du préjudice de jouissance des consorts [X] à hauteur de 1.000€;

FIXER le montant du préjudice moral des consorts [X] à hauteur de 500 € ;

CONDAMNER la société LTDTP à relever et garantir indemne la société MAISONS PIERRE de toutes condamnations prononcées à son encontre tant en principal frais qu’accessoire ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, le tribunal ne devait pas faire droit au recours intégral de MAISONS PIERRE, à l’encontre de son sous-traitant, il ne manquera pas de :

FIXER la part de responsabilité de la société MAISONS PIERRE à hauteur de 10% et celle de la société LTDTP à 90% ;

CONDAMNER la société LTDTP à relever et garantir indemne la société MAISONS PIERRE de toutes condamnations prononcées à son encontre qui excèderaient sa propre cote part de responsabilité, tant en principal frais qu’accessoire ;

En tout état de cause,

CONDAMNER les consorts [X] à payer à la société MAISONS PIERRE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

DEBOUTER les consorts [X] et les consorts [U] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société MAISONS PIERRE. »

***

Assignée par remise de l’acte à l’étude, la SAS LTDTP n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 13 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur les demandes des époux [X]

Sur les désordres, leurs origines et leurs causes

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire en date du 29 novembre 2022, qui n’a été contesté par aucune des parties que le terrain des époux [X], en mitoyenneté avec celui des époux [U], s’est effondré emportant le mur de clôture en parpaing et laissant un espace béant allant jusqu’à quasiment 2 mètres à l’axe de propriété.

L’expert indique que l’éboulement du terrain des époux [X] est dû au recours à un mode constructif inadapté, en limite de propriété et sans voiles par passes, et à un manque de précaution lors des terrassements effectués sans étaiement des terres et butons ou sans murs enterrés type voiles par passes.

La matérialité des désordres dont se plaignent les époux [X] est donc établie.

Sur les responsabilités

Est responsable de plein droit, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil et du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, le propriétaire qui est l’auteur d’un trouble excédant les inconvénients qu’il est habituel de supporter entre voisins.

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité étrangère à la notion de faute et il appartient au juge saisi d’une demande en réparation sur ce fondement d’apprécier le caractère normal ou anormal du trouble invoqué, la charge de la preuve incombant à celui qui en demande réparation.

Il appartient donc à la partie demanderesse de rapporter la preuve d’un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage et de son caractère permanent ou récurrent.

Le maître de l’ouvrage est le voisin à l’origine du trouble, dès lors qu’il a pris la décision de procéder à l’acte de construire, bien qu’il n’en soit pas l’auteur et sa responsabilité peut se voir engagée dès lors que le voisin victime démontre l’anormalité du trouble. Ce dernier, condamné à indemniser son voisin victime sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, peut se retourner contre les constructeurs intervenus sur le chantier dans le cadre d’un recours subrogatoire s’il a préalablement procédé à l’indemnisation du voisin. En l’absence d’indemnisation versée par le maître d’ouvrage au voisin victime, son action contre les intervenants à la construction ayant causé les dommages, est fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, si le défendeur est son cocontractant et/ou sur le fondement délictuel si l’auteur du trouble est le sous-traitant de l’un de ses contractants par application du principe de l’effet relatif des contrats.

Le maître d’ouvrage ayant causé un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et qui a été condamné à dédommager le voisin victime in solídum avec les constructeurs ne peut, dans ses rapports avec ces derniers, conserver à sa charge une part d’indemnisation que s’il est prouvé son immixtion fautive ou l’acceptation délibérée des risques.

Le maître d’œuvre peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage si les prestations intellectuelles accomplies sont en relation directe avec les troubles allégués.

L’entreprise intervenant sur le chantier voisin est responsable de plein droit dès lors qu’elle a exercé une activité en relation directe avec le trouble anormal causé.

Le sous-traitant qui participe au chantier acquiert également la qualité de voisin occasionnel et répond sur le fondement du trouble anormal de voisinage des désordres que son activité sur le terrain cause au voisinage. Ainsi l’entrepreneur principal qui a sous-traité la totalité des travaux ne peut pas être condamné au profit du propriétaire voisin lésé ni du maître d’ouvrage, dès lors que le voisin occasionnel, qui suppose une présence effective sur le chantier, est le sous-traitant qui est le seul à avoir effectivement réalisé les travaux ayant causé les désordres sauf à établir l’intervention effective de l’entreprise principale nonobstant le contrat de sous-traitance.

En l’espèce, il est constant et justifié, notamment par le rapport d’expertise judiciaire du 29 novembre 2022, que le terrain des époux [X] s’est effondré entraînant le mur de clôture à l’occasion des travaux de terrassement réalisés par la SAS LTDTP, pour le compte de la SAS MAISON PIERRE, elle-même agissant pour le compte des époux [U].

Cet affaissement, qui excède à l’évidence et ainsi qu’en atteste les photographies illustrant tant les procès-verbaux de constat d’huissier de justice des 08 février 2019 et 18 mars 2019 que le rapport d’expertise du 29 novembre 2022, ce qu’il est habituel de supporter entre voisins, expose la responsabilité de plein droit et in solidum, ce qui rend sans objet l’examen des fautes alléguées à ce stade, :

des époux [U] en leur qualité de propriétaire du fonds sur lesquels les travaux en cause sont intervenus ;
de la SAS LTDTP, entreprise chargée du lot terrassement, ce qui lui confère la qualité de voisine occasionnelle le temps de la réalisation des travaux en cause ;
de la SAS MAISON PIERRE, ayant qualité de maître d’œuvre de conception et d’exécution en application du contrat de construction de maison individuelle conclu le 04 avril 2017 avec les époux [U], missions qui sont en relation directe avec les troubles subis, l’expert judiciaire ayant retenu que les désordres ont pour origine un choix de mode constructif inadapté, en limite de propriété et sans voiles par passes et à un manque de précaution lors des terrassements effectués sans étaiement des terres, ce dont la SAS MAISON PIERRE aurait dû s’apercevoir avant l’apparition des désordres si elle avait effectué une surveillance du chantier suffisante en sa qualité de maître d’œuvre d’exécution.
Sur les préjudices

Sur le préjudice matériel

Les époux [X] réclament la somme de 1.500 € au titre de leur préjudice matériel, alléguant avoir été victime d’un vol dans leur jardin rendu possible par les travaux réalisés par les époux [U].

Ce préjudice, si tant est qu’il soit avéré, le seul dépôt de plainte auprès des services de police par Monsieur [X] étant insuffisant à cet égard, est sans rapport avec les désordres dont les époux [X] se plaignent à savoir l’effondrement de leur terrain et de leur mur de clôture.

En conséquence, ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

Sur le préjudice de jouissance

Au titre d’un préjudice de jouissance, les époux [X] sollicitent la somme de 9.600€ estimant avoir été privé de la jouissance de leur jardin soit 20% de leur surface habitable pendant 320 mois.

L’examen des pièces versées aux débats, en particulier le rapport d’expertise judiciaire du 29 novembre 2022 permet d’établir qu’une partie du jardin des époux [X] a été rendu inaccessible du fait de l’effondrement du terrain et du mur de clôture entre le 21 août 2018 et le 28 janvier 2021, date à laquelle l’expert constate l’achèvement des travaux de reprise, soit 29 mois.

Selon l’avis de valeur locative de l’agence expertimo en date du 06 juin 2020 le bien des époux [X] peut être loué 1600 € par mois hors charges.

Les autres parties ne fournissent aucun document susceptible de remettre en cause cette évaluation, qui sera retenue.

La gêne dans les conditions de vie des époux [X] générée par l’affaissement d’une partie de leur jardin, qui ne se limite pas à un simple préjudice esthétique lié à l’aspect de leur jardin, mais les empêche d’en profiter constitue un trouble de jouissance réel.

Ce trouble de jouissance sera réparé sur la base de 5% du loyer mensuel sur la période de 29 mois : 1600 € x 0,05 x 29 = 2.320 €.

En conséquence, les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP seront condamnés in solidum à payer aux époux [X] la somme de 2.320 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, au titre de leur préjudice de jouissance.

sur le préjudice moral

Les époux [X] réclament la somme de 5.000 € au titre de leur préjudice moral.

Il ressort du rapport d’expertise précité, que le jardin des époux [X] a subi d’importants désordres liés à l’affaissement d’une partie du terrain, ce qui outre un préjudice de jouissance a également causé une importante angoisse et anxiété aux époux [X] dans la mesure où cet affaissement à perduré pendant 29 mois.

Il s’en est suivi pour les consorts [X] une période d’attente et d’incertitude de plus de 2 ans, source d’angoisse et d’anxiété, constituant un préjudice moral dont la réparation sera justement évaluée à la somme de 2.500 €.

En conséquence, les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP seront condamnés in solidum à payer aux époux [X] la somme de 2.500 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, au titre de leur préjudice moral.

Sur les frais d’expertise et les frais d’huissiers avancés

La demande à ce titre sera rejetée en ce qu’il s’agit de dépens.

Sur l’appel en garantie des époux [U]

Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 ancien et 1240 à 1242 nouveaux du code civil s’agissant des intervenants à l’acte de construire non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1147 ancien et 1231-1 du code civil s’ils sont contractuellement liés.

En l’espèce, il est établi que les dommages litigieux sont intervenus à l’occasion de la réalisation des travaux de construction de leur maison, confiés par les époux [U] à la SAS MAISON PIERRE selon contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, de sorte que cette dernière a, à la fois la qualité de maître d’œuvre et d’entreprise générale.

Ainsi, bien que les travaux de terrassement ayant provoqué l’effondrement du terrain et du mur de clôture ont été effectués par la SAS LTDTP, la SAS MAISON PIERRE a commis une faute dans la mesure où l’expert judiciaire retient à la fois un défaut d’exécution et un défaut de conception, les désordres ayant, selon lui, pour origine un choix de mode constructif inadapté, en limite de propriété et sans voiles par passes et un manque de précaution lors des terrassements effectués sans étaiement des terres, ce dont la SAS MAISON PIERRE aurait dû s’apercevoir avant l’apparition des désordres si elle avait effectué une surveillance du chantier suffisante en sa qualité de maître d’œuvre d’exécution

En conséquence, la SAS MAISON PIERRE sera condamnée à garantir intégralement les époux [U] des condamnations intervenues à leur encontre au bénéfice des époux [X].

Sur l’appel en garantie de la SAS MAISON PIERRE

Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 ancien et 1240 à 1242 nouveaux du code civil s’agissant des intervenants à l’acte de construire non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1147 ancien et 1231-1 du code civil s’ils sont contractuellement liés.

En l’espèce, au regard des fautes précédemment caractérisées de la SAS LTDTP et de la SAS MAISON PIERRE à savoir :
un défaut d’exécution de la SAS LTDTP en charge du lot terrassement, qui lui a été contractuellement confié par la SAS MAISON PIERRE, qui a effectué les terrassements sans étaiement suffisant ; un défaut de conception et d’exécution de la SAS MAISON PIERRE en sa qualité de maître d’œuvre en charge d’une mission de maîtrise d’œuvre complète, pour avoir prévu un mode constructif inadapté et en ne surveillant pas avec suffisamment de diligence le chantier ; la SAS LTDTP sera condamnée à garantir la SAS MAISON PIERRE à hauteur de 80 % des condamnations intervenues à son encontre.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Succombants, les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP seront condamnés in solidum aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire (RG n°19/333 et 19/774).

La SAS MAISON PIERRE sera condamnée à garantir intégralement les époux [U] des condamnations intervenues à leur encontre à ce titre.

La SAS LTDTP sera condamnée à garantir la SAS MAISON PIERRE à hauteur de 80 % des condamnations intervenues à son encontre à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, l’équité commande de condamner in solidum les époux [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP à payer aux époux [X] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS MAISON PIERRE sera condamnée à garantir intégralement les époux [U] des condamnations intervenues à leur encontre à ce titre.

La SAS LTDTP sera condamnée à garantir la SAS MAISON PIERRE à hauteur de 80 % des condamnations intervenues à son encontre à ce titre.

Il n’apparaît pas inéquitable de ne pas faire droit aux autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, compte tenu des circonstances, de la nature de l’affaire et de l’issue du litige, il n’apparaît pas nécessaire d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [U], Madame [S] [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP à payer à Monsieur [R] [X] et Madame [M] [X] la somme de 2.320 € (deux mille trois cent vingt euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre de leur préjudice de jouissance ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [U], Madame [S] [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP à payer à Monsieur [R] [X] et Madame [M] [X] la somme de 2.500 € (deux mille cinq cent euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre de leur préjudice moral ;

CONDAMNE la SAS MAISON PIERRE à garantir intégralement Monsieur [Z] [U] et Madame [S] [U] des condamnations intervenues ci-dessus au bénéfice de Monsieur [R] [X] et Madame [M] [X] ;

CONDAMNE la SAS LTDTP à garantir à hauteur de 80 % la SAS MAISON PIERRE des condamnations intervenues ci-dessus au bénéfice de Monsieur [R] [X] et Madame [M] [X] ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [U], Madame [S] [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP aux dépens de la présente procédure en ce compris les frais d’expertise judiciaire (RG n°19/333 et 19/774) ;

CONDAMNE la SAS MAISON PIERRE à garantir intégralement Monsieur [Z] [U] et Madame [S] [U] des condamnations intervenues ci-dessus au titre des dépens ;

CONDAMNE la SAS LTDTP à garantir à hauteur de 80% la SAS MAISON PIERRE des condamnations intervenues ci-dessus au titre des dépens ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [U], Madame [S] [U], la SAS MAISON PIERRE et la SAS LTDTP à payer à Monsieur [R] [X] et Madame [M] [X] la somme de 3.000 € (trois mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS MAISON PIERRE à garantir intégralement Monsieur [Z] [U] et Madame [S] [U] des condamnations intervenues ci-dessus au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS LTDTP à garantir à hauteur de 80% la SAS MAISON PIERRE des condamnations intervenues ci-dessus au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir lieu à l’écarter ;

La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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