Responsabilité et assurance : clarification des obligations contractuelles dans le secteur agricole.

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Responsabilité et assurance : clarification des obligations contractuelles dans le secteur agricole.

Responsabilité civile et preuve de la faute

La responsabilité civile d’un mandataire à titre onéreux est engagée en cas de faute dans l’exécution de son mandat, conformément aux articles 1990 et suivants du Code civil. La charge de la preuve de la faute incombe à la partie qui invoque la responsabilité, ici l’association Caraïbes melonniers, qui doit démontrer que l’association Agrigua a manqué à ses obligations contractuelles.

Conditions de la garantie d’assurance

La garantie d’assurance est régie par les articles L. 112-6 et L. 113-1 du Code des assurances, qui stipulent que l’assureur est tenu de garantir les conséquences financières de la responsabilité civile pour les dommages causés dans le cadre des activités déclarées. En l’espèce, la police d’assurance ne couvrait que l’activité de recensement de parcelles agricoles, excluant ainsi les activités non déclarées comme la télédéclaration.

Nature du dommage

Le dommage immatériel est défini par l’article 1382 du Code civil, qui impose que le dommage soit la conséquence directe d’une faute. En l’espèce, le dommage allégué par l’association Caraïbes melonniers, résultant de la perte d’aides, ne peut être considéré comme un dommage immatériel consécutif à un dommage corporel ou matériel garanti, selon les dispositions de la police d’assurance.

Obligation de déclaration du risque

L’article L. 113-2 du Code des assurances impose à l’assuré de déclarer avec exactitude les risques à assurer. En l’espèce, l’absence de déclaration de l’activité de télédéclaration par l’association Agrigua constitue un manquement à cette obligation, entraînant la nullité de la garantie pour cette activité.

Limitation de la garantie

La limitation de la garantie à un plafond, comme stipulé dans la convention spéciale CS 01, est conforme aux articles L. 112-6 et L. 113-1 du Code des assurances, qui permettent à l’assureur de définir les limites de sa couverture en fonction des activités déclarées. Dans ce cas, la garantie ne peut excéder 250 000 euros, conformément aux termes du contrat d’assurance.

L’Essentiel : La responsabilité civile d’un mandataire à titre onéreux est engagée en cas de faute dans l’exécution de son mandat. La charge de la preuve de la faute incombe à l’association Caraïbes melonniers, qui doit démontrer que l’association Agrigua a manqué à ses obligations contractuelles. La garantie d’assurance est régie par des articles du Code des assurances, stipulant que l’assureur est tenu de garantir les conséquences financières de la responsabilité civile pour les activités déclarées.
Résumé de l’affaire : La caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane a contesté un jugement antérieur en sollicitant la réforme de celui-ci. Elle a soutenu que la demanderesse, l’association Agrigua, n’avait pas prouvé la transmission des clés de sécurité Telepac nécessaires à deux agriculteurs pour effectuer des déclarations de surfaces. Groupama a également affirmé qu’Agrigua n’avait pas commis de faute et a demandé à être mise hors de cause, tout en contestant la mise en jeu de sa garantie.

L’association Caraïbes melonniers, en réponse, a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des indemnités pour les préjudices subis, en raison de la perte d’aides financières consécutive à l’absence de télédéclaration des surfaces par Agrigua. Elle a mis en avant le rôle d’Agrigua dans le processus de déclaration et a soutenu que cette dernière avait manqué à ses obligations, entraînant des pertes significatives pour les agriculteurs.

Le tribunal a examiné les éléments de preuve, notamment les statuts d’Agrigua et les conventions signées avec les agriculteurs. Il a constaté que l’association Agrigua avait été mandatée pour effectuer les déclarations, mais que les agriculteurs n’avaient pas fourni les codes nécessaires à cette opération. En conséquence, le tribunal a jugé qu’Agrigua n’avait pas commis de faute, car elle n’avait pas reçu les informations requises pour remplir son mandat.

Finalement, le jugement a été infirmé, et l’association Caraïbes melonniers a été déboutée de ses demandes contre Agrigua et Groupama. La cour a également condamné Caraïbes melonniers à payer les dépens et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soulignant ainsi l’absence de preuve de la faute d’Agrigua dans l’exécution de son mandat.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la responsabilité de l’association Agrigua ?

La responsabilité de l’association Agrigua repose sur la démonstration d’une faute dans l’exécution de son mandat, conformément aux articles 1103 et 1104 du Code civil, qui stipulent que les contrats doivent être exécutés de bonne foi et selon les obligations convenues.

L’article 1103 précise que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L’article 1104 ajoute que « les parties doivent exécuter leurs obligations de bonne foi ».

Dans ce cas, l’association de producteurs doit prouver que l’association Agrigua a manqué à ses obligations, causant ainsi un préjudice.

Quel est le rôle des codes Telepac dans cette affaire ?

Les codes Telepac sont essentiels pour la télédéclaration des surfaces agricoles, comme le stipule la convention signée entre l’association Agrigua et la DAAF.

Cette convention précise que « l’exploitant et l’organisme de services doivent préalablement enregistrer sous Telepac la délégation qui les lie ».

Sans ces codes, l’association Agrigua ne pouvait pas effectuer les déclarations nécessaires, ce qui soulève la question de la responsabilité en cas de non-transmission de ces codes par les agriculteurs.

Quel est l’impact de l’absence de preuve de la faute de l’association Agrigua ?

L’absence de preuve de la faute de l’association Agrigua entraîne le rejet des demandes de l’association de producteurs.

Selon l’article 474 du Code de procédure civile, « le jugement est rendu par défaut lorsque la partie défenderesse n’a pas constitué avocat ».

Dans ce cas, le premier juge a considéré que l’absence de contestation de l’association Agrigua ne suffisait pas à établir sa responsabilité.

Comment la cour a-t-elle interprété la notion de dommage immatériel ?

La cour a jugé que le dommage subi par l’association de producteurs était un dommage immatériel, non consécutif à un dommage corporel ou matériel garanti.

L’article L. 112-6 du Code des assurances stipule que « les dommages immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels sont garantis ».

Dans cette affaire, le préjudice allégué ne répondait pas à cette définition, ce qui a conduit à la mise hors de cause de l’assureur.

Quel est le plafond de garantie applicable dans cette affaire ?

Le plafond de garantie applicable est de 250 000 euros, comme prévu par la convention spéciale CS 01.

Cette convention précise que « la garantie ne pourrait en tout état de cause excéder la somme de 250 000 euros ».

Cependant, la cour a estimé que le dommage n’était pas couvert par cette garantie en raison de l’absence de faute de l’association Agrigua.

Quelles sont les conséquences de la décision de la cour sur les dépens ?

La cour a infirmé le jugement initial concernant les dépens, condamnant l’association de producteurs à payer les dépens.

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie qui succombe est condamnée aux dépens ».

Ainsi, l’association de producteurs a été déboutée de sa demande et condamnée à verser 10 000 euros à l’assureur.

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 152 DU 28 MARS 2025

N° RG 23/00091 – N° Portalis DBV7-V-B7H-DQ6M

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond, de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, du 15 décembre 2022, enregistrée sous le n° 20/01551

APPELANTE :

GROUPAMA ANTILLES-GUYANE Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence BARRE- AUJOULAT, avocat au barreau de Guadeloupe Saint-Martin Saint-Barthélemy avocat postulant et Me Patrice PIN, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES :

ASSOCIATION CARAIBES MELONNIERS ORGANISATION DEPRODUCTEURS

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric CANDELON-BERRUETA de la SELARL CANDELON BERRUETA, avocat au barreau de Guadeloupe Saint-Martin Saint-Barthélemy

ASSOCIATION GUADELOUPEENNE DE RECUEIL D’INFORMATIONS GEOGRAPHIQUES D’UTILITE AGRICOLE DITE AGRIGUA Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège

C/° CIRAD – [Adresse 5]

[Localité 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 6 janvier 2025, en audience publique,devant la cour composée de

Mme Judith DELTOUR, président de chambre,

Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseiller,

Mme Rozenn LE GOFF, conseiller qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 mars 2025 prorogé au 28 mars 2025.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Yolande MODESTE, greffière

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; signé par Mme Judith DELTOUR, président de chambre, et par Mme Yolande MODESTE, greffier, à qui la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Par actes sous signature privée des 10 et 21 avril 2018, l’exploitation agricole à responsabilité limitée EARL Desbonnes et la société civile d’exploitation agricole SCEA Agriperfect, adhérents de l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs ont confié à l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques Agrigua le déchargement et la validation de leurs dossiers de télédéclaration de surfaces sur le site TéléPAC avant la date limite de dépôt. Par courrier du 4 décembre 2019, l’ODEADOM a informé l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs de la nécessité de rembourser les aides à la commercialisation sur le marché local et hors région de production et de l’émission d’une sanction en raison de l’absence de télé-déclaration de surface pour la campagne 2018.

Alléguant la cession par l’EARL Desbonnes et la SCEA Agriperfect à son profit de leurs créances à valoir sur l’indemnisation de leurs préjudices résultant de la perte définitive pour la campagne 2018 des aides à la commercialisation sur le marché local et hors région de production, des aides au conditionnement et à la collecte et des sanctions émises l’ODEADOM, par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 janvier 2022, reçue le 22 janvier 2022, l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs (l’association de producteurs) a mis en demeure l’association Agrigua de lui rembourser la somme de 447 939 euros ; suivant courrier du 17 janvier 2022, l’association de producteurs a déclaré le sinistre auprès de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane (la société Groupama) et notification par actes d’huissier de justice des 7 et 28 juillet 2020, de la cession de créance, par acte d’huissier de justice des 11 et 16 septembre 2020, l’association de producteurs a fait assigner l’association Agrigua et la société Groupama devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pour obtenir leur condamnation in solidum à l’indemniser du préjudice résultant de la perte des aides européennes agricoles, issues du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) pour 2018.

Par jugement rendu le 15 décembre 2022, le tribunal a

– condamné in solidum l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques et la caisse régionale d’assurance mutuelle agricole Groupama Antilles Guyane à payer à l’association de producteurs Caraïbes melonniers la somme de 447 969 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 date de l’assignation délivrée à l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques ;

– rejeté toute autre demande ;

– condamné in solidum l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques et la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane à payer à l’association de producteurs Caraïbes Melonniers la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques et la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane au paiement des dépens ;

– rappelé l’exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration reçue le 11 janvier 2023, la société Groupama Antilles Guyane a interjeté appel de la décision pour obtenir l’annulation ou la réformation du jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de 447 969 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020, des dépens et de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant avis du greffe du 8 mars 2023, la déclaration d’appel a été signifiée le 10 mars 2023 à l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques, donnant lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses en application des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.

Suivant conclusions d’appel communiquées le 2 mai 2023 et signifiées le 3 mai 2023, par dernières conclusions communiquées le 31 mai 2024, la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane a sollicité de

– réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– juger que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de la transmission à Agrigua des clés de sécurité Telepac des deux agriculteurs, que l’association Agrigua n’a pas commis de faute et la mettre hors de cause,

– dire sans objet la mise en jeu de la garantie de Groupama Antilles Guyane,

– débouter l’association Caraïbes melonniers de ses demandes,

A titre subsidiaire, sur la police Groupama Antilles Guyane et dans l’hypothèse où la responsabilité de l’association Agrigua serait retenue en tout ou en partie,

Vu la police de Groupama Antilles Guyane à effet au 1er janvier 2017,

– juger que l’activité de recensement agricole ne saurait se confondre avec celle des télé-déclarations sur le logiciel d’importation de l’ISIS utilisant les données Telepac pour l’obtention des subventions agricoles européennes,

– constater que le contrat d’assurances a été souscrit avec déclaration de la seule activité de recensement des parcelles agricoles, que Groupama Antilles Guyane était dans l’ignorance de la demande de référencement présentée par Agrigua auprès de l’ASP et qui a donné lieu à une signature de contrat daté du 28 mars 2018,

Vu (pièce 12) le titre 1. Responsabilité civile vie associative. 3.responsabilité civile à l’égard des tiers du fascicule « l’assurance des responsabilités de votre association », aux termes duquel sont garanties les conséquences financières de la responsabilité civile pour tous dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à des dommages corporels et/ou matériels causés à autrui dans le cadre des seules activités liées à votre objet social et désignées dans vos conditions personnelles,

Vu les statuts de l’association Agrigua, exempts de toute référence à une dimension européenne dans le cadre de l’octroi de subventions agricoles,

Vu les conditions personnelles (pièce 14) visant la seule activité de recensement de parcelles agricoles,

Vu l’article L. 112-6 du code des assurances, 1134 devenu 1103, 1104, 1193 du code civil,

– juger que l’activité de déclaration de surfaces parcellaires sur Telepac constitue une activité professionnelle étrangère aux prévisions et à l’objet du contrat d’assurances,

Par suite,

– juger que la police, y compris la convention spéciale CS 01 couvrant l’activité d’études, de conseil et prestations intellectuelles n’a pas vocation à s’appliquer, pour défaut d’activité déclarée,

– rejeter par suite l’ensemble des demandes présentées à l’encontre de Groupama Antilles Guyane,

En toute hypothèse,

Vu la page 4 des dispositions générales de la police (pièce 11) définissant les dommages immatériels consécutifs et non consécutifs,

– dire que le dommage constitue un dommage immatériel non consécutif à un dommage corporel ou matériel garanti,

– mettre en conséquence de plus fort Groupama Antilles Guyane hors de cause,

A titre plus subsidiaire, sur la police,

Vu l’article L.112-6 du code des assurances, vu le plafond de garantie prévu par la convention spéciale CS 01 – activité d’études, de conseil et prestations intellectuelles (pièce 15),

– juger que la garantie de Groupama Antilles Guyane ne pourrait en tout état de cause excéder la somme de 250 000 euros

En toute hypothèse, sur le montant du préjudice,

– débouter Caraïbes melonniers de sa demande à hauteur de 447 969 euros,

– rejeter la demande au titre des aides au transport et au conditionnement et dire que le préjudice est limité à l’émission du titre de recette de 275 804,35 euros correspondant au montant du reversement pour les aides à la commercialisation,

– rejeter comme étant hors sujet les développements à l’attention du tribunal contenus dans la pièce 29 produite par les melonniers devant la cour dans le cadre de la présente instance,

– condamner Caraïbes melonniers à payer à Groupama Antilles Guyane la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner au paiement des dépens.

Elle a rappelé la liquidation de l’association Agrigua, le circuit d’obtention des aides européennes, la télédéclaration de surface, qui pouvait être effectuée par les agriculteurs ou par l’association Agrigua conformément au message de la DAAF, l’indispensable utilisation d’un code émis par le ministère détenu par les agriculteurs, qui pouvaient seuls signer la déclaration pour la valider, que ni la présidente de l’association des melonniers, compagne du dirigeant de la SCEA Agriperfect, ni les agriculteurs n’ont communiqué les codes réclamés par l’association Agrigua, que les pièces retenues par le premier juge ne sont pas probantes puisque le code Telepac ne peut pas figurer sur le logiciel Atlas, que les auteurs des attestations sont liés aux parties, que la communication du code Telepac ne peut se faire que par l’envoi d’un courrier de la DAAF, que l’association Agrigua n’a commis aucune faute. Elle a fait valoir la déclaration du risque limitée au recensement de parcelles agricoles, l’absence d’assurance pour la télédéclaration, qu’elle n’avait jamais été informée de la convention signée le 28 mars 2018, autorisant à réaliser les opérations nécessaires à la constitution et du dépôt des dossiers par télédéclaration via TelePAC, que l’association Agrigua supportait une obligation de déclaration du risque, qu’en tout état de cause, il s’agirait d’un dommage immatériel non consécutif et non couvert et que le montant réclamé n’était pas justifié, qu’il ne pourrait pas excéder le montant du titre de recette et qu’elle pouvait opposer un plafond de garantie dans le cadre de litiges sériels .

Par dernières conclusions communiquées le 23 mai 2024, l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs, a demandé,

A titre principal,

– confirmer le jugement dans l’intégralité de ses dispositions et débouter la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane de ses demandes fins et conclusions,

A titre subsidiaire vu les conditions personnelles et la convention spéciale,

– condamner la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane à payer à l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs la somme de 250 000 euros avec intérêts de droit à compter du 16 septembre 2020 date de l’assignation introductive d’instance,

En tout état de cause :

– condamner in solidum l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques Agrigua et la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles à payer à l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum l’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques Agrigua et la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles à payer les dépens.

Elle a fait valoir le rôle de l’association Agrigua, son manquement à ses obligations, le préjudice consécutif, l’obligation de procéder par déclarations de surfaces, le monopole d’Agrigua, la signature d’une convention avec le ministère l’autorisant à réaliser les opérations nécessaires à la constitution et au dépôt des dossiers par télédéclaration via Telepac, sa qualité de maillon essentiel à l’obtention des aides, la signature d’une procuration par l’EARL Desbonnes et la SCEA Agriperfect, l’omission de décharger leurs données de surface et la sanction consécutive, la perte des aides aux transport et au conditionnement, la mise en demeure du 17 janvier 2020 et la mise en cause de l’assurance, sa qualité de cessionnaire de la créance, la nécessaire confirmation du jugement. Elle a soutenu que les procurations autorisaient l’association à utiliser les codes Telepac pour la validation du dossier, constituant un mandat onéreux, que l’association avait informé les agriculteurs de son erreur, en juillet 2018, que la version adverse n’est pas démontrée, d’autant qu’Agrigua n’avait jamais réclamé les codes aux agriculteurs, que sa faute est présumée en absence de preuve contraire. Elle a relaté le préjudice de 447 939 euros d’aides perdues définitivement, la garantie de l’assureur, l’exactitude des déclarations s’appréciant en fonction des questions de l’assureur, que l’assureur a renoncé à se prévaloir d’un défaut de garantie résultant de l’activité de télédéclaration qu’elle exerçait notoirement en Guadeloupe en acceptant de reconduire le contrat, que le dommage est un dommage immatériel consécutif.

La clôture est intervenue le 3 juin 2024, le dépôt des dossiers a été autorisé le 7 octobre 2024, l’appelante représentée a sollicité le renvoi à une audience. Par ordonnance du 26 septembre 2024, l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 6 janvier 2025. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu le 13 mars 2025 prorogé au 28 mars 2025 en raison de nécessités de service.

Motifs de la décision

L’association guadeloupéenne de recueil d’informations géographiques Agrigua, intimée défaillante, assignée suivant procès-verbal de recherches infructueuses, n’a pas constitué avocat, l’arrêt est rendu par défaut, en application des dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Pour statuer comme il l’a fait le premier juge a considéré que la cession de créance permettait à l’association de producteurs d’agir, que l’association Agrigua avait reçu mandat onéreux de l’EARL Desbonnes et de la SCEA Agriperfect, moyennant 100 euros de procéder au déversement pour leur compte et en leur nom de leurs déclarations de surfaces dans les délais impartis, soit avant le 15 mai 2018, qu’il n’était pas démontré que l’association Agrigua, qui n’avait pas conclu, n’avait pas reçu les clefs ou codes nécessaires au téléversement ; qu’en absence de déclaration de surface, l’ODEADOM avait remis en cause les aides de l’EARL Desbonnes et la SCEA Agriperfect pour la campagne 2018 et leur avait appliqué une sanction pour une somme totale de 275 804,35 euros, que le titre exécutoire avait fait l’objet d’une compensation notifiée le 12 décembre 2019, que l’association des producteurs avait en outre subi un préjudice au titre de la perte de l’aide au transport pour 34 219,99 euros et 138 009,66 euros au titre de l’aide au conditionnement, que le lien de causalité entre la réfaction de ces aides et l’absence de télédéclaration de surfaces des deux exploitations agricoles était démontré, établissant le préjudice total de 447 939 euros, que l’assureur devait sa garantie au titre du contrat d’assurance l’association ayant déclaré l’activité principale « recensement de parcelles agricoles » ainsi qu’une activité d’études, qu’elle avait mission de mettre en oeuvre les directives européennes concernant les aides de la PAC, l’activité de télédéclaration découlant d’une convention conclue par l’association et la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Guadeloupe, la référençant comme « organisme de service » « pour la délivrance aux exploitants agricoles du département d’une assistance à la déclaration sous TéléPAC de leur dossier PAC », ce que l’assureur ne pouvait ignorer, que la télédéclaration de surfaces constituait une modalité de diffusion des données géographiques parcellaires, prévue par les statuts de l’association, autrement dit une « composante non précisée » du recensement de parcelles agricoles, qu’il s’agissait d’une prestation de conseil ou une prestation de service intellectuel couvertes et garanties jusqu’à 1 500 000 euros, que le dommage subi était une conséquence financière de la responsabilité civile de l’association Agrigua à l’occasion d’une activité déclarée, du fait d’une erreur de fait, d’une omission ou d’une négligence commise, par conséquent un dommage immatériel consécutif, qu’il n’y avait pas lieu à limitation de garantie à 250 000 euros.

A titre liminaire, l’existence d’autres litiges et notamment d’un dossier pendant devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre où celui-ci a statué différemment est sans conséquence, puisqu’il est fait interdiction, en application des dispositions de l’article 5 du Code civil, aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

En vertu de la cession de créances à son profit, l’association de producteurs supporte la charge de la preuve de ce que les agriculteurs concernés ont donné mission à l’association Agrigua et qu’elle a commis une faute dans l’exécution de sa mission, faute qui leur aurait causé un préjudice.

A l’inverse de ce qui a été retenu, l’absence de conclusion de l’association Agrigua ne permettait pas à elle seule de considérer qu’elle n’avait pas contesté la réception des codes TéléPac en cause et qu’elle était fautive. Si le premier juge a relevé qu’étaient versés « aux débats les justificatifs de télédéclaration de surfaces agricoles de l’EARL Desbonnes et de la SCEA Agriperfect », force est de relever que si ces pièces avaient existé, les exploitations auraient bénéficié des aides qui leur ont été refusées précisément en raison de leur absence.

Au soutien de l’allégation d’une faute commise par l’association Agrigua sont produits :

– les statuts de l’association, qui a pour but principal de mettre en oeuvre les moyens de gestion d’une base de données géographiques du parcellaire agricole, de mettre en place un outil de connaissance de la sole agricole et des actions de formations professionnelles et prestations de services dans le domaine géomatique pour assurer sa pérennité financière ;

– la convention télépac 2018 avec la DAAF qui précise que l’association Agrigua est référencée pour la délivrance d’une assistance aux agriculteurs à la déclaration sous télépac de leur dossier PAC 2018, que « l’exploitant et l’organisme de services doivent préalablement enregistrer sous télépac la délégation de délégation qui les lie : l’exploitant saisit sous télépac sa délégation à l’aide de ses identifiants en désignant l’organisme de services et en précisant le niveau de délégation (préparation seule ou préparation + signature); l’organisme accepte sous télépac. Une fois cette étape franchie, l’organisme de service accepte ensuite sous télépac. Il peut alors effectuer l’ensemble des opérations nécessaires à la constitution et au dépôt du dossier. »

– une demande individuelle du 10 avril 2018 à un organisme de services de l’accès aux données d’une exploitation agricole sous télépac au nom de l’EARL Desbonnes qui « atteste avoir demandé à l’organisme de service Agrigua de préparer [son] dossier PAC pour la télédéclaration via le site internet TelePAC. A compter de l’ouverture du site TelePAC pour la campagne 2018 j’autorise Agrigua à accéder aux données me concernant […]»

– une demande individuelle du 21 avril 2018 à un organisme de services de l’accès aux données d’une exploitation agricole sous télépac au nom de la SCEA Agriperfect qui « atteste avoir demandé à l’organisme de service Agrigua de préparer [son] dossier PAC pour la télédéclaration via le site internet TelePAC. A compter de l’ouverture du site TelePAC pour la campagne 2018 j’autorise Agrigua à accéder aux données me concernant […]»

– une demande de référencement du 27 mars 2018 formée par Agrigua dont il résulte qu’elle était habilitée non seulement pour la constitution et la validation sous telepac des dossiers PAC 2018 mais encore pour accepter les délégations de signatures ;

– une procuration du 10 avril 2018 à l’en-tête Agrigua de l’EARL Desbonnes qui souhaite qu’Agrigua traite son dossier de télédéclaration de surfaces puis assure son déchargement et sa validation sur le site Telepac avant la date limite et autorise Agrigua à utilier son code telepac 2017/2018 pour la validation électronique de son dossier à condition que ce dernier reste identique à celui réalisé dans l’Atlas et signé manuellement par mes soins à CMEL ;

– une facture du 10 avril 2018 où l’EARL Desbonnes «accepte de payer Agrigua la somme de 100 euros pour le traitement et le suivi de [sa] déclaration de surface» ;

– un courrier émanant de l’association de producteurs adressé à Agrigua faisant état de dossiers saisis dans Atlas mais non déversés ni signés dans TéléPAC ;

– une télédéclaration de surface agricole sur le logiciel Atlas d’Agrigua au nom de l’EARL Desbonnes, N° pacage 971048013 organisme relai CMEL, du 10 avril 2018 comportant des codes erreur ERR-ILO ;

– une attestation du 27 août 2021 de Mme [J] [Y],  « salariée de Caraïbes Melonniers » selon laquelle elle a « transmis le code TéléPAC de l’EARL Desbonnes sur l’interface Atlas lors de la déclaration de surface 2018 le 10/04/2018. En effet, le code TéléPAC m’avait été donné verbalement ce m’a permis de réaliser la déclaration de surface sur Atlas. Par la suite j’ai dû demander le code TéléPAC à la DAAF le 25/04/2018 afin de compléter le dossier papier. J’atteste également avoir remis l’intégralité du dossier papier y compris le code TéléPAC à une personne travaillant pour Agrigua en main propre » ;

– une télédéclaration de surface agricole sur le logiciel Atlas d’Agrigua au nom de la SCEA Agriperfect N° pacage 971040935 organisme relai CMEL, du 24 avril 2018 comportant également des codes erreur ERR-ILO ;

– une attestation du 27 août 2021 de Mme [J] [Y],  « salariée de Caraïbes Melonniers » selon laquelle elle a « transmis le code TéléPAC de la SCEA Agriperfect sur l’interface Atlas lors de la déclaration de surface 2018 le 24/04/2018. J’atteste également avoir remis l’intégralité du dossier papier y compris le code TéléPAC à une personne travaillant pour Agrigua en main propre » ;

– une attestation de Mme [B] [D] exploitante agricole, « associée Agriperfect et membre du conseil d’administration de Caraïbes Melonniers » qui atteste avoir remis son code téléPAC à Mme [Y] [J] le 20 avril 2018 après l’avoir reçu de la DAAF, et indique qu’elle l’a transmis lors de sa déclaration de surface sur Atlas « interface créée et utilisée par Agrigua » ;

– une mise en demeure adressée à Agrigua du 17 janvier 2020 de lui payer 447 939 euros.

Les deux demandes individuelles des exploitations agricoles ne comportent aucune en-tête et aucun élément permettant d’identifier sur quel support elles ont été établies.

L’attestation de Mme [B] [D] exploitante agricole, « associée Agriperfect et membre du conseil d’administration de Caraïbes Melonniers » émane d’une personne ayant un lien de «parenté, d’alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêts» à double titre avec la partie en demande. En effet, il résulte des pièces que l’association de producteurs servait de relai entre les agriculteurs et l’association Agrigua.

Les attestations du 27 août 2021 de Mme [Y],  « salariée de Caraïbes Melonniers » révèlent également un lien avec la partie en demande. En outre, ces attestations ne précisent pas l’identité du récipiendaire de l’information qui n’est pas désigné nommément. De plus, la déclaration de surface devait être faite par informatique par « télédéclaration» soit par l’agriculteur soit par l’Agrigua, et non par un salarié de l’association de producteurs et surabondamment c’est un document informatique qui aurait dû être transmis et pas un « dossier papier ».

Le 22 avril 2018, à la demande de Mme [B] [D], l’interrogeant sur les codes TéléPAC, M. [G] [W] ([Courriel 4]) a répondu pour le pacage N°971048013 correspondant à l’EARL Desbonnes « inconnu, pas de code 2017 contacter la DAAF». Il précise ensuite «nous sommes intervenus sur le TéléPAC pour faire la demande de courrier auprès de la DAF, donc normalement ils devraient recevoir leurs codes chez eux et vous le transmettre afin que l’Agrigua prenne la délégation sur leurs comptes […] pour «pas de déclaration 2017 contacter la DAF» nous n’avons pas pu trouver d’éléments durant la campagne 2017 qui pourrait nous faire faire la demande de courrier pour le code 2017 (pièce 28).

Il résulte de ces pièces

– que les exploitants ont bien transmis à l’association de producteurs des informations relativement à leurs déclarations de surface, qu’un des salariés de l’association de producteurs, les a déposées sur le logiciel Atlas d’Agrigua, la capture d’écran ne met pas en évidence la nécessité du code TéléPac à ce stade des opérations (pièces 20,21 intimé et 10 appelant) ;

– que s’agissant de l’EARL Desbonnes, le 22 avril 2018, il a été expressément indiqué à Mme [B] [D], représentant l’association de producteurs et cette exploitation, que son code TéléPAC était inconnu et qu’il fallait le réclamer à la DAAF ;

– que ce code TéléPAC a été réclamé le 25 avril 2018 par Mme [D] et envoyé par la DAAF le même jour mais il n’est pas démontré que l’exploitant ou l’association de producteurs ont transmis ce code à l’association Agrigua. De plus, l’association de producteurs ne justifie pas de la télédéclaration de surfaces agricoles par l’EARL Desbonnes et la SCEA Agriperfect et de la transmission des codes TéléPAC à l’association Agrigua.

Il s’en déduit que la faute considérée par le premier juge pour retenir la responsabilité de l’association et condamner en conséquence son assureur n’est pas démontrée. La responsabilité du mandataire à titre onéreux même appliquée plus rigoureusement que celle du mandataire à titre gratuit ne dispense pas de la démonstration de la faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Si le mandataire est, sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l’inexécution de son mandat, cette présomption ne s’étend pas au cas d’une mauvaise exécution du mandat. En l’espèce, les pièces démontrent que l’impossibilité pour l’association d’achever sa mission pour l’EARL Desbonnes et pour la SCEA Agriperfect résulte, au terme du message du 22 avril 2018 du représentant de l’association Agrigua, de l’absence de remise par celles-ci des codes TéléPAC. Dès lors qu’il est démontré que le mandataire n’a pas reçu des mandants les informations nécessaires à la poursuite de l’exécution du mandat, il ne peut être considéré comme fautif et consécutivement responsable d’un préjudice allégué.

En l’espèce, le mandataire a fait preuve de diligence et de loyauté puisqu’il a averti l’association des producteurs Caraïbes Melonniers de l’absence des codes, de la nécessité de les réclamer à la DAAF, à une date où leur transmission aurait permis le dépôt des déclarations de surface, il est démontré qu’il a rempli son obligation de conseil et le courriel de M. [W] du 28 avril 2018 met en évidence qu’il a effectué les investigations nécessaires à l’exécution de sa mission. Ce document établit également que le mandataire a rendu compte des difficultés rencontrées, alors qu’il n’est pas prouvé que les mandants lui ont transmis toutes les informations indispensables à l’exécution de son mandat.

Autrement dit, l’association de producteurs échoue à démontrer la faute commise par l’association Agrigua susceptible de fonder sa responsabilité, le jugement doit donc être infirmé en ce que, se fondant sur l’absence de contestation de l’association Agrigua qui n’avait pas conclu, il a condamné in solidum l’association et son assureur à indemniser l’association de producteurs. Statuant de nouveau, l’association de producteurs doit être déboutée de ses demandes contre l’association Agrigua et son assureur Groupama Antilles Guyane.

Le jugement est infirmé également en ce qu’il a statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’association de producteurs qui succombe est condamnée au paiement des dépens. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, elle est déboutée de sa demande et condamnée au paiement de 10 000 euros.

Par ces motifs

La cour

– infirme le jugement en ses dispositions critiquées,

Statuant de nouveau,

– déboute l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs de ses demandes contre l’association Agrigua et son assureur Groupama Antilles Guyane ;

Y ajoutant

– condamne l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs au paiement des dépens,

– condamne l’association Caraïbes melonniers organisation de producteurs à payer à la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Groupama Antilles Guyane la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La décision a été signée par le greffier et le président,

Le greffier Le président


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