L’Essentiel : Monsieur [E] [D], né aux COMORES en 1968, a sollicité l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française, affirmant être français depuis le 30 juin 2021. Son refus, daté du 7 juillet 2021, a conduit à une action en justice. Le Procureur a contesté cette demande, arguant que les jugements comoriens présentés manquaient de certification et que la déclaration n’avait pas été faite dans un délai raisonnable. Le tribunal a jugé que les documents fournis n’étaient pas conformes et a débouté Monsieur [D], ordonnant la mention des décisions judiciaires sur son acte de naissance et le condamnant aux dépens.
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Exposé du litigeMonsieur [E] [D], né aux COMORES en 1968, a cité le Procureur de la République par acte d’huissier le 7 juillet 2022, demandant l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française, affirmant qu’il est français depuis le 30 juin 2021. Il soutient que sa déclaration a été refusée le 7 juillet 2021 et qu’il a respecté les formalités requises. Il évoque un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 12 février 2020 qui a prononcé son extranéité, tout en présentant des jugements comoriens légalisés pour prouver son état civil. Il argue que la légalisation d’un acte d’état civil étranger renforce son authenticité et que la production d’une expédition n’est pas toujours nécessaire. Arguments du Procureur de la RépubliqueLe Procureur de la République demande le rejet des demandes de Monsieur [D], affirmant qu’il n’est pas français. Il souligne que les jugements comoriens produits ne sont pas certifiés conformes et manquent de garantie d’authenticité. Il insiste sur le fait que la production d’une expédition est une exigence légale et que les jugements comoriens ne sont pas opposables en France. De plus, il fait valoir que Monsieur [D] n’a pas souscrit sa déclaration de nationalité dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance de son extranéité. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la procédure était régulière et que la charge de la preuve incombait à Monsieur [D]. Il a constaté que les documents fournis ne constituaient pas des expéditions certifiées conformes, ce qui ne permettait pas de prouver un état civil fiable. En outre, le tribunal a noté que le délai de plus de seize mois entre la prise de connaissance de son extranéité et la déclaration de nationalité n’était pas raisonnable. Par conséquent, Monsieur [D] a été débouté de ses demandes. Mention sur l’acte de naissanceLe tribunal a ordonné la mention des actes administratifs et des décisions judiciaires concernant la nationalité sur l’acte de naissance de Monsieur [D], conformément à l’article 28 du code civil. Condamnation aux dépensMonsieur [D] a été condamné aux dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la charge de la preuve en matière de nationalité française ?La charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, conformément à l’article 30 alinéa 1er du code civil. Cet article stipule que : « La nationalité française est prouvée par un certificat de nationalité délivré à son nom. À défaut, la charge de la preuve incombe à celui qui revendique cette nationalité. » Ainsi, lorsque le demandeur ne dispose pas d’un certificat de nationalité, il doit apporter la preuve de son état civil. Cette preuve doit être établie par des actes d’état civil fiables, conformément aux dispositions de l’article 47 du code civil, qui précise que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié, ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » Il est donc essentiel pour le demandeur de fournir des documents qui répondent à ces exigences pour prouver sa nationalité française. Quelles sont les exigences relatives à la production d’actes d’état civil étrangers ?Les exigences relatives à la production d’actes d’état civil étrangers sont clairement établies par l’article 47 du code civil et le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993. L’article 47 du code civil, déjà cité, souligne que les actes d’état civil étrangers doivent être fiables et conformes aux formes usitées dans le pays d’origine. De plus, le décret n°93-1362 précise que : « Les actes et jugements délivrés par les autorités étrangères, destinés à être produits en France, doivent faire l’objet d’une légalisation. Cette légalisation doit émaner, soit du consul de France dans le pays d’origine, soit du consul du pays d’origine en France. » En l’absence d’une convention entre la France et le pays d’origine, ici les Comores, la légalisation est indispensable pour garantir l’authenticité des documents. Il est également important que la légalisation porte sur la signature de l’auteur de l’acte, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire en question, car la légalisation ne couvrait que la signature du président du tribunal comorien, sans inclure celle du greffier. Quelles sont les conséquences d’une déclaration de nationalité souscrite hors délai ?La déclaration de nationalité française doit être souscrite dans un délai raisonnable après la connaissance de l’extranéité, conformément à l’article 21-13 du code civil. Cet article stipule que : « La déclaration d’acquisition de la nationalité française par possession d’état doit être faite dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de l’extranéité. » Dans le cas présent, le demandeur a attendu plus de seize mois après que son extranéité a été prononcée pour déposer sa déclaration de nationalité. Le tribunal a jugé que ce délai n’était pas raisonnable, ce qui a conduit à un déboutement de ses prétentions. Il est donc crucial pour toute personne souhaitant revendiquer la nationalité française de respecter ce délai afin de ne pas compromettre sa demande. Quelles mentions doivent être portées sur l’acte de naissance en cas d’acquisition ou de perte de nationalité ?L’article 28 du code civil prévoit que des mentions doivent être portées en marge de l’acte de naissance concernant l’acquisition ou la perte de la nationalité française. Cet article stipule que : « Mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. » Cela inclut également les décisions juridictionnelles ayant trait à la nationalité. Dans le cas présent, bien que le tribunal ait débouté Monsieur [D] de sa demande de nationalité, il a ordonné la mention de cette décision sur son acte de naissance, conformément à l’article 28. Cette mention est essentielle pour assurer la transparence et la traçabilité des changements de statut de nationalité dans les registres d’état civil. Quelles sont les conséquences financières d’une décision de justice en matière de nationalité ?Les conséquences financières d’une décision de justice en matière de nationalité sont régies par l’article 696 du code de procédure civile. Cet article dispose que : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » Dans l’affaire en question, Monsieur [D] a été débouté de toutes ses demandes, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens. Ces dépens seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, ce qui signifie que les frais de justice seront pris en charge selon les règles applicables à l’aide juridictionnelle. Il est donc important pour les parties de prendre en compte les implications financières de leurs actions en justice, notamment en matière de nationalité. |
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°25/ DU 16 Janvier 2025
Enrôlement : N° RG 22/06959 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2GAH
AFFAIRE : M. [E] [D]( Me François BRUSCHI)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE
DÉBATS : A l’audience Publique du 14 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL:
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte
En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République
Vu le rapport fait à l’audience
A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Janvier 2025
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEUR
Monsieur [E] [D]
né en 1968 à [Localité 3], [Localité 1] (COMORES)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 130550012021029751 du 22/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représenté par Me François BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE,
C O N T R E
DEFENDERESSE
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet – [Adresse 4]
Dispensé du ministère d’avocat
Par acte d’huissier de justice du 7 juillet 2022, Monsieur [E] [D], se disant né aux COMORES en 1968, a fait citer Monsieur le Procureur de la République, sollicitant du tribunal que sa déclaration de nationalité soit enregistrée, et qu’il soit dit qu’il est français depuis le 30 juin 2021, et que la mention du jugement sur son acte de naissance soit ordonnée.
Par conclusions signifiées le 10 juin 2024, Monsieur [D] maintient ses demandes, faisant valoir que :
– sa déclaration de nationalité lui a été refusée le 7 juillet 2021.
– il a respecté les formalités prescrites par l’article 1043 du code de procédure civile.
– il a été considéré comme français par filiation jusqu’à ce qu’un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence le 12 février 2020 prononce définitivement son extranéité.
– ses actes d’état civil et jugements comoriens auront été dûment légalisés.
– il verse aux débats le jugement d’annulation n°1307/018 du 23 juin 2018, le jugement supplétif n°1310/2018 du 25 juin 2018 et son acte de naissance n°270 du 27 juillet 2018, tous trois mentionnés dans l’arrêt rendu le 12/02/20, dûment légalisés.
– l’article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d’état civil étrangers.
Dans cette mesure, la légalisation d’un acte d’état civil n’est qu’un moyen permettant de renforcer l’authenticité des actes d’état civil étrangers en ce qu’elle permet d’attester de l’authenticité de la forme de l’acte présenté.
– il ne résulte nullement de l’instruction générale relative à l’état civil que la légalisation d’un acte étranger doit être soumise au principe de son « expédition », pas plus qu’il ne résulte de ladite instruction qu’une telle «expédition » serait prétendument la source exclusive de cette authenticité.
– la production d’une expédition n’est prévue que dans le cadre exclusif de la souscription d’une déclaration de nationalité devant les services de Greffe Judiciaires du Tribunal judiciaire.
– pour démontrer avoir la possession d’état de français, il a versé aux débats les avis d’imposition ainsi que les cartes électorales en sa possession.
Par conclusions signifiées le 4 avril 2024, Monsieur Le Procureur de la République demande au tribunal de débouter le demandeur de ses prétentions, et de juger qu’il n’est pas français.
Il avance que :
– ni l’exemplaire du jugement en annulation n°1307/018 du 23 juin 2018 ni celui du jugement supplétif n°1310/2018 du 25 juin 2018, rendus par le tribunal de première instance de Mutsamudu, portant les signatures du Président et du greffier pour le premier, et pour le second du Président, du greffier et du Procureur, n’est certifié conforme à la minute.
– ces pièces sont dépourvues de garantie d’authenticité, laquelle n’est attachée qu’à
l’expédition.
– l’exigence de production de la décision de justice étrangère sous forme d’expédition est une exigence légale.
– l’authentification de la signature du Président du TPI de Mutsamudu ayant rendu les jugements, ne correspond pas à l’objet de la légalisation.
– la légalisation produite ne porte pas sur les signatures du greffier et du Procureur.
– les jugements du 23 juin 2018 et du 25 juin 2018 rendus par le tribunal de première instance de Mutsamudu ne sont pas opposables en France, l’acte de naissance n°270 du 27 juillet 2018 est en conséquence dépourvu de force probante au sens de l’article 47 du code civil.
– M. [E] [D] n’a pas souscrit sa déclaration d’acquisition de la nationalité française par possession d’état dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité. Il ne satisfait donc pas aux conditions de l’article 21-13 du code civil.
La clôture a été prononcée le 22 octobre 2024.
Lors de l’audience du 14 novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.
La procédure est régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile.
Sur la demande de nationalité de M. [E] [D]
En application de l’article 30 alinéa 1er du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom, conformément aux articles 31 et suivants du même code.
Nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.
Le demandeur doit ainsi rapporter la preuve d’un état civil fiable au moyen d’actes d’état civil établis conformément aux dispositions de l’article 47 du code civil.
Aux termes de cette disposition, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié, ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En l’espèce, par arrêt prononcé le 12 février 2020 par la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, il a été jugé que Monsieur [E] [D] n’est pas français.
Sa déclaration de nationalité française, déposée le 30 juin 2021, a été refusée le 7 juillet 2021.
Monsieur [D] produit deux jugements rendus les 23 et 25 juin 2018 par le tribunal de première instance de MUTSAMUDU, aux COMORES.
Le premier jugement annule l’acte de naissance du 10 août 1978, et le second constitue un jugement supplétif d’acte de naissance.
Le demandeur communique également un acte de naissance portant mention du jugement du 25 juin 2018.
Or, les documents versés au débat ne sont pas des expéditions des jugements, et ne sont pas certifiés conformes à la minute de la décision, alors que l’article 9 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 impose la production d’une telle expédition.
En l’absence de convention signée entre la FRANCE et l’UNION DES COMORES, les actes et jugements délivrés par les autorités comoriennes, destinés à être produits en FRANCE, doivent nécessairement, en application de la coutume internationale, faire l’objet d’une légalisation qui doit émaner, soit du consul de FRANCE aux COMORES, soit du consul des COMORES en FRANCE.
Pour être efficace, cette légalisation doit, en outre, nécessairement porter sur la signature de l’auteur de l’acte.
Au verso, les deux jugements portent la légalisation par l’ambassade des COMORES en France, mais la légalisation a pour objet la signature du président du tribunal comorien, et pas celle du greffier.
Dès lors, Monsieur [D] ne justifie pas d’un état civil probant au sens de l’article 47 du code civil.
Par ailleurs, alors que son extranéité a été prononcée par arrêt du 12 février 2020, Monsieur [D] n’a souscrit de déclaration de nationalité française sur le fondement de l’article 21-13 du code civil que le 30 juin 2021.
En l’état de l’écoulement de de plus de seize mois entre ces deux évènements, il sera jugé que le délai dans lequel la déclaration a été souscrite n’est pas raisonnable.
En conséquence, le demandeur sera débouté de ses prétentions.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.
En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’occurrence, Monsieur [D] sera condamné aux dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déboute Monsieur [E] [D] se disant né en 1968 à [Localité 3] [Localité 1], COMORES, de toutes ses demandes.
Juge que Monsieur [E] [D], se disant né en 1968 à [Localité 3] [Localité 1], COMORES, n’est pas de nationalité française.
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central de l’état civil auprès du ministère des affaires étrangères.
Condamne Monsieur [E] [D] aux dépens qui seront récouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 16 Janvier 2025
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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