Reconnaissance implicite d’une relation de travail et contestation des modalités de paiement

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Reconnaissance implicite d’une relation de travail et contestation des modalités de paiement

L’Essentiel : Mme [T] a publié une annonce pour des travaux de plâtrerie, acceptée par M. [Y], qui a réalisé les travaux du 3 au 14 novembre 2022. Suite à un litige sur le paiement, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a condamné Mme [T] à verser 100 euros pour le travail effectué. Contestant cette décision, Mme [T] a argué de l’absence de lien de subordination, essentiel pour établir un contrat de travail. La Cour a confirmé que les éléments présentés ne justifiaient pas l’existence d’un tel contrat, entraînant une violation des textes applicables.

Annonce de travaux de plâtrerie

Mme [T] a publié une annonce sur une plate-forme de services pour des travaux de plâtrerie dans son appartement. M. [Y] a accepté l’offre et a commencé les travaux le 3 novembre 2022, les terminant le 14 novembre 2022.

Saisine du conseil de prud’hommes

M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes en référé pour réclamer le paiement de 5 heures de travail, des frais de déplacement et des dommages-intérêts.

Condamnation de Mme [T]

Le conseil de prud’hommes a condamné Mme [T] à verser à M. [Y] 100 euros pour le travail effectué, 10 euros pour les frais de déplacement, et à déclarer les heures travaillées à l’URSSAF. Mme [T] a contesté cette décision, arguant qu’il n’existait pas de lien de subordination caractérisant un contrat de travail.

Arguments de Mme [T]

Mme [T] a soutenu que la décision du conseil de prud’hommes ne reposait pas sur des éléments prouvant l’existence d’un contrat de travail. Elle a également fait valoir que la formation de référé ne pouvait ordonner de paiements que dans des cas d’urgence et sans contestation sérieuse.

Réponse de la Cour

La Cour a rappelé que l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait et du lien de subordination. Elle a également précisé que le conseil de prud’hommes devait agir dans des cas d’urgence et sans contestation sérieuse. En l’espèce, la Cour a estimé que les éléments retenus par le conseil ne permettaient pas de créer l’apparence d’un contrat de travail, ce qui a conduit à une violation des textes applicables.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la définition de la relation de travail selon le Code du travail ?

La relation de travail est définie par l’article L. 1221-1 du Code du travail, qui stipule que :

« L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs qui doivent caractériser un lien de subordination résultant de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. »

Ainsi, pour qu’une relation de travail soit reconnue, il est essentiel d’établir l’existence d’un lien de subordination, ce qui implique que le travailleur exécute son travail sous l’autorité d’un employeur.

Il est donc crucial d’examiner les conditions de fait et non seulement les déclarations des parties pour déterminer si un contrat de travail existe.

Quelles sont les conditions pour qu’une décision de référé soit valide selon le Code du travail ?

L’article R. 1455-5 du Code du travail précise que :

« Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

Cela signifie que pour qu’une décision de référé soit valide, il doit y avoir une situation d’urgence et l’absence de contestation sérieuse sur les demandes formulées.

Dans le cas présent, la formation de référé a ordonné le paiement de sommes à M. [Y] sans établir clairement l’urgence ou l’absence de contestation sérieuse, ce qui pourrait constituer une violation des dispositions de cet article.

Comment la reconnaissance d’un contrat de travail peut-elle être contestée ?

La reconnaissance d’un contrat de travail peut être contestée sur la base de plusieurs éléments, comme le souligne la jurisprudence. Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes a noté que :

– La contestation de Mme [T] concernant les heures de travail non effectuées par M. [Y] a été interprétée comme une reconnaissance implicite qu’elle l’avait fait travailler.

– De plus, il a été observé que Mme [T] n’a pas contesté que les matériaux achetés étaient destinés à son appartement, ce qui renforce l’idée d’une relation de travail.

– Enfin, l’absence de devis, de justificatif d’auto-entrepreneur et de garantie biennale a également été considérée comme un élément surprenant.

Ces éléments montrent que la reconnaissance d’un contrat de travail peut être contestée par l’examen des faits et des circonstances entourant la relation entre les parties, et non seulement par des déclarations formelles.

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 5 F-D

Pourvoi n° C 23-14.262

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025

Mme [S] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-14.262 contre l’ordonnance de référé rendue le 2 février 2023 par le conseil de prud’hommes de Péronne, dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [M] [Y], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [T], après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [T] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Pôle emploi [Localité 4].

Faits et procédure

2. Selon l’ordonnance attaquée (conseil de prud’hommes de Péronne, 2 février 2023), rendue en matière de référé et en dernier ressort, Mme [T] a publié une annonce sur une plate-forme de prestations de service pour des travaux de plâtrerie à effectuer dans son appartement.

3. Après acceptation, M. [Y], qui a débuté son intervention le 3 novembre 2022 et y a mis fin le 14 novembre 2022, a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes afin de solliciter diverses sommes à titre de paiement de 5 heures de travail, de frais de déplacement et de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l’ordonnance de la condamner à payer à M. [Y] les sommes de 100 euros à titre de paiement des heures de travail effectuées, 10 euros à titre de frais de déplacement et de lui ordonner de déclarer les heures effectuées par M. [Y] à l’URSSAF, alors :

« 1°/ que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs qui doivent caractériser un lien de subordination résultant de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la formation de référé a ordonné à Mme [T] de payer à M. [Y] les sommes réclamées au titre de paiement d’heures de travail » et de frais de déplacement, ainsi qu’à déclarer les heures effectuées à l’URSSAF » aux termes de motifs ainsi libellés : […] Mme [T] n’apporte pas la preuve de ses allégations […] ; [elle] reconnaît implicitement avoir fait travailler M. [Y] […] ; les tickets de caisse fournis […] correspondent à l’achat de matériaux […dont] Mme [T] ne conteste pas qu’ils étaient destinés à son appartement puisqu’elle les a réglés à M. [Y] […] ; Mme [T] n’apporte aucune preuve sur sa contestation du travail effectué et sur le temps passé pour aller chercher les matériaux […] ; par ailleurs, il est surprenant que Mme [T] ait laissé démarrer les travaux sans devis, sans justificatif d’auto-entrepreneur et d’une garantie biennale ; […] la défenderesse apporte la preuve, pour la semaine du 3 au 7 novembre […] qu’elle a payé M. [Y] en liquide ; […] elle reconnaît avoir payé l’autre personne sur son chantier pour l’électricité en chèque sans toutefois démontrer que cette différence de modalité était due au fait que le tiers soit auto-entrepreneur ; le conseil se réserve le droit de douter du bien-fondé du travail déclaré » ; qu’en se déterminant aux termes de tels motifs qui ne caractérisent pas l’existence d’un contrat de travail, le conseil de prud’hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, R. 1455-5, R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail, ensemble de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la formation de référé du conseil de prud’hommes ne peut ordonner le paiement de sommes ou l’exécution d’une obligation de faire que dans les cas d’urgence et lorsque la mesure ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; qu’en se déterminant aux termes de motifs qui ne caractérisent ni l’urgence, ni l’absence de contestation sérieuse opposée aux demandes de M. [Y] en condamnation de Mme [T] au paiement de sommes à titre d’heures travaillées » et de frais de déplacement ainsi qu’à déclarer les heures effectuées à l’URSSAF », le conseil de prud’hommes a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 1455-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 et R. 1455-5 du code du travail :

5. Il résulte du premier de ces textes que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs qui doivent caractériser un lien de subordination résultant de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

6. Aux termes du second, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

7. Pour condamner Mme [T] à payer à M. [Y] des sommes à titre de paiement des heures de travail effectuées et de frais de déplacement et lui ordonner de déclarer les heures effectuées par l’intéressé à l’URSSAF, l’ordonnance retient, d’abord, que la contestation de Mme [T] relative aux heures de travail non effectuées par M. [Y] constitue une reconnaissance implicite du fait qu’elle l’a fait travailler. Elle relève, ensuite, qu’elle ne conteste pas que les matériaux achetés étaient destinés à son appartement puisqu’elle les a réglés à M. [Y]. Elle ajoute, encore, qu’il est surprenant que Mme [T] ait laissé démarrer les travaux sans devis, sans justificatif d’auto-entrepreneur et d’une garantie biennale. Elle retient, enfin, que le paiement effectué sur la base du décompte d’heures rédigé par M. [Y] a été réalisé en liquide de sorte qu’elle se réserve le droit de douter du bien fondé d’un travail déclaré.

8. En statuant ainsi, alors qu’en l’état d’une mise en relation par une plate-forme de prestations de service, aucun des éléments retenus ne permettait de créer l’apparence d’un contrat de travail, ce dont il résultait que la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail se heurtait à une contestation sérieuse, le conseil de prud’hommes a violé les textes susvisés.


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