Nom associé à une injureUn avocat dont le nom sur Google Suggest était associé à des propos injurieux, a poursuivi le moteur de recherche en responsabilité. Les résultats accolés à son nom renvoyaient vers des blogs faisant état de « divers termes injurieux et autres accusations saugrenues selon lesquelles il serait – l’avocat- complice d’une gigantesque escroquerie au jugement avec différents établissements bancaires et magistrats ». Diffamation ou données personnellesL’avocat avait parfaitement identifié l’auteur des propos qu’il avait poursuivi pour injure publique, mais la difficulté de faire supprimer de Google.fr l’association de son nom avec des termes injurieux (« escroc » …) restait entière. La cour de cassation avait annulé la procédure au motif que la qualification visée dans la poursuite était inappropriée, les expressions outrageantes et injurieuses étant indivisibles des imputations diffamatoires et se confondant avec elles, de sorte que le délit d’injure était absorbé par celui de diffamation. L’affaire rejugée, la juridiction d’appel a déclaré l’assignation délivrée irrecevable. En effet, l’assignation doit être particulièrement claire et viser le délit de presse en cause (diffamation, injure …) étant précisé que la citation pour diffamation est soumise à une procédure spécifique et que les abus de la liberté d’expression ne peuvent pas être réprimés sur le fondement du droit commun de la responsabilité. Or, l’assignation laissait planer une ambiguïté sur le fondement juridique et sous entendait une atteinte à la loi du 6 janvier 1978 par référence à l’affaire Google Spain – Costeja (CJUE, 13 mai 2014, C-131/12). L’article 40 de la loi du 6 janvier 1978 transposant la directive du 24 octobre 1995 dispose que toute personne justifiant de son identité peut exiger du responsable d’un traitement (moteurs de recherche compris) que soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à titre personnel la concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. En réalité, l’avocat fondait sa poursuite à l’encontre des sociétés Google, non sur la loi du 6 janvier 1978, mais sur la loi du 29 juillet 1881. Or, cette dernière loi sur la presse est encadrée dans des conditions de délais et de forme strictes. En prétendant agir sur le fondement de la loi du 6 janvier 1978, l’avocat a tenté de s’affranchir des conditions impératives de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, prescrites à peine de nullité. Ainsi, c’est à juste titre que le premier juge, faisant application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, a redonné leur exacte signification aux faits et actes litigieux eu du fait du non-respect des prescriptions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, a annulé l’assignation délivrée. Droit à l’anonymat sur les moteurs de recherchePour rappel, la CJUE par son arrêt du 13 mai 2014, avait considéré qu’un moteur de recherche qui, de manière automatisée, constante et systématique collecte des informations nominatives publiées sur Internet, procède bien à un traitement automatisé de données personnelles. L’exploitant du moteur de recherche est le «responsable» de ce traitement, au sens de la directive sur les données personnelles. Sous certaines conditions, le moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne. L’effet de l’ingérence dans les droits de la personne se trouve démultiplié en raison du rôle important que jouent Internet et les moteurs de recherche dans la société moderne, une telle ingérence ne saurait être justifiée par le seul intérêt économique de l’exploitant du moteur dans le traitement des données. Toutefois, le déréférencement n’est pas de droit ni automatique. Dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à l’information en question, il y a lieu de rechercher au cas par cas un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et le droit à l’information. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel était le motif de la poursuite de l’avocat contre Google ?L’avocat a poursuivi Google en raison de l’association de son nom avec des propos injurieux sur le moteur de recherche. Les résultats de recherche incluaient des blogs qui l’accusaient d’être complice d’une escroquerie au jugement impliquant des établissements bancaires et des magistrats. Cette situation a gravement affecté sa réputation professionnelle, car les termes injurieux tels que « escroc » étaient directement liés à son nom. L’avocat a donc cherché à obtenir la suppression de ces résultats de recherche, estimant qu’ils constituaient une atteinte à son honneur et à sa dignité. Quelles étaient les difficultés juridiques rencontrées par l’avocat ?L’avocat a rencontré plusieurs difficultés juridiques dans sa tentative de faire supprimer les résultats injurieux. Bien qu’il ait identifié l’auteur des propos injurieux et l’ait poursuivi pour injure publique, la question de la suppression des résultats de recherche sur Google restait complexe. La Cour de cassation a annulé la procédure initiale, arguant que les expressions injurieuses étaient indivisibles des imputations diffamatoires. Cela signifie que le délit d’injure était absorbé par celui de diffamation, rendant la qualification juridique inappropriée. De plus, la juridiction d’appel a déclaré l’assignation irrecevable, soulignant que l’assignation devait être claire et précise quant au délit de presse en cause. L’ambiguïté sur le fondement juridique a également été un obstacle majeur. Comment la loi du 6 janvier 1978 s’applique-t-elle dans ce contexte ?La loi du 6 janvier 1978, qui transpose la directive européenne sur la protection des données personnelles, permet à toute personne de demander la rectification ou la suppression de données personnelles inexactes ou incomplètes. Dans le cas de l’avocat, il aurait pu invoquer cette loi pour demander la suppression des résultats de recherche nuisibles. Cependant, l’avocat a fondé sa poursuite sur la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, qui impose des conditions strictes en matière de délais et de forme. En tentant de se soustraire à ces exigences, il a affaibli sa position juridique. Le non-respect des prescriptions de l’article 53 de la loi de 1881 a conduit à l’annulation de son assignation, car il n’a pas respecté les conditions impératives requises pour une action en diffamation. Quel est le rôle des moteurs de recherche selon la CJUE ?La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a statué que les moteurs de recherche, en collectant de manière automatisée des informations nominatives publiées sur Internet, effectuent un traitement de données personnelles. Cela signifie que l’exploitant du moteur de recherche est considéré comme le « responsable » de ce traitement. Sous certaines conditions, les moteurs de recherche doivent supprimer des liens vers des pages contenant des informations nuisibles sur une personne, lorsque cela est justifié. Cette décision souligne l’importance de protéger la vie privée des individus face à l’accès à l’information sur Internet. Cependant, le déréférencement n’est pas automatique et doit être évalué au cas par cas. Il est essentiel de trouver un équilibre entre le droit à la vie privée et le droit à l’information, ce qui complique encore la situation pour des personnes comme l’avocat en question. |
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