Reconnaissance de la faute inexcusable et évaluation des préjudices liés à un accident du travail

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Reconnaissance de la faute inexcusable et évaluation des préjudices liés à un accident du travail

Règle de droit applicable

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans le cadre d’un accident du travail est régie par les articles L. 452-1 et L. 452-2 du Code de la sécurité sociale. Selon l’article L. 452-1, l’employeur est tenu de garantir à ses salariés une protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. En cas de faute inexcusable, l’employeur peut être tenu de réparer intégralement le préjudice subi par le salarié, ce qui inclut les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, ainsi que les pertes de revenus et les frais médicaux.

L’article L. 452-2 précise que la faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, en ayant conscience du danger auquel était exposé le salarié et en n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger. Cette notion est essentielle pour établir la responsabilité de l’employeur et pour permettre au salarié d’obtenir une indemnisation complète de ses préjudices.

Procédure de contestation de la date de consolidation

La date de consolidation de l’état de santé d’un salarié, fixée par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), est déterminée selon l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale. Cette date peut faire l’objet d’une contestation devant la commission médicale de recours amiable, puis, en cas de désaccord, devant le tribunal judiciaire, conformément à l’article L. 142-4 du même code. Si aucune contestation n’est formulée dans les délais impartis, la date de consolidation fixée par la CPAM devient définitive et s’impose à toutes les parties.

Indemnisation des préjudices

L’indemnisation des préjudices corporels est régie par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, qui énumère les différents types de préjudices pouvant être indemnisés, tels que les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, et le déficit fonctionnel temporaire et permanent. La jurisprudence a établi que l’indemnisation doit être proportionnelle à la gravité des préjudices subis, en tenant compte des éléments médicaux et des rapports d’expertise.

Le préjudice d’agrément, qui vise à compenser la perte de qualité de vie et l’impossibilité de pratiquer des activités de loisirs, est également pris en compte, mais doit être prouvé par des justificatifs concrets, comme l’indiquent les décisions de justice récentes.

Frais irrépétibles et dépens

Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du Code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la procédure, lorsque cela est justifié. La décision de condamner une partie aux dépens est également fondée sur les dispositions du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante doit supporter les frais de la procédure, sauf décision contraire du juge.

L’Essentiel : La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par les articles L. 452-1 et L. 452-2 du Code de la sécurité sociale. L’employeur doit garantir une protection contre les accidents du travail. En cas de faute inexcusable, il peut être tenu de réparer intégralement le préjudice subi par le salarié. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, conscient du danger et n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.
Résumé de l’affaire : Le 17 août 2017, un salarié, mécanicien de maintenance, a subi un accident du travail sur le site d’une entreprise utilisatrice, entraînant des brûlures aux pieds dues à des produits chimiques. Le lendemain, son employeur a déclaré l’accident, et la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge les soins. Le salarié a ensuite demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, estimant que celui-ci était responsable de l’accident.

Après un échec de conciliation, le salarié a saisi le tribunal de grande instance de Périgueux pour obtenir la reconnaissance de cette faute inexcusable et une expertise médicale pour évaluer son préjudice. Le tribunal a débouté le salarié de sa demande par un jugement du 27 janvier 2022, qui a été contesté par ce dernier par voie d’appel.

Le 16 novembre 2023, la cour d’appel de Bordeaux a infirmé partiellement le jugement, reconnaissant la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice et ordonnant une expertise judiciaire pour évaluer les préjudices subis par le salarié. L’expert a rendu son rapport en novembre 2024, et l’affaire a été fixée pour plaidoiries en janvier 2025.

Le salarié a formulé des demandes d’indemnisation pour divers préjudices, tandis que les sociétés impliquées ont contesté les montants demandés. La cour a finalement évalué les préjudices, incluant les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le déficit fonctionnel temporaire et permanent, ainsi que le préjudice sexuel. La cour a fixé l’indemnisation totale à 30 682,50 euros, déduisant une provision déjà versée. Les sociétés ont été condamnées à rembourser les frais d’expertise et à verser des indemnités au salarié, ainsi qu’à couvrir les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par les articles L. 452-1 et L. 452-2 du Code de la sécurité sociale. Selon l’article L. 452-1, « lorsqu’un accident du travail est causé par une faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une majoration de sa rente ».

L’article L. 452-2 précise que « la faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

Dans le cas présent, la victime a saisi le tribunal pour faire reconnaître cette faute, ce qui a conduit à une procédure de conciliation puis à une action en justice.

Quel est le rôle de la caisse primaire d’assurance maladie dans la reconnaissance des accidents du travail ?

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) joue un rôle central dans la gestion des accidents du travail, comme le stipule l’article L. 431-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article indique que « la caisse primaire d’assurance maladie est chargée de la gestion des risques professionnels ».

Elle est responsable de la prise en charge des accidents du travail et de la détermination de la date de consolidation de l’état de santé de la victime, comme le précise l’article L. 431-2. Ce dernier article stipule que « la date de consolidation est fixée par la caisse primaire, au vu du certificat final descriptif établi par le médecin traitant ».

Dans cette affaire, la CPAM a fixé la date de consolidation au 30 septembre 2018, date qui n’a pas été contestée par la victime.

Quel est le processus d’indemnisation des préjudices corporels en cas d’accident du travail ?

L’indemnisation des préjudices corporels est régie par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, qui énumère les différents chefs de préjudice pouvant être indemnisés. Cet article précise que « la réparation des préjudices subis par la victime comprend notamment les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le déficit fonctionnel temporaire et permanent ».

Dans le cas présent, la victime a demandé une indemnisation pour plusieurs postes de préjudice, y compris les souffrances endurées, le préjudice esthétique, et le déficit fonctionnel temporaire et permanent. Chaque poste a été évalué par un expert, et les montants ont été fixés en fonction des conclusions de ce dernier.

Quel est le rôle de l’expertise médicale dans l’évaluation des préjudices ?

L’expertise médicale est essentielle dans l’évaluation des préjudices corporels, comme le souligne l’article L. 142-4 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que « la caisse primaire d’assurance maladie peut faire procéder à une expertise médicale pour évaluer les conséquences d’un accident du travail ».

Dans cette affaire, un expert a été désigné pour évaluer les préjudices subis par la victime. Son rapport a été déterminant pour la fixation des montants d’indemnisation, notamment pour les souffrances endurées et le déficit fonctionnel. Les conclusions de l’expert ont été retenues par la cour, car elles n’ont pas été contestées par les parties.

Quel est le fondement juridique des frais irrépétibles dans le cadre de la procédure civile ?

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Dans cette affaire, la victime a demandé une indemnisation au titre de l’article 700, mais la cour a décidé de condamner l’employeur principal et l’entreprise utilisatrice à verser une somme à la victime, en tenant compte des frais engagés pour la procédure.

Cette disposition vise à garantir que les parties ne soient pas financièrement pénalisées par les frais de justice engagés pour faire valoir leurs droits.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 20 MARS 2025

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/00659 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRDL

Monsieur [K] [Z]

c/

S.A.S. [4]

S.A.S.U. [7] [Localité 10]

CPAM DE [Localité 8]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2022 (R.G. n°19/00286) par le Pôle social du TJ de PERIGUEUX, suivant déclaration d’appel du 09 février 2022.

APPELANT :

Monsieur [K] [Z]

né le 14 Juin 1994 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

assisté de Me Claire COURAPIED substituant Me Virginie LEMAIRE de la SELARL LEMAIRE VIRGINIE AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉES :

La S.A.S. [4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 13]

assistée de Me Mandy BECQUE substituant Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

La S.A.S.U. [7] [Localité 10], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 12]

assistée de Me Julie AUZAS de la SELARL RUFF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

La CPAM DE [Localité 8] prise en la personne de son directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2025, en audience publique, devant Madame Marie-Hélène Diximier, Présidente magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Hélène Diximier, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Faits et procédure

1 – Le 17 août 2017, M. [K] [Z] ‘ salarié de la société [4] et mis à disposition, en qualité de mécanicien de maintenance, de la société [7] [Localité 10], spécialisée dans le domaine de la maintenance industrielle sous le nom commercial [3] ‘ a été victime d’un accident du travail sur le site de l’entreprise [9], située à [Localité 5].

2 – Le 18 août 2017, la société [4] a complété une déclaration d’accident du travail de la façon suivante : ‘ Au cours d’une opération de maintenance (déconsignation) qui nécessitait la dépose d’une bride, des résidus de produits chimiques restant dans la tuyauterie se sont écoulés sur les pieds de M. [Z]’.

Le certificat médical initial établi le jour de l’accident mentionnait : ‘brûlures à l’acide nitrique peu profondes des deux pieds’ .

Le 23 août 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] (la caisse en suivant) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

3 – Le 17 avril 2019, Monsieur [Z] l’a saisie d’une demande de conciliation dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l’origine selon lui de son accident du travail du 17 août 2017.

4 – A la suite de l’échec de la conciliation, il a saisi par requête du 28 juin 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Périgueux, aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [4] avec toutes les conséquences subséquentes tenant à la majoration maximale de la rente et à l’organisation avant-dire droit d’une expertise médicale afin d’évaluer son préjudice corporel.

5 – Par jugement du 27 janvier 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux a :

– débouté M. [Z] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4] et en conséquence de ses demandes incidentes ;

– rejeté les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné M. [Z] au paiement des dépens.

6 – Par déclaration du 9 février 2022, M. [Z] a interjeté appel de cette décision.

7 – L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 20 septembre 2023.

8 – Par arrêt avant dire droit en date du 16 novembre 2023, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la cour d’appel de Bordeaux a :

– confirmé le jugement déféré dans ses dispositions qui déboutent les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles;

– infirmé le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions;

– statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

– dit que l’accident dont a été victime M. [Z] le 17 août 2017 résulte de la faute inexcusable de la société [7] [Localité 10], entreprise utilisatrice;

– ordonné à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] de majorer à son maximum le montant de la rente qui viendrait à être versée à M. [Z] au titre d’une aggravation ou d’une rechute donnant lieu à la fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle;

– ordonné, avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par M. [Z], une expertise judiciaire et désigné le docteur [R] [S] pour y procéder, investi de la mission habituelle en la matière.

9 – L’expert a déposé son rapport le 4 novembre 2024.

10- L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 23 janvier 2025.

*

11 – Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2024, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, M. [Z] demande à la cour de :

– fixer ses préjudices consécutifs à la faute inexcusable de son employeur aux sommes suivantes:

* 4 054,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire;

* 9 800 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent;

* 20 000 euros au titre des souffrances endurées;

* 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire;

* 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

* 10 000 euros au titre du préjudice d’agrément;

* 10 000 euros au titre du préjudice sexuel;

– déduire la provision de 5 000 euros déjà versée à M. [Z] au titre de l’indemnisation de ses préjudices définitifs;

– juger que ces sommes seront avancées par la CPAM de [Localité 8];

– condamner la SAS [4] et la Société [7] [Localité 10] à lui payer à la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner la SAS [4] et la Société [7] [Localité 10] aux dépens et frais éventuels d’exécution. »

12 – Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2025, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS [4] demande à la cour de :

– fixer l’indemnisation de M. [Z] au titre du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 3 111,9 euros ;

– fixer à 8 000 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre des souffrances endurées ;

– fixer à 500 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice esthétique temporaire;

– fixer à9 800 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre du déficit fonctionnel permanent ;

– fixer à 2 000 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice esthétique permane;

– rejeter la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice d’agrément ;

– rejeter la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice sexuel ;

– rejeter la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– déduire de l’indemnisation des préjudices de M. [Z], l’indemnité provisionnelle de 5 000 euros versée par l’employeur en application de l’arrêt rendu le 16 novembre 2023;

– subsidiairement ;

– réduire à de plus justes proportions la demande de M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– en tout état de cause ;

– débouter les parties adverses de toutes demandes plus amples ou contraires ;

– dire que la CPAM de [Localité 8] fera l’avance des indemnités.

13- Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2025, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société [7] [Localité 10] demande à la cour de :

– accueillir la société [7] [Localité 10] en ses présentes écritures, fins et conclusions, l’y

déclarer recevable et bien fondée;

– en conséquence,

– juger que le quantum de l’indemnisation totale de M. [Z] ne saurait excéder la somme totale hors provision de 24 645,70 euros se décomposant comme suit :

* souffrances endurées : 10 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : 500 euros

* préjudice esthétique permanent : 1 500 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 2 845,70 euros

* déficit fonctionnel permanent : 9 800,00 euros

– débouter M. [Z] de toute demande au titre de son préjudice d’agrément allégué

– débouter M. [Z] de toute demande au titre de son préjudice sexuel allégué

– ramener à de plus justes proportions l’indemnisation sollicitée au titre des frais irrépétibles sans que la somme octroyée à M. [Z] n’excède 1 000 euros.

14 – Par dernières conclusions reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la CPAM de [Localité 8] demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour quant au montant des indemnités alloués à M.[Z].

MOTIFS DE LA DECISION

15- En liminaire, il convient de rappeler que la date de consolidation est fixée par la caisse primaire, au vu du certificat final descriptif établi par le médecin traitant ou, en cas de désaccord, d’après l’avis émis par l’autorité compétente (CSS, art. L. 431-2).

La notification par la caisse de la date de la guérison ou de la consolidation constitue une décision d’ordre médical pouvant faire l’objet, le cas échéant, d’une contestation devant la commission médicale de recours amiable puis, le cas échéant, devant le tribunal judiciaire (CSS, art. L. 142-4).

A défaut de contestation dans les délais, la date de consolidation fixée par la CPAM s’impose à tous.

16 – Au cas particulier, la date de consolidation de M.[Z], fixée par la CPAM au 30 septembre 2018, n’a jamais été contestée par M.[Z] devant la CMRA puis devant le pôle social.

Elle est donc devenue définitive et s’impose à tous.

C’est elle qui doit être retenue dans le cadre de la liquidation du préjudice corporel de l’assuré, à l’exclusion de celle fixée par l’expert au 10 septembre 2019, date de l’arrêt des soins.

SUR LA LIQUIDATION DU PREJUDICE CORPOREL

– Sur les chefs de préjudice visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale

* sur les souffrances physiques et morales endurées

17 – Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime par suite de l’atteinte à son intégrité physique subis par la victime du jour de l’accident à celui de sa consolidation.

En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

18- Au cas particulier, l’expert retient que l’accident de travail dont M.[Z] a été victime le 17 août 2017 a été à l’origine d’un traumatisme initial suivi de soins pendant une semaine puis de deux périodes d’hospitalisation de six jours ainsi que de deux journées passées à l’hôpital, de soins infirmiers longs et douloureux, de rééducation, de prise d’antalgiques et du mal vécu de cet évènement.

La consolidation a été prononcée par la CPAM, non contestée par M.[Z], au 30 septembre 2018.

Le docteur [S] a évalué les souffrances endurées à 4 sur une échelle de 7.

19- Les termes du rapport d’expertise n’étant contestés par aucune des parties, il convient de les retenir et d’allouer la somme de 12 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées par M.[Z] .

* sur le préjudice esthétique

20 – Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l’altération de l’apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est en effet un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l’état de la victime.

21- Au cas particulier, l’expert a retenu un préjudice esthétique temporaire représenté par un déplacement en fauteuil roulant qui s’est étalé du 30 août 2017 au 1 novembre 2017

(excepté la période du 12 septembre 2017 au 18 septembre 2017), la visibilité des pansements et le port de chaussettes de contention.

22- Les parties sont en désaccord avec l’indemnisation à retenir.

Au vu des pièces produites et des explications des parties, il sera alloué de ce chef à M.[Z] une somme de 500 €.

23 – Par ailleurs, l’expert décrit les cicatrices portées par M.[Z] sur les cuisses et les pieds.

Il retient ainsi un préjudice esthétique permanent chiffré à 1,5 /7.

24- Les parties sont en désaccord avec l’indemnisation à retenir.

Au vu des pièces produites et des explications des parties, il sera alloué de ce chef à M.[Z] une somme de 2000 €.

* sur le préjudice d’agrément

25 – Ce poste de préjudice répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non plus, comme auparavant, la perte de qualité de vie subie après consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

L’indemnisation du préjudice d’agrément ne se limite pas à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.

Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, ainsi que

l’impossibilité psychologique de pratiquer l’activité antérieure.

Son appréciation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l’âge et du niveau sportif.

26- Au cas particulier, M.[Z] fait valoir que du fait de son état, il ne peut plus rester en position debout prolongée et que ceci a un impact dans le cadre de ses activités d’agrément, à savoir la moto et leur entretien, le ski et les activités maritimes et nautiques.

Il affirme qu’avant l’accident, comme il pratiquait ces activités, son préjudice d’agrément tel que défini par la dernière jurisprudence est caractérisé.

27 – Cependant, force est de constater qu’il ne produit aucun justificatif de nature à établir qu’il pratiquait effectivement ces activités.

Il doit donc être débouté de sa demande formée de ce chef.

– Sur les chefs de préjudice non visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale

* sur le déficit fonctionnel temporaire

28- Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation.

Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).

29- Au cas particulier, M.[Z] a été victime d’un accident du travail le 17 août 2017 et a été déclaré consolidé par la CPAM le 30 septembre 2018, sans attribution de taux d’incapacité.

Aux termes de son rapport établi le 15 octobre 2024, le docteur [S] a retenu :

– un déficit fonctionnel temporaire total du 24/08/2017 au 29/08/2017 ; du 13/09/2017 au 18/09/2017 ; 30/10/2018 durant l’hospitalisation au CHU de [Localité 11] et 22/08/2018 durant le retrait de l’agrafe du pied,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 17/08/2017 au 23/08/2018 ;

– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % du 30/08/2017 au 12/09/2017 ; du 19/09/2017 au 01/11/2017 durant les périodes pendant lesquelles l’assuré se déplaçait en fauteuil roulant,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 35% du 02/11/2017 au 21/03/2018,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 15% du 23/03/2018 au 29/10/2018 ; du 31/10/2018 au 09/04/2019.

30- L’évaluation des éléments pré cités ne fait l’objet d’aucune contestation de la part des parties quant au taux des pourcentages de déficit fonctionnel temporaire retenu par l’expert.

En revanche, la société [7] maintient ses contestations quant à la date de consolidation de l’état de santé de M.[Z] retenue par l’expert.

M.[Z] ne fait valoir aucune observation sur ce point.

31- Cela étant, compte tenu des lésions initiales et des soins nécessaires pour l’assuré outre la date de consolidation des lésions retenue par la CPAM, M.[Z] a subi une gêne dans l’accomplissement des actes de la vie courante et une perte temporaire de qualité de vie qui doivent être indemnisées à hauteur de 25 € le jour d’incapacité temporaire totale :

-13 jours x 25 € =325 €

– 6 jours x 25 € x 50% = 75 €

-56 jours x 25 € x 75 % =1050 €

– 139 jours x 25€ x 35% = 1216,25€

– 191 jours x 25€ x 15% = 716,25€

soit au total la somme de 3382,50 € sur l’ensemble de la période d’incapacité temporaire considérée.

* sur le préjudice sexuel

32- Il convient de convient de rappeler que le préjudice sexuel présente trois composantes:

– le préjudice morphologique lié à une atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi,

– le préjudice lié à l’acte sexuel lui – même qui repose sur la perte du plaisir sexuel lié à l’accomplissement de l’acte sexuel,

– le préjudice lié à une difficulté ou impossibilité de procréer.

Il n’existe pas de taux et l’évaluation se fait au cas par cas en fonction des conséquences précises du dommage décrit par l’expert, de l’âge et de la situation de la victime.

33- Au cas particulier, l’expert a indiqué qu’il n’y avait pas de préjudice sexuel, qu’il n’était pas allégué et qu’il ne le retenait pas.

34- M.[Z] explique qu’il a vu la fréquence de ses relations sexuelles disparaître pendant plusieurs années car il était gêné et honteux par l’aspect de son corps, qu’il a préféré se couper des relations féminines et que lorsqu’il est sorti de son isolement, il a eu une perte de plaisir en raison de ses difficultés avec ses cicatrices.

Il relève que l’expert se contredit en indiquant qu’il n’existe pas de préjudice tout en retenant que les blessures ont engendré des perturbations dans ses relations sexuelles.

35- Les sociétés soutiennent qu’il n’existe pas de préjudice sexuel et que de ce fait, l’appelant doit être débouté de ses demandes formées de ce chef.

36- Cela étant, compte tenu de l’ensemble de ces éléments dont il résulte qu’en dépit des explications contradictoire de l’expert telles qu’elles ont été justement relevées par M.[Z] alors que le préjudice est établi et qu’il l’a lui – même relevé, il convient de fixer à la somme de 3000€ le dommage subi par M.[Z] de ce chef.

* sur le déficit fonctionnel permanent

37-Il s’agit du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel.

Il s’agit d’un déficit définitif, après consolidation, c’est à dire que l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté.

Il est défini par la Commission européenne (conférence de Trèves de juin 2000) et par le rapport Dintilhac comme :

« la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours ».

Il permet d’indemniser non seulement l’atteinte à l’intégrité physique et psychique au sens strict, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence. Le préjudice moral ne doit donc plus faire l’objet d’une indemnisation autonome, puisqu’il est pris en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

Son évaluation médico-légale se fait en pourcentage d’incapacité permanente partielle ou d’atteinte fonctionnelle du corps humain, une incapacité de 100% correspondant à un déficit fonctionnel total.

Le prix du point d’incapacité permanente partielle est fixé selon les séquelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime. Plus le taux d’incapacité est élevé, plus le prix du point augmente ; le prix du point d’incapacité diminue avec l’âge.

38- Au cas particulier, l’expert a fixé à 5% le DFP pour un homme âgé de 24 ans au moment de la consolidation de son état de santé en expliquant que le DFP est constitué par les séquelles des brûlures des pieds pour lesquelles il prend en compte:

– les dysfonctionnements des échanges de la peau avec une sudation plus marquée des pieds, les sensations de chaleur ressenties et de pieds ‘ gelés’

– une fragilité cutanée avec des ampoules et des coupures plus fréquentes.

39- M.[Z] en déduit qu’il peut prétendre à une indemnisation de ce chef de préjudice d’un montant de 9800€.

40 – Les sociétés intimées ne s’y opposent pas.

41- Il convient en conséquence de fixer l’indemnisation à cette somme, calculée sur le fondement d’une valeur du point de 1960€.

En conclusion :

42 – La réparation du préjudice de M. [Z] s’établit comme suit :

– 12000,00 euros au titre des souffrances endurées

– 500, 00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 2000, 00 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

– 3382,50 euros au titre du DFT

– 3000,00 euros au titre du préjudice sexuel

– 9 800,00 euros au titre du DFP

43- La provision d’un montant de 5000 euros doit en être déduite.

SUR LES DÉPENS

45- Les entiers dépens doivent rester à la charge de la société [4] .

46- Il n’est pas inéquitable de condamner la SAS [4] et la société [7] [Localité 10] à payer à M.[Z] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d’appel, statuant par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Vu l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Bordeaux le 16 novembre 2023,

Fixe l’indemnisation complémentaire de M.[Z] comme suit :

– 12000,00 euros au titre des souffrances endurées

– 500, 00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 2000, 00 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

– 3382,50 euros au titre du DFTT

– 3000,00 euros au titre du préjudice sexuel

– 9 800,00 euros au titre du DFP

Soit à un total de 30682, 50 euros

Déboute M.[Z] de sa demande d’indemnisation de son préjudice d’agrément,

Dit que la provision de 5000€ doit être déduite du total de l’indemnisation complémentaire,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] versera directement à M.[Z] les sommes dues au titre de l’indemnisation complémentaire ;

Condamne l’employeur principal, la SAS [4] à rembourser à la CPAM de [Localité 8]:

– l’ensemble des indemnisations complémentaires versées à la victime conformément aux articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,

– les frais de l’expertise médicale ordonnée,

Condamne l’entreprise utilisatrice, la société [7], auteur de la faute inexcusable à l’origine de l’accident, à relever et garantir l’employeur principal, la SAS [4], de l’ensemble des postes de réparation sollicités et de la condamnation aux dépens et aux frais d’expertise,

Condamne la SAS [4] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la SAS [4] et la SASU [7] [Localité 10] à payer à M.[Z] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Hélène Diximier, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud MH. Diximier


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