Règle de droit applicableIl résulte de la combinaison des articles L 244-2 et R 244-1 du Code de la sécurité sociale que toute action ou poursuite en recouvrement de cotisations sociales doit être précédée de l’envoi d’une mise en demeure, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’employeur ou au travailleur indépendant. Cette mise en demeure constitue une invitation impérative au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans un délai d’un mois. La mise en demeure doit permettre à l’intéressé de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation, et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées ainsi que la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans qu’il soit exigé de prouver un préjudice. L’article R 243-18 du même code précise qu’une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions non versées aux dates limites d’exigibilité s’applique, à laquelle s’ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d’exigibilité des cotisations et contributions. Conditions de validité de la mise en demeureLa mise en demeure doit contenir des mentions précises concernant la nature des cotisations dues, les modalités de calcul des montants recouvrés, ainsi que les taux et assiettes de cotisations ou de contributions retenus. En l’absence de ces précisions, la mise en demeure peut être déclarée nulle. En l’espèce, la mise en demeure du 24 mai 2019 mentionne le « régime général » et précise le montant des cotisations dues, les périodes concernées, ainsi que les chefs de redressement notifiés par la lettre d’observations du 14 décembre 2018. Ces éléments permettent à l'[11] de connaître la nature, la cause et l’étendue de ses obligations, ce qui justifie la validité de la mise en demeure. Accord tacite et redressementL’article R 243-59-7 du Code de la sécurité sociale stipule que le redressement ne peut porter sur des éléments ayant fait l’objet d’un précédent contrôle sans observations de l’organisme de contrôle, à condition que l’organisme ait eu l’occasion de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments. La notion d’accord tacite repose sur l’absence d’observation par l’agent de contrôle sur des pratiques vérifiées et la connaissance de cause de l’agent. En l’espèce, l'[11] soutient que l’URSSAF a implicitement donné son accord à ses pratiques antérieures, mais l’URSSAF conteste cette opposabilité en raison du changement d’entité juridique intervenu suite à la cession de l’association. Assujettissement aux cotisations socialesL’article L 242-1 du Code de la sécurité sociale précise que tout avantage en nature ou en argent alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail est soumis à cotisations sociales, sauf exceptions prévues par arrêté ministériel. Concernant les cartes ‘Infinity’, l’URSSAF considère qu’elles constituent un avantage en nature soumis à cotisations sociales, tandis que l'[11] demande que seule la somme réellement utilisée serve de base au calcul des cotisations. L’URSSAF a retenu le montant total des cartes distribuées pour le calcul des cotisations, justifiant ainsi le redressement. Chèques cadeaux et exonérationL’article L 242-1 du Code de la sécurité sociale impose que tout avantage en espèces ou en nature soit soumis à cotisations, sauf dérogations prévues par des instructions ministérielles. En présence d’un comité d’entreprise, l’employeur ne peut distribuer des chèques cadeaux sans une délégation expresse de ce comité. L'[11] a distribué des chèques Cadhoc sans prouver qu’elle avait reçu une telle délégation, ce qui justifie leur assujettissement aux cotisations sociales. Majoration de retardL’article R 243-6 du Code de la sécurité sociale impose aux employeurs de déclarer l’assiette et le montant des cotisations sociales et de procéder à leur versement à la date d’exigibilité. En cas de non-versement, les cotisations sont majorées conformément aux dispositions de l’article R 243-18. La mise en demeure du 24 mai 2019 précise les montants réclamés au titre des cotisations et des majorations, permettant ainsi à l'[11] de comprendre le calcul des sommes dues. Les majorations de retard sont donc validées. |
L’Essentiel : Toute action en recouvrement de cotisations sociales doit être précédée d’une mise en demeure, envoyée par lettre recommandée. Cette mise en demeure doit indiquer la nature, la cause et l’étendue de l’obligation, ainsi que le montant des cotisations dues. En l’absence de précisions, elle peut être déclarée nulle. Concernant les cartes ‘Infinity’, l’URSSAF les considère comme un avantage soumis à cotisations, tandis que l'[11] conteste cette évaluation. Les chèques cadeaux distribués sans délégation du comité d’entreprise sont également assujettis aux cotisations.
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Résumé de l’affaire : L’affaire concerne une association qui a subi un contrôle comptable par l’URSSAF de Lorraine pour la période de 2015 à 2017. Suite à ce contrôle, l’URSSAF a notifié à l’association un redressement, incluant un rappel de cotisations et contributions sociales s’élevant à 109 231 euros, en raison de divers manquements, notamment liés à la pénibilité, au versement transport, et à des avantages en nature tels que les cartes « Infinity » et les chèques « Cadhoc ». L’association a contesté ce redressement par courrier, mais l’URSSAF a maintenu sa position.
En mai 2019, l’association a reçu une mise en demeure de payer 121 184 euros, incluant des majorations de retard. Ne recevant pas de réponse satisfaisante de la commission de recours amiable, l’association a saisi le tribunal judiciaire de Metz pour contester le redressement. Le tribunal a confirmé le redressement et a condamné l’association à verser la somme due, ainsi qu’à payer des dépens et des frais supplémentaires. L’association a interjeté appel de cette décision, demandant l’infirmation du jugement et la nullité de la mise en demeure, tout en contestant les chefs de redressement concernant le versement transport, les cartes « Infinity » et les chèques « Cadhoc ». L’URSSAF a répliqué en demandant la confirmation du jugement initial. Le tribunal a examiné la régularité de la mise en demeure, concluant qu’elle était conforme aux exigences légales, et a validé les chefs de redressement, notamment en ce qui concerne le versement transport et les avantages en nature. Les arguments de l’association concernant l’accord tacite de l’URSSAF ont été rejetés, et le tribunal a confirmé la décision initiale, condamnant l’association aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la mise en demeure adressée par l’URSSAF ?La mise en demeure, selon l’article L 244-2 du code de la sécurité sociale, doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’employeur ou au travailleur indépendant. Cette mise en demeure constitue une invitation impérative à régulariser la situation dans un délai d’un mois. Elle doit permettre à l’intéressé de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. À peine de nullité, elle doit préciser la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées ainsi que la période concernée, sans qu’il soit nécessaire de prouver un préjudice. L’article R 243-18 du même code stipule qu’une majoration de retard de 5 % s’applique aux cotisations non versées aux dates limites d’exigibilité, à laquelle s’ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % par mois ou fraction de mois écoulé. En l’espèce, l’URSSAF a respecté ces exigences en mentionnant les chefs de redressement et les montants dus dans la mise en demeure. Quel est l’impact de l’accord tacite sur le redressement des cotisations ?L’article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale stipule que le redressement ne peut porter sur des éléments ayant fait l’objet d’un précédent contrôle sans observations de l’organisme. Pour qu’il y ait accord tacite, il faut que l’organisme ait eu l’occasion de se prononcer en toute connaissance de cause sur les éléments concernés. Dans le cas présent, l’association soutient que l’absence de redressement lors d’un contrôle antérieur équivaut à un accord tacite. Cependant, l’URSSAF conteste cette interprétation, arguant que le contrôle précédent a eu lieu avant la cession de l’association, ce qui empêche l’opposabilité de l’accord tacite. Ainsi, l’absence d’observations lors d’un contrôle antérieur ne peut pas être invoquée pour contester le redressement, car les circonstances de fait et de droit ont changé. Quel est le fondement juridique du redressement concernant le versement transport ?L’article L 2333-64 et D 2333-91 du code général des collectivités territoriales prévoient des exonérations de la contribution versement mobilité transport pour certaines associations. Cependant, l’URSSAF a constaté que le versement transport n’avait pas été mentionné lors des contrôles précédents, ce qui signifie qu’il n’a pas été validé comme pratique. L’association a tenté de prouver que l’URSSAF avait implicitement accepté ses pratiques antérieures, mais la cour a jugé que le changement d’entité juridique suite à la cession rendait cet accord tacite inapplicable. Ainsi, l’association est assujettie à la contribution versement transport, et le mode de calcul appliqué par l’URSSAF a été validé par le tribunal. Quel est le statut des cartes Infinity et leur impact sur les cotisations sociales ?L’article L 242-1 du code de la sécurité sociale précise que tout avantage en nature ou en argent alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail est soumis à cotisations sociales. L’URSSAF a considéré que les cartes Infinity distribuées aux salariés constituaient un avantage en nature, et a donc pris en compte leur valeur totale pour le calcul des cotisations. L’association a contesté cette évaluation, arguant que seule la somme réellement utilisée par les salariés devrait être prise en compte. Cependant, la cour a jugé que l’avantage était acquis au moment de la délivrance des cartes, justifiant ainsi le calcul basé sur la valeur totale. Le jugement a donc confirmé le redressement sur ce point. Quel est le cadre juridique des chèques Cadhoc et leur assujettissement aux cotisations ?L’article L 242-1 du code de la sécurité sociale impose que tout avantage en nature ou en espèces soit soumis à cotisations, sauf dérogations prévues par des instructions ministérielles. L’association a soutenu que les chèques Cadhoc, distribués dans le cadre d’événements spécifiques, ne dépassaient pas le seuil de tolérance de 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, et ne devraient donc pas être soumis à cotisations. Cependant, l’URSSAF a répliqué que, en présence d’un comité d’entreprise, l’employeur ne pouvait pas se prévaloir de cette tolérance sans une délégation expresse de ce comité. Étant donné que l’association n’a pas pu prouver une telle délégation, les chèques Cadhoc ont été considérés comme des éléments accessoires de la rémunération, soumis à cotisations sociales. Quel est le régime des majorations de retard en cas de non-paiement des cotisations ?L’article R 243-6 du code de la sécurité sociale impose aux employeurs de déclarer et de verser les cotisations sociales à leur date d’exigibilité. En cas de non-paiement, l’article R 243-18 prévoit une majoration de retard de 5 % sur le montant des cotisations dues, ainsi qu’une majoration complémentaire de 0,2 % par mois écoulé. L’association a contesté le calcul des majorations, arguant que la mise en demeure ne précisait pas les modalités de calcul. Cependant, la cour a constaté que la mise en demeure contenait suffisamment d’informations pour permettre à l’association de comprendre le calcul des majorations. Ainsi, le redressement concernant les majorations de retard a été validé par le tribunal. Quel est le sort des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais irrépétibles engagés dans le cadre d’une procédure. Dans cette affaire, l’URSSAF a demandé le versement d’une somme au titre de cet article. Cependant, la cour a décidé de rejeter cette demande, considérant que l’association, en tant que partie perdante, devait supporter ses propres frais. Le jugement a donc confirmé que l’association était condamnée aux dépens d’appel, sans application de l’article 700 pour les frais engagés. |
20 Mars 2025
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N° RG 22/01908 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FZHD
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Pole social du TJ de METZ
15 Juin 2022
21/1097
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt Mars deux mille vingt cinq
APPELANTE :
Association [11]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Guy ALFOSEA, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me TALBOUT , avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
URSSAF DE MOSELLE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ
substitué par Me NEDELEC, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 27.02.2025
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
L’Association [11] ([11]) a fait l’objet en 2018 d’une vérification comptable effectuée par l’URSSAF de Lorraine relativement à la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017.
Selon courrier recommandé du 14 décembre 2018, l’URSSAF de Lorraine a communiqué à l'[11] la lettre d’observations prévue à l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale lui indiquant qu’elle entendait procéder à une régularisation en sa faveur et relever à son encontre les chefs de redressement suivants entraînant un rappel de cotisations et de contributions sociales pour un total, s’agissant de son établissement ‘[6]’, de 109 231 euros :
– cotisations patronales dues au titre de la pénibilité ;
– versement transport ;
– carte ‘Infinity’ ;
– carte ‘Cadhoc’ ;
– frais professionnels – limite d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques).
Par courrier du 13 février 2019, l’association a contesté le redressement.
Par courrier du 11 mars 2019, l’inspecteur du recouvrement a maintenu l’intégralité du redressement.
Par lettre recommandée du 24 mai 2019, l’association a été mise en demeure par l’URSSAF de Lorraine de payer la somme de 121 184 euros au titre des cotisations et contributions sociales dues pour les années 2015, 2016 et 2017, et des majorations de retard.
Par courrier du 23 juillet 2019, l'[11] a saisi la commission de recours amiable (CRA) près l’URSSAF de Lorraine afin de contester le redressement entrepris.
En l’absence de réponse de la CRA dans les délais, l’association a, par lettre recommandée expédiée le 22 novembre 2019, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Metz, devenu tribunal judiciaire de Metz à compter du 1er janvier 2020, afin de contester le redressement entrepris.
L’affaire a été radiée par ordonnance du 21 janvier 2021 puis remise au rang des affaires en cours après conclusions de reprise d’instance du 7 juillet 2021 établies par l’URSSAF.
Par jugement prononcé le 15 juin 2022 et portant le n°RG 21/01097, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :
– Confirmé le redressement entrepris,
– Débouté l'[11] de sa demande d’annulation des majorations de retard,
– Condamné l'[11] à verser à l’URSSAF de Lorraine la somme de 121 184 euros au titre du rappel des contributions et cotisations sociales dues, des majorations de retard, et ce sans préjudice des majorations de retard complémentaires,
– Condamné l'[11] aux dépens,
– Condamné l'[11] à verser à l’URSSAF de Lorraine la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par acte de son conseil déposé au greffe le 25 juillet 2022, l'[11], pour son établissement ‘[6]’, a interjeté appel de la décision rendue qui lui avait été notifiée par lettre recommandée datée du 23 juin 2022 dont il n’est pas justifié du retour de l’accusé de réception.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, l'[11], pour son établissement ‘[6]’, demande à la cour de :
‘ INFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a :
– Confirmé le redressement entrepris,
– Débouté l'[11] de sa demande d’annulation des majorations de retard,
– Condamné l'[11] à verser à l’URSSAF de Lorraine la somme de 121 184 euros au titre du rappel des contributions et cotisations sociales dues, des majorations de retard, et ce sans préjudice des majorations de retard complémentaires,
– Condamné l'[11] aux dépens,
– Condamné l'[11] à verser à l’URSSAF de Lorraine la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire de la décision,
DÉBOUTER l’URSSAF de Lorraine de tout appel incident qui pourrait être formé,
Statuant à nouveau,
In limine litis
Prononcer la nullité de la mise en demeure datée du 24 mai 2019 adressée par l’URSSAF à l'[11],
Sur le fond,
Sur le versement transport
. Constater que l’URSSAF, n’ayant formulé aucune observation concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification lors du précédent contrôle a implicitement donné son accord à ces pratiques;
. Annuler ce chef de redressement;
. A titre subsidiaire, prononcer l’exclusion des salariés itinérants des rémunérations servant de base de calcul du versement transport et d’autre part, le cas échéant, l’application du taux de versement transport dont relève chaque établissement.
Sur les cartes Infinity
. Minorer le redressement, la base retenue de calcul des cotisations sociales ne pouvant être la valeur totale des cartes remises soit 756 160 euros (2 363 x 320 = 756 160 euros) tous établissements confondus mais 69 880 euros représentant la somme réellement utilisée par les salariés, tous établissements confondus;
Sur les chèques Cadhoc
. Annuler ce chef de redressement;
Sur les majorations
. Annuler les majorations prononcées.
En conséquence, débouter l’URSSAF de l’intégralité de ses demandes’.
Par conclusions datées du 15 avril 2024, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, l’URSSAF de Lorraine demande à la cour de :
– Déclarer l'[11] recevable mais mal fondée en son appel,
– En conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes,
– Confirmer en toutes ses disposition, la décision rendue le 15 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz,
– Condamner également l'[11] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions précitées pour un examen complet des moyens et prétentions des parties.
Sur la régularité de la mise en demeure
L'[11] soulève l’absence de précision dans la mise en demeure datée du 24 mai 2019 de la nature des cotisations concernées par le redressement, l’URSSAF s’étant limité à la mention générale ‘régime général’ sans indiquer s’il s’agissait de cotisations sociales, de la CSG-RDS, de contributions versement de transport ou encore d’autres cotisations.
Elle ajoute en outre que l’URSSAF ne mentionne pas dans cette mise en demeure les modalités de calcul des montants recouvrés, les taux, assiette de cotisations ou de contributions retenus, et les modalités de calcul des majorations de retard n’étant pas précisés.
L’URSSAF de Lorraine conclut à l’absence de vice de forme de la mise en demeure du 24 mai 2019, précisant qu’elle indique bien la cause des sommes réclamées en ce qu’elle renvoie au contrôle effectué précédemment qui a pour motif les chefs de redressement notifiés par lettre d’observations du 14 décembre 2018.
Elle ajoute que la nature des sommes réclamées est indiquée sur cette mise en demeure par la mention ‘régime général’, jugée suffisante par la jurisprudence de la Cour de cassation, que le montant des sommes sollicitées et les périodes concernées sont également précisées, et que les modalités de calcul des majorations figurent sous la forme d’un renvoi à l’article R 234-18 du code de la sécurité sociale indiqué dans la lettre d’observation à laquelle la mise en demeure fait référence.
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Il résulte de la combinaison des articles L 244-2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale que toute action ou poursuite en recouvrement de cotisations sociales est obligatoirement précédée de l’envoi d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’employeur ou au travailleur indépendant, constituant une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai d’un mois. La mise en demeure doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.
En outre, l’article R 243-18 du même code indique dans ses deux premiers alinéas qu’il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n’ont pas été versées aux dates limites d’exigibilité, à laquelle s’ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d’exigibilité des cotisations et contributions.
En l’espèce, il convient de constater que l’URSSAF de Lorraine a adressé dans un premier temps à l'[11] une lettre d’observations datée du 14 décembre 2018, établie sur le fondement des articles L 243-7-1 et R 243-59 et suivants, dans laquelle elle précise les seize chefs de redressement envisagés, les différents établissements de l’association concernés, les textes sur lesquels elle se fonde, les périodes visées, le mode de calcul et le montant des sommes qu’elle réclame. Elle synthétise en fin de document, établissement par établissement, le montant du rappel de cotisations et contributions qu’elle envisage de demander.
En réponse à cette lettre, l'[11] a adressé à l’URSSAF de Lorraine ses observations par lettre recommandée datée du 13 février 2019.
Par courrier recommandé du 11 mars 2019, l’URSSAF de Lorraine répond à l'[11] en maintenant sa position sur la totalité des points contestés, et précisant qu’une mise en demeure compte par compte lui sera adressée prochainement en application de l’article L 244-2 du code de la sécurité sociale, augmentée des majorations de retard.
La mise en demeure n°0041237197 datée du 24 mai 2019 et adressée à l'[11] vise le « régime général » au titre de la nature des cotisations, et précise le montant des cotisations dues (correspondant au montant indiqué dans le tableau synthétique figurant dans la lettre d’observations du 14 décembre 2018 – hors majorations), des majorations, les périodes concernées, et le numéro cotisant correspondant au numéro de compte URSSAF de chaque établissement. Il y est également fait référence aux « chefs de redressement notifiés par lettre d’observations du 14/12/18 – article R 243-59 du code de la sécurité sociale ».
Ces mentions figurant dans la lettre de mise en demeure, et notamment la référence à la lettre d’observations qui donne des explications détaillées sur chaque chef de redressement, placent l'[11] en situation de connaître avec précision la nature, la cause, et l’étendue de ses obligations, de sorte qu’il n’y a pas lieu à prononcer la nullité de cette mise en demeure et du redressement qui en est résulté.
Le jugement de première instance est confirmé sur ce point.
Sur le chef de redressement n°9: versement transport
– sur l’accord implicite
L’Association [11] explique que sa structure actuelle résulte d’un plan de cession arrêté par décision du tribunal de grande instance de Metz du 23 octobre 2012 qui a permis à la société [8], appartenant au groupe [9], de reprendre l’intégralité des activités, éléments corporels et incorporels, stocks , bien immobiliers et contrats de travail de l’ancienne association [11] placée en redressement judiciaire. Elle ajoute qu’elle est une association de droit local créée en 1962 sous le statut d’association loi 1908, inscrite au registre des associations du tribunal d’instance de Metz depuis le 21 novembre 2012, consécutivement à la cession.
L'[11] précise que son objet social est identique à celui de l’ancienne structure, que les différentes activités se sont poursuivies sans changement après la cession et que la majorité des établissements contrôlés en 2018 avait fait l’objet d’un contrôle par l’URSSAF en 2010 qui n’avait pas remis en question sa pratique eu égard au versement transport, de sorte qu’elle a implicitement donné son accord à ces pratiques, en application de l’article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale.
L’URSSAF de Lorraine conteste l’opposabilité à l'[11] du précédent contrôle en ce qu’il a été effectué antérieurement à la cession arrêtée en octobre 2022, les dispositions de l’article L 234-7 ne pouvant s’appliquer en l’espèce compte tenu du changement d’entité juridique intervenu du fait de la cession. Elle ajoute que l’absence de redressement consécutif à des contrôles effectués antérieurement pour d’autres entreprises du groupe auquel appartient l'[11] ne vaut pas accord tacite.
*
Selon l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, à l’issue du contrôle (…) afin qu’il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle réalisé par eux (…), le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.
En outre, aux termes de l’article R 243-59-7 du même code, le redressement établi en application des dispositions de l’article L 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R 243-59 dès lors que :
1° L’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;
2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.
En application de ces dispositions, si l’URSSAF a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, l’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification. En conséquence, l’organisme de recouvrement ne peut procéder à un redressement sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à des observations .
Il est acquis que la notion d’accord tacite se compose de deux principaux éléments que sont l’absence d’observation par l’agent de contrôle sur des pratiques vérifiées et la « connaissance de cause » de l’agent de contrôle.
Si l’accord tacite ne peut porter que sur des éléments ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, l’existence en l’espèce d’une cession de la totalité des activités, éléments corporels, incorporels, immobiliers, stocks, avec poursuite notamment de l’intégralité des contrats de travail (à l’exception des postes de directeur général et directeur des ressources humaines), ne caractérise pas un changement des circonstances de fait et de droit empêchant de rendre opposable l’accord tacite de l’URSSAF.
Il résulte des lettres d’observation établies par l’URSSAF de la Moselle le 3 septembre 2010 (pièces n°6 à 14 de l'[11]) que 9 des 10 établissements de l'[11] ayant fait l’objet du contrôle de 2018 ont fait l’objet d’un précédent contrôle en 2010 par l’URSSAF de la Moselle, seul l’établissement [10] N°SIRET [N° SIREN/SIRET 5] n’a pas fait l’objet du contrôle de 2010.
S’agissant des éléments contrôlés, dans les lettres d’observation du 3 septembre 2010 adressées à l'[11], l’inspecteur du recouvrement mentionne en premier lieu : ‘j’ai l’honneur de vous communiquer les observations consécutives à la vérification de l’application des législations de la sécurité sociale, de l’assurance chômage et de la garantie des salaires’ qu’il a effectués pour chacun des établissements contrôlés. Il liste par la suite les points contrôlés donnant lieu à l’attribution d’un numéro pour chacun d’eux.
Les articles L 2333-64 et D 2333-91 du code général des collectivités territoriales prévoient une exonération de la contribution versement mobilité transport pour les associations (selon certains critères).
Le ‘versement transport’, contrôlé en 2018 et faisant l’objet du chef n°9 de redressement dans la lettre d’observations de l’URSSAF du 14 décembre 2018, n’apparaît cependant dans aucune des lettres d’observations établies en 2010 pour les établissements contrôlés à cette date, pas plus que les textes sur lesquels il se fonde.
Aucun élément ne permettant de déterminer que les pratiques de l'[11] en matière de ‘versement mobilité transport’ ont été vérifiées en 2010, il convient de constater qu’il n’est pas démontré que l’agent de contrôle de l’URSSAF en avait connaissance en 2010, de sorte que les conditions de l’accord tacite ne sont pas remplies, et que l’association ne peut pas légitimement s’en prévaloir.
– sur l’assujettissement à la contribution versement transport et le mode de calcul de cette contribution
S’agissant de l’assujettissement de l'[11] à la contribution ‘versement mobilité transport’, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a retenu que l’employeur était d’une part assujetti à cette contribution et d’autre part n’était pas exempté de cette contribution à défaut de justifier d’une décision lui reconnaissant la qualité d’association reconnue d’utilité publique.
De la même manière, les premiers juges ont justifié par un raisonnement qu’il convient d’adopter que le mode de calcul de cette contribution utilisé par l’URSSAF n’était pas erroné, faute notamment pour l'[11] de préciser quels sont les salariés itinérants dont elle demande qu’ils ne soient pas pris en compte pour le calcul de cette contribution, de justifier de leur nombre et de leur lieu d’activité pendant la majeure partie de leur temps de travail, et de démontrer l’erreur de calcul du taux appliqué par l’URSSAF.
L'[11] n’apportant par ailleurs aucun moyen ou argument nouveau en cause d’appel sur ces points, il convient d’adopter la motivation des premiers juges.
Sur le chef de redressement n°10: carte Infinity
L’URSSAF estime que les cartes ‘Infinity’ distibuées par l'[11] à 2363 de ses salariés, d’une valeur chacune de 230 euros, constitue un avantage en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail et donc soumis à cotisations sociales, et qu’en raison de l’incertitude quant à son utilisation, l’avantage est toujours déterminé en fonction de la valeur mise à disposition.
L'[11] demande la minoration du redressement à la somme réellement utilisée, soit la prise en compte d’une base de calcul de 69 880 euros au lieu de 756 160 euros ayant servis au redressement, tous établissement confondus, précisant par ailleurs que la durée d’utilisation de la carte Infinity a été reportée au 31 décembre 2019.
L’ article L 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, précise notamment que tout avantage en nature ou en argent alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail est soumis à cotisations sociales, à l’exception des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et les limites fixées par arrêté ministériel.
Il est constant qu’en octobre 2015, l'[11] a conclu un contrat avec la société [7], société du groupe [9], permettant de fournir aux salariés de l'[11] une carte de fidélité octroyant différents avantages, et notamment un crédit de points de fidélités d’une valeur de 320 euros par carte, utilisable immédiatement dans les hôtels collaborateurs du groupe, la durée de validité de cette carte ayant été prolongée jusqu’au 31 décembre 2019.
L'[11] ne conteste pas en cause d’appel le fait que la carte Infinity constitue un avantage en nature dont ont bénéficié ses salariés mais demande à ce que seule la somme réellement utilisée serve de base au calcul des cotisations.
Si l'[11] verse aux débats un tableau montrant l’utilisation de ces cartes sur la période allant de 2015 à 2017 présentant un total de 69 880 euros, aucune information n’est donnée sur la période allant de 2018 à fin 2019 pendant laquelle les cartes pouvaient être utilisées.
En outre, l’avantage accordé à l’ensemble des salariés étant acquis au moment où les cartes ont été délivrées, il convient de valider le raisonnement de l’URSSAF qui a pris pour base de calcul des cotisations liées à cet avantage le montant total des cartes Infinity accordé pour l’ensemble des 2363 salariés bénéficiaires, soit 756 160 euros (320 euros x 2363 salariés), donnant lieu à un redressement de 17 207 euros s’agissant des salariés de l’établissement ‘[6]’ de l'[11].
Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a validé le chef de redressement sur ce point.
Sur le chef de redressement n°11: chèques Cadhoc
Par dérogation au principe d’assujettissement posé par l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale précité, l’instruction ministérielle du 17 avril 1985 relative à la définition des prestations servies par les comités d’entreprise et susceptibles d’être comprises dans l’assiette des cotisations sociales, et la lettre circulaire de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale nº2009-003 en date du 13 janvier 2009 relative à l’incidence de la valeur du plafond sur la présomption de non-assujettissement des bons d’achat et des cadeaux servis par les comités d’entreprise ou les entreprises en l’absence de comités d’entreprises, ont instauré un seuil de tolérance administrative de 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale, pour l’ensemble des bons d’achat ou cadeaux attribués à un salarié pour des événements spécifiques (mariage, naissance, noël…).
L'[11] soutient en substance que la présence d’un comité d’entreprise n’est pas en soi un obstacle pour l’employeur pour attribuer des chèques cadeaux qui peuvent émaner du comité d’entreprise ou de l’employeur. Par ailleurs, elle explique qu’il n’existe pas d’interdiction d’attribution de chèques par l’employeur en présence d’un comité d’entreprise qui distribue lui même des chèques cadeau pour la même occasion, comme l’affirme par erreur l’URSSAF.
Dans la mesure où les chèques cadeaux ne dépassent pas le seuil par salarié de 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, ils n’ont pas à être soumis à cotisations sociales. L’association fait en outre valoir que les chèques en cause sont conformes au montant de la tolérance prévue par les circulaires. Elle ajoute qu’elle a complété le financement des chèques Cadhoc sous la délégation du comité d’entreprise.
L’URSSAF réplique que dans la mesure où l’association est pourvue d’un comité d’entreprise, l’inspecteur du recouvrement a réintégré, au visa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, la valeur de ces avantages dans l’assiette sociale. Elle ajoute que si des bons d’achat peuvent être servis par le comité d’entreprise ou par l’employeur, il n’en demeure pas moins qu’en présence d’un comité d’entreprise, l’employeur qui décide de distribuer directement des bons d’achat ne peut pas se prévaloir des tolérances réservées dans ce cas au seul comité d’entreprise que s’il bénéficie d’une délégation expresse et intégrale de celui-ci, ce qui n’est pas justifié en l’espèce, la distribution conjointe par le comité d’entreprise pour partie et par l’employeur pour l’autre n’étant pas possible.
En droit, il résulte de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable à l’espèce, que tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations, y compris les prestations des comités d’entreprise sauf dérogations aménagées par des instructions ministérielles.
L’article L. 2323-83 du code du travail, abrogé, applicable à la cause, disposait que :
« Le comité d’entreprise assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Ce décret détermine notamment les conditions dans lesquelles les pouvoirs du comité d’entreprise peuvent être délégués à des organismes créés par lui et soumis à son contrôle, ainsi que les règles d’octroi et d’étendue de la personnalité civile des comités d’entreprise et des organismes créés par eux. Il fixe les conditions de financement des activités sociales et culturelles.»
Il résulte des dispositions de ce dernier article que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, en présence d’un comité d’entreprise, aujourd’hui comité social et économique, seul ce dernier peut, en principe, remettre les chèques cadeaux aux salariés. Cependant, en application de l’article R. 2321-1 du code du travail, le comité peut aussi déléguer cette mission à l’employeur, qui doit pouvoir alors prouver cette délégation. Si au sein d’une entreprise de plus de 50 salariés, l’employeur distribue des chèques cadeaux en plus de ceux distribués par le comité d’entreprise, il lui faudra ainsi avoir reçu délégation expresse de ce comité l’autorisant à remettre les chèques cadeaux aux salariés en son nom.
En l’espèce, il est constant que l'[11] emploie plus de 50 salariés et qu’un comité d’entreprise est constitué en son sein. Il est également acquis que l’association a distribué elle-même des chèques cadeaux de 50 ou 100 euros à ses salariés, en plus de ceux délivrés par le comité d’entreprise, et ce à l’occasion des fêtes de Noël.
Si l'[11] verse aux débats un procès-verbal de comité d’entreprise ordinaire en date du 22 octobre 2015 dans lequel le président de l’association annonce que la direction complétera jusqu’au maximum légal le montant offert par le comité d’entreprise pour les chèques Cadhoc (pièce n°17 de l'[11]), ce document ne constitue pas une délégation écrite de la part du comité d’entreprise. L’employeur ne démontrant pas par ailleurs qu’il bénéficiait d’une délégation express de la part du comité d’entreprise afin de gérer les activités sociales et culturelles de l’entreprise et plus précisément de délivrer des chèques cadeaux aux salariés, il s’ensuit que l’association ne pouvait pas bénéficier des règles d’exonération sur les cotisations relatives aux chèques cadeaux qui doivent être considérés comme des éléments accessoires de la rémunération des salariés soumis à cotisations sociales, peu important leur montant.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.
Sur les majorations de retard
Il résulte de l’article R.243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, que les employeurs sont tenus de déclarer l’assiette et le montant des cotisations sociales et doivent procéder au versement des dites cotisations auprès des organismes de recouvrement à leur date d’exigibilité.
A défaut de versement à leur date d’exigibilité, les cotisations sont majorées conformément aux dispositions de l’article R.243-18 du code de la sécurité sociale.
Selon l’article R.243-18 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable aux faits de l’espèce, il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n’ont pas été versées aux dates limites d’exigibilité fixées aux articles R. 243-6, R. 243-6-1, R. 243-7 et R. 243-9 à R. 243-11.
A cette majoration s’ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d’exigibilité des cotisations et contributions.
Dans le cadre des contrôles mentionnés aux articles R. 243-59 et R. 243-59-3, la majoration complémentaire n’est décomptée qu’à partir du 1er février de l’année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées. Le taux de cette majoration complémentaire est abaissé à 0,1 % en cas de paiement des cotisations et contributions faisant l’objet du redressement dans les trente jours suivant l’émission de la mise en demeure.
L’URSSAF de Lorraine demande le versement des majorations calculées en application de ces dispositions et la validation du redressement sur ce point.
L'[11] indique que dans sa mise en demeure datée du 24 mai 2019, l’URSSAF ne lui a pas donné les explications nécessaires pour lui permettre de comprendre le mode de calcul de la somme réclamée au titre des majorations de retard, de sorte qu’elle n’a pas respecté les dispositions des articles R 244-1, R 243-18 et R 243-19, ce qui justifie l’annulation des majorations de retard.
En l’espèce, comme il l’a été relevé précédemment, la mise en demeure du 24 mai 2019 précise notamment le détail des sommes réclamées au titre des cotisations, des pénalités et des majorations, et mentionne les versements effectués. Elle rappelle également les dispositions relatives aux majorations de 5%, à celles de 0.2% et aux majorations de redressement, de sorte qu’il convient de constater que l’URSSAF a donné tous les éléments nécessaires pour permettre à l’association de comprendre le calcul de la somme retenue au titre des majorations de retard.
Le redressement est donc validé s’agissant des majorations de retard décomptées provisoirement, et le jugement entrepris confirmé sur ce chef de prétention.
Sur la demande de l’URSSAF
L’URSSAF de Lorraine demande la confirmation du jugement prononcé par le pôle social en ce qu’il a condamné l'[11] à lui verser la somme de 121 184 euros au titre du rappel des contributions et cotisations sociales dues, des majorations de retard, et ce sans préjudice des majorations de retard complémentaires.
L’ensemble des chefs de redressement étant validés, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a fait droit à cette demande.
Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
L'[11] étant la partie perdante à la procédure, il convient de la confirmer le jugement entrepris sur les dépens et de la condamner en outre aux dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu en revanche à faire application de l’article 700 du code de procédure civile que ce soit pour les frais irrépétibles engagés en première instance ou en cause d’appel.
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris prononcé le 15 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz et portant le n°RG 21/01097 sauf en ce qu’il a condamné l’association [11] à verser à l’URSSAF de Lorraine la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,
REJETTE la demande formée par l’URSSAF de Lorraine au titre de l’article 700 du code de procédure civile relativement à la première instance,
REJETTE la demande formée par l’URSSAF de Lorraine au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE l’Association [11] ([11]) aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente
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