Requalification du licenciement et indemnités accordées au salarié.

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Requalification du licenciement et indemnités accordées au salarié.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [M] [R] a été licencié pour faute grave par la SAS Interlink Environnement, mais a contesté ce licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud’hommes a requalifié le licenciement et a condamné l’employeur à verser diverses indemnités.

VISITE MÉDICALE D’EMBAUCHE

L’employeur a l’obligation d’organiser une visite médicale d’embauche conformément à l’article R.4624-10 du Code du travail. Toutefois, l’absence de cette visite ne donne pas automatiquement droit à des dommages-intérêts si le salarié ne prouve pas de préjudice.

HEURES DE REPOS HEBDOMADAIRE ET OBLIGATION DE SÉCURITÉ

L’employeur doit respecter les dispositions relatives aux heures de repos hebdomadaire, telles que prévues par l’article L.3132-1 du Code du travail. De plus, l’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, selon l’article L.4121-1 du même code. En l’absence de preuves suffisantes, la demande de dommages-intérêts pour non-respect de ces obligations peut être rejetée.

PRIME DE NON-ACCIDENT

La prime de non-accident est régie par les stipulations contractuelles, et l’employeur doit prouver que le salarié a commis une faute pour justifier la suppression de cette prime. En vertu de l’article 1134 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

LICENCIEMENT

Le licenciement pour faute grave doit être justifié par des faits précis et sérieux, conformément à l’article L.1232-1 du Code du travail. L’employeur a la charge de la preuve de la faute grave, et le juge peut requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits ne justifient pas une telle mesure.

DÉCISION SUR LES DOCUMENTS DE FIN DE CONTRAT

L’employeur est tenu de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, et un bulletin de salaire récapitulatif, conformément à l’article R.1234-9 du Code du travail.

DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIÉTÉ

La demande reconventionnelle de l’employeur doit être fondée sur des éléments de preuve tangibles, conformément aux articles 1353 et 1354 du Code civil, qui établissent la nécessité de prouver les faits allégués pour obtenir réparation.

FRAIS IRRÉPÉTIBLES

Les frais irrépétibles peuvent être accordés en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, mais leur octroi est soumis à l’appréciation du juge, qui doit tenir compte des circonstances de l’affaire.

L’Essentiel : M. [M] [R] a été licencié pour faute grave par la SAS Interlink Environnement, mais a contesté ce licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud’hommes a requalifié le licenciement et a condamné l’employeur à verser diverses indemnités. L’employeur doit respecter les dispositions relatives aux heures de repos hebdomadaire et a une obligation de sécurité envers ses salariés. En l’absence de preuves suffisantes, la demande de dommages-intérêts peut être rejetée.
Résumé de l’affaire : Un salarié, engagé par la SAS Interlink Environnement en tant que chauffeur poids lourds, a été licencié pour faute grave en janvier 2020. Contestant ce licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur à verser diverses indemnités, y compris une indemnité compensatrice de préavis et des dommages-intérêts.

Le salarié a également soulevé des manquements de l’employeur, notamment l’absence de visite médicale d’embauche et le non-respect des heures de repos hebdomadaires. Toutefois, le tribunal a estimé que l’absence de visite médicale ne justifiait pas des dommages-intérêts en l’absence de préjudice prouvé. Concernant les heures de repos, les preuves fournies par le salarié n’ont pas suffi à établir un manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité.

L’employeur a contesté la décision en appel, soutenant que le licenciement était justifié par des refus d’exécuter des modifications de plans de transport. Cependant, le tribunal a noté que les preuves fournies par l’employeur ne démontraient pas une faute grave, et a confirmé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

En parallèle, la société a été placée en liquidation judiciaire, et le salarié a assigné le liquidateur et le mandataire judiciaire pour obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal a ordonné la remise de documents de fin de contrat au salarié et a fixé les créances au passif de la liquidation. La demande reconventionnelle de l’employeur pour des salaires indûment perçus a été rejetée, tout comme la demande de dommages-intérêts pour atteinte à l’honneur. Les dépens ont été mis à la charge de la société.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour faute grave repose sur l’article L.1234-1 du Code du travail, qui stipule que le licenciement d’un salarié doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail, rendant impossible son maintien dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

En l’espèce, l’employeur doit prouver la faute grave. La lettre de licenciement doit circonscrire les limites du litige, et le juge peut requalifier la gravité de la faute. Si les faits invoqués ne caractérisent pas une faute grave, ils peuvent néanmoins constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Quel est l’impact de l’absence de visite médicale d’embauche sur le licenciement ?

L’article R.4624-10 du Code du travail impose à l’employeur d’organiser une visite médicale d’embauche. Toutefois, l’absence de cette visite ne suffit pas à établir un préjudice pour le salarié. Dans cette affaire, le salarié n’a pas justifié d’un préjudice lié à l’absence de visite médicale, ce qui a conduit la cour à le débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Quel est le régime des heures de repos hebdomadaire et de l’obligation de sécurité ?

L’article L.3121-1 du Code du travail stipule que tout salarié a droit à un repos hebdomadaire. L’employeur a également une obligation de sécurité envers ses salariés, conformément à l’article L.4121-1. Dans cette affaire, les disques chronotachygraphes et les relevés d’heures fournis par le salarié n’ont pas permis de prouver qu’il n’avait pas bénéficié de ses heures de repos. De plus, les preuves apportées concernant l’état du camion n’ont pas établi un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Quel est le cadre juridique de la prime de non-accident ?

L’article 3 du contrat de travail stipule que la prime de non-accident est de 200 euros et peut être supprimée en cas d’accident ou d’incident causé par le salarié. L’employeur doit prouver que l’accident est survenu par la faute du salarié. Dans ce cas, les documents fournis par l’employeur n’ont pas établi que les accidents étaient imputables au salarié, ce qui a conduit la cour à reconnaître le droit du salarié à la prime de non-accident.

Quel est le fondement des demandes reconventionnelles de l’employeur ?

L’employeur a formulé des demandes reconventionnelles sur la base de l’article L.1235-1 du Code du travail, qui permet de demander des dommages-intérêts en cas de non-respect des obligations contractuelles par le salarié. Cependant, la cour a constaté que l’employeur n’avait pas démontré que le salarié avait travaillé moins d’heures que celles prévues par son contrat, ce qui a conduit à débouter l’employeur de sa demande reconventionnelle.

Quel est le régime des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit que si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié ou, en cas de refus, lui accorder une indemnité. Cette indemnité est déterminée en fonction de l’ancienneté du salarié et peut aller de 3 à 3,5 mois de salaire. Dans cette affaire, la cour a confirmé l’allocation de 7 110 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quel est le cadre juridique des documents de fin de contrat ?

L’article L.1234-19 du Code du travail impose à l’employeur de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte à la fin du contrat. Dans cette affaire, le liquidateur de la société a été ordonné de remettre ces documents dans un délai de deux mois, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Quel est le régime des frais irrépétibles en matière de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, la cour a confirmé la condamnation de l’employeur au titre de l’article 700, sauf à fixer cette somme au passif de la liquidation de la société.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 01 AVRIL 2025

(n° 2025/ , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08713 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQ6E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n°

APPELANTE

S.A.S.U. INTERLINK ENVIRONNEMENT

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Noureddine NAANAI, avocat au barreau de SENLIS, toque : 160

INTIME

Monsieur [M] [R]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Laurent SERVILLAT, avocat au barreau D’ESSONNE

PARTIES INTERVENTANTES:

M. [E] [V], ès qualités de liquidateur de S.A.S.U. INTERLINK ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 8]

Non représenté

SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [U] [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S.U. INTERLINK ENVIRONNEMENT

[Adresse 7]

[Localité 8]

Non représentée

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 10]

Non représentée

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, présidente

Madame Isabelle LECOQ-CARON, présidente

Madame Catherine VALANTIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– rendu par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [M] [R], né en 1982, a été engagé par la SAS Interlink Environnement, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 mai 2017 en qualité de chauffeur poids lourds, coefficient 138M, niveau 6, échelon 2.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Par lettre datée du 23 décembre 2019, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 2 janvier 2020.

Par courrier du 9 janvier 2020, M. [R] s’est vu notifier par la société Interlink Environnement son licenciement pour faute grave.

A la date du licenciement, M. [R] avait une ancienneté de deux ans et la société Interlink Environnement occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de visite médicale d’embauche, pour non-respect de son obligation de respect du repos hebdomadaire et non-respect de son obligation de sécurité, ainsi qu’un rappel de prime de non-accident, M. [R] a saisi le 10 mars 2020 le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes qui, par jugement du 21 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– requalifie le licenciement pour faute grave de M. [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamne la SAS Interlink Environnement, en la personne de son représentant légal, à payer à M. [R] les sommes suivantes :

– 4 740 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 474 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 659 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 570 euros au titre du rappel de prime de non-accident,

avec intérêts sur ces sommes au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 24 mars 2020,

– 7.110 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 370 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de visite médicale d’embauche,

– 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts sur ces sommes au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

– ordonne la remise d’un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard et par document dans la limite de 30 jours à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement,

– dit que le conseil se réserve la liquidation de l’astreinte prononcée,

– déboute M. [R] du surplus de ses demandes,

– dit qu’une copie du présent jugement sera transmise à pôle emploi,

– met les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse.

Par déclaration du 13 octobre 2021, la société Interlink Environnement a interjeté appel de cette décision, notifiée le 1er octobre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 janvier 2022 la société Interlink Environnement demande à la cour de:

– infirmer la décision du conseil de prud’hommes d’Evry en date du 21 septembre 2021,

statuant à nouveau,

– constater que le licenciement de M. [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes,

à titre reconventionnel,

– Condamner M. [R] à verser à la société Interlink Environnement la somme de 5 957,81 euros pour salaire indûment percu pour l’année 2018,

– Condamner M. [R] à verser à la société Interlink Environnement la somme de 5 539,08 euros pour salaire indûment percu pour l’année 2019 ;

– Condamner M. [R] à verser à la société Interlink Environnement la somme de 20 000 euros à tire de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté,

– condamner M. [R] à verser à la société Interlink Environnement la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [R] aux entiers dépens.

Par jugement du 9 décembre 2022, le tribunal de commerce d’Evry-Courcouronnes a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire de la société Interlink Environnement, converti en liquidation judiciaire le 11 janvier 2023.

Le 3 mars 2023, M. [R] a assigné en intervention forcée l’AGS qui a constitué avocat mais n’a pas conclu.

Le 16 mars 2023, M. [R] a assigné en intervention forcée M. [T] [V], ès qualités de liquidateur de la société Interlink Environnement à domicile ainsi que la SELARL Mjc2a, prise en la personne de M. [U] [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Interlink Environnement. Ils n’ont pas constitué avocat.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er mars 2023 M. [R] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 21 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Evry Courcouronnes en ce qu’il a :

– requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné de la SAS Interlink Environnement, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :

– 4 740 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 474 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 659 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 2 370 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de visite médicale d’embauche,

– 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Interlink Environnement, prise en la personne de son représentant légal, à remettre au salarié les bulletins de paie rectifiés ainsi que des documents de fin de contrat conformes sous astreintes de 50,00 euros par jour et par document de retard à compter du prononcer de la décision à intervenir,

– débouté la SAS Interlink Environnement, prise en la personne de son représentant légal, de l’ensemble de ses demandes,

– dit et juger que les sommes porteront intérêt aux d’intérêt légal,

– mis les dépens à la charge de la SAS Interlink Environnement,

– infirmer le jugement sur le surplus,

statuant à nouveau :

– condamner la SAS Interlink Environnement, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :

– 23 700 euros (10 mois de salaire) à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.544,53 à titre de rappel de la prime de non-accident, outre 136,04 euros au titre des congés payés afférents,

– 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de respect du repos hebdomadaire,

– 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– aux entiers dépens,

– dire que l’ensemble des sommes mises à la charge de la SAS Interlink Environnement porteront intérêt à taux légal à compter du 21 septembre 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 13 décembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la visite médicale d’embauche

Il n’est pas discuté que l’employeur n’a pas organisé de visite médicale d’embauche. Pour autant, le salarié ne justifie pas d’un préjudice. Par infirmation de la décision critiquée, la cour le déboute de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les heures de repos hebdomadaire et l’obligation de sécurité

Pour infirmation de la décision entreprise, M. [R] soutient qu’il n’a pas bénéficié des heures de repos hebdomadaires légales et qu’il avait informé son employeur à plusieurs reprises de l’état déplorable de son camion.

La société Interlink Environnement conteste les griefs invoqués par le salarié.

La cour constate que les disques chronotachygraphes et les relevés d’heures tels que produits par le salarié ne permettent pas de retenir qu’il n’a pas bénéficié des heures de repos hebdomadaires telles que prévues par la convention collective.

En outre, comme l’ont relevé les premiers juges, les photos du camion, prises à une date indéterminée, ne permettent pas de caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ni que le droit de retrait que le salarié dit avoir exercé était justifié.

C’est donc à juste titre que M. [R] a été débouté de sa demande de dommages-intérêts. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la prime de non accident

L’article 3 du contrat de travail de M. [R] prévoit une prime de 200 euros qui sera supprimée en cas d’accident ou d’incident survenu sur le véhicule par la faute du salarié ou en cas de non respect des consignes quant à son entretien.

La société réplique que le salarié a eu deux accidents les 2 mars 2018 et 5 décembre 2019 et que le véhicule du salarié n’était pas entretenu ; qu’en outre, il n’a pas touché la prime à compter du moment où il était absent.

En l’espèce, l’employeur produit l’avertissement du 13 mars 2018 notifié au salarié ‘suite à l’accident survenu le 2 mars 2018″ ainsi qu’un document intitulé ‘Triplicata d’accident du 5 décembre 2019″. La cour constate que ces documents n’établissent pas que l’accident est survenu ‘par la faute du salarié’, ni que le véhicule n’était pas entretenu conformément aux consignes et au regard des fournitures censées être mises à la disposition du salarié.

En conséquence et au vu des bulletins de salaire et du tableau produit par le salarié, la cour, par infirmation de la décision entreprise, fixe la créance de M. [R] au passif de la liquidation de la société à la somme de 1 544,53 euros au titre de la prime dite de ‘non-accident’.

Sur la demande reconventionnelle de la société au titre des heures non travaillées

La société soutient que le nombre d’heures travaillées par le salarié est inférieur au nombre d’heures rémunérées en application du ‘lissage’ et qu’il est donc débiteur à son égard.

Le salarié réplique qu’aucun lissage n’était prévu et qu’en tout état de cause, il appartenait à la société ne lui fournir des tâches à exécuter.

En l’espèce, le contrat de travail prévoyait un horaire mensuel de 151,67 heures de travail. Il appartenait à l’employeur de fournir à son salarié du travail à hauteur de nombre d’heures travaillées prévues par le contrat de travail sans qu’il puisse lui opposer qu’il a travaillé moins de 151,67 heures, ce que au demeurant que l’employeur ne démontre pas.

Il convient donc de débouter la société Interlink Environnement de sa demande reconventionnelle.

Sur le licenciement

Pour infirmation de la décision entreprise, la société Interlink Environnement soutient en substance que la faute grave imputable à M. [R] est établie ; que le salarié a refusé d’exécuter la modification de ses plans de transport imposée par le prestataire LIDL malgré les rappels à l’ordre et les avertissements.

M. [R] réplique qu’il n’a reçu aucune consigne qu’il aurait refusée d’exécuter.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article’12 du code de procédure civile ; qu’en conséquence, si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

‘ Suite à l’entretien en date du 2 janvier 2020, nous sommes amenés à vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants : dans le cadre de l’évolution de notre activité avec le client LIDL, les prestations que vous effectuez sur les tournées LIDL ont changé et vous avez refusé d’effectuer ces nouvelles prestations.’.

A l’appui de l’existence de la faute grave dont la charge de la preuve incombe à l’employeur, la société Interlink Environnement produit deux attestations : une selon laquelle M. [R] n’a pas voulu faire de changement d’horaire car il effectuait trop d’heure et n’a pas voulu accepter le nouveau plan de transport communiqué et la seconde selon laquelle ‘M. [R] refusait catégoriquement de faire deux tours le vendredi et ne voulait faire que les départs d'[Localité 12] malgré des demandes de tous en plus sur les sites Lidl de [Localité 13] et de [Localité 11]. A plusieurs reprises, suite à des migraines, il ne venait pas travailler le soir, il fallait trouver des conducteurs de dernières minutes pour rattraper sa tournée’. Comme le souligne le salarié, les faits invoqués dans cette seconde attestation ne sont pas visés par la lettre de licenciement.

Quant à la première attestation, elle n’établit nullement que le salarié a refusé le nouveau plan de transport ni même qu’un tel plan a été soumis au salarié. Peu important que M. [R] n’ait pas demandé d’explication à la suite de la notification de son licenciement ni adressé un courrier de contestation à son employeur.

Dès lors c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la faute grave n’était pas établie, que le licenciement de M. [R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il convient de confirmer les indemnités de rupture allouées par le conseil de prud’hommes, sauf à les fixer au passif de la liquidation de la société Interlink Environnement.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 3,5 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, c’est à juste titre que les premiers juges ont alloué au salarié la somme de 7 110 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à fixer cette somme au passif de la liquidation de la société.

Sur les documents de fin de contrat

M. [T] [V], ès qualités de liquidateur de la société Interlink Environnement devra remettre à M. [R] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur la demande reconventionnelle de la société au titre de l’obligation de loyauté

Au visa de l’article L. 1222-1 du code du travail, la société sollicite la condamnation de M. [R] à des dommages-intérêts au motif qu’il a adopté un comportement portant atteinte à l’honneur et à la considération de la société et a tenu des propos diffamatoires par mail du 17 novembre 2020 adressé à un de ses clients.

M. [R] conteste les faits.

La cour constate que l’employeur ne produit pas l’email litigieux qui au demeurant n’est pas visé par le bordereau de communication de pièces. Le salarié indique que l’email litigieux adressé le 17 novembre 2020 est ainsi rédigé : ‘Je pourrai également vous faire part de certaines choses que vous risquerai de ne pas apprécier de la part de votre prestataire INTERLINK pendant la période où j’ai travaillé. Je vous fournirai ma pièce d’identité avec une attestation sur l’honneur le cas échéant’.

La cour constate que cet email, tel que le salarié admet l’avoir rédigé, ne peut être considéré comme portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la société, ni comme contenant des propos diffamatoires.

En conséquence, la cour déboute la société de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

Les dépens seront inscrits au passif de la liquidation de la société Interlink Environnement. La condamnation prononcée par les premiers juges au titre de en application de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmée sauf à fixer la somme au passif de la liquidation de la société. Il n’y a pas lieu de prononcer une nouvelle condamnation à ce titre en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 2 370 euros de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de visite médicale d’embauche et la somme de 570 euros au titre de la prime de non accident ;

CONFIRME le jugement pour le surplus sauf à fixer les créances de M. [M] [R] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Interlink Environnement ainsi qu’il suit :

– 4 740 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 474 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 659 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 7.110 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé et y ajoutant ;

FIXE la créance de M.[M] [R] au passif de la liquidation de la SAS Interlink Environnement à la somme de 1 544,53 euros au titre de la prime dite de ‘non-accident’;

RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;

DÉBOUTE M. [M] [R] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’absence de visite médicale d’embauche ;

DEBOUTE la SAS Interlink Environnement de sa demande reconventionnelle ;

ORDONNE à M. [T] [V], ès qualités de liquidateur de la SAS Interlink Environnement de remettre à M. [M] [R] un certificat de travail, une attestation France Travail, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte ;

FIXE les dépens au passif de la SAS Interlink Environnement ;

DIT n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DIT le présent arrêt opposable à l’AGS, dont la garantie sera due dans les limites légales et réglementaires en l’absence de fonds disponibles et en application des articles L.3253-8, L.3253-17, L.3253-20 et D.3253-5 du code du travail.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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