Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans un accident du travail.

·

·

Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans un accident du travail.

Obligation de sécurité de l’employeur

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés, conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation inclut des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, ainsi que l’adaptation des mesures en fonction des circonstances.

Faute inexcusable de l’employeur

La faute inexcusable de l’employeur est définie à l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. Elle est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il suffit que cette faute soit une cause nécessaire de l’accident pour engager la responsabilité de l’employeur.

Indemnisation en cas de faute inexcusable

En vertu de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la victime a droit à une majoration de sa rente d’accident du travail. De plus, l’article L. 452-3 du même code permet à la victime de demander la réparation de divers préjudices, y compris les souffrances physiques et morales, les préjudices esthétiques et d’agrément, ainsi que la perte de possibilités de promotion professionnelle.

Charge de la preuve

Il incombe au salarié ou à ses ayants droit d’établir la réalité de la conscience du danger et l’absence de mesures prises par l’employeur pour protéger le salarié. La preuve peut être apportée par des documents tels que des procès-verbaux de comités d’hygiène et de sécurité, qui peuvent établir les circonstances de l’accident et la négligence de l’employeur.

Expertise judiciaire

L’expertise judiciaire est ordonnée pour évaluer les préjudices subis par la victime, conformément aux dispositions du Code de procédure civile. Cette expertise doit permettre d’évaluer les différents postes de préjudice, y compris le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice moral, le préjudice d’agrément, et d’autres préjudices spécifiques liés à l’accident.

L’Essentiel : L’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, en prenant des mesures de prévention et d’information. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur a conscience du danger et n’agit pas. En cas de reconnaissance de cette faute, la victime peut obtenir une majoration de sa rente et demander réparation pour divers préjudices. La charge de la preuve incombe au salarié, qui peut utiliser des documents pour établir la négligence de l’employeur. L’expertise judiciaire évalue les préjudices subis.
Résumé de l’affaire : Une ouvrière de fabrication a été engagée par une société en contrat à durée indéterminée. Le 18 février 2016, elle a subi un accident du travail en tentant de protéger une collègue lors de la chute de palettes, entraînant plusieurs blessures. Après cet incident, une déclaration d’accident a été faite et l’ouvrière a été placée en arrêt de travail. Des examens médicaux ultérieurs ont révélé des lésions supplémentaires, et un taux d’incapacité permanente de 25 % a été établi.

Le 9 décembre 2022, l’ouvrière a saisi le tribunal judiciaire de Lille pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, qu’elle tenait responsable de son accident. Le tribunal a statué le 21 décembre 2023, confirmant la faute inexcusable de l’employeur et ordonnant une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par l’ouvrière.

L’employeur a interjeté appel le 29 janvier 2024, contestant la décision et demandant à la cour d’infirmer le jugement. Il a soutenu que l’accident n’était pas dû à une faute inexcusable et a demandé le déboutement de l’ouvrière. En réponse, l’ouvrière a demandé la confirmation du jugement initial, la majoration de sa rente d’accident du travail, et a chiffré ses préjudices.

La caisse primaire d’assurance maladie a également demandé à la cour de statuer sur les frais d’expertise et le remboursement des sommes avancées. La cour a examiné les éléments de preuve, notamment les rapports de sécurité, et a conclu que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, confirmant ainsi la faute inexcusable. Elle a ordonné la majoration de la rente et a désigné un expert pour évaluer les préjudices, tout en condamnant l’employeur aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la faute inexcusable de l’employeur ?

La faute inexcusable de l’employeur est définie par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, qui stipule que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers son salarié.

Cette obligation implique que l’employeur doit avoir conscience du danger auquel le salarié est exposé et doit prendre les mesures nécessaires pour le protéger.

Il incombe au salarié ou à ses ayants droit de prouver la conscience du danger et l’absence de mesures de sécurité.

Il est indifférent que la faute de l’employeur soit la cause déterminante de l’accident, il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour engager sa responsabilité.

Quel est le rôle de l’article L. 4121-1 du code du travail dans cette affaire ?

L’article L. 4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures doivent inclure des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, ainsi qu’une organisation adaptée.

L’employeur doit également veiller à l’adaptation de ces mesures en fonction des changements de circonstances.

Dans cette affaire, l’absence de mesures de sécurité adéquates a été mise en avant pour établir la faute inexcusable de l’employeur.

Quel est le processus d’expertise judiciaire dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable ?

Le tribunal judiciaire a ordonné une expertise judiciaire pour évaluer les préjudices subis par la victime, conformément à la décision de première instance.

L’expert désigné doit examiner divers aspects, tels que le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, et les préjudices esthétiques et d’agrément.

L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale précise que la victime a le droit de demander réparation pour les préjudices causés par les souffrances physiques et morales.

L’expertise doit être réalisée dans un délai déterminé, et l’expert doit rendre compte de ses conclusions aux parties.

Quel est l’impact de la reconnaissance de la faute inexcusable sur la rente d’accident du travail ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur entraîne le droit pour la victime à une indemnisation complémentaire, comme le stipule l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Cela inclut la majoration de la rente, prévue par l’article L. 452-2, qui doit être accordée au taux maximum lorsque la faute inexcusable est établie.

La victime peut également demander réparation pour divers préjudices, y compris les souffrances physiques et morales, conformément à l’article L. 452-3.

Quel est le rôle de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais irrépétibles engagés dans le cadre d’une instance.

Dans cette affaire, la cour a décidé d’allouer une somme à la victime pour couvrir ses frais, considérant qu’il serait inéquitable de lui laisser l’intégralité des frais à sa charge.

La société, qui a succombé dans ses prétentions, a été déboutée de sa demande fondée sur cet article et condamnée aux dépens, conformément à l’article 696 du même code.

ARRET

S.A.S. [7]

C/

[B] [U]

Organisme CPAM DE LA COTE D’OPALE

CCC adressées à :

-SAS [7]

-MME [B] [U]

-CPAM DE LA COTE D’OPALE

-Me CAMIER

-Me LACROIX-GIRARD

-Me BROUWER

Copies exécutoires délivrées à :

-Me BROUWER

-CPAM DE LA COTE D’OPALE

Le 2 AVRIL 2025

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 02 AVRIL 2025

*************************************************************

N° RG 24/00564 – N° Portalis DBV4-V-B7I-I7QU – N° registre 1ère instance : 22/02139

Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lille en date du 21 décembre 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. [7], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 101 substituée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d’AMIENS

Représentée et plaidant par Me Sidonie LACROIX-GIRARD de la SELARL AKLEA, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Anne-sophie TOURRET ROUX, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

Madame [N] [B] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Comparante, assistée de Me David BROUWER de la SCP MOUGEL – BROUWER – HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE substitué par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE

Organisme CPAM DE LA COTE D’OPALE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée et plaidant par Monsieur [K] [F], dûment mandaté

DEBATS :

A l’audience publique du 09 Janvier 2025 devant M. Pascal HAMON, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 Avril 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Diane VIDECOQ-TYRAN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 02 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

*

* *

DECISION

Mme [N] [B] [U] a été engagée en qualité d’ouvrière de fabrication par la société [7] suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 03 juillet 2012.

Le 18 février 2016, Mme [B] [U] était victime d’un accident du travail. Alors qu’elle et sa collègue avaient pour mission de désengorger le quai d’approvisionnement à l’aide d’un transpalette électrique, la manutention de ces palettes a entrainé la chute de la pile de celles-ci. Mme [B] [U] a intercepté des palettes qui chutaient afin de protéger sa collègue de travail provoquant chez elle une contracture musculaire paravertébrale gauche, une tendinopathie aigue de l’épaule gauche, ainsi qu’une contusion au pied gauche.

Une déclaration d’accident du travail a été rédigée et Mme [B] [U] a été placée en arrêt de travail.

Le 14 mars 2016, une lésion nouvelle était mise en évidence par le Docteur [Z], à savoir une névralgie D5 gauche, une sciatique SI gauche ainsi qu’un décollement vitré OD.

Une lésion nouvelle était établie dans un certificat médical en date du 13 janvier 2017 :

« Cervicalgie et souffrance dorso lombaire, suite avis chirurgien précise contracture trapèze Gauche et déchirure deltoïde à Gauche ».

Un taux d’incapacité permanente a été fixé à 25 % dont 5 % pour le taux professionnel.

Le 09 décembre 2022, Mme [B] [U] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son employeur à l’origine, selon elle, de son accident du travail.

Par jugement en date du 21 décembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille a rendu la décision suivante :

– dit que l’accident du travail subi par Mme [N] [B] [U] le 18 février 2016 est dû à la faute inexcusable de l’employeur,

– fixe au maximum la majoration de la rente versée à Mme [N] [B] [U],

– dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité en cas d’aggravation de l’état de santé de Mme [N] [B] [U] dans les limites des plafonds de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale,

– ordonne, avant dire droit sur les demandes d’indemnisation des préjudices de Mme [N] [B] [U] une expertise médicale judiciaire,

commet pour y procéder le docteur [P] [E] [Adresse 1] avec pour mission de :

– convoquer Mme [N] [B] [U]

– prendre connaissance de tous les éléments utiles et notamment les éléments du dossier médical de l’assuré, – évaluer le (les) :

déficit fonctionnel temporaire (DFT) : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, préciser la durée des périodes d’incapacité totale ou partielle et le taux ou la classe (de 1 à 4) de celle-ci ;

préjudice de tierce personne : dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l’assistance d’une tierce personne et si oui s’il s’est agi d’une assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) ou si elle a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne en indiquer la nature et la durée quotidienne ;

souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer dans une échelle de 1 à 7 ; déficit fonctionnel permanent (DFP) : indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ; évaluer l’altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques, en chiffrant le taux propre à ce poste de préjudice (DFP) distinct du taux d’IPP évalué par la C.P.A.M. portant uniquement sur la rente et sa majoration :

décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l’accident et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel médicalement imputable à l’accident, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel global actuel du blessé, tous éléments confondus, état antérieur inclus. Si un barème a été utilisé, préciser lequel ;

dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu. Au cas où elles ne l’auraient pas été, compte tenu du barème médico-légal utilisé, majorer ledit taux en considération de l’impact de ces douleurs sur les fonctions physiologiques, sensorielles, mentales et psychiques de la victime ; – décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie de la victime ;

préjudice esthétique : donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 les préjudices temporaires et définitifs ;

préjudice d’agrément : donner tous éléments médicaux permettant d’apprécier la réalité et l’étendue du préjudice d’agrément résultant de l’impossibilité pour la victime, du fait des séquelles, de pratiquer régulièrement une ou plusieurs activités spécifiques sportives ou de loisirs, antérieures à la maladie ou à l’accident ;

préjudice sexuel : donner un avis sur l’existence, la nature et l’étendue d’un éventuel préjudice sexuel ;

préjudice de perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle : tous éléments médicaux permettant d’apprécier la réalité et l’étendue du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

– faire toute observations utiles ;

– établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission ;

– dit que dans le cadre de sa mission, l’expert désigné pourra s’entourer, à sa demande, d’un à cinq sapiteurs de son choix ;

dit que l’expert devra donner connaissance de ses premières conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qui leur aura été imparti mais ne saurait être inférieur à un mois, avant d’établir son rapport définitif ;

dit que le suivi de la mesure d’instruction et les décisions sur les éventuels incidents seront assurés par le magistrat ayant ordonné la mesure ;

dit que l’expert adressera son rapport en quatre exemplaires au greffe du pôle social, situé au tribunal judiciaire de Lille, avenue du Peuple Belge à Lille, dans un délai de six mois après réception de la mission ;

dit que le rapport d’expertise dès réception sera adressé aux parties par le greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Lille

dit que les frais d’expertise seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie qui pourra en récupérer le montant auprès de la société employeur, au titre des dépens.

Par déclaration d’appel du 29 janvier 2024, la société a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions visées par le greffe le 9 janvier 2025 et soutenues oralement à l’audience, la société [7] demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal de Lille

et statuant à nouveau

à titre principal :

juger que l’accident du travail de Mme [B] [U] du 18 février 2016 n’est pas dû à sa faute inexcusable ;

débouter Mme [B] [U] de l’ensemble de ses demandes.

à titre infiniment subsidiaire si la cour confirme le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu’il a dit que l’accident du travail était dû à la faute inexcusable de l’employeur :

renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Dunkerque afin qu’il soit statué sur les demandes d’indemnisation des préjudices de Mme [B] [U]

ordonner et limiter la prise en compte de l’expertise judiciaire aux seuls préjudices sollicités par Mme [B] [U], à savoir :

Déficit fonctionnel temporaire ;

Préjudice moral ;

Préjudice d’agrément ;

Assistance par tierce personne ;

Préjudice sexuel ;

Incapacité permanente partielle.

À titre infiniment subsidiaire dans l’hypothèse où la cour déciderait d’évoquer les demandes d’indemnisation des préjudices :

limiter la prise en compte de l’expertise judiciaire aux seuls préjudices sollicités par Mme [B] [U],

débouter Mme [B] [U] de ses demandes, fins et prétentions au titre de l’indemnisation des préjudices suivants :

Déficit fonctionnel temporaire ;

Préjudice moral ;

Préjudice d’agrément ;

Assistance par tierce personne ;

Préjudice sexuel ;

Incapacité permanente partielle.

En tout état de cause

débouter Mme [B] [U] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

condamner Mme [B] [U] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [B] [U] aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 9 janvier 2025 et soutenues oralement à l’audience, Mme [U] demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille en date du 21 décembre 2023 en ce qu’il a dit que l’accident du travail subi le 18 février 2016 est la conséquence de la faute inexcusable de l’employeur ;

ordonner la majoration de la rente d’accident du travail à son taux maximum ;

ordonner avant dire droit sur les demandes d’indemnisation des préjudices de celle-ci une expertise judiciaire médicale confiée au Docteur [P] [E] ;

fixer comme suit les préjudices subis par elle dans l’hypothèse où la Cour déciderait de faire usage de son pouvoir d’évocation :

10 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

10 000 euros au titre du préjudice moral ;

10 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;

5 000 euros au titre de l’assistance par tierce personne ;

10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

62 500 euros à titre d’indemnité pour l’incapacité permanente partielle

Dire et juger celle-ci recevable et bien fondée en ses demandes ;

Constater que l’accident du travail subi le 18 février 2016 est la conséquence de la faute inexcusable de l’employeur ;

Ordonner la majoration de la rente d’accident du travail à son maximum ;

Condamner [7] à lui verser la somme de 3 000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions visées par le greffe le 9 janvier 2025 auxquelles elle se rapporte, la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale (ci-après la CPAM ou caisse) demande à la cour de :

lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable, sur la majoration de la rente et sur la fixation des préjudices,

condamner la société [7], à régler les frais de l’expertise nécessaire à l’évaluation des préjudices, si celle-ci est ordonnée,

condamner, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, la société [7], à rembourser à celle-ci le montant toutes les sommes dont elle aura à faire l’avance.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

Motifs

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité et le manquement à cette obligation à le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

L’article L.4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, et que l’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Il incombe au salarié ou à ses ayants droit d’établir de manière circonstanciée la réalité de la conscience du danger auquel l’employeur l’exposait et l’absence de mesure prise pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

La société conteste la requête de Mme [B] [U] qui selon elle ne repose que sur de simples allégations, celle-ci n’apportant aucun élément de nature à prouver que la société aurait manqué à son obligation légale de sécurité, qu’elle aurait eu conscience du danger et qu’elle n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La société relève par ailleurs qu’en fonction des déclarations il est fait état de palettes ou de caisses, mettant en doute la caractérisation de l’accident et ses circonstances.

Mme [B] [U] reproche à la société [7] de ne pas avoir sécurisé les locaux de travail. Le compte-rendu de déclaration d’accident du travail indique que les palettes étaient mal positionnées et sur une trop grande hauteur. Afin de supprimer les risques liés à la prise et pose des palettes, il incombait à l’employeur de limiter la hauteur d’entreposage des palettes, et d’organiser une évacuation continue de cette zone afin d’éviter un engorgement excessif des quais.

Aucune mesure n’a été prise en ce sens par la société [7]. Elle souligne que l’employeur a organisé cette mission de désengorgement du quai sans mesure particulière.

En l’espèce la cour relève que le procès-verbal du comité d’hygiène et de sécurité établi à l’issue de l’accident fait état d’une chute de palettes qui se trouvaient être mal positionnées et sur une trop grande hauteur. Ce document établi hors la présence de Mme [B] [U] et de sa collègue retient une chute de palettes, il précise les causes de l’accident à savoir une pile instable qui s’écroule lors de la manipulation de celle-ci. Au regard de ces éléments les circonstances de l’accident sont donc parfaitement établies par le rapport du comité d’hygiène et de sécurité.

Sur la conscience du danger,

Le procès-verbal du comité d’hygiène et de sécurité relève que les palettes étaient mal positionnées sur une trop grande hauteur. Dans ces conditions, un dispositif sur une hauteur excessive se révèle par nature instable et la société ne peut nier ne pas avoir eu conscience des dangers liés à un tel stockage.

Sur les mesures de sécurité

La cour constate que le compte rendu du comité d’hygiène et de sécurité, qui fait état de la nécessité d’assurer des marquages sur les murs pour réduire la hauteur pile de palettes, montre bien que l’empilement de celles-ci ne répondait à aucune mesure particulière permettant d’assurer la sécurité des salariés. De la même manière, le transpalette fournie aux salariés avec une hauteur de levage limitée n’était pas conçu permettre un travail sécurisé, ne permettant pas d’atteindre et de dégager le sommet de la pile. La société se prévaut de la formation de ses salariés à ce type d’activité, cependant, ces formations s’intègrent dans un cadre de travail normal ce qui n’est pas le cas en l’espèce avec des piles de palettes en hauteur et instables.

Enfin, il appartient à l’employeur de limiter la hauteur des entreposages de palettes et d’organiser une évacuation continue de cette zone afin d’éviter un engorgement excessif et dangereux des quais.

L’ensemble de ces éléments comme l’ont fait remarquer justement les premiers juges démontre que la zone de stockage dans laquelle ont évolué les deux salariées présentaient des risques importants sans que la société ait pris les mesures adaptées à ceux-ci.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la faute inexcusable de la société doit être retenue et le jugement déféré confirmé sur ce point.

Sur la demande de majoration de la rente

Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la victime ou ses ayants droits ont droit à une indemnisation complémentaire. (code de la sécurité sociale, article L.452-1)

Il s’agit de la majoration de la rente (code de la sécurité sociale, article L.452-2).

L’article L.452-3 du code de la sécurité sociale dispose que : « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la discrimination de ses possibilités de promotion professionnelle ».

Mme [B] [U] sollicite la majoration au taux maximum de la rente.

La faute inexcusable de l’entreprise étend reconnue, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur l’expertise ordonnée en première instance

Le tribunal judiciaire de Lille a sursis à statuer sur l’indemnisation des postes de préjudices sollicités par Mme [B] [U] dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et ordonné qu’une expertise judiciaire soit confiée au docteur [P] [E].

Mme [B] [U] entend solliciter la confirmation du jugement en ce qu’il a désigné le docteur [P] [E], es qualité d’expert, ainsi que la confirmation de la mission qui lui a été confiée.

La faute inexcusable de l’entreprise étant reconnue, il y a lieu de confirmer le jugement déféré y compris en ce qui concerne l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale.

Sur l’article 700 et sur les dépens

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] [U] l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager dans la présente instance. Il lui sera allouée la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société [7] qui succombe en ses prétentions, est déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, et condamnée au paiement des dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par un arrêt rendu par mise à disposition greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Déboute la société [7] de l’ensemble de ses demandes,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées,

Condamne la société [7] aux dépens de l’instance d’appel,

Condamne la société [7] à payer à la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon