Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans un contexte d’accident du travail.

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Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans un contexte d’accident du travail.

Faute inexcusable de l’employeur

L’employeur est tenu à une obligation de sécurité envers ses salariés, conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. La faute inexcusable de l’employeur est caractérisée lorsque celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.

Conditions de la reconnaissance de la faute inexcusable

La reconnaissance de la faute inexcusable ne se présume pas et incombe au salarié de prouver que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger. Cette conscience est appréciée in abstracto, c’est-à-dire qu’il suffit de démontrer que l’employeur ne pouvait ignorer le risque. L’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale précise que la faute inexcusable est engagée même si d’autres facteurs ont contribué à l’accident, tant que la faute de l’employeur en est la cause nécessaire.

Obligation de prévention

L’employeur doit mettre en œuvre des mesures de prévention adéquates pour protéger ses salariés. Selon l’article L. 4121-2 du Code du travail, ces mesures doivent être adaptées à la nature des risques et tenir compte de l’évolution de la technique. En l’espèce, l’employeur a été jugé défaillant dans la mise en œuvre de mesures préventives avant l’accident, ce qui a conduit à la reconnaissance de sa faute inexcusable.

Conséquences de la faute inexcusable

En cas de faute inexcusable, l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale prévoit une majoration de la rente d’accident du travail au taux maximum, ainsi que le droit à l’indemnisation des préjudices subis, y compris ceux non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale. Les frais d’expertise pour évaluer les préjudices sont avancés par la caisse, qui se rembourse auprès de l’employeur, conformément à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.

L’Essentiel : L’employeur est tenu à une obligation de sécurité envers ses salariés, devant prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas agi en conséquence. La reconnaissance de cette faute incombe au salarié, qui doit prouver que l’employeur ne pouvait ignorer le risque. En cas de faute inexcusable, une majoration de la rente d’accident du travail est prévue.
Résumé de l’affaire : Un salarié a été engagé par une association en tant qu’agent d’accueil et de surveillance depuis le 1er janvier 2015. Le 16 octobre 2017, il a subi un accident du travail suite à une agression physique par un usager toxicomane, qui l’a mordu au ventre. L’accident a été reconnu par la caisse de sécurité sociale, qui a pris en charge les conséquences de l’accident. L’état de santé du salarié a été déclaré consolidé en juin 2018, mais une rechute a été constatée en août 2018, entraînant un syndrome post-traumatique. En janvier 2019, un taux d’incapacité permanente partielle de 24% a été attribué au salarié.

Le salarié a alors demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, ce qui a conduit à une procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Par un jugement du 10 janvier 2022, le tribunal a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, majoré la rente au taux maximum et alloué une provision de 2 000 euros au salarié. L’employeur a fait appel de cette décision, contestant la reconnaissance de sa faute inexcusable et demandant le déboutement du salarié.

Dans ses conclusions, l’employeur a soutenu qu’il n’avait pas eu connaissance du danger auquel le salarié était exposé et qu’il avait mis en place des mesures de prévention. En revanche, le salarié a affirmé que le risque avait été signalé et que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour le protéger. La cour a confirmé la décision du tribunal, considérant que l’employeur avait effectivement conscience du danger inhérent à la nature de l’emploi du salarié et n’avait pas mis en œuvre les mesures préventives adéquates. La cour a également ordonné une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par le salarié et a confirmé la majoration de la rente.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur repose sur l’article L. 4131-4 du code du travail et l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

L’article L. 4131-4 stipule que l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses travailleurs.

Il est précisé que la faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale précise que la faute inexcusable de l’employeur est engagée lorsque celui-ci a manqué à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à un accident du travail.

Ainsi, il incombe au salarié de prouver que l’employeur avait conscience du danger et qu’il n’a pas pris les mesures adéquates pour protéger le salarié.

Quel est le rôle de la présomption de faute inexcusable dans cette affaire ?

La présomption de faute inexcusable ne se présume pas, sauf dans des cas limitativement énumérés.

Il appartient au salarié ou à ses ayants droit de prouver que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé.

Cette présomption est essentielle car elle détermine la charge de la preuve dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable.

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale précise que la faute inexcusable ne peut être présumée et doit être prouvée par le salarié.

Dans cette affaire, le salarié a tenté de démontrer que l’employeur avait connaissance des risques encourus, mais il lui revenait de prouver cette connaissance.

Quel est l’impact des mesures de prévention mises en place par l’employeur sur la reconnaissance de la faute inexcusable ?

Les mesures de prévention mises en place par l’employeur sont cruciales pour déterminer s’il a respecté son obligation de sécurité.

L’article L. 4131-4 du code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs.

Cependant, il ne suffit pas d’invoquer des mesures de prévention ; celles-ci doivent être effectives et adaptées aux risques encourus.

Dans cette affaire, l’employeur a présenté un document de procédure établi en avril 2016, mais ce document ne prévoyait pas de mesures préventives avant l’accident.

Les actions de formation et les réunions de travail, bien que mentionnées, n’ont pas été mises en œuvre avant l’accident, ce qui a conduit à la conclusion que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.

Quel est le lien entre la reconnaissance de la faute inexcusable et l’indemnisation des préjudices subis par le salarié ?

La reconnaissance de la faute inexcusable a des conséquences directes sur l’indemnisation des préjudices subis par le salarié, conformément aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

L’article L. 452-2 stipule que, en cas de faute inexcusable, la rente d’accident du travail est majorée au maximum, et les sommes dues en réparation des préjudices sont versées directement au bénéficiaire par la caisse.

L’article L. 452-3 précise que les préjudices subis, y compris ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, doivent être évalués et indemnisés.

Ainsi, la reconnaissance de la faute inexcusable entraîne une majoration de la rente et une indemnisation des préjudices, ce qui est essentiel pour le salarié dans le cadre de sa réparation.

Quel est le rôle de l’expertise médicale dans l’évaluation des préjudices ?

L’expertise médicale joue un rôle fondamental dans l’évaluation des préjudices subis par le salarié, comme le stipule l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Cette expertise est ordonnée pour évaluer l’ensemble des préjudices, y compris le déficit fonctionnel permanent et les préjudices personnels.

L’article L. 452-3 précise que les frais de l’expertise sont avancés par la caisse, qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

L’expert doit évaluer non seulement les conséquences physiques de l’accident, mais aussi les impacts psychologiques, ce qui est crucial pour une indemnisation complète.

Dans cette affaire, l’expertise médicale a été ordonnée pour déterminer l’ampleur des préjudices et garantir que le salarié reçoive une indemnisation adéquate.

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RADIATION

COMPLEMENT EXPERTISE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 22/01075 – N° Portalis DBVX-V-B7G-ODNZ

Société [10]

C/

[V]

[14]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de [Localité 20]

du 10 Janvier 2022

RG : 19/2757

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 01 AVRIL 2025

APPELANTE :

ASSOCIATION [17]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par Me Stéphane BOURQUELOT de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

[L] [V]

né le 13 Juin 1977 à [Localité 21] (59)

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par Me Mathilde CENA de la SELARL CENA RICARD RINGUIER, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005171 du 31/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 20])

[14]

[Localité 9]

représenté par Mme [G] [Y] (Membre de l’entrep.) en vertu d’un pouvoir général

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mars 2025

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

– Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

– Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

– Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Avril 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [V] (le salarié) a été engagé par l’association [19] (l’association, l’employeur) en qualité d’agent d’accueil et de surveillance, à compter du 1er janvier 2015.

Il a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 16 octobre 2017 consistant en une agression physique par un usager toxicomane qui l’a mordu au ventre.

Le 8 novembre 2017, la [11] (la [13]) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

L’état de santé du salarié a été déclaré consolidé au 7 juin 2018.

Un certificat médical de rechute du 14 août 2018 mentionnant un syndrome post-traumatique suite à une agression a été pris en charge par la [13], au titre de la législation professionnelle, le 29 août 2018.

L’état de santé de M [V] a été déclaré consolidé au 7 janvier 2019 avec attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 24%, dont 4% pour le taux professionnel au vu des séquelles suivantes : « névrose post-traumatique avec angoisses, agoraphobie, troubles attentionnels et de concentration invalidants le quotidien ».

Le salarié a saisi la [13] aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur de son accident du travail du 16 octobre 2017, ainsi que de sa rechute du 14 août 2018, et, en l’absence de conciliation, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, le 12 septembre 2019.

Par jugement du 10 janvier 2022, le tribunal :

– dit que l’accident du travail survenu le 16 octobre 2017 à M. [V] est imputable à la faute inexcusable de l’employeur,

– majore la rente attribuée à M. [V] au taux maximum prévu par la loi,

– alloue à M. [V] une somme provisionnelle de 2 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

Avant dire droit sur l’indemnisation,

– ordonne une expertise médicale de M. [V],

– désigné pour y procéder le docteur [H] [M] [Adresse 3],

– dit que l’expert déposera son rapport au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon dans les 6 mois de sa saisine et en transmettra une copie à chacune des parties,

– dit que la [13] doit faire l’avance des frais de l’expertise médicale,

– donne acte à la [13] qu’elle procédera au recouvrement de l’intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l’avance directement auprès l’employeur soit : les sommes réellement versées à l’assuré au titre de la majoration de la rente et les sommes versées au titre des préjudices reconnus y compris les frais relatifs à la mise en ‘uvre de l’expertise,

– condamne l’association à lui payer à l’assuré la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile sous réserve de sa renonciation à l’aide juridictionnelle,

– réserve les dépens.

Par déclaration enregistrée le 1er février 2022, l’association a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions n° 3 notifiés par voie électronique le 9 janvier 2025 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– débouter M. [V] de sa demande de reconnaissance de sa faute inexcusable sur le fondement de l’article L. 4131-4 du code du travail,

– dire et juger que M. [V] ne caractérise nullement l’existence de sa faute inexcusable sur le fondement de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale,

– débouter M. [V] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire, en cas de reconnaissance de faute inexcusable,

– dire et juger que la [13] devra faire l’avance de toutes les sommes accordées au titre de cette reconnaissance et des frais requis par l’expertise,

– limiter l’expertise aux préjudices visés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

– rejeter la demande de provision présentée par l’assuré,

En tout état de cause,

– condamner M. [V] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’instance d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions reçues au greffe le 31 mars 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, le salarié demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

Partant,

– dire et juger que ses demandes sont recevables, justifiées et bien fondées,

– dire et juger que l’association s’est rendue coupable d’une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime, le 16 octobre 2017, ainsi que de la rechute de son accident du travail du 14 août 2018,

– dire et juge qu’il a droit à l’indemnisation de l’ensemble des préjudices subis ensuite de son accident du travail du 16 octobre 2017 et de la rechute du 14 août 2018, prévus par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que de ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale,

– dire et juger que la [13] devra faire l’avance de l’indemnisation de l’ensemble des préjudices qu’il a subis,

En conséquence,

– ordonner la majoration de la rente au taux maximum,

– ordonner une expertise médicale confiée à l’expert médecin établi à [Localité 20] qu’il plaira à la cour, avec mission habituelle en la matière, selon la mission précitée,

– lui allouer une indemnité provisionnelle de 2 000 euros,

En tout état de cause,

– condamner l’association à verser la somme de 2 500 euros à Maître Cena, son avocate, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, au titre des frais et honoraires que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide, et sous réserve de renonciation à l’aide juridictionnelle en cas de recouvrement de la somme allouée, et ce conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

– condamner l’association aux entiers dépens d’appel et de première instance,

– rendre l’arrêt à intervenir commun à la [13].

Par ses écritures reçues au greffe le 13 février 2025 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la [13] demande à la cour de :

– lui donner acte qu’elle s’en remet sur l’appréciation de la faute inexcusable de l’employeur,

– dire et juger qu’elle procédera au recouvrement de l’intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l’avance auprès de l’employeur (majoration de la rente, préjudices et frais d’expertise) directement auprès de l’employeur.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

L’employeur conclut à l’absence de faute inexcusable de sa part au motif qu’il ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié qui ne l’avait pas alerté d’un risque d’agression de la part du résident concerné, aucun autre signalement, notamment de la part du [12], n’ayant davantage été porté à sa connaissance préalablement à l’accident du travail. Il ajoute que le résident auteur de l’agression n’était pas connu pour des faits de violences commises envers le personnel de la structure de sorte que l’employeur ne pouvait avoir conscience d’un risque particulier d’agression de la part de ce dernier. L’employeur souligne à l’audience que le risque zéro n’existe pas et que la conscience du danger ne peut être appréciée de manière théorique.

Il conteste en tout état de cause avoir manqué à son obligation de sécurité, les violences potentielles des résidents ayant été identifiées, et prétend avoir mis en ‘uvre les mesures de prévention nécessaires, à savoir des actions de formation dans le domaine de la prévention des conflits, de la gestion de la violence, des mesures d’organisation du travail et d’aménagement des locaux pour renforcer la sécurité et une procédure spécifique en cas d’agression d’un salarié dans le [16] établi courant avril 2016. Et il précise que le salarié bénéficiait de l’expérience requise pour occuper le poste et qu’il travaillait de surcroît en équipe. Il connaissait par ailleurs les procédures en vigueur puisque titulaire d’un mandat de représentant du personnel.

L’association considère enfin que la seule réalisation du risque ne peut conduire à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

En réponse, M. [V] prétend que le risque qui s’est matérialisé avait été signalé à son employeur, tant par les représentants du personnel que par lui-même. Il estime que l’employeur, compte tenu de la spécificité de son emploi, aurait ou aurait dû avoir conscience du danger notoirement connu auquel il était exposé, ainsi que les autres salariés, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il se prévaut d’une présomption de faute inexcusable, tout en précisant que son employeur n’a mis aucune action de formation en place concernant les situations d’agression et que les différentes réunions institutionnelles ont eu lieu après sa première agression. Et il ajoute que l’employeur n’a mis en ‘uvre aucun procédure lors de son agression, hormis la proposition d’accompagnement pour le dépôt de plainte.

Il est constant que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis l’intéressé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit, pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, qu’elle en soit la cause nécessaire, alors même que d’autres facteurs ont pu concourir à la réalisation du dommage. L’employeur ne peut s’affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d’un contrat prévoyant qu’un tiers assurera cette sécurité.

De même, la faute éventuelle de la victime n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Sauf cas limitativement énumérés, la faute inexcusable ne se présume pas et il incombe au salarié ou à ses ayants droit de rapporter la preuve que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La conscience du danger exigée de l’employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci. En d’autres termes, il suffit de constater que l’auteur ne pouvait ignorer celui-ci ou ne pouvait pas ne pas en avoir conscience ou encore qu’il aurait dû en avoir conscience. Cette conscience s’apprécie au moment ou pendant la période de l’exposition au risque.

Pour que l’employeur puisse s’exonérer de la faute inexcusable, il ne suffit pas qu’il invoque les mesures prises pour protéger le salarié, encore faut-il qu’il ait pris les mesures nécessaires à la protection de l’intéressé.

Enfin, la reconnaissance de la faute inexcusable d’un employeur suppose préétablie l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

En l’espèce, l’accident du travail est survenu le 16 octobre 2017 alors que M. [V] tentait de séparer deux résidents. Il s’est fait mordre au bas-ventre par l’un d’eux.

Il est constant, comme le soutient l’association, que la seule réalisation du risque ne peut conduire à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et qu’elle ne pouvait spécialement prévoir que l’agresseur s’en prendrait à M. [V] le 16 octobre 2017, en le mordant au bas-ventre.

En outre, la question n’est pas de savoir si l’association a ou non respecté le règles relatives au temps de travail mais d’apprécier si elle avait ou aurait dû conscience d’un danger auquel était exposé M. [V] dans l’exercice de son activité professionnelle et si elle a pris les mesures nécessaires pour l’en protéger.

La cour précise encore que le salarié ne peut se prévaloir d’une présomption irréfragable de faute inexcusable, comme il prétend à tort, et qu’il lui revient de démontrer que cette faute est établie.

Pour autant, la cour considère que la conscience du danger est inhérente à l’objet même de l’association qui est d’accueillir des personnes vulnérables, un public en grandes difficultés, en l’occurrence des sans-abris, et au poste occupé par M. [V] qui a été engagé en qualité d’agent d’accueil et de surveillance. Cette première condition de la faute inexcusable est donc remplie, peu important que le salarié ne justifie pas avoir alerté son employeur à plusieurs reprises. Comme l’a relevé pertinemment le premier juge, l’association ne peut discuter sa connaissance du risque compte tenu des personnes accueillies. La spécificité de poste occupé par M. [V] induit également la connaissance du risque par l’employeur.

Concernant les mesures de prévention prises, l’association justifie d’un [16] établi en avril 2016, applicable au jour de l’accident litigieux, et prévoyant une procédure à tenir en cas d’agression. Ce document fixe des consignes au titre des procédures à suivre en cas de violences physiques ou verbales. Il s’agit donc de mesures à mettre en place après une agression et non de mesures préventives. A ce titre, le [16] prévoit des mesures d’accompagnement lesquelles ont bien été mises en ‘uvre au profit du salarié qui a été accompagné vers un hôpital et en vue d’un dépôt de plainte.

Au titre des actions de maîtrise du risque, le [16] mentionne des actions de formation de base pour le personnel, une analyse de la pratique mensuelle par un psychologue, le travail en équipe, des réunions de travail en équipe bi-hebdomadaires pour les salariés, ainsi qu’un travail sur les RPS avec le [12] et la direction. Or, les parties s’opposent sur la mise en ‘uvre effective de ces actions.

Ainsi, il revenait à l’association de recruter du personnel qualifié mais également d’assurer des formations de base (pièce 3-1), en sus de celles suivies dans le cadre des diplômes obtenus. Or, les formations qu’elle invoque, portant notamment sur le thème de la gestion de la violence, datent toutes de l’année 2018 et sont donc postérieures à l’accident du 16 octobre 2017. Et l’association ne justifie pas de formations suivies par M. [V] après son embauche et avant l’accident dont s’agit.

Concernant les réunions institutionnelles, l’association prétend en avoir organisé plusieurs sur la prévention des phénomènes de violence, notamment en janvier 2018, soit postérieurement à l’accident litigieux. Le salarié participait par ailleurs aux réunions de l’équipe. Cependant, aucune analyse de la pratique mensuelle par un psychologue n’a manifestement été instaurée par l’employeur, contrairement à ce que prévoyait le [16]. Et il importe peu à cet égard que M. [V], titulaire d’un mandat de représentant du personnel, n’ait pas formulé de demande à ce titre. Cette critique de l’association n’est pas pertinente.

Enfin, ce n’est qu’après l’accident du travail que l’employeur a pris des mesures d’organisation du travail et d’aménagement des locaux pour renforcer la sécurité (renforcement de l’équipe, talkies-walkies, augmentation du temps de présence des agents de sécurité, embauche d’un agent d’accueil supplémentaire, réunions hebdomadaires avec l’ensemble de l’équipe, ‘ – pièces 7, 10, 26 à 29 de l’association), ce qui traduit par ailleurs une lacune des mesures instaurées avant cet accident.

Il en résulte que l’employeur n’a pas mis en place les mesures nécessaires afin de protéger M. [V] du risque encouru, le fait que ce dernier « ne supportait plus le public qu’il accompagnait », qu’ « il n’était plus en capacité d’accompagner ce public » et qu’il « n’en pouvait plus psychologiquement d’être ainsi malmené par les passagers » étant sans emport. Il aurait au contraire dû amener l’employeur à prendre des mesures d’accompagnement à l’endroit du salarié.

En conséquence, la faute inexcusable est caractérisée, le jugement étant confirmé en ses dispositions en ce sens.

SUR LES CONSEQUENCES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

La majoration de la rente sera fixée au maximum, dans les conditions énoncées à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et suivra l’évolution du taux d’incapacité de la victime. Le jugement est confirmé sur ce point.

Il l’est également en ce qu’il a ordonné une mesure d’expertise selon les modalités énoncées au dispositif du jugement, afin d’évaluer l’ensemble des préjudices subis par la victime, soit les préjudices définis par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Il y a seulement lieu d’y ajouter l’évaluation du déficit fonctionnel permanent.

Le jugement sera aussi confirmé en ce qu’il a octroyé une provision de 2 000 euros à valoir sur l’indemnisation des préjudices personnels de M. [V].

Comme l’a retenu le tribunal, il résulte de l’article L. 452-3, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, que les frais de l’expertise ordonnée en vue de l’évaluation des chefs de préjudice sont avancés par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur (2e Civ., 8 novembre 2012, pourvoi n° 11-23.516,11-23.524, Bull. 2012, II, nº 182).

En outre, conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, en cas de faute inexcusable, la majoration de la rente d’accident du travail et les sommes dues en réparation des préjudices subis, y compris celles accordées à titre provisionnel, seront payées directement au bénéficiaire par la caisse, à charge pour celle-ci de récupérer, auprès de l’employeur, les compléments de rente et indemnités ainsi versés.

Enfin, vu les articles 561 et 562 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire pour la liquidation des préjudices du salarié qui n’a pas été tranchée par les premiers juges et ce, en vertu du principe de l’effet dévolutif de l’appel défini aux dispositions précitées, dès lors qu’il existe une indivisibilité entre la reconnaissance de la faute inexcusable et la liquidation des préjudices en résultant.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Il n’y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la [13], cette dernière étant dans la cause.

L’association, qui succombe, supportera les dépens d’appel et une indemnité au via de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf à compléter la mission d’expertise par l’évaluation du déficit fonctionnel permanent,

Ajoutant au jugement,

Ordonne un complément d’expertise, confié au :

Docteur [H] [M]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Tél:[XXXXXXXX01]

Mail: [Courriel 15]

avec mission d’évaluer le préjudice fonctionnel permanent de M. [V],

Dit que l’expert devra, en complément de son rapport d’expertise :

– indiquer si, après la consolidation, M. [V] conserve un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement,

– dans l’affirmative, en évaluer l’importance et en chiffrer le taux,

– dans l’hypothèse d’un état antérieur préciser en quoi la maladie professionnelle a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences,

Dit que la [11] devra consigner à la régie de la cour avant le 1er mai 2025 une provision de 1 000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert, et qu’à défaut la désignation de l’expert sera caduque,

Dit que les parties devront communiquer les pièces utiles à l’expert pour l’accomplissement de sa mission dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt,

Dit que l’expert devra communiquer ses conclusions aux parties dans un pré-rapport, leur impartir un délai pour présenter leurs observations, y répondre point par point dans un rapport définitif, et remettre son rapport au greffe et aux parties dans les quatre mois de sa saisine, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du juge chargé du contrôle des opérations d’expertise, et en adresser une copie aux conseils des parties,

Rappelle que si l’expert ne dépose pas son rapport dans le délai prévu au premier alinéa du présent article, il peut être dessaisi de sa mission par le président de la chambre à moins qu’en raison de difficultés particulières, il n’ait obtenu de prolongation de ce délai,

Dit que les frais de ce complément d’expertise seront avancés par la [11], qui en récupérera le montant auprès de l’employeur, l’association [18],

Désigne le président de la section D de la chambre sociale pour suivre les opérations d’expertise,

Dit qu’après dépôt du rapport d’expertise, M. [V] devra transmettre des conclusions écrites à la cour dans un délai de trois mois, l’association [18] ayant trois mois pour éventuellement y répondre, ainsi que la [14],

Radie dès à présent l’affaire du rôle des affaires en cours,

Dit n’y avoir lieu de déclarer l’arrêt à intervenir commun à la [11],

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’association [18] et la condamne à payer complémentairement en cause d’appel à M. [V] la somme de 1 500 euros,

Condamne l’association [18] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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