L’Essentiel : Monsieur [E] [R] percevait une rente accident du travail depuis 1987 jusqu’à son décès le 1er juin 2023. La CPAM du Haut-Rhin a notifié à sa famille un indu de 298,82 euros pour des arrérages versés après son décès. Sa fille, Madame [N] [K], a contesté cette décision, arguant que la rente était versée à terme échu. La Commission de Recours Amiable a confirmé la créance, mais le tribunal a finalement annulé l’indu, déclarant que la rente n’était due que jusqu’au 15 juin 2023, condamnant la CPAM aux dépens.
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Contexte de l’affaireMonsieur [E] [R] percevait une rente accident du travail depuis le 22 juin 1987, versée trimestriellement. Son décès a eu lieu le 1er juin 2023. Suite à cela, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin a notifié à sa famille un indu de 298,82 euros pour les arrérages versés entre le 16 juin et le 15 juillet 2023. Actions de la familleMadame [N] [K], fille de Monsieur [E] [R], a contesté cette notification par courrier du 12 août 2023 auprès de la Commission de Recours Amiable (CRA). Par la suite, elle a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse le 23 novembre 2023 pour contester l’indu réclamé par la CPAM. Décision de la Commission de Recours AmiableLa CRA a rendu une décision le 19 avril 2024, confirmant le bien-fondé de la créance notifiée par la CPAM, en se basant sur le fait que le décès de Monsieur [E] [R] était survenu avant la période pour laquelle les arrérages étaient réclamés. Arguments de Madame [N] [K]Lors de l’audience du 14 novembre 2024, Madame [N] [K] a soutenu que la rente était versée à terme échu et que les arrérages pour la période contestée étaient injustifiés. Elle a également mentionné qu’elle n’avait pas transmis certains documents à la CPAM, mais a demandé la condamnation de la caisse aux dépens. Position de la CPAMLa CPAM a maintenu sa position, demandant la confirmation de la décision de la CRA et le remboursement de la somme de 298,82 euros. Elle a expliqué que la rente était due jusqu’au 15 juin 2023, date à laquelle Monsieur [E] [R] est décédé. Analyse du tribunalLe tribunal a examiné la recevabilité du recours de Madame [N] [K], concluant qu’il était valide. Concernant l’indu, il a rappelé que les arrérages des rentes d’accidents du travail sont dus jusqu’à la fin du mois d’arrérages au cours duquel le prestataire est décédé. Ainsi, la rente n’était due que jusqu’au 15 juin 2023. Décision finale du tribunalLe tribunal a annulé l’indu de 298,82 euros, déclarant que la créance de la CPAM n’était pas justifiée. Il a également condamné la CPAM aux dépens, tout en précisant que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité du recoursLa recevabilité du recours est régie par l’article L.142-4 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que les recours contentieux dans les matières mentionnées aux articles L. 142-1, à l’exception du 7°, et L. 142-3 doivent être précédés d’un recours préalable. Ce recours préalable doit être notifié aux intéressés par tout moyen conférant date certaine à la notification. De plus, l’article R.142-1-A III du même code précise que le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. En l’espèce, Madame [N] [K] a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) le 12 août 2023, et n’ayant pas reçu de réponse dans le délai de deux mois, elle a saisi le tribunal le 23 novembre 2023. Ainsi, le recours est déclaré recevable, car il a été introduit dans les délais légaux. Sur l’existence de l’induL’existence de l’indu est régie par l’article 1302-1 du Code civil, qui stipule que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ». En ce qui concerne les rentes d’accidents du travail, l’article D.254-6 du Code de la Sécurité Sociale précise que les arrérages des rentes sont dus jusqu’à la fin du mois d’arrérages au cours duquel le prestataire est décédé. Dans le cas présent, Monsieur [E] [R] est décédé le 1er juin 2023. La caisse a versé une rente pour la période du 16 avril au 15 juillet 2023, mais selon la réglementation, les arrérages ne sont dus que jusqu’au 15 juin 2023. Ainsi, le versement effectué le 8 juin 2023 pour la période du 16 juin au 15 juillet 2023 constitue un paiement indu, car il ne correspond pas à une période de rente due. Sur les demandes accessoiresLes demandes accessoires, notamment la condamnation aux dépens, sont régies par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, la CPAM du Haut-Rhin, ayant été déboutée de ses demandes, est considérée comme la partie perdante. Cependant, le tribunal a décidé que chaque partie conservera la charge de ses dépens, ce qui est une application discrétionnaire de l’article 696. Ainsi, bien que la CPAM soit condamnée aux dépens, le tribunal a choisi de ne pas imposer cette charge de manière unilatérale. |
DE MULHOUSE
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B.P. 3009
21, Avenue Robert Schuman
68061 MULHOUSE CEDEX
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Pôle Social
MINUTE n°
N° RG 23/00832 – N° Portalis DB2G-W-B7H-IQ7H
EA
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 10 JANVIER 2025
Dans la procédure introduite par :
Madame [N] [K]
fille de feu Monsieur [E] [R]
demeurant 123 rue du docteur Albert Schweitzer – 68270 WITTENHEIM
comparante
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
dont le siège social est sis 19 boulevard du Champ de Mars – BP 40454 – 68022 COLMAR CEDEX
non comparante et dispensée de comparution
– partie défenderesse –
Le Tribunal composé de :
Président : Claire ROUSSEAU, Juge
Assesseur : Pierre-Paul SCHLEGEL, Représentant des employeurs et travailleurs indépendants
Assesseur : Stéphane PATOIS, Représentant des travailleurs salariés
Greffier : Emilie ABAD, Greffier
Jugement contradictoire en dernier ressort
Après avoir à l’audience publique du 14 novembre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
[E] [R] percevait une rente accident du travail depuis le 22 juin 1987, versée trimestriellement à terme échu le 15 des mois de versement (mars, juin, septembre et décembre).
Son décès est intervenu le 1er juin 2023.
Par courrier du 17 juillet 2023, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin a notifié à la famille de Monsieur [E] [R] un indu de 298, 82 euros pour le montant des arrérages versés du 16 juin au 15 juillet 2023.
Madame [N] [K], fille de Feu [E] [R], a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) en contestation de l’indu notifié, par courrier du 12 août 2023.
Par lettre recommandée réceptionnée au pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse le 23 novembre 2023, Madame [N] [K] a saisi ledit tribunal aux fins de contester l’indu de 298, 82 euros réclamé par la CPAM du Haut-Rhin.
La CRA, par décision du 19 avril 2024, confirmait le bien-fondé de la créance notifiée le 17 juillet 2023, au regard de la rente versée pour la période du 16 juin au 15 juillet 2023, le décès de [E] [R] étant intervenu le 1er juin 2023.
Après un renvoi, l’affaire a été appelée à l’audience du 14 novembre 2024 à laquelle, à défaut de conciliation possible, elle a été plaidée.
Madame [N] [K], comparante, explique que le premier versement de la rente dont était bénéficiaire son père a été 14 septembre 1987 et que ce dernier est décédé le 1er juin 2023. Elle explique que la caisse demande le remboursement de la somme versée du 15 juin au 15 juillet alors que le trimestre court du 15 mars au 15 juin.
Madame [N] [K] considère que cette rente était versée à son père à terme échu conformément à la décision du 21 septembre 1987. Madame [N] [K] a joint la copie de la décision à son recours.
Madame [N] [K] explique que, par conséquent, les arrérages de rente, réclamés pour la période du 16 juin au 15 juillet 2023, sont inexplicables et sans fondement.
Madame [N] [K] ajoute ne pas avoir transmis à la caisse la décision du 22 juin 1987 de la CPAM de la Seine Saint Denis ni son courrier du 14 novembre 2024 adressé au tribunal.
Elle a indiqué dans ce courrier solliciter la condamnation de la caisse aux dépens. Cependant elle ne reprend pas à l’oral cette demande.
La CPAM du Haut-Rhin, régulièrement représentée et dispensée de comparaître, a repris ses conclusions du 23 octobre 2024 dans lesquelles elle demande à la juridiction de :
– confirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 19 avril 2024 ;
– confirmer le bien-fondé de la créance notifiée par la caisse le 17 juillet 2023 pour le montant de 298, 82 euros ;
– condamner Madame [N] [K] et plus globalement la famille de Feu [E] [R] au paiement de la somme de 298, 82 euros à la caisse ;
– débouter Madame [N] [K] de toutes ses demandes.
La caisse explique que la rente dont Monsieur [E] [R] bénéficiait, décédé le 1er juin 2023, a été payée jusqu’au 15 juillet 2023, or celle-ci était due jusqu’au 15 juin 2023, et par conséquent elle indique que les arrérages de la rente pour la période du 16 juin 2023 au 15 juillet 2023 sont dus.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, des moyens invoqués et des prétentions émises.
La valeur en litige étant inférieure à 5 000 euros, il y a lieu de statuer par jugement contradictoire rendu en dernier ressort.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité du recours
Selon les dispositions de l’article L.142-4 du code de la sécurité sociale, les recours contentieux formés dans les matières mentionnées aux articles L. 142-1, à l’exception du 7°, et L. 142-3 sont précédés d’un recours préalable, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.
La motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés à l’article L.142-4 sont notifiés aux intéressés par tout moyen conférant date certaine à la notification.
Selon les dispositions de l’article R 142-6 du code de la sécurité sociale, lorsque la décision du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale ou de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l’intéressé peut considérer sa demande comme rejetée.
En application de l’article R.142-1-A III du code de la sécurité sociale, s’il n’en est pas disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande.
En l’espèce, Madame [N] [K], fille de Feu [E] [R], a saisi la Commission de Recours Amiable en contestation de l’indu notifié, par courrier du 12 août 2023.
La CRA ne s’étant pas prononcé dans le délai de deux mois suivant sa saisine, Madame [K] a saisi la présente juridiction par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 23 novembre 2023, soit dans les délais légaux.
En conséquence, le recours présenté par Madame [N] [K] doit être déclaré recevable.
Sur l’existence de l’indu
En application de l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».
En application de l’article D.254-6 du Code de la Sécurité Sociale, les arrérages des pensions, rentes ou allocations afférentes à la période antérieure à la date du décès du pensionné sont payables aux ayants droit sur production du bulletin de décès et sur présentation des pièces établissant leur qualité.
Les arrérages des prestations d’invalidité, des pensions de veuf ou de veuve invalide, des rentes d’accidents du travail ainsi que les arrérages des prestations de vieillesse contributives et non contributives, et leurs majorations et accessoires sont dus jusqu’à la fin du mois d’arrérages au cours duquel le prestataire est décédé. Ils sont payables aux ayants droit dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.
En l’espèce, [E] [R] est décédé le 1er juin 2023.
Le 08 juin 2023, la caisse mettait en paiement la rente de [E] [R] pour le trimestre échu, qu’elle indique être du 16 avril au 15 juillet 2023, pour le montant total de 896,45 euros. Madame [N] [K] conteste cette période et indique qu’il convient de retenir la période du 15 mars au 15 juin.
Il est produit aux débats la décision de la CRA du 19 avril 2023, laquelle indique « qu’il ressort de votre dossier que la rente dont était titulaire Monsieur [E] [R], décédé le 1er juin 2023, a été payé jusqu’au 15 juillet 2023.
Il est à préciser que le dernier règlement de la rente trimestrielle a été mis en paiement le 8 juin 2023 pour un montant de 896.45 euros et versé sur le compte suivant : Référence IBAN : FR76 1720 6006 1063 0323 6663 454, décompte numéro 08302315700004644 ».
La décision précise que les arrérages de la rente ne sont dus que jusqu’à la fin du mois d’arrérages au cours duquel le rentier est décédé, soit le 15 juin 2023, le décès de Monsieur [E] [R] étant survenu le 1er juin 2023.
Le versement de la somme de 896,45 euros le 08 juin est corroboré par le décompte IMAGE relatif au paiement des arrérages. Sur ce décompte il est indiqué en date de début « 16 avril 2023 et en date de fin « 15 juillet 2023 » pour la période de la rente.
Ce versement est également confirmé par le relevé de compte de Monsieur [E] [R], qui fait bien état d’un versement de 896, 45 euros le 09 juin 2023 sur le compte ci-dessus mentionné. Ce document est produit par la requérante.
Dans son courrier adressé à la CRA, la requérante a joint la notification d’attribution de rente d’incapacité permanente du 21 septembre 1987. Il ressort à la lecture de ce document que la rente sera versée trimestriellement et à terme échu le 15 des mois de mars, juin, septembre et décembre.
La mise en paiement de la rente intervient chaque trimestre à une date d’échéance qui est fixée au 15 du mois. En l’espèce elle a été versée le 08 juin 2023, pour le trimestre précédent, soit incontestablement du 15 mars au 15 avril, du 16 avril au 15 mai et du 16 mai au 15 juin 2023.
Monsieur [E] [R] étant décédé le 1er juin et conformément à l’article D D.254-6 du Code de la Sécurité Sociale, qui prévoit que les arrérages des rentes d’accidents du travail sont dus jusqu’à la fin du mois d’arrérages au cours duquel le prestataire est décédé, en l’occurrence le 1er juin, la rente était due jusqu’au 15 juin.
Par conséquent, la période du 15 juin au 16 juillet ne peut pas être effectivement comprise.
Il aurait été opportun que la caisse verse les décomptes IMAGE des précédents versements afin de vérifier les précédentes dates de périodes de la rente. Il semble manifeste qu’il y existe une erreur sur la période de la rente indiquée dans le décompte IMAGE produit par la caisse, s’agissant d’une rente versée à terme échue.
En tout état de cause, il a été jugé que le paiement d’arrérages d’une rente d’accident du travail fait postérieurement au décès de son bénéficiaire n’est pas une dette de succession mais un paiement indu, en sorte que la restitution ne peut être demandée qu’à la personne qui l’a reçu. L’action dirigée contre l’héritier dont il n’est pas prouvé qu’il est entré en possession des sommes versées indûment doit donc être rejetée (Civ. 1re, 5 mai 1986, Bull. civ. I, no 115. – Soc. 24 juin 1987, Bull. civ. V, no 412).
Cette décision est applicable au présent litige, Monsieur [E] [R] étant décédé le 1er juin, le versement de la rente étant intervenu le 09 juin et la caisse ne démontrant pas que Madame [N] [K], et plus globalement la famille de Feu [E] [R], est entrée en possession des sommes versées indûment.
Par conséquent, le tribunal fait droit à la demande de Madame [N] [K] d’annulation de l’indu d’un montant de 298, 82 euros.
Sur les demandes accessoires
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Partie perdante, la CPAM du Haut-Rhin est condamnée aux dépens.
Au vu des éléments du dossier, le tribunal décide que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe :
DÉCLARE recevable le recours introduit par Madame [N] [K] contre la décision du 19 avril 2024 de la commission de recours amiable de la CPAM du Haut-Rhin ;
DIT que la créance de 298, 82 euros à l’égard de Madame [N] [K], et plus globalement la famille de Feu [E] [R] au profit de la CPAM du Haut-Rhin n’est pas justifée ;
CONDAMNE la CPAM du Haut-Rhin aux dépens ;
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ le 10 janvier 2025 après en avoir délibéré et signé par la présidente et la greffière.
La greffière, La présidente
NOTIFICATION :
– copie aux parties
– formule exécutoire
le
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