Prescription des actions en reconnaissance de la faute inexcusableLes droits de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ainsi que ceux de ses ayants droit, aux prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans. Cette prescription commence à courir à compter de plusieurs événements, notamment le jour de l’accident, de la première constatation médicale de la maladie, de la cessation du paiement de l’indemnité journalière, ou de la cessation du travail. Les articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du Code de la sécurité sociale précisent ces modalités de prescription. Interruption de la prescription par la demande de conciliationLa saisine de la caisse primaire d’assurance maladie en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est considérée comme une citation en justice, ce qui entraîne l’interruption de la prescription biennale. Cette règle est fondée sur l’article 2241 du Code civil, qui stipule que la prescription est interrompue par toute action en justice. Recevabilité de l’action en reconnaissance de la faute inexcusableDans le cas où la victime a saisi la caisse primaire d’assurance maladie pour une conciliation avant l’expiration du délai de prescription, cette action est recevable. En l’espèce, Mme [B] a saisi la caisse le 16 avril 2016, ce qui a interrompu le cours de la prescription. Par conséquent, sa requête en reconnaissance de la faute inexcusable, déposée le 14 mai 2018, est jugée recevable, conformément aux dispositions légales en vigueur. Renvoi devant le tribunal compétentLa cour a la faculté d’évoquer les points non jugés, mais elle n’est pas obligée de le faire. Dans cette affaire, les parties ont été renvoyées devant le pôle social du tribunal judiciaire pour que soit statué sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, conformément aux règles de procédure civile, notamment l’article 568 du Code de procédure civile. |
L’Essentiel : Les droits de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle se prescrivent par deux ans, à compter de divers événements tels que le jour de l’accident ou la cessation du paiement de l’indemnité journalière. La saisine de la caisse primaire d’assurance maladie pour la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur interrompt cette prescription. Si la victime a agi avant l’expiration du délai, son action est recevable, comme dans le cas de Mme [B], qui a saisi la caisse le 16 avril 2016.
|
Résumé de l’affaire : Le 11 avril 2011, une animatrice de magasin, alors salariée d’une société, a subi un accident de travail. La caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde a reconnu cet accident et a pris en charge les frais liés à cet incident le 15 avril 2011. Suite à cet accident, la victime a été placée en arrêt de travail jusqu’au 21 avril 2014, date à laquelle son état de santé a été jugé consolidé. Elle a reçu une rente trimestrielle de 392,27 euros, correspondant à une incapacité permanente partielle de 12 %.
Le 1er avril 2016, la victime a sollicité la caisse primaire d’assurance maladie pour une conciliation concernant la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Cependant, cette conciliation a échoué, comme l’indiquait un courrier reçu le 8 juin 2016. Par la suite, le 14 mai 2018, la victime a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde. L’affaire a été radiée le 7 décembre 2018, mais la victime a demandé sa réinscription le 5 décembre 2020. Toutefois, l’action a été déclarée prescrite par une ordonnance du 24 janvier 2024, notifiée le 11 mars 2024. La victime a interjeté appel le 20 mars 2024, et l’affaire a été programmée pour une audience le 30 janvier 2025. Dans ses conclusions, la victime a demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance de prescription et de déclarer son action recevable. De son côté, la société a demandé à la cour de renvoyer les parties à conclure sur le fond et de réserver les dépens. La caisse primaire d’assurance maladie a également demandé l’infirmation de l’ordonnance et la reconnaissance de l’action comme non prescrite. La cour a jugé que la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur était recevable, ayant été introduite dans les délais impartis. Elle a donc infirmé la décision précédente et renvoyé les parties devant le pôle social du tribunal judiciaire pour un examen au fond. La société a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre légal de la prescription des actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?En vertu des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ou de ses ayants droit, aux prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans. Cette prescription commence à courir à compter de plusieurs événements, notamment : – Du jour de l’accident ou de la première constatation médicale de la maladie, – Du jour de la cessation du paiement de l’indemnité journalière, – Du jour de la cessation du travail, – Du jour de la clôture de l’enquête, si celle-ci a été réalisée, – Du jour de la reconnaissance de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie. Il est également précisé que la requête présentée à la caisse pour la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur équivaut à une citation en justice, comme le stipule l’article 2241 du code civil, et interrompt ainsi la prescription biennale. Quel impact a eu la saisine de la caisse primaire d’assurance maladie sur le délai de prescription ?Dans cette affaire, l’accident a eu lieu le 11 avril 2011, et la victime a cessé de travailler le même jour. La prise en charge de l’accident a été décidée le 15 avril 2011, et le versement des indemnités journalières a pris fin le 21 avril 2014. Ainsi, la victime disposait d’un délai jusqu’au 21 avril 2016 pour saisir la caisse d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. La victime a effectivement saisi la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde pour une conciliation le 1er avril 2016, ce qui a interrompu le cours de la prescription. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a été saisi le 14 mai 2018, dans le délai imparti, rendant l’action recevable. Par conséquent, la décision déférée a été infirmée. Quel est le rôle de la cour dans l’examen des points non jugés ?L’article 568 du code de procédure civile confère à la cour la faculté d’évoquer les points non jugés, mais ne lui impose pas cette obligation. Dans le cadre de cette affaire, la cour a décidé de renvoyer les parties devant le pôle social pour qu’il soit statué sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Cela signifie que la cour a choisi de ne pas se prononcer sur le fond de l’affaire à ce stade, laissant ainsi la possibilité d’un examen approfondi par le tribunal compétent. Quelles sont les conséquences financières de la décision de la cour ?La société, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de première instance, le jugement déféré étant infirmé à cet égard. De plus, la société a également été condamnée aux dépens d’appel. Cela signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure, tant au niveau de la première instance que de l’appel, ce qui peut avoir un impact significatif sur ses finances. |
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
————————–
ARRÊT DU : 20 MARS 2025
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 24/01363 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-NWEF
Madame [V] [B]
c/
CPAM DE LA GIRONDE
S.A.R.L. [5] [5] | UNIVERS [5] [5] -UNIVERS [5]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 24 janvier 2024 (R.G. n°22/01553) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 20 mars 2024.
APPELANTE :
Madame [V] [B]
née le 29 Septembre 1971 à [Localité 3] (SUISSE)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
assistée de Madame [X], munie d’un pouvoir régulier
INTIMÉES :
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]
assistée de Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. [5] [5] | UNIVERS [5] [5] -UNIVERS [5] [Adresse 2]
assistée de Me Johanne AYMARD-CEZAC substituant Me Annie BERLAND de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 janvier 2025, en audience publique, devant Madame Marie-Paule MENU, Présidente magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Valérie Collet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET PROCEDURE
1 – Le 11 avril 2011, Mme [V] [B], alors salariée de la sarl [5] en qualité d’animatrice de magasin, a été victime d’un accident au temps et au lieu du travail, dont la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde a décidé de la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels le 15 avril 2011. Mme [B] a été placée en arrêt de travail du 11 avril 2011 au 21 avril 2014, date à laquelle son état de santé a été déclaré consolidé des suites de l’accident. Une rente d’un montant trimestriel de 392,27 euros lui a été attribuée, associée à une incapacité permanente partielle de 12 %.
2 – Le 1 er avril 2016, Mme [B] a saisi la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde d’une demande de conciliation dans le cadre d’une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Elle a été informée de l’échec de la conciliation par un courrier en date du 8 juin 2016.
3 – Mme [B] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde le 14 mai 2018. L’affaire a été radiée du rang des affaires en cours par une ordonnance du 7 décembre 2018. Mme [B] en a demandé la réinscription par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 décembre 2020. L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a été déclarée prescrite par une ordonnance en date du 24 janvier 2024, notifiée le 11 mars 2024.
4 – Mme [B] en a relevé appel par une déclaration du 20 mars 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 30 janvier 2025.
PRETENTIONS
5 – Aux termes de ses dernières conclusions, transmises au greffe le 27 septembre 2024, reprises oralement sur l’audience, Mme [B] demande à la cour de:
– infirmer l’ordonnance en date du 24 janvier 2024 ;
– déclarer recevable car non prescrite l’action en reconnaissance de faute inexcusable engagée des suites de l’accident du travail survenu le 11 avril 2011;
– la renvoyer devant le tribunal judiciaire aux fins d’examen de sa demande au fond.
6 – Aux termes de ses dernieres conclusions, transmises au greffe le 29 janvier 2025, reprises oralement sur l’audience, la SNC [5] demande à la cour de renvoyer les parties à conclure sur le fond de la faute inexcusable et de réserver les dépens.
7 – Aux termes de ses dernières conclusions, transmises au greffe le 15 janvier 2025, la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde demande à la cour d’ infirmer l’ordonnance déférée; statuant de nouveau de juger l’action non prescrite et de renvoyer Mme [B] devant le pôle social du tribunal judiciaire afin qu’il soit statué au fond sur sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, de condamner Mme [B] aux dépens.
8 – Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l’audience ainsi qu’au jugement déféré.
9 – En application des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale,les droits de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ou de ses ayants droit, aux prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans à compter, soit du jour de l’accident ou de la première constatation médicale de la maladie, soit du jour de la cessation du paiement de l’indemnité journalière, soit de la cessation du travail, soit, lorsqu’il y a été procédé, du jour de la clôture de l’enquête, soit du jour de la reconnaissance de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie.
La requête présentée à la caisse tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur équivaut à la citation en justice visée à l’art. 2241 du code civil et interrompt la prescription biennale.
10 – En l’espèce, l’accident est survenu le 11 avril 2011 et Mme [B] a cessé le travail le même jour; l’accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par une décision du 15 avril 2011; le versement des indemnités journalières a pris fin le 21 avril 2014, de sorte que Mme [B] disposait d’un délai courant jusqu’au 21 avril 2016 pour saisir la caisse d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Mme [B] a saisi la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde aux fins de conciliation le 16 avril 2016; cette saisine a interrompu le cours de la prescription; le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a été saisi par une requête en date du 14 mai 2018, soit dans le délai imparti. L’action engagée par Mme [B] est donc recevable. La décision déférée est infirmée en conséquence.
11- Si les dispositions de l’article 568 du code de procédure civile ouvrent à la cour la faculté d’évoquer les points non jugés, elles ne lui en font pas obligation. En l’état des éléments du dossier, les parties sont renvoyées devant le pôle social pour qu’il soit jugé sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
12 – La société [5], qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance, le jugement déféré étant infirmé de ce chef, et aux dépens d’appel.
La cour,
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Stauant de nouveau,
Juge recevable l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur engagée par Mme [B] ;
Renvoie les parties devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux pour qu’il soit statué au fond ;
Condamne la société [5] aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne la société [5] aux dépens d’appel.
Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud MP. Menu
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?