Requalification d’un partenariat commercial en contrat de travail : enjeux et conséquences financières.

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Requalification d’un partenariat commercial en contrat de travail : enjeux et conséquences financières.

Requalification du contrat de travail

L’article L. 8221-6 du Code du travail stipule que les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés sont présumés ne pas être liés par un contrat de travail avec le donneur d’ordre. Toutefois, cette présomption peut être renversée si les prestations sont fournies dans des conditions de lien de subordination juridique permanente.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. La jurisprudence a établi que le travail au sein d’un service organisé, où l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution, peut constituer un indice de subordination.

Dans le cas présent, M. [R] a exercé son activité de chauffeur sous des conditions qui témoignent d’un lien de subordination, notamment par la tarification unilatérale des courses, les consignes précises sur la tenue et le comportement, ainsi que les sanctions en cas de refus de courses. Ces éléments justifient la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.

Indemnité de licenciement

L’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut excéder un mois de salaire brut pour un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté. En l’espèce, la rupture du contrat de travail a été qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit à une indemnité.

Le jugement a fixé cette indemnité à 1 000 euros, conformément aux dispositions légales, en tenant compte de l’ancienneté de M. [R] dans l’entreprise.

Indemnité compensatrice de congés payés

L’article L. 3141-1 du Code du travail stipule que tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur. L’article L. 3141-3 précise que le salarié a droit à deux jours et demi ouvrables de congé par mois de travail effectif.

Dans le cadre de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, M. [R] a droit à une indemnité compensatrice de congés payés, calculée sur la base de ses salaires. Le jugement a donc accordé une indemnité de 1 283,80 euros à ce titre.

Travail dissimulé

Les articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail prévoient qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire si l’employeur n’a pas respecté les obligations de déclaration préalable à l’embauche.

Cependant, la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé a été rejetée, car le caractère intentionnel de la dissimulation n’a pas été établi, malgré les manquements constatés.

Non-respect de la législation relative au temps de travail

L’article L. 3132-1 du Code du travail interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine, tandis que l’article L. 3132-2 impose un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives.

Les relevés d’activité de M. [R] ont montré qu’il avait travaillé sur des amplitudes horaires dépassant les limites légales, ce qui a été pris en compte pour évaluer le préjudice causé par le non-respect de la législation relative au temps de travail.

Frais professionnels

Il est établi que les frais professionnels nécessaires à l’exécution du contrat de travail doivent être remboursés par l’employeur, sauf disposition contractuelle contraire. Dans le cas de M. [R], les frais d’essence et d’entretien de son véhicule, ainsi que les frais de location, ont été reconnus comme devant être pris en charge par la société Voxtur, suite à la requalification de la relation contractuelle.

Les factures présentées par M. [R] ont été jugées suffisantes pour justifier le remboursement de ces frais.

Remise de documents

Le Code du travail impose à l’employeur de remettre au salarié un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi à la fin de la relation de travail. Dans ce cas, il a été ordonné au liquidateur judiciaire de la société Voxtur de remettre ces documents à M. [R] dans un délai déterminé.

Cette obligation de remise de documents est essentielle pour permettre au salarié de faire valoir ses droits auprès des organismes compétents.

Garantie de l’AGS

Les articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du Code du travail régissent les conditions de garantie des créances salariales par l’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés).

Il a été décidé que l’arrêt serait opposable à l’AGS, qui ne devra procéder à l’avance des créances que dans les termes et conditions prévus par les articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du Code du travail.

L’Essentiel : L’article L. 8221-6 du Code du travail stipule que les dirigeants et leurs salariés ne sont présumés liés par un contrat de travail avec le donneur d’ordre que si les prestations sont fournies dans un lien de subordination. M. [R] a exercé son activité de chauffeur sous des conditions de subordination, justifiant la requalification de la relation contractuelle. En conséquence, il a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à une indemnité compensatrice de congés payés.
Résumé de l’affaire : Le litige concerne la relation contractuelle entre un chauffeur de véhicule de tourisme et la société Voxtur, qui propose un service d’intermédiation électronique. Un contrat de partenariat commercial a été signé le 23 janvier 2015, mais a été requalifié en contrat de travail par le conseil de prud’hommes de Paris en décembre 2018. En septembre 2018, le chauffeur, en tant que président d’une société, a signé un contrat d’adhésion avec Voxtur, qui a pris fin le 7 août 2019 suite à la cession du fonds de commerce à une autre société, Snapcar.

Le chauffeur a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître son statut de salarié et obtenir des créances liées à son contrat de travail. Le tribunal a requalifié la relation en contrat à durée indéterminée, déclarant la rupture comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a fixé diverses indemnités au passif de la liquidation judiciaire de Voxtur, y compris des dommages et intérêts pour licenciement nul et des remboursements de frais liés à l’activité professionnelle.

Le liquidateur de la société Voxtur et l’AGS ont interjeté appel, contestant la requalification en contrat de travail et les indemnités fixées. Ils soutiennent que le chauffeur était un travailleur indépendant, libre d’organiser son travail, et qu’il n’était pas soumis à un lien de subordination. En revanche, le chauffeur a produit des éléments montrant qu’il était soumis à des directives et à un contrôle de la part de Voxtur, ce qui a conduit à la requalification de son statut.

Le jugement a été partiellement infirmé, notamment en ce qui concerne le salaire brut mensuel et certaines indemnités, mais a confirmé la requalification en contrat de travail et le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le liquidateur a été ordonné de remettre des documents au chauffeur, et les créances ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire de Voxtur.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la requalification du contrat de partenariat commercial en contrat de travail ?

La requalification du contrat de partenariat commercial en contrat de travail repose sur l’article L. 8221-6 du code du travail, qui stipule que les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés sont présumés ne pas être liés par un contrat de travail avec le donneur d’ordre.

Cependant, cette présomption peut être renversée si les prestations sont fournies dans des conditions qui établissent un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

Dans cette affaire, il a été démontré que le chauffeur était soumis à des conditions d’exécution unilatérales imposées par la société Voxtur, ce qui a conduit à la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.

Quel est le montant du salaire brut mensuel fixé par le tribunal ?

Le tribunal a fixé le salaire brut mensuel à 1 167,09 euros, en se basant sur le chiffre d’affaires annuel brut hors taxe réalisé par le salarié, déduit d’un taux de 30 % de charges.

Cette somme a été calculée à partir des montants des relevés d’activité hebdomadaires sur la période de septembre 2018 à août 2019, totalisant 18 339,97 euros, dont 30 % ont été déduits pour obtenir le montant net de 12 837,98 euros.

Ce montant a ensuite été divisé par le nombre de mois d’activité, soit onze mois, pour établir le salaire de référence.

Quel est le régime des indemnités de licenciement en cas de rupture sans cause réelle et sérieuse ?

En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité dont le montant ne peut excéder un mois de salaire brut, en fonction de son ancienneté dans l’entreprise.

Dans cette affaire, le salarié a été licencié sans cause réelle et sérieuse, ce qui a conduit à l’allocation d’une indemnité de 1 000 euros, fixée au passif de la procédure collective de la société Voxtur.

Il est important de noter que les dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail ne sont pas contraires à celles de l’article L. 1235-3, et que les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées en l’absence d’effet direct.

Quel est le droit du salarié en matière de congés payés ?

Selon l’article L. 3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur. L’employeur doit démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer son droit à congés.

L’article L. 3141-3 précise que le salarié a droit à deux jours et demi ouvrables de congé par mois de travail effectif, soit trente jours par an.

Dans cette affaire, le tribunal a requalifié la relation contractuelle en contrat de travail, ce qui a conduit à la reconnaissance du droit du salarié à des congés payés.

Il a été décidé d’allouer une indemnité compensatrice de congés payés de 1 283,80 euros, correspondant à un dixième des salaires perçus pendant la période d’activité.

Quel est le régime des frais professionnels remboursables par l’employeur ?

Les frais professionnels nécessaires à l’exécution du contrat de travail doivent être remboursés par l’employeur, sauf si un accord contractuel stipule que le salarié en conservera la charge moyennant un versement forfaitaire.

Dans cette affaire, le salarié a demandé le remboursement des frais d’essence, d’entretien de son véhicule, ainsi que des frais de location.

Étant donné que la relation contractuelle a été requalifiée en contrat de travail, les frais exposés par le salarié pour l’exercice de ses fonctions doivent être pris en charge par l’employeur.

Le tribunal a confirmé l’allocation des sommes retenues pour ces frais, en tenant compte des factures et des justificatifs fournis par le salarié.

Quel est le cadre juridique concernant le travail dissimulé ?

Les articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail stipulent qu’en cas de rupture de la relation de travail, un salarié dont l’employeur a eu recours sans procéder aux déclarations obligatoires a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Cependant, le caractère intentionnel de la dissimulation ne peut être établi uniquement par le constat de ces abstentions, surtout lorsque le statut de salarié a été discuté et a nécessité un débat judiciaire.

Dans cette affaire, bien que le salarié ait été victime de travail dissimulé, la demande d’indemnité forfaitaire a été rejetée, car le caractère intentionnel de la dissimulation n’a pas été prouvé.

Le jugement a été infirmé sur ce point, et le salarié a été débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 20 MARS 2025

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06773 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCSN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F19/09745

APPELANTE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

INTIMÉS

Monsieur [V] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Caroline LEGROS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1735

S.E.L.A.R.L. [L] YANG-TING prise en la personne de Me [M] [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS VOXTUR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, rédactrice

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Eva DA SILVA GOMETZ, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 23 janvier 2015, M. [V] [R] et la société Voxtur, fournissant sous la dénomination ‘Le Cab’ un service d’intermédiation électronique entre des chauffeurs de véhicules titulaires d’une carte professionnelle de VTC et des personnes souhaitant être transportées, ont conclu un contrat de partenariat commercial qui a pris fin le 16 mars 2018. Saisi par M. [R], le conseil de prud’hommes de Paris a, par jugement du 18 décembre 2018, requalifié ce contrat en un contrat de travail.

Entretemps, le 12 septembre 2018, M. [R], en qualité de président de la société City By Cab, et la société Voxtur ont conclu un contrat d’adhésion au système informatisé Voxtur aux termes duquel le premier s’est engagé à exercer l’activité de chauffeur de véhicule de tourisme, pour une durée initiale d’un mois, renouvelable par tacite reconduction pour une durée équivalente.

Par lettre du 30 juillet 2019, la société Voxtur a informé M. [R] de la cession de son fonds de commerce à la société Snapcar et du fait que son contrat d’adhésion ne serait pas transféré à la société cessionnaire et prendrait fin le 7 août 2019, ce qui s’est traduit par une déconnexion de l’intéressé de la plateforme à cette date.

La société Voxtur a établi un certificat de travail daté du 13 septembre 2019 mentionnant une période travaillée du 10 novembre 2014 au 8 août 2019.

Par jugement du 9 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Voxtur.

Le 30 octobre 2019, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de faire juger l’existence d’un contrat de travail l’ayant lié à la société Voxtur et d’obtenir la fixation de ses créances tant au titre de l’exécution que de la rupture de ce contrat au passif de cette société.

Par jugement rendu en formation de départage le 2 juin 2022, le premier juge a :

– requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2018,

– dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul,

– fixé le salaire brut mensuel à 1 667,27 euros,

– fixé la créance de M. [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur aux sommes suivantes :

* 1 667,27 euros au titre de l’indemnité de requalification,

* 11 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 382,08 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 1 667,27 euros au titre de l’indemnité de préavis,

* 166,72 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 833,99 euros au titre de l’indemnité de congés payés,

* 10 003,62 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 2 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au temps de travail,

* 3 400 euros à titre de remboursement des frais d’essence et d’entretien du véhicule,

* 9 000 euros à titre de remboursement des frais de location du véhicule,

– débouté M. [R] du surplus de ses demandes de fixation de créances,

– rappelé que le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous les intérêts de retard et majoration,

– ordonné la remise des bulletins de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi, conformes au jugement,

– dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte,

– dit que la décision est opposable à l’AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire seront ainsi garanties par cette dernière dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées,

– ordonné l’exécution provisoire,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur en frais privilégiés,

– rejeté le surplus des demandes.

Le 6 juillet 2022, l’AGS a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 4 avril 2023, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en sa requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée, en ce qu’il dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul, en ses fixations du salaire et des créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur, en ce qu’il ordonne la remise de documents et juge que la décision lui est opposable et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire seront ainsi garanties par elle, de débouter M. [R] de toutes ses demandes, de lui donner acte de ses conditions d’intervention dans le cadre des dispositions du code de commerce rappelées ci-dessus et des conditions, limites et plafonds de sa garantie prévus notamment par les articles L. 3253-6 à L. 3253-17, L. 3253-19 à L. 3253-20 du code du travail, de rejeter toute demande contraire dirigée à son encontre, de dire en tout état de cause que la décision à intervenir de fixation de créances ne lui sera opposable que dans les conditions, limites et plafond de sa garantie légale subsidiaire, de dire qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant de ces dispositions, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-20 du code du travail.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 1er février 2023, la SELARL [L] Yang-Ting prise en la personne de Mme [M] [L] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Voxtur demande à la cour de :

– à titre principal, juger que la relation contractuelle ayant existé entre M. [R] et la société Voxtur ne s’analyse juridiquement pas en un contrat de travail, réformer partiellement le jugement en ce qu’il requalifie cette relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée, dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul, fixe le salaire et les créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur, ordonne la remise de documents, la déboute de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statue sur les dépens et l’exécution provisoire, de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes,

– à titre subsidiaire, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur les éventuelles condamnations prononcées, juger que la décision à intervenir sera opposable à l’AGS (CGEA) d'[Localité 4] dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l’article D. 3253-5 du même code et ce, toutes créances confondues,

– en tout état de cause, condamner M. [R] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2024, M. [R] demande à la cour de :

– à titre principal, réformer partiellement le jugement en ce qu’il fixe le salaire et ses créances au titre de l’indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour licenciement nul, de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité de congés payés, de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au temps de travail, des remboursements des frais d’essence et d’entretien du véhicule ainsi des frais de sa location, en ce qu’il le déboute du surplus de ses demandes, de le confirmer pour le surplus, statuant à nouveau, de :

– fixer son salaire mensuel brut à 2 961,63 euros,

– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur aux sommes de :

* 35 539,56 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul, avec intérêts de droit au taux légal à compter du jugement,

* 19 740 euros au titre des heures effectivement travaillées mais non rémunérées,

* 5 923,26 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 2 986,31 euros à titre d’indemnité de congés payés,

* 678,71 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 2 000 euros à titre d’indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

* 2 961,63 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 296,16 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 17 769,78 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait du travail dissimulé,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation relative au temps de travail,

* 5 071,46 euros au titre des frais d’essence et d’entretien pour la période de septembre 2018 à août 2019,

* 13 487,76 euros au titre des frais de location avec option d’achat du véhicule,

d’ordonner la remise, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, par le liquidateur de la société Voxtur, des bulletins de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi,

– à titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– à titre infiniment subsidiaire, déclarer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, juger que doit être écarté le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Voxtur à la somme de 17 769,78 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit au taux légal à compter du jugement, à défaut celle de 2 961,63 euros,

– en tout état de cause, condamner le liquidateur de la société Voxtur à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et débouter les autres parties de l’intégralité de leurs demandes.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 janvier 2025.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIVATION

Sur l’existence d’un contrat de travail entre M. [R] et la société Voxtur

L’AGS et le liquidateur de la société Voxtur concluent au débouté des demandes de M. [R] visant à faire reconnaître l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Voxtur en faisant valoir que celui-ci, immatriculé en qualité de travailleur indépendant, a signé un contrat de partenariat commercial, était libre d’organiser son travail, qu’il n’était pas soumis à des ordres ou directives, qu’il était rémunéré à la course et bénéficiait de l’attractivité du service tarifaire proposé par la société aux clients et qu’il disposait de la possibilité de développer une clientèle personnelle, relevant à cet égard qu’il n’a jamais déféré aux sommations de communiquer l’ensemble de ses déclarations de revenus et avis d’imposition sur la période considérée.

Relevant que la société Voxtur lui a établi un certificat de travail, M. [R] expose qu’il a exercé une activité de chauffeur de véhicule de tourisme en effectuant les courses qui lui étaient attribuées par l’application proposée par la société Voxtur, lui imposant une tarification unilatérale du prix des courses, sous un lien de subordination hiérarchique se traduisant par l’exercice d’un pouvoir de direction assimilable à celui d’un employeur, y compris au travers de sanctions infligées, et sollicite la requalification de la relation de travail en un contrat de travail avec toutes conséquences pécuniaires.

Selon l’article L. 8221-6 du code du travail, les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail.

L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

En l’espèce, le 12 septembre 2018, M. [R] exerçant l’activité de chauffeur indépendant de voiture de transport a, en qualité de représentant de la société City By Cab, signé avec la société Voxtur un ‘contrat d’adhésion au système informatique Voxtur’ aux termes duquel il s’engageait à exercer l’activité de chauffeur de véhicule de tourisme, pour une durée d’un mois renouvelable par tacite reconduction pour une durée équivalente, et percevait chaque semaine de cette société une rétrocession du prix des courses qu’il réalisait.

Il produit aux débats ses relevés hebdomadaires des courses effectuées qui établissent l’exécution effective de prestations de transports de personnes à l’aide de son véhicule en application des courses qui lui étaient attribuées par l’application Voxtur, ayant donné lieu à rétribution en fonction du nombre de courses, calculée et versée par la société Voxtur par virements sur son compte bancaire, sur la période concernée du 12 septembre 2018 au 7 août 2019.

Il ressort de l’article 1 du contrat signé, comportant quatre annexes, que M. [R] devait être propriétaire d’un ‘véhicule correspondant aux standards LeCab tels que définis en annexe 2’, celle-ci renvoyant à une liste sur le site www.lecab.fr s’agissant des véhicules ‘économique/partagé’ et listant précisément les modèles référencés s’agissant des types berlines et vans et leur ancienneté.

Aux termes de l’article 4 du contrat, il s’engageait notamment à avoir une ‘voiture propre extérieur et intérieur’, être ‘en tenue professionnelle (‘ni survêtement, ni jeans, ni tee-shirt, ni baskets)’, outre à un ‘accueil souriant et remerciement en fin de course’, ‘ne pas chercher à engager la conversation avec le client’, ‘aider à porter les bagages’, ‘conduire avec souplesse et respect strict du code de la route’, et à adhérer à des ‘standards de qualité’ précisément énoncés à l’annexe 2 :

‘- chauffeur en costume, chemise et cravate

– ouverture de porte côté passager pour accueillir le client

– avoir un parapluie au cas où le temps est pluvieux

– intérieur neutre (ni radio ni désodorisant, pas d’affaires personnelles à l’avant)

– siège passager avancé et appuie-tête retiré

– en gare ou à l’aéroport, attendre le client avec une pancarte

– sortir du véhicule pour accompagner la sortie du client’.

L’article 2 stipule en outre ‘la mise en place de notations (entre 1 et 5) qui permet à chaque personne transportée qui le souhaite d’émettre par voie électronique, à l’occasion d’une course effectuée, un jugement qualitatif sur la prestation réalisée’ et la communication des résultats au chauffeur chaque semaine, la note attribuée permettant au chauffeur ‘d’accéder à un service ‘Premium Berline 508 et Van LeCab’ bénéficiant d’une tarification chauffeur supérieure (cf site internet www.lecab.fr) selon les conditions et modalités stipulées en annexe 2′. Il y est ainsi prévu à l’annexe 2 que pour accéder à la tarification supérieure, le chauffeur doit avoir une note moyenne sur deux mois supérieure à 4,5 avec un minimum de 50 courses notées (Mini LeCab et Plus) et supérieure à 4,75 avec un minimum de 40 courses notées (Van).

En outre, l’article 2 du contrat prévoit que le chauffeur doit télécharger l’application au moyen de laquelle il se connectera au système informatisé Voxtur, permettant de localiser en temps réel chaque chauffeur afin de procéder à une affectation des courses en termes de temps de prise en charge et de trajet à effectuer ou de proposer les courses disponibles dont le lieu de prise en charge est le plus proche de l’emplacement géographique du chauffeur et pour celui-ci de communiquer avec les personnes ayant commandé une course et/ou le centre de contrôle Voxtur pour signaler au besoin tout événement anormal dans le cadre du déroulement d’une course.

L’article 5 du contrat stipule notamment qu’à l’issue de chaque semaine, la société émet pour chaque chauffeur un décompte détaillé et chiffré des courses effectuées en ‘appliquant les tarifs de chaque service, tels que ceux-ci sont consultables à l’adresse : http//www.lecab.fr/prix-vtc.html’ et lui transmet une facture de commission qu’elle établit, avec son autorisation, en son nom, portant mention du montant cumulé des courses réalisées qu’elle ‘sera’ lui devoir, représentant 80 % du prix public HT, de chacune desdites courses, tout en précisant qu’en cas de majoration des prix par rapport au prix public en application d’accords particuliers, le chauffeur ne percevra aucune participation sur la majoration et que la commission à percevoir par le chauffeur est susceptible d’évoluer à la hausse (sans limitation) ou à la baisse dans la limite de dix points et que le chauffeur est informé de toute modification relative aux conditions tarifaires et au taux de commission prélevé par la société Voxtur au minimum dix jours avant l’entrée en vigueur de la modification.

Force est de constater que la tarification des courses est donc unilatéralement fixée par la société Voxtur et imposée au chauffeur, invité pour sa part à seulement consulter via un lien sur le web les tarifs fixés, sans discussion, ni accord préalable de sa part, ce qu’admet le liquidateur de la société Voxtur en page 30 de ses écritures en écrivant que celle-ci ne négocie pas avec chaque chauffeur de son réseau le prix de chaque course que celui-ci est amené à effectuer.

L’examen des relevés de courses produits par M. [R] permet de vérifier que la société Voxtur déterminait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte de l’intéressé et que sa rémunération était calculée à la course et transférée sur son compte bancaire, celui-ci produisant un mandat de prélèvement SEPA permettant le cas échéant à la société Voxtur de prélever sur son compte bancaire le montant négatif des relevés, comme par exemple pour la semaine 36 mentionnant une dette à régler de – 804 euros au titre de la balance (total activité – frais de location).

Il ressort encore du contrat signé en son annexe 4 que le chauffeur n’a accès à un système de ‘prebook’ correspondant à une liste de courses qui sont encore disponibles, à effectuer le lendemain ou les jours suivants et qui, s’il en sélectionne une, lui est alors immédiatement attribuée et n’est plus accessible à un autre chauffeur, qu’à condition d’avoir effectué un certain nombre de courses depuis le début du partenariat avec LeCab, d’avoir accepté un certain pourcentage des courses affectées et d’avoir une note, au titre du mois précédent, supérieure à un certain seuil, et qu’il a ainsi accès à une ou deux courses par tranche de 24 heures du lundi au vendredi ou du lundi ou dimanche. Par exemple, pour avoir accès à la pré-réservation d’une course par tranche de 24 heures du lundi au vendredi, le chauffeur doit avoir effectué plus de 500 courses depuis le début de son partenariat avec LeCab, avoir accepté au moins 70% des courses affectées et avoir une note supérieure à 4,75 au titre du mois précédent.

En outre, M. [R] produit des captures d’écran relatives à des déconnexions du système informatisé LeCab en expliquant qu’en cas de refus de course, il se voyait infliger une ‘sanction punition’ et était à ce titre automatiquement déconnecté de l’application durant vingt minutes, étant à cet égard relevé que la société ne saurait présenter cette déconnexion comme une simple ‘mesure organisationnelle dans le cadre des conditions d’utilisation de la plateforme’, alors qu’elle revient de facto à mettre le chauffeur dans l’impossibilité d’effectuer une autre course pendant toute cette durée et à considérer que si M. [R] n’était pas tenu à une obligation d’exclusivité avec la société Voxtur (celle-ci indiquant qu’il pouvait développer une activité personnelle), celui-ci, au regard de la sanction de déconnexion infligée en cas de refus de course attribuée se voyait dans les faits très fortement limité dans le développement possible d’une telle activité. A cet égard, l’attestation de M. [X] [S] qui indique avoir développé une clientèle personnelle parallèlement à ses connexions au réseau Voxtur-LeCab n’est pas pertinente en l’absence de production de son contrat avec la société Voxtur, ce qui ne permet donc pas d’opérer de comparaison utile avec la situation de M. [R].

M. [R] produit par ailleurs une note envoyée le 24 juin 2019 par la société Voxtur en vue de la grève des taxis le 25 juin 2019 l’invitant, ainsi que les autres chauffeurs, à profiter ‘de cette journée qui s’annonce exceptionnelle pour’ leur ‘chiffre d’affaires’.

Enfin, il est versé aux débats un certificat de travail daté du 13 septembre 2019 aux termes duquel la société Voxtur certifie avoir ’employé’ M. [R] en qualité de chauffeur du 10 novembre 2014 au 8 août 2019, qui comprend donc la période considérée par le présent litige.

Il ressort de toutes les constatations qui précèdent que M. [R] réalisait des prestations de transport de personnes au moyen de son véhicule dans le cadre d’un service organisé par la société Voxtur qui :

– lui imposait notamment un modèle et une ancienneté de véhicule automobile et l’installation de l’application Voxtur dotée d’un système de géo-localisation permettant de suivre en temps réel sa position, de comptabiliser son nombre total de kilomètres parcourus et d’exercer un contrôle de son activité,

– en déterminait unilatéralement les conditions d’exécution, en termes en particulier de tarification des courses facturées en son nom et pour son compte, tarifs qu’elle fixait et modifiait sans son accord préalable, ni discussion,

– conditionnait son accès aux courses pré-réservées à l’obtention d’une note de qualité et d’un taux d’acceptation de courses unilatéralement fixés par elle-même, système le conduisant à accepter et réaliser un maximum de courses afin d’y avoir accès,

– le soumettait de manière unilatérale à des déconnexions automatiques de l’application pour sanctionner des refus de course,

– lui donnait des consignes très précises relatives à la tenue professionnelle et aux attitudes à adopter avec les clients,

tous faits qui ne permettent pas de considérer que celui-ci disposait d’une liberté voire d’une autonomie dans l’exercice de ses prestations et conduisent la cour à retenir que M. [R] réalisait des prestations dans le cadre d’un service organisé et dans un lien de subordination à l’égard de la société Voxtur, à l’instar d’ailleurs de ce que celle-ci a considéré en établissant un document de fin de contrat de travail à son égard.

Le contrat en cause doit par conséquent être requalifié en contrat de travail, ainsi que retenu par le jugement.

Sur les conséquences pécuniaires de la requalification en contrat de travail

Sur le temps de travail et la fixation d’un salaire de référence

M. [R] sollicite la fixation de son salaire brut à la somme de 2 961,63 euros, calculé en additionnant d’une part le chiffre d’affaires brut hors taxe réalisé sur la période de septembre 2018 à août 2019, déduction faite d’un taux de 30 % de charges, soit la somme de 12 837,98 euros, et d’autre part, la somme de 19 740 euros correspondant à des heures travaillées non rémunérées sur cette période, puis en divisant la somme totale de 32 577,98 euros par onze mois.

Il fait valoir que son activité comportait nécessairement des temps d’attente avant chaque course, ne pouvant être qualifié de temps de pause, car il demeurait à la disposition de la société sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, qu’il évalue à deux heures par jour en moyenne, qu’il valorise à la somme de 84 euros, sur la base d’un taux horaire brut de 60 euros calculé à partir de son chiffre d’affaires dont il déduit 30 % de charges, soit 420 euros par semaine.

L’AGS ne produit pas d’argumentation sur ce point.

Le liquidateur de la société fait valoir que l’intéressé était libre de vaquer à ses occupations personnelles entre deux missions, relevant qu’il avait la possibilité à tout moment de se déconnecter de la plateforme de réservation de courses mise à sa disposition, et qu’il décidait seul des jours et des heures durant lesquelles il souhaitait effectuer des courses, le système de réservation permettant d’éviter les aléas et contraintes d’attente que des chauffeurs de VTC peuvent rencontrer ; il critique les évaluations de temps de travail faites par l’intéressé en calculant les temps de conduite hebdomadaires à partir des lieux et destinations des courses effectuées tels que mentionnés sur les relevés hebdomadaires d’activité, en relevant que sur la semaine 48 (26 novembre au 1er décembre 2018), il n’a réalisé qu’un temps de 11,15 heures de conduite.

Alors qu’il incombe au salarié, en application des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, de fournir des éléments suffisamment précis des heures de travail effectuées afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle de la durée du travail d’y répondre en fournissant ses éléments, il ne peut être que retenu, à l’instar du constat fait par le premier juge, que M. [R] ne produit aucun élément, tel par exemple un décompte, sur les heures d’attente qu’il estime avoir effectuées sur la période considérée, la seule invocation générale en des termes sibyllins ainsi formulée : ‘A ce titre, le Conseil relèvera que M. [R] comptabilisait en moyenne deux heures d’attente par jour’ en page 54 de ses écritures, sans aucune précision notamment sur la manière dont il arrive à cette conclusion, étant totalement insuffisante à cet égard pour permettre à la société Voxtur de remplir la part de charge probatoire lui incombant. C’est par conséquent à juste titre que le premier juge a débouté l’intéressé de sa demande au titre d’heures travaillées mais non rémunérées.

Dans ces conditions, en l’absence d’autre proposition, il sera fixé le salaire de référence de M. [R] à 1 167,09 euros, sur la base du calcul proposé par celui-ci en page 53 de ses écritures (à savoir son chiffres d’affaires annuel brut hors taxe correspondant à l’addition des montants de ses relevés d’activité hebdomadaires sur la période allant de septembre 2018 à août 2019, soit 18 339,97 euros, duquel est déduit un taux de 30 % de charges, aboutissant à la somme de 12 837,98 euros, qui est divisée par onze mois d’activité).

Sur l’indemnité de requalification

M. [R] sollicite une indemnité de requalification sur le fondement des articles L. 1242-1 et suivants et L. 1245-2 du code du travail, en se référant à la motivation de jugements rendus par le conseil de prud’hommes de Paris le 18 décembre 2018 ayant fait droit à une telle demande, qu’il demande de porter à deux mois de salaire brut.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de ces demandes qu’ils estiment infondées.

L’article L. 1245-2 du code du travail prévoit à la charge de l’employeur une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire en cas de requalification par le juge d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

En l’espèce, la requalification intervenue n’entre pas dans l’application des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail prévoyant les conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée et L. 1245-1 du même code, s’agissant d’une requalification d’un contrat commercial en un contrat de travail.

La demande n’étant pas fondée, il convient d’en débouter M. [R] et d’infirmer le jugement sur ce point.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

M. [R] sollicite une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à un dixième de sa rémunération brute sur la période de référence fixée à 32 577,98 euros.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de cette demande qu’ils estiment infondée.

En vertu de l’article L. 3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur et il est admis qu’il appartient à ce dernier de démontrer qu’il a pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés et en cas de contestation de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent.

Selon l’article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrable par mois de travail effectif chez le même employeur, soit trente jours par an.

La cour ayant requalifié la relation contractuelle en contrat de travail, il convient de constater que la société Voxtur n’a donc pas mis M. [R] en mesure de bénéficier des dispositions susvisées dès lors qu’elle n’avait pas reconnu le statut de salarié à ce dernier.

Sur la base des congés payés acquis pendant sa période d’activité, il doit lui être alloué un dixième de ses salaires, soit 1 283,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [R] soutient que la société Voxtur l’a déconnecté de la plateforme LeCab le 7 août 2019 consécutivement à sa saisine du conseil de prud’hommes de Paris afin de faire valoir ses droits, ce qui constitue une mesure de rétorsion à son action en justice et que son licenciement est donc entaché de nullité, ou à tout le moins dénué de cause réelle et sérieuse, et lui ouvre droit à une indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, outre à des indemnités de rupture.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de ces demandes qu’ils estiment infondées.

En l’espèce, la société Voxtur a adressé à M. [R] une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 30 juillet 2019 ainsi rédigée :

‘Notre société cessera, à effet du 7 août 2019, d’exploiter, en qualité d’opérateur, la plateforme de mise en relation, LeCab.

A compter de cette date, nous n’affecterons plus de courses à (nos), désormais, anciens chauffeurs partenaires.

La société SNAPCAR, qui a racheté notre fonds de commerce, ayant connaissance de la position que vous aviez soutenue, devant le conseil de prud’hommes de Paris, qui tendait à la requalification de votre contrat de partenariat commercial en un contrat de travail, ne souhaitant pas contracter avec des chauffeurs contestant la validité des ‘termes et conditions actuelles’ du contrat de partenariat, nous a indiqué qu’elle n’avait pas convenance à maintenir une relation contractuelle avec votre société’.

Aux termes de cette lettre, qui n’est pas une lettre de licenciement, la société Voxtur notifie ainsi à M. [R] la rupture de leurs relations contractuelles à la suite de sa cessation d’exploitation de la plateforme de mise en relation et de la cession de son fonds de commerce à une société tierce à laquelle elle prête l’intention de ne pas maintenir une relation contractuelle avec des chauffeurs contestant la validité des termes et conditions du contrat de partenariat commercial.

Il est certain qu’à compter du 7 août 2019, la société Voxtur a déconnecté M. [R] de son application, ce qui manifeste une rupture de la relation contractuelle à cette date à l’initiative de la société.

Par l’effet de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, il s’ensuit que cette rupture, intervenue sans procédure de licenciement et lettre de licenciement, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aucune nullité n’étant encourue en l’absence de démonstration d’une mesure de rétorsion de la société Voxtur à l’exercice par M. [R] d’une action en justice, celle-ci ayant rompu les relations à la suite de sa cessation d’activité.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul et statue sur les indemnités pour licenciement nul et les indemnités de rupture consécutives.

Au regard de son ancienneté dans l’entreprise comprise entre le 12 septembre 2018 et le 7 août 2019 et du salaire de référence de 1 167,09 euros, les demandes de M. [R] sont fondées, eu égard au licenciement dénué de cause réelle et sérieuse intervenu, à hauteur des montants suivants :

* 1 167,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 116,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 267,45 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’intéressé a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant, eu égard à son ancienneté de moins d’une année complète dans l’entreprise, ne peut excéder un mois de salaire brut, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et que les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l’appelant faute d’effet direct.

Il sera alloué à l’intéressé une indemnité de 1 000 euros à ce titre et cette somme sera fixée au passif de la procédure collective de la société Voxtur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute celui-ci de sa demande d’indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement en application des dispositions de l’article L. 1235-2 du code du travail qui n’ouvre droit à une indemnité à ce titre que lorsque le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, la cour relevant en tout état de cause que l’intéressé ne développe aucune démonstration relative au préjudice subi du fait de l’irrégularité de la procédure.

Sur la situation de travail dissimulé

Soutenant avoir été victime de travail dissimulé, M. [R] réclame une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 10 000 euros.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de ces demandes qu’ils estiment infondées.

Des articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, il résulte qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours sans procéder aux déclarations obligatoires a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

De ce qui précède, il résulte que l’employeur n’a pas procédé à la déclaration préalable à l’embauche, n’a pas porté le nombre d’heures travaillées sur des bulletins de salaire et ne s’est pas, de manière plus générale, conformé aux obligations nées du statut de salarié de M. [R].

Cependant, le caractère intentionnel de la dissimulation ne peut être considéré comme résultant du seul constat de ces abstentions, alors que le statut de salarié a été amplement discuté et a nécessité un débat judiciaire nourri de nombreuses controverses.

Dans ces conditions, la demande d’indemnité forfaitaire formée de ce chef doit être rejetée.

Le jugement sera infirmé sur ce point et confirmé en ce qu’il déboute l’intéressé de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

M. [R] soutient que la société Voxtur a manqué à son obligation de sécurité alors que ‘cette course effrénée’ l’amenait ‘à prendre le volant sur des périodes extrêmement étendues, allant parfois de 5 heures à 23 heures, sans que celles-ci n’aient été espacées par des pauses’.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de ces demandes qu’ils estiment infondées.

Alors qu’il lui appartient de démontrer le manquement à l’obligation de sécurité qu’il allègue et le préjudice subi en résultant, force est de constater que M. [R] se borne à invoquer de manière générale ce manquement sans articuler sa demande autour de moyens de fait, son allégation d’une amplitude de travail dans les proportions prétendues n’étant pas vérifiée par les éléments et pièces produits aux débats, et en tout état de cause sans établir son préjudice.

Le jugement sera confirmé en son débouté de la demande de ce chef.

Sur le non-respect de la législation relative au temps de travail

M. [R] fait valoir qu’il a été privé à plusieurs reprise d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives et sollicite une indemnisation du préjudice en résultant.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de ces demandes qu’ils estiment infondées.

Aux termes de l’article L. 3132-1 du code du travail :

‘Il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine’.

Aux termes de l’article L. 3132-2 du même code :

‘Le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier’.

Aux termes de l’article L. 3132-3 du même code :

‘Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche’.

Il ressort des relevés d’activité produits par M. [R] mentionnant les jours et heures des courses effectuées que celui-ci a ponctuellement travaillé sur une amplitude de plus de dix heures, à savoir les 17 et 19 octobre 2018, 19 novembre 2018 et 3 juin 2019.

Le préjudice causé au salarié par le non-respect de la législation relative au temps de travail a été exactement évalué par le jugement, qui sera confirmé sur la disposition de ce chef.

Sur les frais relatifs au véhicule

M. [R] demande à ce que l’employeur lui rembourse les frais d’essence et d’entretien de son véhicule ainsi que les frais de location avec option d’achat au titre d’un contrat de ‘leasing’ conclu le 28 décembre 2017 pour un véhicule correspondant aux standards imposés par la société Voxtur.

Le liquidateur de la société et l’AGS concluent au débouté de ces demandes qu’ils estiment infondées.

Il est admis que les frais professionnels nécessaires à l’exécution du contrat de travail doivent être remboursés au salarié par l’employeur à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu que le salarié en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire.

La relation contractuelle entre M. [R] et la société Voxtur étant requalifiée en contrat de travail, les frais exposés par ce dernier pour l’exercice de ses fonctions doivent être mis à la charge de son employeur.

L’intéressé produit aux débats des factures détaillées émanant de la société Total relatives à des achats de carburant et frais d’entretien du véhicule utilisé pour les besoins de son activité professionnelle, sous la pièce n° 3, ainsi qu’un échéancier valant facture de l’opération de financement de ce véhicule à en-tête ‘Crédit Agricole Leasing’ à compter du 28 décembre 2017, mentionnant des mensualités de 681,20 euros en pièce n° 6.

Alors que celui-ci mentionne l’utilisation occasionnelle de ce véhicule à des fins personnelles, sans cependant apporter de précision suffisante permettant à la cour de porter une appréciation différente de celle faite par le jugement sur ce point, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il lui alloue les sommes retenues sur ces chefs.

Sur la remise de documents

Il convient de relever qu’un certificat de travail a déjà été établi et remis à M. [R].

Eu égard à la solution du litige, il sera ordonné au liquidateur judiciaire de la société Voxtur la remise à M. [R] d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation destinée à France Travail, dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il statue sur la remise de documents et confirmé en son débouté de la demande d’astreinte.

Sur la garantie de l’AGS

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société Voxtur et il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel eu égard à la procédure collective dont la société Voxtur fait l’objet.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ce qu’il fixe le salaire brut mensuel à 1 667,27 euros et en ce qu’il statue sur les demandes au titre de l’indemnité de requalification, de l’indemnité compensatrice de congés payés, du licenciement nul, de l’indemnité pour licenciement nul, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés incidents, de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de la remise de documents,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

FIXE le salaire mensuel brut à 1 167,09 euros,

FIXE au passif de la procédure collective de la société Voxtur les créances de M. [V] [R] aux sommes suivantes :

* 1 283,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

* 1 167,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 116,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 267,45 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 1 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE M. [V] [R] de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, de l’indemnité de requalification, de l’indemnité pour licenciement nul et de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

ORDONNE à la SELARL [L] Yang-Ting prise en la personne de Mme [M] [L] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Voxtur de remettre à M. [V] [R] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation destinée à France Travail, dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt,

DECLARE le présent arrêt opposable à l’AGS qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail,

LAISSE les dépens d’appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Voxtur,

DEBOUTE M. [V] [R] de ses autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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