L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, conformément aux articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail, qui imposent de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. En cas de manquement à cette obligation, la responsabilité de l’employeur peut être engagée pour faute inexcusable, selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié, qui doit établir le lien entre son accident et la faute de l’employeur. Il est indifférent que la faute inexcusable soit la cause déterminante de l’accident ; il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour engager la responsabilité de l’employeur.
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L’Essentiel : L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. En cas de manquement, sa responsabilité peut être engagée pour faute inexcusable si l’employeur avait conscience du danger et n’a pas agi. La charge de la preuve incombe au salarié, qui doit établir le lien entre son accident et la faute de l’employeur, sans que la faute inexcusable soit la cause déterminante de l’accident.
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Résumé de l’affaire :
Accident de travailLe 8 janvier 2019, un salarié, en qualité d’agent d’entretien, a été victime d’un accident de travail en chutant d’un escabeau lors du nettoyage du plafond d’un restaurant. Conséquences de l’accidentSuite à cet accident, le salarié a subi un trauma rachis lombaire et a été placé en arrêt de travail. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a reconnu l’accident comme étant lié à la législation sur les risques professionnels. État de santé et rechuteL’état de santé du salarié a été déclaré consolidé avec un taux d’incapacité permanente de 7%. Une rechute a été déclarée le 27 janvier 2020, reconnue imputable à l’accident initial, mais sans séquelle indemnisable. Licenciement et contestationLe salarié a été licencié le 12 novembre 2019 suite à un avis d’inaptitude. Il a ensuite engagé une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes. Jugement du conseil de prud’hommesLe 24 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de toutes ses demandes. Appel et demandesLe salarié a interjeté appel du jugement, demandant la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et une indemnisation pour les préjudices subis. Réponse de l’employeurL’employeur a demandé la confirmation du jugement initial, arguant de l’absence de preuve d’une faute inexcusable et de la responsabilité du salarié dans l’accident. Position de la CPAMLa CPAM a également demandé à être exonérée de toute responsabilité, tout en se réservant le droit de récupérer les sommes allouées en cas de reconnaissance de la faute inexcusable. Évaluation des risquesLe tribunal a examiné les obligations de l’employeur en matière de sécurité et a constaté que les mesures de prévention avaient été mises en place, rejetant ainsi la demande de reconnaissance de faute inexcusable. Décision finaleLe tribunal a confirmé le jugement du 28 juin 2023, déboutant le salarié de toutes ses demandes et le condamnant aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de l’obligation de sécurité de l’employeur ?L’obligation de sécurité de l’employeur est régie par les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail. Ces dispositions imposent à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur doit notamment : – Éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, – Planifier la prévention en intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants. Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail précisent que l’employeur doit transcrire et mettre à jour, au moins chaque année, dans un document unique, les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. En cas de manquement à cette obligation, cela peut constituer une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Quel est le lien entre la faute inexcusable et l’accident de travail ?La faute inexcusable de l’employeur est définie par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. Pour engager la responsabilité de l’employeur, il suffit que la faute inexcusable soit une cause nécessaire de l’accident du travail. Il incombe au salarié de prouver la faute inexcusable, ce qui implique d’établir un lien entre l’accident et une faute commise par l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité. Il est indifférent que la faute inexcusable ait été la cause déterminante de l’accident ; il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, même si d’autres fautes ont contribué au dommage. Quel est le rôle des documents d’évaluation des risques professionnels ?Les documents d’évaluation des risques professionnels, tels que le document unique d’évaluation des risques (DUERP), sont essentiels pour démontrer que l’employeur a pris des mesures adéquates pour assurer la sécurité des salariés. Ces documents doivent identifier les risques potentiels et les actions mises en place pour les prévenir. En vertu des articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu de mettre à jour ces documents au moins une fois par an. Dans le cas présent, l’employeur a produit des DUERP pour les années concernées, identifiant les risques de chute et les mesures prises, telles que la pose de carrelage anti-dérapant et le port de chaussures anti-dérapantes. Ces éléments sont cruciaux pour établir si l’employeur a respecté son obligation de sécurité et pour évaluer la pertinence des mesures de prévention mises en place. Quel est l’impact des témoignages sur l’évaluation de la faute inexcusable ?Les témoignages peuvent jouer un rôle déterminant dans l’évaluation de la faute inexcusable de l’employeur. Ils permettent d’établir les conditions de travail et l’état des équipements utilisés par le salarié au moment de l’accident. Dans cette affaire, plusieurs témoignages ont été présentés, tant par le salarié que par l’employeur. Les témoignages du salarié indiquent que l’escabeau utilisé était vétuste et inadapté, tandis que ceux de l’employeur affirment que l’escabeau était conforme et sécurisé. La cour a considéré que les témoignages de l’employeur, corroborés par des constatations matérielles, étaient plus crédibles. Cela a conduit à la conclusion que la faute inexcusable n’était pas établie, car il n’y avait pas de preuve suffisante d’un manquement à l’obligation de sécurité. Quel est le rôle de l’expertise médicale dans ce type de litige ?L’expertise médicale est souvent sollicitée pour évaluer les préjudices subis par la victime d’un accident de travail. Elle permet de déterminer la nature et l’ampleur des lésions, ainsi que leur lien avec l’accident. L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale prévoit que l’expertise doit prendre en compte divers postes de préjudice, tels que les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, et la perte de chances de promotion professionnelle. Dans le cadre de cette affaire, l’appelant a demandé une expertise médicale pour évaluer les préjudices non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale. L’expertise est essentielle pour établir le montant des indemnités dues à la victime en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Quel est le régime des dépens dans le cadre d’un litige de cette nature ?Le régime des dépens est régi par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est généralement condamnée aux dépens. Dans cette affaire, le salarié a été débouté de toutes ses demandes, ce qui a conduit à sa condamnation aux dépens d’appel. De plus, l’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais d’avocat. Cependant, dans ce cas, la cour a décidé de ne pas faire application de cet article au profit de l’employeur, considérant que l’équité ne le justifiait pas. Ainsi, le salarié a été condamné à supporter les frais de la procédure, ce qui est une conséquence fréquente dans les litiges où la faute inexcusable n’est pas établie. |
ARRÊT N°2025/62
N° RG 23/03197 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PVZW
MD/CD
Décision déférée du 28 Juin 2023 – Pole social du TJ de TOULOUSE (22/00214)
R. BONHOMME
[R] [A]
C/
Caisse CPAM DE LA HAUTE GARONNE
S.A.R.L. [7]
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1 – Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANT
Monsieur [R] [A]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Glareh SHIRKHANLOO, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »ES
CPAM DE LA HAUTE GARONNE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Dispensée de comparaître au titre de l’article 946 al 2 du CPC
S.A.R.L. [7]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Eric MANDIN de la SELARL MANDIN – ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Décembre 2024, en audience publique, devant M. DARIES, chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C.GILLOIS-GHERA, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
Le 8 janvier 2019, M. [R] [A], salarié de la SARL [7] en qualité d’agent d’entretien, a été victime d’un accident de travail : alors qu’il était sur un escabeau afin de nettoyer le plafond du restaurant exploité par la société et à l’enseigne ‘[6]’, M. [A] a chuté.
Suite à cet accident, M. [A] a présenté un trauma rachis lombaire. Il a été placé en arrêt de travail.
Après enquête, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision notifiée à l’assurée et à l’employeur le 4 mars 2019.
L’état de santé de l’assuré, en rapport avec son accident de travail, a été déclaré consolidé par la caisse primaire le 27 septembre 2019. Son taux d’incapacité permanente a été fixé à 7%.
M. [A] a fait l’objet d’une rechute déclarée le 27 janvier 2020.
Suivant décision du 13 mars 2020, la caisse primaire a reconnu que cette rechute était imputable à l’accident du travail survenu le 9 janvier 2019.
L’état de santé de M. [A] a été déclaré consolidé par la caisse au 28 février 2020 sans séquelle indemnisable.
M. [A] ayant fait l’objet d’un avis d’inaptitude par la médecine du travail, il a été licencié par lettre du 12 novembre 2019.
Le 13 octobre 2020, il a engagé auprès de la CPAM une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
M. [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 14 octobre 2020 afin de contester son licenciement et demander la condamnation de son employeur au titre d’un manquement à son obligation de sécurité.
Par jugement du 24 janvier 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a débouté M. [A] de l’ensemble de ses demandes.
M. [A] a saisi le tribunal judiciaire de Toulouse le 11 mars 2022 d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur à l’origine de l’accident de travail du 9 janvier 2019.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse, par jugement du 28 juin 2023, a :
– débouté M. [A] de l’ensemble de ses demandes,
– laissé les dépens de l’instance à la charge de M. [A],
– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 1er septembre 2023, M. [R] [A] a interjeté appel de ce jugement .
PRETENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 3 septembre 2024 et reprises oralement à l’audience, M. [R] [A] demande à la cour de :
– accueillir son appel interjeté,
– le déclarer recevable et bien fondé en son action,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,
* a laissé les dépens de l’instance à sa charge,
* a dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conséquent et statuant à nouveau,
– le déclarer recevable et bien fondé en son action,
– fixer en application de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale la majoration de la rente à son maximum,
– ordonner avant dire droit une expertise médicale et désigner tel expert qui vous plaira avec notamment pour mission de :
* Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation, son mode de vie antérieure à l’accident et sa situation actuelle,
* Décrire les lésions et infirmités résultant de la maladie professionnelle,
* A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins ;
* Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
* Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,
* Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l’assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
* A l’issue de cet examen analyser dans un exposé précis et synthétique :
La réalité des lésions initiales,
La réalité de l’état séquellaire,
L’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur,
Tenir compte de la date de consolidation fixée par l’organisme social,
Préciser les éléments des préjudices suivants prévus par l’article L452-3 du code de la sécurité sociale :
– Souffrances endurées temporaires et/ou définitives
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif ; les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7.
– Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif
Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7.
– Préjudice d’agrément
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, en distinguant les préjudices temporaires et définitif.
– Préjudice sexuel
Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice sexuel, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif.
– Perte ou diminution de possibilités de promotion professionnelle dont la victime demeure atteinte à la suite de l’accident
Préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :
– Déficit fonctionnel permanent
Chiffrer, par référence au « barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquence de cette situation.
– Déficit fonctionnel temporaire
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d’une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.
En cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée.
– Assistance par tierce personne avant consolidation
Indiquer le cas échéant si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l’aide prodiguée et sa durée quotidienne.
– Établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission
– Dire que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport ; Dire que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;
– Dire que l’expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif.
– dire et juger qu’en l’état des éléments versés au dossier, il a été victime d’un accident du travail le 8 janvier 2019 en raison de la faute inexcusable de la EURL [7],
– dire et juger que cette faute justifie une indemnisation complémentaire pour la victime,
– déclarer le jugement commun à la CPAM de la Haute-Garonne,
– condamner la EURL [7] a versé la somme de 3 000 euros à titre provisionnelle à valoir sur le montant de l’indemnisation finale,
– condamner la EURL [7] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la EURL [7] aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 septembre 2024 et reprises oralement à l’audience, la SARL [7] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [A] de l’ensemble de ses demandes,
– laisser les dépens de l’instance à la charge de M. [A].
A défaut,
– ordonner une mesure d’expertise médicale concernant les seuls préjudices non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale à charge pour l’expert d’adresser un pré-rapport aux parties en leur laissant un délai d’un mois pour faire valoir leurs observations par voie de dires,
– condamner M. [A] à lui verser une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe le 5 décembre 2024, la CPAM de la Haute-Garonne, qui a sollicité une dispense de comparaître, demande à la cour de :
Dans l’hypothèse où la faute inexcusable ne serait pas retenue et le jugement confirmé,
– débouter M. [A] de l’entièreté de ses demandes.
Dans l’hypothèse où la faute inexcusable serait retenue et le jugement infirmé,
– dire que l’arrêt a intervenir lui sera déclaré commun et qu’elle sera chargée de procéder auprès de la victime au paiement de la majoration de la rente et au versement des indemnités allouées en réparation des préjudices subis,
– fixer à son maximum la majoration de rente, soit un montant de 2 975,29 euros,
– lui donner acte qu’elle ne s’oppose pas à la réalisation avant dire droit d’une expertise médicale, afin d’évaluer les postes de préjudices suivants :
les souffrances physiques et morales endurées,
le préjudice esthétique temporaire et permanent,
le préjudice d’agrément,
le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de chances de promotion professionnelle,
l’assistance d’une tierce personne avant consolidation,
les frais d’aménagement de logement et de véhicule,
les préjudices permanents exceptionnels,
les frais divers,
le préjudice sexuel,
le déficit fonctionnel temporaire,
le déficit fonctionnel permanent.
– prendre acte de ce qu’elle s’en remet à la libre appréciation du tribunal sur la demande de provision formée par M. [A],
– accueillir son action récursoire à l’encontre de l’employeur, la société [7],
– dire en conséquence qu’elle récupérera directement et immédiatement auprès de l’employeur, la société [7], le montant des sommes allouées au titre de la majoration de la rente et de la réparation des préjudices subis par M. [A], en ce compris le montant de la provision éventuellement allouée,
– dire que les frais d’expertise seront avancés par elle, et récupérés par elle auprès de l’employeur, la société [7],
– rejeter toute demande visant à obtenir sa condamnation au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
Sur la faute inexcusable
Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’employeur a, en particulier, l’obligation d’éviter les risques et d’évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.
Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il suffit que la faute inexcusable de l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident du travail pour engager sa responsabilité.
C’est au salarié qu’incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d’établir que son accident du travail présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, même si d’autres fautes ont concouru au dommage.
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Il est constant que le 08 janvier 2019, l’appelant utilisait un escabeau pour procéder au nettoyage des bouches d’aération de la cuisine du restaurant et qu’il a chuté sur le sol.
– M. [A] argue que l’employeur avait conscience du danger encouru et n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver sa santé et sécurité en violation de son obligation de sécurité.
Il rappelle qu’il a déjà été victime de 2 accidents du travail au sein de l’entreprise, le 07 avril 2008 puis le 01 avril 2016 ( lors du nettoyage de la terrasse du restaurant) alors qu’il travaillait à chaque fois en étant monté sur un escabeau.
Il soutient que l’employeur n’a pas respecté la règlementation relative aux échelles, escabeaux et marchepieds des articles R 4323-63 et suivants du code du travail, selon lesquels ces équipements ne doivent pas être utilisés comme postes de travail, sauf en cas d’impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l’évaluation du risque a établi que celui-ci était faible et qu’il s’agissait de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif.
Il qualifie son travail de répétitif, devant selon le contrat de travail et les comptes rendus d’évaluation mensuels versés aux débats, entretenir et nettoyer les plafonds, luminaires et boiserie – les éclairages extérieurs – la casquette du toit – les bouches d’aération cuisine, lobby et comptoir (pièce 3), outre que l’entrée et les portes étaient nettoyées tous les jours et les hottes des cuisine à raison de 1 fois par semaine.
Il indique que l’entretien et le nettoyage des spots lumineux du restaurant au nombre de 160 nécessitaient au moins une intervention par jour et l’entretien de la casquette du toit devait être effectué plusieurs fois par mois.
M. [A] expose qu’il disposait de deux escabeaux, l’un destiné au nettoyage des parties intérieures du restaurant situées à 2,5 mètres de hauteur (luminaires – hotte aspirante/ bouches d’aération des cuisines) et le second pour le nettoyage des parties extérieures entre 3 et 6 mètres de hauteur (aire de jeux et casquette du toit), lesquels n’étaient pas adaptés aux travaux à réaliser.
Il dénonce que l’escabeau utilisé pour l’entretien à l’intérieur du restaurant possédant 6 marches et à l’origine de son accident du 8 janvier 2019 était vétuste et non adapté au sol glissant de la cuisine, étant démuni de pieds anti-dérapants et donc instable, alors qu’il devait nettoyer les voies d’aération placées près des friteuses.
Il fait valoir qu’il a fait une chute de 2,5 mètres de haut (mention portée sur le rapport du service des urgences) et a subi un lourd préjudice physique suite à l’accident ( traumatisme du genou droit, du tendon d’Achille et des lombaires).
Lors de l’enquête de la CPAM il déclarait sur les circonstances de l’accident intervenu à 07h15: ‘ nettoyage des bouches d’aération; pour ceci obligation de monter sur un escabeau. Une fois monté sur l’escabeau celui-ci a glissé vu l’état du sol à côté des friteuses. Je suis tombé en arrière en me recevant sur la jambe droite et sur le coccyx’.
Il s’appuie sur les témoignages de:
. Mme [U], ancienne assistante de direction de 2007 à 2010, attestant que parmi les tâches accomplies par M. [A], il y avait le nettoyage de l’intérieur et de l’extérieur du restaurant y compris la casquette du ‘Drive’ en se servant d’une échelle,
. Mme [E], ancienne salariée ayant travaillé du 24-02-2010 au 12-03-2015, témoignant que M. [A] ‘utilisait régulièrement et quotidiennement une échelle pour effectuer ses tâches (exemple: changement ampoule, nettoyage vitres ou même toiles d’araignées) et que cette échelle qu’elle a elle-même utilisée, était assez vieille et pourrie mais elle était indispensable pour effectuer les tâches,
. Mme [W], ancienne collègue de travail comme manager au [6], écrit « avoir vu utiliser l’échelle par M. [A] en 2016. Cette échelle était à notre disposition au stock, elle n’était pas neuve. Elle servait à changer les PLU ou pour changer les ampoules»,
. Mme [F] [D], salariée présente le jour de l’accident du 08 janvier 2019: « J’ai entendu l’escabot tombé au sol puis quand je suis arrivée, M. [A] était au sol sur le dos mais je ne l’ai pas vu tomber. Il était très bien avant l’accident puis il m’a dit qu’il avait mal au dos et au niveau de la cheville quand il est tombé ». ( questionnaire CPAM assuré et employeur ).
L’appelant critique:
. la pertinence du constat d’huissier de justice du 22-06-2022 n’ayant pu constater l’état de l’escabeau utilisé lors de l’accident de 2019, lequel n’était pas identique à celui décrit comme comportant 3 marches,
. les témoignages de salariés versés par l’employeur attestant utiliser un escabeau pour le travail en hauteur sans difficulté et sans danger, qui n’est pas celui dont il se servait,
. les évaluations des risques dans les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) produits par l’employeur qu’il estime insuffisantes.
M. [A] allègue en outre un défaut d’information et de formation à la sécurité par l’employeur.
– La société conclut à l’absence de preuve d’une faute inexcusable lui incombant.
Elle réplique que les causes de l’accident du 08 janvier 2019 de M. [A] sont indéterminées et sans lien avec les 2 précédents accidents; que l’escabeau comportant 3 marches horizontales et un garde-corps était adapté aux travaux et identique à celui décrit dans le constat d’huissier de justice avec des pieds anti-dérapants; que son utilisation ponctuelle et de courte durée ne s’analyse pas en un poste de travail au regard du nombre de tâches à effectuer; que les DUERP produits pour les années 2008, 2016 et 2019 et signés par les représentants du personnel, décrivent les situations dangereuses pour les salariés et les actions réalisées par l’employeur.
Sur ce
S’il ressort du témoignage de Mme [D] qu’elle a entendu glisser au sol l’escabeau sur lequel était monté M. [A] pour nettoyer les bouches d’aération et a vu son collègue allongé sur le sol. Elle n’était pas présente dans la cuisine au moment de l’accident intervenu le 08 janvier 2019.
Elle n’a donné aucune précision que ce soit sur l’état de l’escabeau utilisé ou sur celui du sol de la cuisine, l’accident ayant eu lieu à 7H15, soit une heure à laquelle les friteuses n’étaient pas encore en fonctionnement.
Aucune personne n’a été entendue dans le cadre de l’enquête par la CPAM sur l’état du sol de la cuisine ou les conditions de l’entretien.
L’appelant a été antérieurement victime de 2 accidents du travail, le premier en avril 2008 soit près de 11 ans avant et le deuxième en avril 2016 soit près de 3 ans avant.
Compte tenu du nombre d’années écoulées entre les évènements et des différentes tâches exécutées par le salarié, le seul fait qu’ils aient eu lieu alors que M. [A] se trouvait sur un escabeau est insuffisant pour établir un lien certain entre eux, ce d’autant que l’intéressé n’a élévé aucune alerte concernant les précédents accidents et n’a engagé une action judiciaire que pour le dernier.
Aux termes du contrat de travail, M. [A] exécutait de nombreuses tâches d’entretien concernant la salle de restaurant, la cuisine, les sanitaires clients, les locaux équipiers, les extérieurs du restaurant et les vitres.
La pièce 3 du salarié se rapporte à des évaluations mensuelles en nombre de points pour chaque tâche effectuée pour les mois d’octobre à décembre 2007 – janvier à avril 2009 – octobre et novembre 2009, outre une évaluation pour le 4ème trimestre 2017.
L’appelant ne communique pas de fiche pour la période concernée par l’accident.
Celles versées, très antérieures, comportent 32 rubriques de nettoyage dont une grande partie n’implique pas un travail en hauteur, lequel concerne le dépoussiérage des plafonds, luminaires et boiseries, l’entretien des bouches d’aération et le nettoyage de la casquette de toit du restaurant, qui sont limités en durée de temps.
Aussi il ne sera pas considéré que l’utilisation de l’escabeau s’analyse en un poste de travail.
Il n’est pas contesté et le constat d’huissier de justice effectué en 2022 le confirme, que les bouches d’aération de la cuisine (comme les plafonds – luminaires, les boiseries du restaurant étant à hauteur d’homme) sont situées à une hauteur de 2,5 m.
Dès lors il ne pouvait être mis en place un autre matériel, précision étant faite que M. [A] mesure 1,78 m tel que mentionné dans les rapports médicaux.
Le procès-verbal d’huissier de justice établit la configuration des lieux avec notamment des photographies de la cuisine et précise que ‘le sol est antidérapant dans tout le restaurant et notamment dans les cuisines’ outre que les salariés disposent de chaussures anti-dérapantes.
Le procès-verbal décrit l’escabeau utilisé à la date des opérations, comportant 3 marches( 0.23m – 0.58m et 0.72 m) et un garde corps situé à 1.53 m du sol et mentionne qu’il n’est pas celui ayant servi au moment de l’accident mais précise: ‘ il m’est indiqué par l’ensemble des salariés présents qu’il est en tout point identique au précédent et a toujours été utilisé pour l’entretien du restaurant, cet escabeau ne glisse pas sur le sol et est équipé de patins en plastique noir à chacun de ses pieds’.
Il est ajouté que la casquette du restaurant est nettoyée à l’aide d’une serpillère, ce qui est confirmé par les employés.
Les témoignages produits par l’appelant, émanant de personnes qui n’étaient plus salariées en 2019 et évoquant l’utilisation d’ ‘une échelle en mauvais état ‘ sont contredits par ceux versés par l’employeur aux termes desquels les employés déclarent qu’ils utilisent un escabeau (et non une échelle) pour les travaux en hauteur à l’intérieur du restaurant, pour du remplissage ou nettoyage, lequel est conforme et ne présente pas de danger (confer attestations de Mme [D] manager depuis le 01-03-2016 – Mme [V] salariée depuis 2010 et membre du CSE – Mme [X] [M] chef d’équipe depuis 2010 déclarant utiliser l’escabeau pour des remplissages ou du nettoyage- M. [Z] chef d’équipe depuis 2013 jusqu’à avril 2021 décalrant n’avoir eu aucun problème avec l’utilisation de l’escabeau au quotidien et précisant que son poids est de 100 kgs [ce qui correspond à celui de M. [A]] – M. [P] salarié depuis le 01-10-2020 qui procède au nettoyage des aérations à l’intérieur du restaurant à l’aide de l’escabeau et ne le trouve pas dangereux).
La société communique également les DUERP des années concernées par les accidents de M. [A] (2008, 2016 et 2019) identifiant:
– en 2008, un risque de chute de hauteur pour l’accès au toit, de chute de plain pied lors du nettoyage de la terrasse au karcher, évalué « faible »,
-en 2016 et 2019:
. les risques de chute de plain pied en cuisine pour les personnels y travaillant et précisant les actions menées: pose de carrelage anti-dérapant – port de chaussures anti-dérapantes – nettoyage régulier du sol,
. les risques de chute en hauteur pour les miroirs posés au-dessus des lavabos des WC et sur le sol carrelé des stocks secs depuis la hauteur de l’escabeau (1 mètre maximum) pour installer des cartons jusqu’à 2 mètres ou pour l’approvisionnement en cuisine.
L’appelant n’apporte pas d’élément technique permettant de remettre en cause la fiabilité des documents d’évaluation des risques professionnels.
En outre une affiche sécurité est apposée dans la cuisine rappelant les mouvements à ne pas faire et que l’escabeau est utilisé si l’on ne peut atteindre un objet facilement.
Dès lors, en l’absence d’identification des causes précises de l’accident du travail, des actions renouvelées d’évaluation des risques professionnels par l’entreprise et des mesures mises en place par la société au regard des risques dont elle avait conscience, des déclarations concordantes des employés quant à l’utilisation d’un escabeau adapté, la cour considère que la faute inexcusable n’est pas établie.
Le jugement du tribunal judiciaire sera donc confirmé et M. [A] sera débouté de toutes ses demandes.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne.
– Sur les frais et dépens :
M. [A] qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’employeur..
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse le 28 juin 2023,
Y ajoutant :
Déclare le présent arrêt opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute- Garonne,
Condamne M. [R] [A] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER C.GILLOIS-GHERA
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