Requalification du contrat de travail et effets d’une rupture contestée.

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Requalification du contrat de travail et effets d’une rupture contestée.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié peut produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié constituent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. En vertu des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail, la charge de la preuve des faits reprochés incombe au salarié. De plus, si le salarié bénéficie d’un statut protecteur au moment de la prise d’acte, celle-ci doit être considérée comme un licenciement nul pour violation de ce statut, conformément à l’article L. 2411-7 du Code du travail. En l’espèce, M. [M] était candidat aux élections des délégués du personnel, bénéficiant ainsi de la protection prévue par ce texte, et sa prise d’acte a été jugée comme produisant les effets d’un licenciement nul.

L’Essentiel : La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié peut produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués constituent un manquement grave de l’employeur. La charge de la preuve des faits reprochés incombe au salarié. Si ce dernier bénéficie d’un statut protecteur, la prise d’acte est considérée comme un licenciement nul. M. [M], candidat aux élections des délégués du personnel, a vu sa prise d’acte jugée comme produisant les effets d’un licenciement nul.
Résumé de l’affaire :

Exposé du litige

La société de transport de personnes à mobilité réduite a embauché un conducteur accompagnateur sous contrat à durée déterminée, puis à durée indéterminée à temps partiel. Ce dernier a saisi la juridiction prud’homale pour requalifier son contrat à temps partiel en temps plein et demander la résiliation judiciaire. Après avoir pris acte de la rupture de son contrat, le conseil de prud’hommes a jugé que cette prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul et a condamné la société à verser diverses indemnités au salarié.

Appel de la société

La société a interjeté appel de cette décision, contestando la requalification du contrat et les effets de la prise d’acte. Les liquidateurs judiciaires de la société ont demandé à la Cour de confirmer la validité du contrat intermittent et d’infirmer les jugements précédents.

Demandes et moyens des parties

Le salarié a demandé la confirmation du jugement initial, tandis que les liquidateurs ont demandé l’infirmation de la décision concernant l’exécution déloyale et la requalification du contrat. L’AGS-CGEA, partie intervenante, a également demandé la confirmation de certaines décisions et l’infirmation d’autres.

Motifs de la décision

La Cour a examiné les demandes de rappel de salaire et les conditions d’exécution du contrat de travail. Elle a constaté que le salarié était en permanence à la disposition de l’employeur, entraînant la requalification de son contrat à temps plein. La Cour a également retenu que la prise d’acte de rupture produisait les effets d’un licenciement nul, en raison de manquements graves de l’employeur.

Conséquences pécuniaires de la rupture

Le salarié a droit à diverses indemnités, y compris une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour a fixé les montants dus au salarié en fonction de sa requalification à temps plein et de son ancienneté.

Garantie de l’AGS-CGEA

La garantie de l’AGS-CGEA a été rappelée, précisant qu’elle ne couvre que les créances salariales nées avant l’ouverture de la procédure collective.

Dépens et article 700 du code de procédure civile

Les liquidateurs judiciaires de la société, partie perdante, ont été condamnés aux dépens, et leur demande au titre de l’article 700 a été rejetée. Un montant a été inscrit au passif de la liquidation pour couvrir les frais irrépétibles du salarié.

Conclusion

La Cour a confirmé certaines décisions du conseil de prud’hommes tout en infirmant d’autres, fixant les créances du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein ?

La requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein repose sur l’article L. 3123-4 du Code du travail, qui stipule que « le contrat de travail à temps partiel est un contrat par lequel le salarié s’engage à travailler moins de la durée légale ou conventionnelle du travail ».

En cas d’inobservation du délai de prévenance, le contrat peut être requalifié si le salarié est contraint de se tenir à la disposition de l’employeur. La jurisprudence, notamment la décision de la Cour de cassation du 27 mars 2019 (n° 17-21.543), précise que cette requalification est justifiée lorsque le salarié ne peut prévoir son rythme de travail.

Dans cette affaire, le salarié a démontré qu’il était constamment à la disposition de l’employeur, ce qui a conduit à la requalification de son contrat.

Quel est l’impact de la prise d’acte de rupture sur le contrat de travail ?

La prise d’acte de rupture d’un contrat de travail, selon les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail, permet au salarié de rompre son contrat en cas de manquement grave de l’employeur. Si les faits invoqués par le salarié sont établis et constituent un manquement suffisamment grave, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans le cas présent, le salarié a pris acte de la rupture en raison de plusieurs manquements de l’employeur, notamment des prélèvements injustifiés sur son salaire et des convocations répétées pour des motifs non justifiés. Étant donné qu’il bénéficiait d’un statut protecteur, la prise d’acte a été considérée comme un licenciement nul, conformément à la jurisprudence (Cass. Soc., 17 janvier 2024, n° 22-16.095).

Quel est le montant des indemnités dues au salarié suite à la rupture de son contrat ?

Le salarié a droit à plusieurs indemnités suite à la rupture de son contrat, conformément aux articles L. 1235-3-1 et R. 1234-2 du Code du travail. L’indemnité compensatrice de préavis est calculée sur la base de son salaire mensuel, qui a été requalifié à temps plein.

Pour un salarié ayant une ancienneté de 2 ans, le délai-congé est fixé à 2 mois, ce qui donne droit à une indemnité de 2 973,06 euros, plus 297,30 euros de congés payés.

De plus, l’indemnité de licenciement est calculée à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, ce qui s’élève à 642,18 euros. En raison de la nullité du licenciement, le salarié a également droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixés à 9 000 euros, ainsi qu’à des salaires dus pour la période de protection, soit 743,26 euros.

Quel est le rôle de l’AGS-CGEA dans cette affaire ?

L’AGS-CGEA (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés) intervient pour garantir les créances salariales nées avant l’ouverture de la procédure collective de l’employeur, conformément aux articles L. 3253-8, L. 3253-17, L. 3253-19 et D. 3253-5 du Code du travail.

Cependant, cette garantie ne couvre pas les dépens ni les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Dans cette affaire, l’AGS-CGEA est opposable aux créances salariales reconnues au salarié, mais ne pourra pas garantir les frais irrépétibles ou les dépens liés à la procédure.

Quel est le principe de la condamnation aux dépens dans cette affaire ?

La condamnation aux dépens est régie par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est tenue de payer les dépens. Dans cette affaire, les liquidateurs judiciaires de la société Vortex, en tant que partie perdante, ont été condamnés aux dépens de l’instance d’appel.

De plus, la demande des liquidateurs en application de l’article 700 du Code de procédure civile a été rejetée, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas obtenir le remboursement de leurs frais d’avocat ou autres frais liés à la procédure.

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/03520 – N° Portalis DBVX-V-B7D-ML73

[S]

[P]

C/

[M]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 29 Avril 2019

RG : F 15/01559

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 28 FEVRIER 2025

APPELANTS :

[E] [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société VORTEX

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Christophe KALCZYNSKI de l’AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

[K] [P] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société VORTEX

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Christophe KALCZYNSKI de l’AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :

[L] [M]

né le 09 Avril 1971 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/33534 du 03/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

PARTIE INTERVENANTE FORCÉE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseillère

Régis DEVAUX, Conseiller

Assistés pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Février 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Vortex avait pour activité le transport de personnes à mobilité réduit et fait application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, dite CCNTR (IDCC 16).

Elle a embauché M. [L] [M] en qualité de conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite en période scolaire, suivant contrats à durée déterminée à temps partiel conclus successivement sur les périodes du 30 janvier au 25 mars 2014, puis du 28 mars au 5 juillet 2014. A compter du 30 août 2014, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, toujours à temps partiel. Son emploi était expressément classé dans le groupe « conducteur en période scolaire » de l’annexe « ouvriers » de la convention collective.

Par requête reçue au greffe le 17 avril 2015, M. [M] a saisi la juridiction prud’homale principalement aux fins de voir requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et de prononcer la résiliation judiciaire de celui-ci.

Le 14 mars 2016, M. [M] était candidat aux élections des délégués du personnel au sein de son établissement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 août 2016, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 29 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

– débouté M. [M] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein ;

– dit que la prise d’acte du 30 août 2016 à l’initiative de M. [M] produit les effets d’un licenciement nul ;

– condamné la société Vortex à payer à M. [M] les sommes suivantes :

182,03 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

910,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 91,01 euros de congés payés afférents,

2 206 euros à titre de rappel de salaire de la garantie conventionnelle, outre 220,60 euros de congés payés afférents,

7 500 euros de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

227,04 euros pour la violation du statut de salarié protégé,

258,80 euros à titre de rappel de salaire sur les cotisations pour la mutuelle, outre 25,80 euros de congés payés afférents,

1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné la société Vortex aux dépens.

Par déclaration du 21 mai 2019, la société Vortex a interjeté appel de cette décision, en précisant le critiquer en toutes ses dispositions, qui étaient expressément rappelées.

Par jugement du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vortex et a désigné Mes [P] et [S] en qualité de liquidateurs judiciaires.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 octobre 2021, Mes [E] [S] et [K] [P], agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Vortex, demandent à la Cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 29 avril 2019 en ce qu’il a constaté la validité du contrat de travail de M. [M], qui était un contrat intermittent,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon le 29 avril 2019, en ce qu’il a dit que la société Vortex avait procédé à une exécution déloyale de la relation contractuelle et que la prise d’acte de M. [M] devait produire les effets d’un licenciement nul,

En conséquence,

– dire que la prise d’acte par M. [M] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d’une démission,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [M] au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis de 125,85 euros,

– condamner M. [M] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 février 2022, M. [L] [M] demande à la Cour de :

– confirmer le jugement, en ce qu’il a condamné la société Vortex au titre de la prise d’acte de la rupture devant produire les effets d’un licenciement nul, ainsi qu’à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 (2°) du code de procédure civile,

– le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– fixer au passif de la société Vortex les sommes suivantes :

5 000 euros au titre de la réparation du préjudice né de l’exécution déloyale du contrat de travail,

28 384,93 euros à titre de rappels d’heures pour les années 2014 à 2016, outre 2 838,49 euros de congés payés afférents,

à titre subsidiaire, si la Cour ne requalifie pas le contrat de travail à temps partiel en temps plein, 2 206,32 euros, outre 220,63 euros de congés payés afférents, au titre de la garantie d’heures conventionnelle et 258,80 euros au titre du rappel de salaire pour la mutuelle Baloo, outre 25,80 euros de congés payés afférents,

à titre d’indemnité légale de licenciement : 602,01 euros ou, à titre subsidiaire, en l’absence de requalification à temps plein, 182,03 euros

à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 3 011,86 euros, outre 301,19 euros de congés payés afférents, ou, à titre subsidiaire, en l’absence de requalification à temps plein, 910,16 euros, outre 91,01 euros

au titre de la nullité du licenciement : 10 000 euros ou, à titre subsidiaire, en l’absence de requalification à temps plein, 7 500 euros

au titre de la réparation de la violation du statut protecteur : 752,96 euros ou, à titre subsidiaire 227,04 euros en l’absence de requalification à temps plein,

2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rendre opposable le présent arrêt à l’AGS-CGEA,

– condamner en tous les dépens.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mai 2022, l’AGS-CGEA de [Localité 4], partie intervenante, demande à la Cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon, en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes au titre de la requalification du contrat de travail,

– infirmer le jugement, en ce qu’il a fait droit à la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et débouter M. [M] de ses demandes de ce chef,

– infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail devait s’analyser en un licenciement nul et statuant à nouveau dire et juger que la rupture du contrat de travail s’analyse en une démission,

– débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, dommages et intérêts et créances de rupture,

Très subsidiairement,

– réduire les créances de M. [M] dans la limite du quantum effectivement dû,

En tout état de cause,

– juger que l’article 700 du code de procédure civile n’est pas garanti par l’AGS,

– juger que les intérêts seront arrêtés à la date d’ouverture de la procédure collective conformément aux dispositions de l’article L. 622-28 du code du commerce,

– juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail,

– juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

– mettre les concluants hors dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

La clôture de la mise en état était ordonnée le 8 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1.1. Sur la demande en rappel de salaire pour les années 2014 à 2016

M. [M] réclame un rappel de salaire, pour la période allant de février 2014 à septembre 2016, fondé sur la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

Le contrat de travail à durée indéterminée de M. [M], signé le 30 août 2014 ( pièce n° 5 de l’intimé), prévoit qu’il sera automatiquement suspendu lors des vacances scolaires, que la durée de travail annuelle est fixée à 525 heures pour une année scolaire complète, que le salarié exercera son activité uniquement les jours habituels de classe des établissements scolaires (selon un planning annexé au contrat) et que ses horaires de travail sont les suivants : les lundi, mardi, jeudi et vendredi, de 8 h 00 à 9 h 30 et de 16 h 00 à 17 h 30 ; le mercredi, de 8 h 00 à 9 h 30 et de 12 h 00 à 13 h 30. Il est en outre stipulé que toute modification de la répartition des horaires et/ou de la durée de travail sera communiquée au salarié en respectant un délai de trois jours ouvrés.

En droit, l’inobservation du délai de prévenance entraîne la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet lorsque le salarié est empêché de prévoir son rythme de travail et se trouve obligé de se tenir à la disposition constante de l’employeur (en ce sens : Cass. Soc., 27 mars 2019, n° 17-21.543).

‘ M. [M] fait valoir que, par courrier du 29 septembre 2014, il a mis fin à la période d’essai prévue contractuellement, avec effet au 30 septembre 2014 à 16 h 00 (pièce n° 6 de l’intimé). Il en déduit que son contrat de travail a été ainsi rompu et que, dans la mesure où il a continué à fournir la prestation de travail prévue après le 30 septembre 2014, la relation de travail s’est poursuivie sans qu’un contrat écrit n’ait été établi. Il ajoute que la société Vortex n’a pas été en mesure de communiquer son contrat de travail, quand l’inspection du travail le lui a demandé, par courrier du 13 avril 2015 (pièce n° 49.1 de l’intimé).

Toutefois, le seul fait que le courrier du 29 septembre 2014 porte l’empreinte d’un tampon au nom de la société Vortex, au demeurant sans mention de date, est insuffisant pour établir que l’employeur a eu connaissance de la décision de M. [M] de rompre le contrat de travail, d’autant plus que celui-ci indique qu’il a continué à travailler pour le compte de la société Vortex après le 1er octobre 2014.

En conséquence, le contrat de travail signé le 30 août 2014 a continué à recevoir exécution, il n’a pas été rompu par M. [M] le 30 septembre 2014.

‘ M. [M] affirme qu’il était en permanence à l’entière disposition de la société Vortex, du fait de la variabilité de son temps de travail : selon les mentions portées sur ses bulletins de paie (pièces n° 43 de l’intimé), le nombre d’heures rémunérées variait, pour un même mois, d’une année à la suivante. Il ajoute que la société Vortex ne démontre pas l’avoir jamais informé des changements de son planning de travail en respectant le délai de prévenance de trois jours.

En réponse, la société Vortex verse aux débats des documents présentés comme étant les feuilles de route de M. [M] (pièce n° 9 de l’appelante).

La Cour relève que certaines de ces feuilles de route portent mention d’horaires de travail qui ne sont pas conformes aux prévisions du contrat de travail. Pour autant, s’il est ainsi établi que plusieurs modifications de la répartition des horaires sont intervenues, les liquidateurs judiciaires de la société Vortex n’indiquent pas dans quelles conditions l’employeur informait le salarié de ces modifications des horaires et, à plus forte raison, ne justifient pas du respect du délai de prévenance prévu contractuellement pour ce faire.

Compte tenu de la multiplicité des modifications apportées aux horaires de travail contractuellement prévus, M. [M] était dans l’incertitude quant à la définition de ses horaires de travail, si bien qu’il se était contraint de demeurer à la disposition permanente de la société Vortex.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le moyen de M. [M] tiré du défaut d’application des dispositions de l’article L. 3123-4 du code du travail, il convient de requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à à temps plein (en ce sens : Cass. Soc., 27 mars 2019, n° 16-28.774).

Après vérification des calculs de M. [M] (pièce n° 53 de l’intimé), qui sont exacts, sauf à déduire la somme réclamée au titre du mois de septembre 2016, dans la mesure où le contrat de travail a été rompu le 31 août 2016, la Cour, après infirmation du jugement déféré, inscrira au passif de la liquidation judiciaire de la société Vortex la créance de M. [M] pour les sommes suivantes : 26 938,57 euros à titre de rappels de salaires pour la période allant de février 2014 à juin 2016, outre 2 693,85 euros de congés payés afférents.

1.2. Sur les demandes subsidiaires en remboursement des cotisations de mutuelle et à titre de rappel de salaire de la garantie conventionnelle

M [M], formant ainsi appel incident, conclut à la réformation du jugement pour le surplus, c’est à dire en toutes ses dispositions, sauf celles condamnant la société Vortex au titre de la prise d’acte de la rupture devant produire les effets d’un licenciement nul et à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il sollicite donc en particulier l’infirmation de la disposition du jugement condamnant la société Vortex à lui payer :

– 2 206 euros à titre de rappel de salaire de la garantie conventionnelle, outre 220,60 euros de congés payés afférents,

– 258,80 euros à titre de rappel de salaire sur les cotisations pour la mutuelle, outre 25,80 euros de congés payés afférents.

Alors que ni l’appelant principal, ni les AGS-CGEA ne concluent à la confirmation de ce chef du dispositif du jugement, la décision déférée sera donc infirmée, en ce qu’elle a condamné la société Vortex à payer à M. [M] :

– 2 206 euros à titre de rappel de salaire de la garantie conventionnelle, outre 220,60 euros de congés payés afférents,

– 258,80 euros à titre de rappel de salaire sur les cotisations pour la mutuelle, outre 25,80 euros de congés payés afférents.

Par ailleurs, M. [M] demande à la Cour, statuant à nouveau et à titre subsidiaire, si la juridiction ne requalifie pas le contrat de travail à temps partiel en temps plein, à lui payer 2 206,32 euros, outre 220,63 euros de congés payés afférents, au titre de la garantie d’heures conventionnelle, et 258,80 euros au titre du rappel de salaire pour la mutuelle Baloo, outre 25,80 euros de congés payés afférents.

Toutefois, la Cour ayant retenu qu’il y a lieu de requalifier son contrat de travail à temps partiel en temps complet, il n’y a pas lieu de statuer sur ces demandes subsidiaires.

1.3. Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [M] reproche à la société Vortex d’avoir exécuté de manière déloyale le contrat de travail, puisqu’elle a prélevé chaque mois sur son salaire le montant de cotisation d’une mutuelle dont il n’était en réalité pas bénéficiaire, qu’elle a diminué plusieurs fois de manière injustifiée le temps de travail pris en compte pour le calcul de la rémunération, en faisant un usage indu du système de géolocalisation qui équipait son car, en mettant en ‘uvre de manière volontairement erronée la convention collective, en lui infligeant des sanctions injustifiées et en lui imposant une fouille corporelle.

‘ Les bulletins de paie délivrés à M. [M] mentionnent que, chaque mois, le montant de 15,65 euros, puis, à compter de janvier 2015, de 15,85 euros à titre de cotisation mutuelle (pièce n° 43 de l’intimé).

Toutefois, M. [M] impute ainsi à son employeur un comportement susceptible de donner naissance à une créance à caractère salarial, qui n’est donc pas susceptible de servir de fondement à une demande de dommages et intérêts.

‘ Se référant aux données annexées aux bulletins de paie (pièce n° 42 de l’intimé), M. [M] reproche à la société Vortex d’avoir diminué plusieurs fois de manière injustifiée le temps de travail pris en compte pour le calcul de la rémunération, pour appliquer des retenues de salaire injustifiées, qui au demeurant n’ont jamais été régularisées.

Toutefois, M. [M] impute ainsi à son employeur un comportement susceptible de donner naissance à une créance à caractère salarial, s’agissant de la rémunération d’un temps de travail effectif, qui n’est donc pas susceptible de servir de fondement à une demande de dommages et intérêts.

Concernant la déduction de temps d’attente devant les établissements scolaires de la durée de travail effectifs, M. [M] précise que la société Vortex a mis en ‘uvre de manière volontairement erronée des dispositions conventionnelles, soit celles de l’avenant du 7 juillet 2009.

Toutefois, M. [M] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui à caractère salarial, déjà invoqué, si bien que l’application prétendument volontairement erronée de cet avenant ne saurait servir de fondement à une demande de dommages et intérêts.

‘ M. [M] reproche à la société Vortex d’avoir fait un usage indu du système de géolocalisation qui équipait son car, malgré l’interdiction rappelée par la DIRECCTE par courrier du 13 avril 2015 : elle a appliqué des retenues de salaire, en réduisant le nombre d’heures travaillées au motif que les horaires de travail étaient « non conformes aux données de géolocalisation ».

Toutefois, M. [M] impute ainsi à son employeur un comportement susceptible de donner naissance à une créance à caractère salarial, s’agissant d’un rappel de salaire pour retenue injustifiée, qui n’est donc pas susceptible de servir de fondement à une demande de dommages et intérêts.

‘ M. [M] dénonce le fait que la société Vortex lui a infligé une sanction injustifiée (un avertissement pour l’utilisation personnelle du véhicule de l’entreprise à des fins personnelles), a fait un usage abusif de son pouvoir disciplinaire et lui a imposé une fouille corporelle.

Dans le détail, M. [M] a été convoqué, par courrier du 5 février 2015, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 19 février 2015, reporté à sa demande au 25 février 2015 (pièces n° 8, 10 et 11 de l’intimé). M. [M] indique que, à cette date, il s’est présenté au lieu du rendez-vous à 14 h 00, et qu’il a attendu trente minutes, avant de repartir, alors que personne n’a été en mesure de le recevoir (pièce n° 12 de l’intimé).

M. [M] soutient que, bien que l’entretien préalable n’a pas eu lieu du fait d’une erreur volontaire de l’employeur concernant la date de celui-ci, il s’est vu notifier, par courrier du 2 mars 2015, un avertissement (pièce n° 13 de l’intimé), qui n’était pas justifié : il a été sanctionné pour avoir utilisé le véhicule de service qui lui était confié à des fins personnelles, sur la période allant du 6 au 21 février 2015, alors que M. [R] [I] atteste avoir mis son box, au cours de cette période, à disposition de M. [M], qui y a garé sans discontinuité le véhicule en question.

La Cour en déduit que M. [M] ne conteste pas avoir détenu pendant deux semaines le véhicule de service, alors même qu’il ne travaillait pas. Le fait que l’employeur ne démontre pas qu’il l’ait utilisé pendant cette période ne suffit pas à priver ce comportement de tout caractère fautif. En conséquence, l’avertissement qui lui a été notifié constituait une sanction justifiée et proportionnée.

Par la suite, M. [M] a été convoqué, par courrier du 29 mai 2015, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 10 juin 2015, reporté au 10 juillet 2015 puis encore au 13 juillet 2015 (pièces n° 18, 19 et 20 de l’intimé). M. [M] indique que, à cette date, située en période de vacances scolaires, son contrat de travail était suspendu. Il ne s’est donc pas présenté à l’entretien mais il s’est vu notifier, par courrier du 23 juillet 2015, un second avertissement (pièce n° 22 de l’intimé), qui n’était pas justifié : il a été sanctionné pour avoir été absent sans justification le 3 juillet 2015, pour avoir de nouveau utilisé le véhicule de service à des fins personnelles, ce dernier n’ayant pu être récupéré par l’employeur que le 13 juillet 2015.

Les liquidateurs judiciaires ne démontrent la matérialité d’aucun de ces griefs, si bien que cet avertissement n’est pas justifié. Ils n’expliquent pas pour quelle raison M. [M] a été convoqué la première fois en vue d’un entretien préalable prévu pour le 10 juin 2015, donc antérieurement aux faits finalement sanctionnés par cet avertissement.

Sur ce point, M. [M] établit que son employeur a exercé de manière abusive son pouvoir disciplinaire.

En dernier lieu, M [M] affirme que la directrice de l’agence où il travaillait, le soupçonnant d’avoir volé un tampon de l’entreprise, l’a contraint à vider ses poches sur le trottoir, devant les locaux de l’agence, sans toutefois rapporter la preuve de la réalité de ce comportement de sa responsable hiérarchique.

En définitive, M. [M] a subi un préjudice moral en se voyant notifier le 23 juillet 2015 un avertissement qui n’était pas justifié. Ce préjudice sera justement indemnisé par le versement de 800 euros de dommages et intérêts.

Dès lors, après infirmation du jugement déféré, la Cour fixera au passif de la société Vortex la somme de 800 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

2. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

2.1. Sur les effets produits par la prise d’acte

En droit, il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d’une démission.

La prise d’acte ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais aussi qu’ils constituent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Si le salarié bénéficie d’un statut protecteur à la date de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, celle-ci doit s’analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur (en ce sens : Cass. Soc., 17 janvier 2024, n° 22-16.095).

En l’espèce, le 14 mars 2016, M. [M] était candidat aux élections des délégués du personnel au sein de son établissement. Il bénéficiait de la protection prévue à l’article L. 2411-7 du code du travail pendant six mois à compter de cette date.

M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 31 août 2016, soit au cours de la période de protection. Ce courrier était rédigé dans les termes suivants :

« Vous trouverez résumée une liste de tous les manquements que je vous reproche et qui sont suffisamment graves pour justifier la rupture de mon contrat à vos torts exclusifs :

Les multitudes de convocations que j’ai subies de votre part pour me licencier pour différents motifs, chaque fois non justifiés,

L’acharnement financier que vous avez mis en place afin que je démissionne de mon propre gré,

La suppression de ma tournée sans raison apparente,

Le fait que vous vous êtes octroyé le droit de me fouiller intégralement en m’accusant d’un « vol » de tampon (imagination de plus),

Vos prélèvements anormaux sur ma paie sans aucune justification,

L’inexécution du contrat de travail, en refusant de me donner mes feuilles de route, à moins d’avoir avec vous, de longues explications par courrier AR puisque quand on vous demande quoi que ce soit oralement, il ne se passe jamais rien,

Mes demandes incessantes que je vous envoie en AR qui reste lettre morte,

Les cotisations pour la mutuelle qui m’ont été prélevées sans mon accord et alors qu’en réalité je n’ai pas de mutuelle,

Votre volonté de ne pas régulariser toutes mes heures, les journées prélevées’ »

M. [M] conclut que l’employeur a commis de nombreux et graves manquements qui empêchaient la poursuite du contrat de travail, en se référant exclusivement aux comportements invoqués à l’appui de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

En particulier, M. [M] reproche à la société Vortex d’avoir effectué des « prélèvements anormaux » sur sa rémunération, notamment en réduisant le nombre d’heures travaillées et donc rémunérées mentionné sur ses bulletins de paie au motif que les horaires de travail étaient « non conformes aux données de géolocalisation ».

Après examen des bulletins de paie délivrés par la société Vortex et de leurs annexes (pièces n° 43 de l’intimé), la Cour retient qu’effectivement chaque mois l’employeur établissait un « décompte du temps de travail effectif » du salarié, avec des ajustements justifiés par la seule mention « horaire de départ [ou d’arrivée] de la FDR non conforme avec le relevé de géolocalisation » (par exemple, pour le mois de mai 2015).

M. [M] produit en outre un courrier du 13 avril 2015 que la DIRECCTE a adressé à la société Vortex : cette administration rappelait à l’employeur que la CNIL précisait que la géolocalisation ne peut être utilisée pour le suivi du temps de travail que lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d’autres moyens, alors que justement ses salariés étaient tenus de remplir des feuilles de route à cette fin (pièce n° 49-2 de l’intimé).

En réponse, les liquidateurs judiciaires de la société Vortex concluent que l’utilisation du système de géolocalisation installé sur les véhicules utilisés par les salariés a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (pièce n° 12 de l’appelant) et affirment qu’ils contestent fermement avoir utilisé ce système de géolocalisation pour contrôler le temps de travail des salariés.

Toutefois, cette assertion est contredite par le contenu des annexes aux bulletins de paie délivrés à M. [M].

La société Vortex a donc réduit le salaire versé à M. [M] en calculant le temps de travail effectif mensuel de ce dernier, en faisant un usage détourné du système de géolocalisation équipant son véhicule. Elle a ainsi gravement manqué à ses obligations contractuelles (le contrat de travail de M. [M] prévoyant qu’il était rémunéré, sur la base d’un taux horaire, pour 3 heures de travail effectif les lundi, mardi, jeudi et vendredi, ainsi que le mercredi, selon le planning des « mercredis libérés »), rendant impossible le maintien de son contrat.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres manquements imputés par M. [M] à la société Vortex, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu’il a dit que la prise d’acte du 30 août 2016 à l’initiative de M. [M] produit les effets d’un licenciement nul.

2.2. Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail

Dès lors que la Cour retient que la prise d’acte du 30 août 2016 à l’initiative de M. [M] produit les effets d’un licenciement nul, la demande de la société Vortex au titre du préavis non effectué par M. [M], qui n’a pas été formulée devant les premiers juges, sera rejetée.

M. [M] a droit à l’indemnité compensatrice de préavis, à l’indemnité de licenciement et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

‘ En application de l’article 5 de l’annexe I à la CCNTR, relatif aux ouvriers, auquel renvoie l’article 16 de l’accord du 15 juin 1992 relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires, la durée du délai-congé de M. [M], qui avait une ancienneté de 2 ans au jour de la prise d’acte, était fixée à 2 mois.

Compte tenu de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et en faisant application d’un taux horaire de 9,8011 euros, le salaire mensuel de M. [M] à prendre en compte était de 1 486,53 euros.

Il est donc dû à M. [M] une indemnité compensatrice de préavis de 2 973,06 euros, outre 297,30 euros au titre des congés payés afférents.

‘ En application de l’article R. 1234-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008 et applicable au 31 août 2016, M. [M] a droit à une indemnité de licenciement dont le montant ne peut être inférieur à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté.

En tenant compte du délai-congé, l’ancienneté de M. [M] était de 2,16 ans au moment de la rupture du contrat de travail. Il lui est donc dû une indemnité légale de licenciement dont le montant est de : (1 486,53 / 5) x 2,16 = 642,18 euros.

Il réclame la somme de 602,01 euros au titre de l’indemnité de licenciement. Alors qu’il ne peut pas lui être accordé plus qu’il ne demande, la Cour fixera à hauteur de ce montant sa créance de ce chef.

‘ En application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et applicable au 31 août 2016, l’indemnité à laquelle M. [M] peut prétendre à raison de la production par la prise d’acte des effets d’un licenciement nul, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit, compte tenu de la requalification de son contrat de travail, 8 919,18 euros.

En considération de l’ancienneté de M. [M], de sa rémunération mensuelle brute, de son âge (45 ans au moment de la rupture du contrat de travail) et de sa capacité à retrouver un emploi, son préjudice sera justement indemnisé par le versement de la somme de 9 000 euros.

‘ En application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et applicable au 31 août 2016, le salarié a droit au paiement des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité, c’est à dire jusqu’au terme de la période de protection.

En conséquence, M. [M] a droit au paiement des salaires correspondant à la période allant du 1er au 14 septembre 2016. Il lui est donc dû un demi-mois de salaire, soit 743,26 euros.

Dès lors, le jugement déféré sera réformé en ce qui concerne les montants accordés à M. [M] au titre de ses différentes créances.

3. Sur la garantie de l’AGS-CGEA

Le présent arrêt opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 8], partie intervenante.

Il est rappelé que la garantie de l’AGS-CGEA ne peut porter que sur les créances salariales nées avant l’ouverture de la procédure collective de l’employeur dans les conditions et limites des dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-17, L. 3253-19 et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que cette garantie n’est due ni pour les dépens, ni pour les sommes allouées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

4. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mes [E] [S] et [K] [P], agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Vortex, partie perdante, seront condamnés aux dépens, en application du principe énoncé par l’article 696 du code de procédure civile. Leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif tiré de l’équité, il sera inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la société Vortex la créance de M. [M] pour un montant de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel par l’intimé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit que le présent arrêt est opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 8] ;

Confirme le jugement rendu le 29 avril 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon, en ce qu’il a :

– dit que la prise d’acte par M. [M] de la rupture de son contrat de travail le 30 août 2016 produit les effets d’un licenciement nul ;

– condamné la société Vortex à payer à M. [M] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que ce montant est fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Vortex ;

– condamné la société Vortex aux dépens ;

Infirme le jugement rendu le 29 avril 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon, en ce qu’il a :

– débouté M. [M] de ses demandes en rappel de salaires et en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamné la société Vortex à payer à M. [M] :

‘ 2 206 euros à titre de rappel de salaire de la garantie conventionnelle, outre 220,60 euros de congés payés afférents,

‘ 258,80 euros à titre de rappel de salaire sur les cotisations pour la mutuelle, outre 25,80 euros de congés payés afférents

‘ 2 973,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 297,30 euros au titre des congés payés afférents

‘ 182,03 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

‘ 7 500 euros de dommages et intérêts pour nullité du licenciement

‘ 227,04 euros pour la violation du statut de salarié protégé ;

Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Vortex la créance dont M. [L] [M] est titulaire, pour les sommes de :

– 26 938,57 euros à titre de rappel de salaires, pour les mois de février 2014 à juin 2016, outre 2 693,85 euros de congés payés afférents ;

– 800 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– 602,01 euros au titre de l’indemnité de licenciement

– 9 000 euros de dommages et intérêts pour nullité du licenciement

– 743,26 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur

– 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Rejette la demande des liquidateurs judiciaires de la société Vortex au titre du préavis non effectué par M. [M] ;

Condamne Mes [E] [S] et [K] [P], pris en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société Vortex, aux dépens de l’instance d’appel ;

Rejette la demande de Mes [E] [S] et [K] [P], pris en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société Vortex, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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