Résolution automatique des contrats en cas de refus de crédit affecté

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Résolution automatique des contrats en cas de refus de crédit affecté

L’Essentiel : Monsieur et Madame [X] [Z] ont engagé la Société IBELIA pour des travaux de rénovation d’un montant de 20.415,11 euros TTC, financés par un prêt affecté. Suite à un refus de crédit, IBELIA a assigné Monsieur [Z] en justice, demandant l’exécution des travaux et des dommages-intérêts. Monsieur [Z] a contesté, arguant que le refus du prêt entraînait la résolution automatique des contrats. Le tribunal a statué en faveur de Monsieur [Z], constatant que le refus de crédit justifiait la résolution des contrats et a débouté IBELIA de ses demandes, condamnant la société à verser 2.000 euros à Monsieur [Z].

Contexte de l’affaire

Monsieur et Madame [X] [Z] ont engagé la Société IBELIA pour des travaux de rénovation, incluant la peinture de façade et l’installation d’un store extérieur, pour un montant total de 20.415,11 euros TTC. Le financement de ces travaux devait être assuré par un prêt affecté.

Assignation en justice

La SARL IBELIA a assigné Monsieur [Z] devant le tribunal judiciaire de Tours, demandant la confirmation de son intention d’exécuter les travaux et le paiement de la somme due, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral. IBELIA soutient que la non-exécution des travaux est due à la faute de Monsieur [Z], qui n’aurait pas informé la société de sa renonciation aux travaux.

Réponse de Monsieur [Z]

Monsieur [Z] a contesté les demandes de la Société IBELIA, arguant que le crédit affecté avait été refusé, ce qui entraînait la résolution automatique des contrats. Il a également souligné que les devis ne respectaient pas les exigences légales en matière de publicité des prix et a demandé des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Arguments de la Société IBELIA

IBELIA a affirmé que le comportement de Monsieur [Z] était la cause de la non-mise en œuvre du prêt et a présenté des preuves de ses dépenses engagées pour les travaux, y compris l’achat d’un store. Elle a demandé des indemnités pour ces frais ainsi qu’un préjudice moral.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que le refus du crédit affecté entraînait la résolution de plein droit des contrats. Il a débouté la Société IBELIA de toutes ses demandes, y compris celles pour préjudice matériel et moral, et a également rejeté la demande de Monsieur [Z] pour préjudice moral. IBELIA a été condamnée à verser 2.000 euros à Monsieur [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du contrat de crédit affecté selon le Code de la consommation ?

Le contrat de crédit affecté est défini par l’article L.311-1-11°) du Code de la consommation. Cet article stipule que :

“Est considéré comme un contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique.

Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés.”

Ainsi, pour qu’un crédit soit qualifié d’affecté, il doit être directement lié à un contrat de vente ou de prestation de services.

Dans le cas présent, le crédit sollicité par Monsieur [X] [Z] pour financer les travaux de la société IBELIA répond à cette définition, car il est destiné à couvrir les coûts des travaux de rénovation et de fourniture de matériel.

Quelles sont les conséquences de la non-acceptation du crédit affecté selon le Code de la consommation ?

L’article L.312-52 du Code de la consommation précise les conséquences de la non-acceptation d’un crédit affecté. Il dispose que :

“Le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité :
1° Si le prêteur n’a pas, dans un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat de crédit par l’emprunteur, informé le vendeur de l’attribution du crédit ;
2° Ou si l’emprunteur a exercé son droit de rétractation dans le délai prévu à l’article L. 312-19.”

Dans cette affaire, Monsieur [X] [Z] a affirmé que la société FINANCO, prêteur, n’a pas accepté le contrat de crédit affecté.

Cela entraîne la résolution de plein droit des contrats de vente et de prestation de services, ce qui signifie que les obligations des parties sont annulées sans qu’aucune indemnité ne soit due.

La société IBELIA peut-elle demander des dommages-intérêts pour préjudice matériel ?

La société IBELIA a tenté de prouver que Monsieur [X] [Z] avait commis une faute en ne l’informant pas de la résolution des contrats, ce qui aurait causé un préjudice matériel.

Cependant, le tribunal a constaté que le refus du crédit affecté a entraîné la résolution de plein droit des contrats, ce qui signifie qu’aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur [X] [Z].

Ainsi, la société IBELIA a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice matériel, car le refus du crédit n’était pas imputable à Monsieur [X] [Z].

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais engagés pour sa défense.

Cet article stipule que :

“Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie qui perd à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci pour sa défense, y compris les honoraires d’avocat.”

Dans cette affaire, la société IBELIA a succombé dans toutes ses demandes, ce qui a conduit le tribunal à condamner la société à verser 2 000 euros à Monsieur [X] [Z] au titre de l’article 700, en reconnaissance des frais engagés pour sa défense.

Cela souligne l’importance de cet article pour garantir que les parties ne supportent pas seules les coûts de la procédure judiciaire.

N° Minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS

PREMIERE CHAMBRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT RENDU LE 14 JANVIER 2025

N° RG 23/01707 – N° Portalis DBYF-W-B7H-IWTD

DEMANDERESSE

S.A.R.L. IBELIA
(RCS de TOURS n° 523 416 873), dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Sabine PAILLOT de la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT, avocats au barreau de TOURS,

DÉFENDEUR

Monsieur [X] [Z]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Marine LOCHON, avocat au barreau de TOURS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame B. CHEVALIER, Vice-Présidente, siégeant comme Juge Unique en application des articles 812 et suivants du Code de procédure civile,

Assistée de V. AUGIS, Greffier, lors des débats et du prononcé du jugement.

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Novembre 2024 avec indication que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant devis n°21/5/0717058 du 18 mars 2021 Monsieur et Madame [X] [Z] ont commandé auprès de la Société IBELIA des travaux de rénovations de peinture de façade pour un montant de 15.415,11 euros TTC.

Suivant devis n°21/5/0969012 du 23 mars 2021, Monsieur et Madame [X] [Z] ont ensuite commandés la fourniture et pose d’un store extérieur pour un prix de 5.000,01 euros TTC.

Le financement de ces travaux devait faire l’objet d’un prêt affecté.

Par acte de commissaire de Justice du 27 mars 2023, la SARL IBELIA a assigné Monsieur [X] [Z] devant le tribunal judiciaire de Tours aux fins de voir :
– Constater qu’elle maintient vouloir exécuter les travaux prévus aux devis n°21/5/0717058 du 18 mars 2021 et devis n°21/5/0969012 du 23 mars 2021.
– Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 20.415,11€ TTC en principal avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation.
– Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2024 et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, elle demande au tribunal, au visa de l’article 1240 du code civil, de :
– Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 1.866,25€ (1.116,25€ + 400€ +150€ +200€) outre les intérêts au taux légal depuis délivrance de l’assignation (23 mars 2023).
– Débouter Monsieur [Z] de ses demandes.
– Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir que c’est le seul comportement de Monsieur [Z] qui est la cause de la non mise en oeuvre du prêt car celui-ci lui avait été accordé ; que Monsieur [Z] ne l’a pas informée en temps utile qu’il renonçait finalement aux travaux commandés ; qu’elle a passé commande, reçu et payé le store banne qu’il avait commandé et que ce matériel ne peut plus être revendu. Elle expose avoir également subi un préjudice lié aux dépenses engagés en pure perte pour finaliser ce contrat ainsi qu’un préjudice moral dont elle demande réparation.

Par ses dernières conclusions en réplique n°2 notifiées par voie électronique le 28 octobre 2024 et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Monsieur [X] [Z] demande au tribunal, au visa des articles L.312-24, L.312-50 et suivants du Code de la consommation, de l’article L.311-1-11°) du Code de la consommation et de l’arrêté du 24 janvier 2017 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d’entretien dans le secteur du bâtiment et de l’équipement de la maison, de :
– CONDAMNER la Société IBELIA au paiement de la somme de 2.000 euros, en réparation de son préjudice moral,
– DEBOUTER la Société IBELIA de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– CONDAMNER la Société IBELIA à lui payer la somme de 2.000 € au titre de
l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Il expose en substance que :
– le crédit affecté au futur financement des travaux commandés a été refusé par la société de crédit ce qui résout de plein droit le contrat de vente ou de prestation de services ;
– les manquements de la société de crédit qui n’a pas notifié au consommateur dans le délai de 7 jours sa décision d’accorder le crédit et qui a informé par erreur le vendeur de l’acceptation du crédit ne lui sont pas imputables ;
– les commandes passées dont se prévaut la société IBELIA au titre de son préjudice ne correspondent pas aux devis qu’il a signés ; que ces devis ne respectent pas les dispositions de l’arrêté du 24 janvier 2017 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d’entretien dans le secteur du bâtiment et de l’équipement de la maison en ce qu’ils ne sont pas détaillés ; que la société a fait preuve de négligence en commandant le store de façon prématurée et en ne le renvoyant pas dès que les contrats on été résolus ; que les frais engagés pour la vente sont inhérents à tout démarchage à domicile et ne constituent pas un préjudice ;
– il a lui-même subi un préjudice moral lié à la pression et à l’acharnement de la demanderesse qui ne s’est pas désistée de ses demandes en dépit de leur caractère infondé.

Le tribunal renvoie aux écritures des parties par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile et de l’article 768 du Code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de leurs argumentaires, dont l’essentiel sera repris à l’occasion de l’examen des moyens et prétentions qui y sont articulés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 avec effet différé au 29 octobre 2024 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 12 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article L.311-1-11°) du Code de la consommation, “est considéré comme un contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés”.

L’article L.312-52 du même Code dispose que :

“Le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité :
1° Si le prêteur n’a pas, dans un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat de crédit par l’emprunteur, informé le vendeur de l’attribution du crédit ;
2° Ou si l’emprunteur a exercé son droit de rétractation dans le délai prévu à l’article L. 312-19.”

En l’espèce, Monsieur [X] [Z] expose sans être contredit que la société FINANCO organisme prêteur, n’a pas accepté le contrat de crédit affecté au paiement des travaux commandés à la société IBELIA.

Il en résulte que les contrats des 18 et 23 mars 2021 sont résolus de plein droit.

Sur les demandes d’indemnisation de la société IBELIA :

La société IBELIA fait valoir que Monsieur [X] [Z] a commis une faute en ne l’informant pas en temps utile de la résolution des contrats. Elle sollicite sa condamnation à l’indemniser de son préjudice matériel : l’achat en pure perte d’un store au prix de 1 116,25 euros, la commission de 400 euros versée à son commercial et les déplacements sur site avec le métreur estimés à 150 euros.

Au soutien de ses prétentions, elle verse aux débats :
– l’accord définitif de financement que lui a transmis le 21 mai 2021 la société FINANCO pour le dossier [Z] [X] destiné à financer un traitement de façade, pour un montant de 20 415,11 euros (pièce n°3),
– le bon de commande à la société Marquises du 10 juin 2021 du moteur radio Somfy avec armature gris anthracite et pose face – références client [Z] (pièce n°11),
– le duplicata de facture du 23 juillet 2021 pour un moteur radio (1116,25 euros) pour une commande n°C21326288 références [Z] (pièce n°12).

Il résulte de ces éléments que la société IBELIA a commandé le matériel le 10 juin 2021 après avoir été informée de façon erronée part la société Financo de l’accord de financement.

Aucune faute ne peut cependant être reprochée à Monsieur [X] [Z] dès lors que le refus du crédit affecté sollicité auprès de la société Financo a entraîné la résolution de plein droit des contrats de fourniture et de travaux des 18 et 23 mars 2021.

La société IBELIA sera en conséquence déboutée des demande de dommages- intérêts formées à son encontre au titre du préjudice matériel.

Elle sera également déboutée de sa demande de dommages- intérêts pour préjudice moeral qui n’est pas justifié.

Sur les autres demandes :

Monsieur [X] [Z] sera débouté de sa demande de dommages- intérêts pour préjudice moral qui n’est pas justifiée.

La société IBELIA qui succombe en toutes ses demandes sera déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Pour assurer sa défense en Justice, Monsieur [X] [Z] a dû engager des frais dont il serait inéquitable qu’il conserve l’entière charge.

La société IBELIA sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort ;

Déboute la société IBELIA de l’intégralité de ses demandes ;

Déboute Monsieur [X] [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Condamne la société IBELIA à payer à Monsieur [X] [Z] la somme de DEUX-MILLE (2 000) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société IBELIA aux entiers dépens.

Ainsi fait, jugé et rendu par mise à disposition au Greffe les jour, mois et an que dessus.

LE GREFFIER,

V. AUGIS
LA PRÉSIDENTE,

B. CHEVALIER


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