Requalification de la relation de travailConformément aux articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail, un contrat de mission ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice. L’article L. 1251-40 alinéa 1 précise que lorsqu’une entreprise utilisatrice recourt à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance de ces dispositions, le salarié peut revendiquer un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. Rupture du contrat de travailSelon l’article L. 4131-1 du Code du travail, le travailleur doit alerter immédiatement l’employeur de toute situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. En l’absence de preuve d’un tel danger, l’exercice du droit de retrait ne peut justifier une rupture du contrat de travail, qui s’analyse alors en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Heures supplémentairesL’article L. 3121-27 du Code du travail fixe la durée légale du travail à 35 heures par semaine. L’article L. 3121-28 stipule que toute heure effectuée au-delà de cette durée est considérée comme une heure supplémentaire, ouvrant droit à une majoration salariale. Indemnité compensatrice de préavisLa rupture d’un contrat de travail sans respect du préavis entraîne le droit à une indemnité compensatrice, sans que le salarié ait à prouver qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur durant cette période, conformément aux principes généraux du droit du travail. Obligation de délivrance de la carte BTPL’article R. 8291-1 du Code du travail impose à l’employeur de délivrer une carte d’identification professionnelle aux salariés du bâtiment et des travaux publics. L’absence de cette carte ne constitue pas un préjudice si le salarié ne prouve pas avoir effectué des travaux nécessitant cette carte. |
L’Essentiel : Conformément aux articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail, un contrat de mission ne peut pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise. Si une entreprise utilise un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance de ces dispositions, le salarié peut revendiquer un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
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Résumé de l’affaire : La société DLSI a mis un salarié à la disposition de la société Prega sous plusieurs contrats temporaires entre mai et octobre 2019. Le 7 octobre 2019, le salarié a quitté son poste et a exercé son droit de retrait par lettre recommandée. En juillet 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée et la requalification de la rupture en licenciement nul.
Le jugement du 1er juillet 2022 a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à partir du 6 mai 2019 pour DLSI et du 3 juillet 2019 pour Prega. Le conseil a également jugé que la rupture du contrat le 7 octobre 2019 était un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant les deux sociétés à verser des indemnités au salarié. Ce dernier a interjeté appel de ce jugement. En mai 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables certaines conclusions de DLSI. Le salarié a demandé à la cour d’infirmer partiellement le jugement, arguant que la rupture devait être considérée comme un licenciement nul et réclamant des indemnités supplémentaires. La société Prega a contesté la requalification et a demandé à être indemnisée par DLSI. Le conseil de prud’hommes a estimé que le recours à un salarié intérimaire était inapproprié, car la maintenance des machines était une activité normale de l’entreprise. Concernant le droit de retrait, le conseil a jugé que le salarié n’avait pas prouvé l’existence d’un danger grave et imminent. En conséquence, la rupture a été considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a confirmé certaines décisions tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne les rappels de salaire pour une journée de travail spécifique. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ?La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée repose sur les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail. L’article L. 1251-5 stipule que « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ». De plus, l’article L. 1251-6 précise que « le recours à un salarié temporaire ne peut se faire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire ». Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes a constaté que le travail de maintenance annuelle des machines était lié à l’activité normale de l’entreprise, ce qui justifie la requalification. Quel est le régime des rappels de salaire en cas de requalification de contrat ?Les rappels de salaire sont régis par l’article L. 3121-27 du code du travail, qui fixe la durée légale du travail à 35 heures par semaine. L’article L. 3121-28 précise que « toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ». Dans le cas présent, le salarié a été reconnu fondé à réclamer des rappels de salaire pour les heures effectuées après la requalification de son contrat, notamment pour les heures supplémentaires travaillées. Quel est le cadre juridique du droit de retrait et ses implications sur la rupture du contrat de travail ?Le droit de retrait est encadré par l’article L. 4131-1 du code du travail, qui stipule que « le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes a jugé que le salarié n’avait pas justifié d’un danger grave et imminent, ce qui a conduit à considérer la rupture comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quel est le régime de l’indemnité de requalification et son montant minimum ?L’indemnité de requalification est régie par l’article L. 1251-41 alinéa 2 du code du travail, qui stipule que « cette indemnité ne peut être inférieure à un mois de salaire ». Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes a condamné l’entreprise utilisatrice à verser une indemnité de requalification, évaluée à un montant conforme à cette disposition légale. Quel est le fondement de la demande d’indemnité pour défaut de délivrance de la carte BTP ?La demande d’indemnité pour défaut de délivrance de la carte BTP repose sur l’article R. 8291-1 du code du travail, qui impose à l’employeur de délivrer cette carte. Cependant, le salarié n’a pas prouvé avoir effectué des travaux nécessitant cette carte, ce qui a conduit à un rejet de sa demande d’indemnité pour préjudice moral lié à l’absence de cette carte. Quel est le principe de la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité au travail ?Le principe de la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité est établi par l’article L. 4131-1 du code du travail, qui impose à l’employeur de garantir la sécurité et la santé de ses travailleurs. Dans cette affaire, le salarié n’a pas démontré que les conditions de travail constituaient un danger grave et imminent, ce qui a conduit à la conclusion que l’employeur n’avait pas manqué à ses obligations de sécurité. |
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 01 AVRIL 2025
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03141
N° Portalis DBVW-V-B7G-H426
Décision déférée à la Cour : 01 Juillet 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE COLMAR
APPELANT :
Monsieur [D] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me David EBEL, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEES :
S.A.S. PREGA
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 410 258 743
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. DLSI
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : B 3 89 486 754
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Didier REINS, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. ROBIN, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. ROBIN, Président de Chambre (chargé du rapport)
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme BESSEY
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,
– signé par M. ROBIN, Président de Chambre et Mme BESSEY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société DLSI a mis M. [D] [M] à la disposition de la société Prega en qualité de pontier puis de technicien de maintenance, au titre de sept contrats successifs conclus à compter du 6 mai 2019 et jusqu’au 31 octobre 2019 ; le 7 octobre 2019, M. [D] [M] a quitté son poste de travail et, par lettre recommandée du 24 octobre 2019, il a déclaré exercer son droit de retrait.
Le 9 juillet 2020, M. [D] [M] a saisi le conseil de prud’hommes en demandant la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, tant à l’égard de la société de travail temporaire qu’à l’égard de l’entreprise utilisatrice, et la requalification de la rupture en licenciement nul.
Par jugement du 1er juillet 2022, le conseil de prud’hommes de Colmar a :
1) requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 6 mai 2019, à l’égard de la société DLSI, et à compter du 3 juillet 2019, à l’égard de la société Prega, et a condamné cette société au paiement de la somme de 2 523,38 euros à titre d’indemnité de requalification,
2) dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 7 octobre 2019 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3) condamné in solidum la société Prega et la société DLSI à payer à M. [D] [M] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que celles de 1 153,50 euros et de 115,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
4) condamné in solidum la société Prega et la société DLSI à payer à M. [D] [M] les sommes de 98,15 euros et de 27,22 euros à titre de rappel de salaire, outre celles de 9,81 euros et de 2,72 euros à titre de compléments d’indemnité de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2020,
5) condamné la société DLSI à remettre à M. [D] [M] une attestation destinée à Pôle emploi ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif,
6) condamné in solidum la société DLSI et la société Prega à payer à M. [D] [M] une indemnité de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
7) débouté les parties de leurs autres demandes.
Pour requalifier la relation de travail, le conseil de prud’hommes a considéré que le travail de maintenance annuelle des appareils, qui avait motivé le recours à des contrats de mission, relevait de l’activité normale et permanente de l’entreprise et non d’un accroissement temporaire d’activité, que la société DLSI n’avait pas mentionné dans les contrats de mission la qualification du salarié remplacé et qu’elle n’avait pas respecté le délai de carence entre les deux derniers contrats ; il a également relevé que les avenants de prolongation ne portaient pas une date antérieure au terme du contrat de mission et que le motif du recours à un salarié intérimaire était parfois erroné, certains mentionnant un arrêt de travail pour maladie ayant débuté le lendemain. En ce qui concerne la rupture de la relation de travail, le conseil de prud’hommes a estimé que l’exercice du droit de retrait n’était pas justifié, faute de preuve d’un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de M. [D] [M] et faute d’alerte immédiate à l’employeur. Pour allouer des rappels de salaire, le conseil de prud’hommes a considéré que, pour ce qui concerne le mois de mai, M. [D] [M] était fondé à demander la rémunération prévue pour un temps de travail hebdomadaire de 35 heures, nonobstant la fermeture de l’entreprise utilisatrice le 31 mai 2019, mais non une indemnité pour un déplacement qui n’avait pas été effectué ce jour-là, et que M. [D] [M] était également fondé à réclamer des majorations complémentaires pour heures supplémentaires. En revanche, il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du défaut de délivrance de carte d’identification professionnelle, faute de preuve d’un préjudice.
Le 5 août 2022, M. [D] [M] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 23 mai 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 22 février 2023 pour la société DLSI et a déclaré cette société irrecevable à conclure ainsi qu’à produire des pièces.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 13 décembre 2024, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 4 février 2025, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu’à ce jour.
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Par conclusions déposées le 2 juillet 2024, M. [D] [M] demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement ci-dessus, de dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul et de condamner in solidum la société DLSI et la société Prega à lui payer la somme de 14 966,22 euros à titre d’indemnité par application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, de les condamner également à lui payer les sommes de 20,70 euros et de 2,07 euros au titre du rappel d’indemnité de déplacement pour le mois de mai 2019 et de condamner la société DLSI à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de délivrance de la carte BTP. Il sollicite une indemnité de 3 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [D] [M] approuve le conseil de prud’hommes d’avoir ordonné la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, tant à l’égard de la société DLSI que de la société Prega. En revanche, il soutient que la rupture s’analyse en un licenciement nul ; il aurait exercé légitimement son droit de retrait, dans la mesure où, d’une part, il avait des raisons sérieuses de considérer qu’il était exposé à un danger grave et imminent, compte tenu des conditions dans lesquelles il était contraint de man’uvrer des ponts roulants et notamment du comportement à son égard du responsable de la maintenance, et où, d’autre part, il a informé immédiatement la société Prega et la société DLSI de la situation de danger et de l’exercice de son droit de retrait ; la rupture du contrat de travail serait la conséquence de l’exercice du droit de retrait.
Au soutien de sa demande en paiement d’une indemnité de déplacement, M. [D] [M] affirme que cette indemnité est un élément de rémunération conventionnel exigible même en l’absence de travail au cours d’une journée. En ce qui concerne la carte d’identification professionnelle, il invoque l’obligation de délivrance imposée à l’employeur et affirme que l’absence de cette carte lui a causé un préjudice moral.
Par conclusions déposées le 3 octobre 2023, la société Prega demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la relation de travail avec M. [D] [M] et mis à sa charge diverses sommes, de débouter M. [D] [M] de toutes ses demandes ou, subsidiairement de condamner la société DLSI à supporter les conséquences financières de la formation, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail, et de condamner M. [D] [M] au paiement d’une indemnité de 3 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Prega affirme que les motifs de recours à un salarié intérimaire étaient fondés et que les manquements lors de l’établissement des contrats de mission ne peuvent lui être reprochés ; elle ajoute que le montant de l’indemnité de requalification allouée par le conseil de prud’hommes excède le dernier salaire mensuel versé à M. [D] [M].
Elle conteste que la rupture du contrat de travail puisse s’analyser en un licenciement nul en soutenant que M. [D] [M] a abandonné son poste de travail le 7 octobre 2019 sans faire valoir un droit de retrait et alors qu’il n’avait aucune raison de se croire exposé à un danger grave et imminent. Elle ajoute qu’elle n’a jamais rompu le contrat de travail et qu’aucun licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut donc lui être reproché ; l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis serait également injustifié dans la mesure où M. [D] [M] a refusé sans raison valable de reprendre le travail.
Les demandes de rappels de salaire à son encontre seraient injustifiées en l’absence de défaillance de l’entreprise utilisatrice ; en outre elles seraient mal fondées dans la mesure où, d’une part, M. [D] [M] n’a pas travaillé au cours de la journée du 31 mai 2019 et où, d’autre part, les heures supplémentaires effectuées au titre de la semaine 27 de l’année 2019 seraient réparties entre deux contrats de mission distincts, l’un ayant pris fin le 2 juillet et l’autre ayant débuté le 3 juillet.
Sur la requalification du contrat à l’égard de l’entreprise utilisatrice
Conformément aux articles L. 1251-5, L. 1251-6 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice et il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans l’un des cas énumérés par le second de ces textes.
Selon l’article L. 1251-40 alinéa 1 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance, notamment, des dispositions ci-dessus, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
En l’espèce, ainsi que l’a relevé à juste titre le conseil de prud’hommes, le contrat de mission du 3 juillet au 14 août 2019 a été conclu au motif d’un « accroissement temporaire d’activité lié à la maintenance annuelle des machines » alors que cette maintenance, même annuelle, est liée à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, qui rend nécessaire un entretien régulier et prévisible des machines affectées à cette activité.
La société Prega ne soutient d’ailleurs pas qu’il s’agissait d’opérations de maintenance exceptionnelles rendues nécessaires en raison d’un accroissement temporaire de son activité au sens du 2° de l’article L. 1251-6 du code du travail, ce qui serait au demeurant contraire au libellé même du motif du recours au travail temporaire.
Enfin, la circonstance que la société Prega a préféré faire effectuer par des salariés des tâches de maintenance confiées précédemment à une entreprise extérieure est indifférente et ne permet pas de caractériser un accroissement temporaire d’activité au sens du 2° de l’article L. 1251-6 du code du travail.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que M. [D] [M] était fondé à se prévaloir d’un contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de l’entreprise utilisatrice à compter du 3 juillet 2019 et en ce qu’il a condamné la société Prega au paiement de l’indemnité prévue par l’article L. 1251-41 alinéa 2 du code du travail, laquelle ne peut être inférieure à un mois de salaire et dont il a fait une juste évaluation.
Sur les rappels de salaire
Le salaire de la journée du 31 mai 2019
En l’absence de requalification des contrats de mission avant celui du 3 juillet 2019, M. [D] [M] est mal fondé à se prévaloir, avant cette date, des droits découlant d’un contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de la société Prega.
Il n’invoque pas la garantie financière instituée par les articles L. 1251-49 et suivants du code du travail et ne justifie d’aucune défaillance de la société DLSI, au sens de l’article L. 1251-52 de ce code.
Dès lors, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Prega au paiement d’une somme au titre de la journée du 31 mai 2019 et de débouter M. [D] [M] de sa demande en paiement au titre de cette journée de travail, en ce qu’elle est dirigée contre l’entreprise utilisatrice.
L’indemnité de déplacement pour la journée du 31 mai 2019
M. [D] [M] est, en tout état de cause, mal fondé à réclamer à la société Prega le paiement d’une indemnité de déplacement pour la période antérieure au 3 juillet 2019.
En ce qui concerne sa demande à l’égard de la société DLSI, le conseil de prud’hommes a relevé à juste titre que le salarié n’avait effectué aucun déplacement justifiant le paiement d’une indemnité.
Le jugement sera donc confirmé en ce qui concerne cette indemnité.
Les heures supplémentaires
L’article L. 3121-27 du code du travail fixe à 35 heures par semaine la durée légale du travail et, selon l’article L. 3121-28 de ce code, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, à l’égard de la société Prega, M. [D] [M] est fondé à se prévaloir des droits correspondants à un contrat à durée indéterminée à compter du 3 juillet 2019. À cette date, M. [D] [M] avait effectué, au titre de l’exécution d’un contrat de mission, 16,10 heures de travail au cours des journées des 1er et 2 juillet 2019. La société Prega, qui n’ignorait pas ces heures de travail effectuées pour son compte, a ensuite sollicité l’exécution de 26,16 heures de travail au cours de la même semaine.
Ainsi, à la demande de la société Prega, M. [D] [M] a effectué, au cours de la semaine du 1er au 7 juillet 2019 et postérieurement au 3 juillet 2019, [16,10 + 26,16 ‘ 35] 7,26 heures supplémentaires. Il est fondé à solliciter auprès de la société Prega le paiement des majorations auxquelles ces heures supplémentaires ouvrent droit, peu important que cette société ne soit pas directement tenue à son égard au paiement des premières heures de travail effectuées au cours de la même semaine.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Prega au paiement des sommes de 27,22 euros et de 2,72 euros au titre, respectivement, de la majoration pour heures supplémentaires et du complément d’indemnité de congés payés afférent.
Sur l’absence de carte BTP
M. [D] [M], qui invoque les dispositions de l’article R. 8291-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 6 juin 2019, ne rapporte aucune preuve et ne soutient même pas qu’il aurait accompli, même à titre occasionnel, des travaux d’excavation, de terrassement, d’assainissement, de construction, de montage et démontage d’éléments préfabriqués, d’aménagements ou équipements intérieurs ou extérieurs, de réhabilitation ou de rénovation, de démolition ou de transformation, de curage, de maintenance ou d’entretien des ouvrages, de réfection ou de réparation ainsi que de peinture et de nettoyage afférents à ces travaux.
Il est dès lors mal fondé à se plaindre de ne pas avoir reçu une carte d’identification professionnelle de salarié du bâtiment et des travaux publics.
En outre, pour caractériser le préjudice qu’il aurait subi du fait de l’absence de carte d’identification professionnelle, M. [D] [M] affirme qu’il aurait été contraint de travailler au quotidien dans l’illégalité et dans la crainte, en cas de contrôle, d’être interdit d’accès à son poste de travail.
Cependant, d’une part, seul le défaut de délivrance de la carte par l’employeur est sanctionné pénalement, et non le défaut de possession de cette carte ; M. [D] [M], qui ne prétend pas avoir été employé sans être déclaré, est donc mal fondé à soutenir qu’il aurait travaillé « dans l’illégalité ».
D’autre part, eu égard aux conditions dans lesquelles M. [D] [M] a exercé son activité auprès de la société Prega, le risque d’un contrôle et d’une interdiction d’accès à son poste de travail était purement hypothétique et aucun élément ne permet de démontrer que le salarié a nourri une quelconque crainte sur ce point ; il ne justifie notamment d’aucune manifestation d’inquiétude auprès de son employeur.
M. [D] [M] a donc été à juste titre débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Selon l’article L. 4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ; il peut se retirer d’une telle situation ; l’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.
En l’espèce, M. [D] [M] ne caractérise aucune situation qui, le 7 octobre 2019, aurait présenté un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé.
En ce qui concerne le matériel avec lequel il travaillait, il évoque seulement un « risque susceptible d’engager sa responsabilité » mais en aucun cas un danger pour sa vie ou sa santé ; ainsi, s’il soutient que la société Prega demandait aux manutentionnaires au sol de mettre en place un bouchon en plastique sur les poubelles en béton que lui-même soulevait en actionnant un portique, il évoque seulement des risques pour la vie ou la santé de ces manutentionnaires et non pour lui-même ; s’il invoque l’existence d’une réparation de fortune sur un pont roulant ainsi qu’un manque de visibilité, il ne prétend pas que cela aurait constitué un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé mais se contente d’évoquer sa responsabilité ; enfin il ne précise pas en quoi l’inversion des commandes sur un portique aurait constitué un danger pour l’utilisateur chargé d’actionner lesdites commandes.
L’existence d’une altercation avec un salarié de la société Prega est établie mais aucun élément ne démontre que que celle-ci aurait entraîné un danger grave ou imminent pour M. [D] [M] ; aucun élément ne vient étayer l’existence de violences commises par l’autre salarié et même les menaces de mort alléguées par M. [D] [M] ne sont pas suffisamment démontrées ; le témoignage recueilli par le conseil de prud’hommes, auquel M. [D] [M] se réfère, mentionne des insultes mais non des menaces ; lors de son dépôt de plainte du 17 mai 2020, uniquement pour des faits de dénonciation calomnieuse faisant suite à une plainte déposée à son encontre le 31 octobre 2019, M. [D] [M] n’a pas mentionné l’existence de menaces de mort proférées à son égard le 7 octobre 2019 mais a seulement déclaré que l’autre salarié lui a dit qu’il devait « dégager » avant de lui donner des ordres ; l’attestation établie par M. [W] [I] mentionne que celui-ci a assisté à une scène au cours de laquelle « [Z] a formulé des menaces de mort » mais ne relate pas la scène elle-même, ni même le contenu des propos. Il n’est donc pas suffisamment démontré que l’altercation entre M. [D] [M] et un salarié de la société Prega présentait pour le premier un danger grave ou imminent.
Enfin, si M. [D] [M] affirme avoir été victime d’un harcèlement moral de la part de ce même salarié il n’invoque aucun danger grave ou imminent qui en serait résulté et ne produit aucun élément sur ce point.
Au surplus, M. [D] [M] ne rapporte aucune preuve de ce qu’il aurait déclaré à l’employeur faire usage de son droit de retrait. La circonstance qu’il est allé se plaindre du comportement d’un autre salarié avant de quitter le site de la société Prega ne démontre pas qu’il a évoqué l’exercice d’un droit de retrait ni même une situation de danger.
M. [D] [M] a donc été débouté à juste titre de ses demandes tendant à faire produire à la rupture du contrat de travail les effets d’un licenciement nul.
En revanche, M. [D] [M] étant fondé à se prévaloir des droits découlant d’un contrat de travail à durée indéterminée, et la rupture de la relation de travail étant intervenue à l’issue du dernier contrat de mission sans énonciation d’un quelconque grief à l’égard du salarié, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, le conseil de prud’hommes a fait une juste évaluation des sommes dues à M. [D] [M] au titre de la rupture du contrat de travail. Notamment, M. [D] [M] est fondé à réclamer le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis du seul fait que le contrat de travail a été rompu sans respecter un tel délai, sans avoir à justifier qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur durant la période correspondant au préavis.
Sur la demande reconventionnelle de la société Prega
La société Prega, qui, du fait de la requalification de la relation de travail, a la qualité d’employeur est mal fondée à demander d’être indemnisée par M. [D] [M] du préjudice que lui aurait causé l’absence de celui-ci à compter du 7 octobre 2019.
Elle a donc été déboutée à juste titre de sa demande de ce chef.
Sur le recours de l’entreprise utilisatrice contre l’entreprise de travail temporaire
La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à l’égard de la société Prega est la conséquence du recours par celle-ci à un travailleur temporaire en dehors des cas prévus par la loi, et non celle d’un manquement de la société DLSI à ses obligations.
La société Prega est dès lors mal fondée à demander que la société DLSI soit condamnée à supporter seule les conséquences salariales et indemnitaires résultant de la formation, de l’exécution et de la rupture de la relation de travail.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
La société Prega et la société DLSI, qui succombent, ont été à juste titre condamnées in solidum aux dépens de première instance. M. [D] [M], qui succombe à titre principal en cause d’appel, sera condamné aux dépens de cette instance.
Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l’espèce justifient de débouter M. [D] [M] et la société Prega de leur demande d’indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.
La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d’appel, sauf en ce qu’il a condamné la société Prega, in solidum avec la société DLSI, à payer à M. [D] [M] les sommes de 98,15 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de mai 2019 et celle de 9,81 euros au titre des congés payés afférents ;
INFIRME le jugement déféré de ce chef ;
Et, statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [D] [M] de sa demande en rappel de salaire et de complément d’indemnité de congés payés au titre du mois de mai 2019 en ce qu’elle est dirigée contre la société Prega ;
Ajoutant au jugement déféré,
CONDAMNE M. [D] [M] aux dépens d’appel ;
DÉBOUTE M. [D] [M] et la société Prega de leur demande d’indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 1er avril 2025, signé par Monsieur Emmanuel Robin, Président de Chambre et Madame Claire Bessey, Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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