Compétence du juge des référésLe juge des référés est compétent pour statuer sur les demandes de provision ad litem, même en présence d’une contestation sérieuse, conformément à l’article 835 du Code de procédure civile. Cet article stipule que le président du tribunal judiciaire peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, et accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Conditions d’octroi d’une provision ad litemLa demande de provision ad litem doit être appréciée in concreto, en tenant compte de l’existence de contestations sérieuses relatives à l’obligation d’indemnisation. L’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile précise que le juge peut accorder une provision lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, permettant ainsi à la partie demanderesse de poursuivre son action. Obligation d’indemnisationL’obligation d’indemniser, qui découle de la responsabilité des parties dans le cadre des désordres constatés, doit être considérée comme non sérieusement contestable lorsque des éléments probants, tels que des rapports d’expertise, établissent des responsabilités claires. Le rapport d’expertise peut indiquer des défauts de construction ou d’entretien, engageant ainsi la responsabilité des différents intervenants. Urgence et impécuniositéL’urgence à obtenir une provision peut être justifiée par la situation financière de la partie demanderesse, qui doit démontrer son incapacité à faire face aux frais de procédure. L’article 808 du Code de procédure civile permet d’accorder une provision pour garantir la poursuite de la procédure, en tenant compte de l’urgence et de l’impécuniosité de la partie. Répartition des responsabilitésLa répartition des responsabilités entre les parties ne doit pas être tranchée par le juge des référés, qui se limite à apprécier la demande de provision. La détermination des responsabilités et des obligations d’indemnisation relève de la compétence du juge du fond, qui examinera l’ensemble des éléments de preuve et les arguments des parties. Frais irrépétibles et dépensConformément à l’article 700 du Code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à verser une indemnité à l’autre partie pour couvrir les frais irrépétibles. Les dépens, quant à eux, sont à la charge de la partie perdante, selon les dispositions de l’article 696 du même code. |
L’Essentiel : Le juge des référés est compétent pour statuer sur les demandes de provision ad litem, même en présence d’une contestation sérieuse. La demande doit être appréciée in concreto, tenant compte des contestations relatives à l’obligation d’indemnisation. L’obligation d’indemniser est considérée comme non sérieusement contestable lorsque des éléments probants établissent des responsabilités claires. L’urgence à obtenir une provision peut être justifiée par la situation financière de la partie demanderesse, qui doit démontrer son incapacité à faire face aux frais de procédure.
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Résumé de l’affaire : Dans le cadre d’un projet de réhabilitation d’une école en logements, la société maître d’ouvrage a acquis des locaux en 2012. Les travaux, dirigés par un cabinet d’architecte, ont été réalisés par une entreprise de construction, avec une assurance décennale souscrite. Cependant, des désordres sont apparus, notamment l’effondrement d’un mur d’enceinte en 2018, entraînant des fissures et lézardes sur les terrasses des logements. Le syndic de la copropriété a signalé ces problèmes à une compagnie d’assurance, mais la garantie catastrophe naturelle n’a pas été retenue.
Un expert a été désigné pour évaluer les responsabilités des différents intervenants, incluant le maître d’ouvrage, l’architecte, l’entreprise de construction et l’assureur. Un rapport partiel a été déposé, indiquant la nécessité d’une consignation complémentaire pour finaliser l’expertise. Le syndic a alors assigné les parties devant le juge des référés, demandant une provision pour couvrir les frais de procédure. Les défendeurs ont contesté la compétence du juge des référés, arguant que les responsabilités n’étaient pas encore établies et que le juge du fond devait trancher. Le juge des référés a initialement rejeté la demande de provision, estimant que l’obligation d’indemnisation n’était pas sérieusement contestable. Cependant, le syndic a interjeté appel, soutenant l’urgence de la situation et l’impécuniosité de la copropriété. La cour d’appel a finalement infirmé l’ordonnance initiale, reconnaissant la compétence du juge des référés pour statuer sur la provision ad litem. Elle a condamné solidairement les parties à verser la somme demandée pour permettre la poursuite des opérations d’expertise, tout en statuant sur les frais de procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la demande de provision ad litem formulée par le syndic de la copropriété ?La demande de provision ad litem est fondée sur l’article 835 du code de procédure civile, qui stipule que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » Cet article permet au juge des référés d’accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il est également précisé dans l’article 809, alinéa 2, que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » Ainsi, le syndic de la copropriété a justifié sa demande de provision en mettant en avant l’urgence de la situation et l’impécuniosité de la copropriété, ce qui a été reconnu par le juge des référés. Quel est le rôle du juge des référés dans le cadre de la demande de provision ?Le juge des référés a pour rôle d’examiner la demande de provision ad litem en se basant sur l’article 835 du code de procédure civile, qui lui confère la compétence de prescrire des mesures conservatoires. Il doit évaluer si l’existence de l’obligation d’indemnisation est sérieusement contestable. Si ce n’est pas le cas, il peut accorder une provision pour permettre à la partie demanderesse de faire face aux frais de procédure. Le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige, mais sur l’urgence et la nécessité de garantir le bon déroulement de la procédure. Il doit également prendre en compte les éléments de preuve fournis, comme le rapport d’expertise, pour déterminer si la demande de provision est justifiée. En l’espèce, le juge a reconnu que les désordres constatés et l’urgence de la situation justifiaient l’octroi d’une provision. Quel impact a eu le rapport d’expertise sur la décision du juge des référés ?Le rapport d’expertise a eu un impact significatif sur la décision du juge des référés. Selon l’article 280, alinéa 2, du code de procédure civile, « en cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligences faites ou à venir, l’expert en fait sans délai rapport au juge, qui, s’il y a lieu, ordonne la consignation d’une provision complémentaire. » Le rapport définitif partiel déposé par l’expert a mis en lumière l’existence de plusieurs désordres et a précisé les responsabilités potentielles des différentes parties. Bien que le rapport ait conclu à un possible engagement de responsabilité, le juge a souligné que ces conclusions ne suffisaient pas à établir une obligation non sérieusement contestable. Ainsi, le rapport a permis de justifier la demande de provision, mais n’a pas été suffisant pour établir de manière définitive les responsabilités, ce qui a conduit le juge à statuer en faveur de l’octroi de la provision demandée. Quel est le principe de l’obligation non sérieusement contestable dans le cadre de la procédure ?L’obligation non sérieusement contestable est un principe fondamental dans le cadre de la procédure civile, notamment en matière de demande de provision. Selon l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, « lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge peut accorder une provision au créancier. » Ce principe implique que la partie demanderesse doit démontrer que son droit à indemnisation est évident et ne fait pas l’objet de contestations sérieuses. Dans le cas présent, bien que le rapport d’expertise ait relevé des désordres et des responsabilités potentielles, le juge a estimé que les parties n’avaient pas encore eu l’occasion d’échanger tous leurs arguments, ce qui a conduit à la conclusion que l’obligation d’indemniser n’était pas encore établie de manière définitive. Ainsi, le juge a statué sur la base de l’urgence et de la nécessité de permettre la poursuite de la procédure, tout en reconnaissant que les responsabilités de chaque partie devaient être tranchées par le juge du fond. Quel est le rôle des mesures conservatoires dans cette affaire ?Les mesures conservatoires jouent un rôle crucial dans cette affaire, car elles visent à prévenir un dommage imminent ou à faire cesser un trouble manifestement illicite. L’article 835 du code de procédure civile précise que le juge des référés peut prescrire de telles mesures, même en présence d’une contestation sérieuse. Dans le contexte de cette affaire, le syndic de la copropriété a fait valoir que des mesures conservatoires étaient nécessaires en raison de l’effondrement partiel du mur d’enceinte et des désordres constatés sur les terrasses. Ces mesures ont été prises en charge par la municipalité, ce qui a également été un élément déterminant pour justifier l’urgence de la demande de provision. Le juge a reconnu que l’urgence était établie, notamment en raison des arrêtés de péril déjà mis en œuvre, et a ainsi accordé la provision pour permettre la poursuite des opérations d’expertise et la réalisation des travaux nécessaires. Les mesures conservatoires sont donc essentielles pour garantir la sécurité des occupants et la préservation des biens en attendant la résolution du litige. |
N° RG 24/01657 – N° Portalis DBV5-V-B7I-HCWW
Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBIL IER DENOMME RESIDENCE [12]
C/
S.A.R.L. MPC
S.A.R.L. L. C. ARCHITECTURE
S.A.R.L. MATHIEU RENOV
S.A. MMA IARD SA
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 11 MARS 2025
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/01657 – N° Portalis DBV5-V-B7I-HCWW
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 01 juillet 2024 rendue par le Président du TJ des SABLES D’OLONNE.
APPELANTE :
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER DENOMME RESIDENCE [12]
[Adresse 10]
[Localité 13]
ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Emilie RAYNAUD, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON
INTIMEES :
S.A.R.L. MPC
[Adresse 5]
[Localité 9]
ayant pour avocat Me Yves-noël GENTY de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE
L. C. ARCHITECTURE
[Adresse 4]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
S.A. MMA IARD SA
[Adresse 3]
[Localité 7]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme DORA de la SELARL ARMEN, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE et pour avocat plaidant Me Patricia ROY-THERMES, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. MATHIEU RENOV représentée par son liquidateur M. [M] [X]
[Adresse 14]
[Localité 8]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 30 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller qui a fait le rapport
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Réputé contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans le cadre d’un projet de réhabilitation de l’école [15] sise à [Localité 13], en 7 logements individuels dans un ensemble en copropriété, la société MPC, maître de l’ouvrage, s’est portée acquéreur des locaux sis [Adresse 11] à [Localité 13], cadastrés AP [Cadastre 1] et AP [Cadastre 2], suivant acte authentique en date du 16 avril 2012.
Le permis de construire, valant permis de démolir, a été accordé le 13 février 2012.
L’ouverture du chantier a été déclarée le 20 avril 2012 et a fait l’objet d’une attestation d’achèvement de travaux le 15 juin 2012.
Les travaux ont été réalisés sous la direction du cabinet d’architecte LC ARCHITECTURE, représenté par Mme [Z] [B], maître d’oeuvre.
L’EARL MATHIEU RENOV est également intervenue en qualité de sous-traitant de la société MPC, pour les travaux de gros oeuvre, couverture et zinguerie. Son assurance responsabilité décennale est garantie par la société MMA IARD sous contrat n°125871321.
Les terrasses de plusieurs logements ont été édifiées le long du Chemin de Ronde du château de [Localité 13].
Initialement prévues en bois, elles ont été construites en béton, par l’entreprise MATHIEU RENOV.
Les différents lots composant cette résidence ont tous été commercialisés.
Aucune police d’assurance dommage-ouvrage n’a été souscrite
La société SQUARE HABITAT a été nommée syndic de la copropriété.
En janvier 2018, une partie du mur d’enceinte du château, auquel sont adossées les terrasses, s’est effondrée.
Les copropriétaires ont signalé l’apparition de multiples désordres, en ce compris l’apparition de lézardes et fissures entre leurs maisons ainsi que sur les terrasses, et le syndic a fait une déclaration de sinistre auprès de la compagnie ALLIANZ, qui a mandaté un expert amiable lequel a estimé que la garantie catastrophe naturelle ne pouvait s’appliquer faute d’arrêté pris en ce sens par la commune.
Par ordonnance de référé du 20 juillet 2020, le président du tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE a désigné Mme [G] en qualité d’expert dans un litige opposant la société SQUARE HABITAT, syndic de la copropriété « LE [12] » à diverses parties intervenues lors de travaux de réhabilitation de l’ancienne école en 7 lots formant ladite copropriété : MPC, LC architecture, Mathieu Renov et MMA IARD.
Il était en effet acté à la procédure qu’une partie du mur d’enceinte du château jouxtant les parcelles concernées, et soutenant les terrasses des habitations, était en cours d’effondrement.
Une extension de la mesure a été décidée par ordonnance du 25 avril 2022 à M. [V], précédent copropriétaire du lot numéro 1.
L’expert a déposé un rapport définitif partiel le 29 juin 2023 en indiquant qu’une consignation complémentaire d’un montant d’environ 50 000 euros serait nécessaire pour finaliser la phase de conception et chiffrage des travaux de reprise.
C’est dans ce cadre que le syndic de la copropriété LE [12] a fait assigner, par actes de commissaires de justice des 26 janvier et 14 février 2024 les sociétés MMA, LC Architecture, MPC et Mathieu Renov devant le juge des référés du tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE pour les entendre condamner à lui verser une provision ad litem de 49 528 euros pour couvrir les frais de procédure, outre 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le syndic de la copropriété LE [12] a fait valoir les conclusions de l’expertise judiciaire dans le rapport définitif partiel déposé en juin 2023, mettant en exergue les responsabilités des défenderesses. Il a ajouté que sa situation financière ne lui permettait pas d’absorber les frais engendrés par la procédure, rappelant que les mesures conservatoires urgentes avaient dû être réalisées aux frais avancés de la mairie.
Il a contesté l’incompétence du juge des référés, rappelant les conditions d’intervention de celui-ci dans le cadre de l’allocation de provisions ad litem, le juge chargé du contrôle des expertises n’étant d’ailleurs et en l’état pas saisi d’une demande de provision complémentaire.
La société LC ARCHITECTURE a soulevé l’incompétence du juge des référés au motif qu’il appartenait au juge chargé du contrôle des expertises de désigner le consignataire dans le cadre d’une provision pour expertise.
Elle a par ailleurs soulevé l’existence de contestations sérieuses s’opposant à la demande de provision, l’octroi de celle-ci nécessitant pour le juge des référés de venir trancher les responsabilités dans les désordres constatés alors même que l’expertise était toujours en cours. Elle a rappelé qu’il incombait aux co-propriétaires de financer les charges relatives à leurs biens, dont celles des mesures conservatoires et judiciaires mises en oeuvre.
A titre subsidiaire elle a demandé en cas de condamnation à être garantie par ses co-défendeurs et a sollicité le versement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.
La société MMA s’est opposée aux demandes, invoquant la compétence exclusive du juge chargé du contrôle des expertises pour venir fixer une consignation complémentaire, et le juge des référés ne pouvant par ailleurs faire supporter ladite consignation à une autre partie en allouant une provision au bénéfice de l’obligé. Elle a également demandé la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société MPC a également conclu au rejet des demandes, rappelant que le juge des référés ne pouvait venir préjuger des responsabilités des parties, non encore démontrées et tranchées. Il a prétendu à la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
Enfin, la société Mathieu RENOV n’a pas comparu.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 1er juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE a statué comme suit :
‘Tous droits et moyens des parties étant réservés ;
– REJETONS la demande du syndic de la copropriété « Le [12]» aux fins d’obtenir le versement d’une provision ;
– DÉBOUTONS les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
– LAISSONS à chacune des parties la charge de ses propres dépens’.
Le premier juge a notamment retenu que :
– si le juge chargé du contrôle des expertises est effectivement compétent pour venir fixer le montant d’une consignation complémentaire et le débiteur de celle-ci, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés puisse se prononcer sur l’octroi d’une provision ad litem visant à financer ladite consignation. Il s’agit de deux demandes portant sur des objets distincts.
– il est loisible au juge des référés sur le fondement des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, d’accorder à une partie une avance sur ses frais de procédure, ce pour lui permettre d’entamer son action et faire valoir ses droits.
– les difficultés financières du syndic et des copropriétaires pour faire face aux frais induits par la procédure en cours ne sauraient être contestés, au regard de la prise en charge exceptionnelle par la municipalité de frais liés à des mesures conservatoires. L’urgence peut également être considérée comme établie au regard des arrêtés de péril déjà mis en oeuvre.
– la difficulté réside dans l’analyse de l’obligation qui fonderait cette demande : il s’agirait de celle pesant sur les défendeurs d’indemniser la demanderesse pour les préjudices résultant d’une mauvaise exécution par eux des travaux.
si le rapport d’expertise définitif partiel conclut de fait au possible engagement de cette responsabilité, de manière différenciée en fonction des défendeurs, ces seules conclusions ne sauraient permettre de considérer l’existence d’une obligation non sérieusement contestable. Les parties n’ont de fait pas encore pu échanger l’ensemble de leurs arguments, ni les soumettre à un juge du fond, le rapport de l’expert ne constituant qu’un des éléments de preuve soumis à son analyse. En venant s’appuyer sur ce rapport pour en déduire l’existence de la responsabilité des défendeurs et leur obligation d’indemnisation, le juge des référés outrepasserait ses compétences.
LA COUR
Vu l’appel en date du 22/07/2024 interjeté par le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12]
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 28/10/2024, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12] a présenté les demandes suivantes:
‘u l’article 835 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence applicable,
Vu les éléments de la cause,
Vu l’ordonnance dont appel,
Vu la mesure d’expertise judiciaire confiée à Mme [G] suivant ordonnance présidentielle du 20 juillet 2020,
Vu la demande de consignation complémentaire à intervenir,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le rapport définitif partiel de Mme [G],
Vu l’obligation non sérieusement contestable,
Vu les appels incidents des sociétés MMA IARD et MPC, et LC ARCHITECTURE
Sur le Fond :
Réformer l’ordonnance dont appel du 1er juillet 2024, en ce qu’elle a,
Rejeté la demande du Syndic de copropriété LE [12] tendant à obtenir une provision,
ET débouté le même de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Et statuant à nouveau :
Condamner solidairement la société MPC, la société LC ARCHITECTURE, la S.A.R.L. MATHIEU RENOV, et la société MMA IARD à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence LE [12], la somme de 49 528 euros T.T.C., afin de préfinancer le montant de la consignation complémentaire qui sera sollicitée par Mme [G] pour achever les termes de sa mission expertale.
En toutes hypothèses,
Condamner solidairement les mêmes à lui verser une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Subsidiairement,
Débouter les sociétés MPC, MMA IARD et LC ARCHITECTURE de leur demande de condamnation, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens’.
A l’appui de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12] soutient notamment que :
– les opérations d’expertise sont toujours en cours, compte tenu de la complexité et de la gravité des désordres, même si un rapport définitif partiel a été déposé par Mme [G] le 29 juin 2023.
Mme [G] a donc annoncé solliciter une consignation complémentaire à hauteur de 49 528 euros T.T.C., hors coût du géomètre, ce qui justifie l’obtention d’une provision ad litem compte tenu de l’impécuniosité du syndicat de copropriétaires.
– le 5 janvier 2021, l’expert a recommandé aux habitants de ne pas utiliser les terrasses. L’entreprise LAURENT est intervenue pour le débroussaillage et la pose contreventements à titre confortatif.
– Mme [G] a donc préconisé l’instauration de mesures urgentes tout en invitant parallèlement le syndic à prendre attache avec différents bureaux d’études (contrôle, maître d’oeuvre et structure).
– se prévalant des conclusions de FONDASOL, intervenue en qualité de sapiteur, Mme [G] a immédiatement pris attache avec le maire de la commune de [Localité 13], pour l’alerter sur la situation de danger imminent dans laquelle se trouvait la copropriété.
Par requête du 23 juin 2022, la commune de LA GARNACHE a donc saisi le juge des référés près le tribunal administratif de NANTES, afin qu’il soit procédé à l’examen du mur d’enceinte de la copropriété, et le juge des référés a désigné M. [C] [T] pour y procéder.
Aux termes de son rapport daté du 9 juillet 2022, M. [T] a conclu au risque de chute du mur de soutènement et des terrasses de logements, qui y sont adossées, dans un délai incertain.
Des pluies régulières pourraient être un élément déclencheur d’une chute potentielle et M. [T] indiquait ‘il semble nécessaire de faire cet étaiement avant les pluies d’hiver’.
– un arrêté de mise en péril imminent a été pris, par la commune de [Localité 13] le 25 juillet 2022 et les mesures conservatoires ont enfin été réalisées par la société PAJOT, missionnée par la mairie, courant mars 2023. Ces travaux ont été réalisés sur la base d’un devis laconique et exorbitant chiffré à hauteur de 83 835,84 euros HT. Face aux contestations émises, la facture définitive qui aurait été abaissée curieusement à la somme de 58 000 euros, n’a pas davantage été produite, ni l’étude de béton réalisée.
– la société PAJOT a devisé, de manière tout aussi contestable la réfection totale du mur d’enceinte pour la somme de 586 532 euros.
– suivant rapport définitif partiel du 29 juin 2023, Mme [G] a répondu à plusieurs des chefs de mission lui incombant, relevant l’existence de 3 désordres et précisant les éléments de responsabilités réparties entre les différents intervenants.
Mme [G] a chiffré le montant de la consignation complémentaire qu’elle envisageait de solliciter pour parfaire sa mission, hors honoraires du géomètre.
– la copropriété sinistrée est un ensemble immobilier qui rassemble pour la plupart des primo-accédants et des personnes à revenus modestes
– face à l’impécuniosité de la copropriété, la commune a fait réaliser à ses frais avancés, les mesures conservatoires urgentes.
– le juge des référés est compétent en matière de provision ad litem.
Si le juge chargé du contrôle dispose d’une compétence exclusive pour traiter des incidents de l’expertise, le juge des référés qui ordonne la mesure d’expertise peut ainsi mettre à la charge de l’une des parties le paiement d’une provision destinée à permettre à l’autre partie de consigner la provision.
– la poursuite des opérations d’expertise est indispensable pour achever la mission de Mme [G].
– sur l’absence d’obligation sérieusement contestable relativement au quantum de la provision et sur le caractère d’urgence : au regard des arrêtés de péril mis en oeuvre et de la nature des désordres qui impliquent un risque majeur pour les occupants des lieux, le chiffrage des travaux de remise en état reste en effet, un chef de mission essentiel. Il y a également urgence à achever la mesure d’expertise.
– le montant provisionnel n’est pas sérieusement contestable, sur la base des devis produits par les différents bureaux d’études.
– l’état d’impécuniosité de la copropriété n’est pas davantage contestable tenant au faible nombre de lots et au coût cumulatif de tous les frais de procédure.
La rémunération de l’expert a déjà considérablement grevé le budget de la copropriété, outre les mesures urgentes préfinancées.
Les copropriétaires ne peuvent supporter plus de charges et les lots sont invendables en l’état.
– sur l’obligation non contestable d’indemnisation pesant sur les parties intimées, il ne s’agit que d’une provision pour frais de procédure.
L’obligation non sérieusement contestable au sens de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile doit s’entendre de l’obligation d’indemnisation, c’est-à-dire de l’obligation justifiant la mesure d’expertise.
– la demande repose sur un rapport définitif partiel, qui après échanges de dires entre les parties, a conclu aux responsabilités encourues, les parties ayant pu échanger leurs arguments.
Les responsabilités retenues par l’expert sont aussi avérées que la nature des désordres constatée
– le rapport définitif partiel a tranché les aspects techniques du litige et les responsabilités en découlant dans la limite de sa compétence, sans ventilation chiffrée, ce qui relèvera de la seule compétence du juge du fond.
La poursuite des opérations d’expertise ne concerne que le chiffrage des travaux de remise en état.
– il ne s’agit aucunement de préjuger au fond, sur la répartition des responsabilités imputables à chaque intervenant, s’agissant à ce stade d’apprécier une demande provisionnelle solidaire, pour frais d’instance.
– l’obligation de contribuer aux frais du procès et notamment à la poursuite de l’expertise n’est pas contestable, et repose sur un motif légitime : identifier et chiffrer les travaux de reprise.
L’obligation d’indemniser s’impose aux parties intimées au même titre que l’achèvement des opérations d’expertise.
En l’espèce, l’analyse technique est achevée et le droit de créance est acquis.
– si les sociétés MMA IARD et MPC évoquent conjointement le défaut d’entretien qui est imputé au syndicat des copropriétaires, ce défaut d’entretien est résiduel, proportionnellement aux responsabilités encourues et imputables aux autres intervenants.
Il ne s’agit nullement à ce stade, de statuer sur une répartition et ventilation des responsabilités telles que visées par Mme [G], mais uniquement de statuer sur une simple demande provisionnelle pour frais d’instance.
Le débat lié au partage et répartition des différentes responsabilités prendra tout son sens s’agissant de la prise en charge des frais de remise en état, à apprécier par le juge du fond.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 25/09/2024, la société S.A.R.L. MPC a présenté les demandes suivantes :
‘CONFIRMER l’ordonnance de référé rendue par Mme le président près le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence du [12] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions
REFORMER l’ordonnance de référé rendue par Mme le président près le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a débouté la société MPC de sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens
STATUANT A NOUVEAU
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de la résidence du [12] à régler à la société MPC la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de la résidence du [12] aux entiers dépens d’instance et d’appel’.
A l’appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. MPC soutient notamment que :
– le syndicat des copropriétaires de la résidence [12] tente de tordre les faits pour affirmer que les responsabilités ne seraient plus discutées ni discutables, car les opérations d’expertise sont toujours en cours et que précisément ce sont les investigations complémentaires à réaliser qui permettront à l’expert de se prononcer définitivement.
– l’expert judiciaire a pu relever à l’encontre du syndicat des copropriétaires un défaut d’entretien incontestable du mur d’enceinte pendant de très nombreuses années.
– seul le juge du fond pourra déterminer les responsabilités encourues ainsi que leurs proportions et répondre à la demande conduirait à préjuger du fond.
Ce n’est que si la responsabilité de la société MPC est judiciairement reconnue que le syndicat des copropriétaires aura la possibilité de solliciter le remboursement des frais avancés au titre de l’expertise et il y a lieu à débouté de la demande de provision ad litem.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 04/10/2024, la société S.A.R.L. LC ARCHITECTURE a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les dispositions des articles 280 et 835 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance du 1er juillet 2024,
Vu la déclaration d’appel du syndicat des copropriétaires résidence [12],
Vu les conclusions d’appelant,
Vu les conclusions d’intimé,
Vu les pièces versées aux débats,
CONFIRMER l’ordonnance de référé rendue par Mme le président près le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence du [12] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
INFIRMER l’ordonnance de référé rendue par Mme le président près le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a débouté la société LC ARCHITECTURE de sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
STATUANT A NOUVEAU,
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de la résidence du [12] à régler à la société LC ARCHITECTURE la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de la résidence du [12] aux entiers dépens d’instance et d’appel avec distraction au profit de Maître Marion LE LAIN en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
SUBSIDIAIREMENT,
Si par extraordinaire, la décision de première instance était infirmée,
DIRE ET JUGER que les autres défendeurs seront condamnés à relever intégralement indemnes la société LC ARCHITECTURE de toute condamnation prononcée en principal, frais et accessoires.
REJETER toutes autres demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société LC ARCHITECTURE.
A l’appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. LC ARCHITECTURE soutient notamment que :
– le syndicat des copropriétaires considère que le montant d’une consignation dans le cadre d’une expertise judiciaire constituerait une obligation non sérieusement contestable à la charge des constructeurs, or le règlement d’une provision nécessite l’existence d’une obligation non sérieusement contestable ce qui implique notamment l’absence d’analyse et de prise de décision juridique d’une question de droit au fond.
– en l’espèce, les opérations d’expertise judiciaire sont en cours de telle sorte que les problématiques de responsabilité ne sont pas définitivement techniquement tranchées et font débat.
– la société S.A.R.L. LC ARCHITECTURE a produit de nombreux dires pour rappeler la mission limitée de l’architecte et l’absence de responsabilité au regard de sa mission dédiée au dépôt de PC.
Ce sont les investigations complémentaires à réaliser qui permettront à l’expert de se prononcer définitivement sur les imputabilités techniques.
– les copropriétaires n’assument pas leur responsabilité découlant du titre. Ils n’ont pas financé des mesures conservatoires ce qui a conduit à l’aggravation de la situation et à la mise en oeuvre d’une procédure de péril et c’est la collectivité qui les a payées.
– l’architecte n’a réalisé que le dépôt du permis de construire dans le cadre d’un projet mené par un maître d’ouvrage professionnel s’étant conservé la maîtrise d’oeuvre de conception technique et de suivi. Sa responsabilité ne peut pas être engagée et ne saurait en tout état de cause constituer une obligation non sérieusement contestable.
– seul le juge du fond pourra déterminer les responsabilités encourues ainsi que leurs proportions.
– il y aurait lieu subsidiairement de condamner les autres défendeurs à relever entièrement et intégralement indemne la société LC ARCHITECTURE.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 06/09/2024, la société SA MMA IARD, prise en qualité d’assureur décennal de la S.A.R.L. MATHIEU RENOV, a présenté les demandes suivantes :
‘Vu l’article 280 du code de procédure civile, Vu l’article 835 du code de procédure civile.
Il est demandé à la cour de :
SUR LE MOYEN TIRE DE L’INCOMPÉTENCE DU JUGE DES REFERES
-Réformer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a rejeté le moyen tiré de l’incompétence du juge des référés.
Statuant à nouveau,
-Juger que le juge des référés était incompétent pour connaître de la demande présentée par le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé RÉSIDENCE [12].
SUR LE MOYEN TIRE DE L’EXISTENCE D’UNE CONTESTATION SÉRIEUSE
-Confirmer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a jugé que l’existence de l’obligation était sérieusement contestable et a débouté le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé RÉSIDENCE [12] de sa demande de provision.
SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
-Réformer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
-Réformer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE le 1er juillet 2024 en ce qu’elle a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par conséquent,
-Débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé
RÉSIDENCE [12] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société MMA IARD SA.
– Condamner le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé RÉSIDENCE [12] à payer à la société MMA IARD SA la somme de 3 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner le Syndicat des Copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé RÉSIDENCE [12] aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL ARMEN par application de l’article 699 du code de procédure civile’.
A l’appui de ses prétentions, la société SA MMA IARD soutient notamment que :
– en matière de consignation complémentaire, la procédure est fixée par l’article 280 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que le juge chargé du contrôle des expertises ordonne la consignation d’une provision complémentaire.
En l’espèce, Mme [G] n’a jamais saisi le juge d’une telle demande.
En aucun cas, le juge des référés ne peut condamner une partie à payer une provision correspondant au montant d’une consignation complémentaire
Il n’est pas possible, par le biais d’une indemnité provisionnelle allouée à la partie qui fait l’avance des frais, de faire supporter cette avance par la partie adverse.
– sur l’existence d’une contestation sérieuse, la demande présentée suppose de trancher des responsabilités et imputabilités.
Or, les opérations d’expertise judiciaire sont en cours et les parties n’ont pu échanger l’ensemble de leurs arguments et le rapport d’expertise ne constitue qu’un des éléments de preuve soumis à l’analyse du juge du fond.
– il appartient au seul juge du fond de déterminer si les garanties souscrites auprès d’un assureur sont susceptibles d’être mobilisées.
– enfin, Mme [G] a retenu la responsabilité du syndicat des copropriétaires en raison d’un défaut d’entretien du mur d’enceinte.
La responsabilité du syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé RÉSIDENCE [12] est donc engagée dans des proportions qu’il appartiendra au seul juge du fond de déterminer.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
L’EARL MATHIEU RENOV, bien que régulièrement intimée en la personne déclarée de son liquidateur M. [M] [X], n’a pas constitué avocat.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 29/04/2024.
Sur la compétence du juge des référés :
L’article 145 du code de procédure civile dispose que ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Lorsqu’il ordonne une mesure d’expertise, le juge des référés statue sur la provision à verser.
En matière de consignation complémentaire, la procédure est fixée par l’article 280 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que : ‘ En cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligences faites ou à venir, l’expert en fait sans délai rapport au juge, qui, s’il y a lieu, ordonne la consignation d’une provision complémentaire à la charge de la partie qu’il détermine. A défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l’expert dépose son rapport en l’état’.
Si le juge chargé du contrôle des expertises est ainsi compétent pour statuer sur l’attribution d’une provision complémentaire, l’article 835 du code de procédure civile dispose que : « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
Il en résulte, comme justement apprécié par le premier juge, que celui-ci est compétent pour statuer en référé sur l’octroi d’une provision ad litem destinée à financer une consignation complémentaire, également appréciée en référé dans ce cadre.
L’ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a retenu la compétence du juge des référés.
Sur le bien fondé de la demande de provision :
La demande de provision ad litem présentée en référé sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, doit être appréciée in concreto, au regard de l’existence de contestations sérieuses relatives à l’existence de l’obligation d’indemnisation.
Au surplus, l’allocation d’une provision pour frais d’instance n’est pas subordonnée à la preuve de l’état d’impécuniosité de la partie qui en sollicite l’attribution, même si, en l’espèce il est démontré par le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12] que celui-ci a d’ores-et-déjà supporté d’importantes charges liées aux désordres évoqués, réparties en 6 lots, soit notamment :
Dossier AG du 10 12 2019 procédure judiciaire – 20 661.52 €
Dossier AG du 25 09 2018 sinistre mur d’enceinte – 8 196.49 €
Dossier AG du 04 01 2021 travaux Préparatoire avant expertise – 7 798.56 €
Dossier AG du 04 01 2021 mission géotechnique de diagnostic – 3 680.40 €.
En outre, les frais liés aux mesures conservatoires ont été pris en charge par la commune de [Localité 13] après qu’un arrêté de péril a été rendu le 25 juillet 2022.
S’agissant des contestations avancées par les parties intimées, il y a lieu de relever que le rapport définitif partiel du 29 juin 2023 par Mme [G] a relevé l’existence de trois désordres :
-s’agissant du désordre n°3 qui concerne l’éboulement localisé du mur d’enceinte sur sa partie EST, au droit du jardin n°1, lequel est apparu le 4 janvier 2018 : l’expert relève de manière prédominante, un défaut de mise en oeuvre de surveillance des travaux et de procédé constructif de MPC ainsi qu’également un défaut de conception de LC ARCHITECTURE, car la fragilité du mur d’enceinte aurait dû être appréhendée.
– s’agissant du désordre n°2 qui concerne la partie centrale du mur d’enceinte (au niveau des logements n°1 à 4approximativement), l’expert relève un défaut de surveillance des travaux et de procédé constructif de MPC, et un défaut de mise en oeuvre et de procédé constructif de MATHIEU RENOV, un défaut d’entretien du mur d’enceinte, successivement du fait de MONTS ET LUMIERE, de MPC et du syndicat des copropriétaires, un défaut de conception de MPC et de LC ARCHITECTURE.
– s’agissant du désordre n°1 qui concerne la partie Ouest du mur d’enceinte (au niveau des logements n°5 et 6 approximativement), l’expert retient un défaut de surveillance des travaux et de procédé constructif de MPC, et un défaut de mise en oeuvre et de procédé constructif de MATHIEU RENOV, un défaut d’entretien du mur d’enceinte, successivement du fait de MONTS ET LUMIERE, de MPC et du syndicat des copropriétaires, un défaut de conception de MPC et de LC ARCHITECTURE.
L’expert judiciaire sollicite désormais le versement d’une consignation supplémentaire d’un montant de 49 528 euros T.T.C., nécessaire selon lui pour finaliser la phase de conception et chiffrage des travaux de reprise, au regard de la complexité des travaux de réfection, avec recours à différents bureaux d’études qui ont accepté de transmettre leurs devis d’intervention pour la seule phase de conception.
Il ressort du rapport partiel d’expertise déposé que des éléments précis sont d’ores et déjà produits, permettant de retenir que l’obligation d’indemniser n’est pas sérieusement contestable en son principe et s’impose aux parties intimées avec l’évidence requise en référé, même si seul le débat devant le juge du fond pourra permettre de définir la répartition des responsabilités, au regard de rôles de chacun et au vu de l’ensemble des éléments de preuve versés. et même si l’expert judiciaire évoque l’engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires au titre d’un défaut d’entretien du mur d’enceinte.
En outre, la provision pour frais d’instance, dite ‘ad litem’, est une provision pour le procès, et comme telle n’est pas une provision sur dommages et intérêts, requérant comme telle d’anticiper au principal la décision sur le fond, mais de permettre que la procédure puisse se dérouler, ou en l’occurrence se pousuivre, en rétablissant l’équilibre entre les parties à cette procédure.
En l’espèce, où le syndicat des copropriétaires invoque et établit l’urgence à élucider complètement la cause et les remèdes aux graves désordres avérés qui affectent les terrasses de plusieurs lots au point que l’expert préconise de cesser de les utiliser et que le maire de la commune a pris un arrêté de péril ; où il argue d’un différend l’opposant aux constructeurs et à leurs assureurs quant à l’origine de ces désordres ; et où il justifie de son impossibilité, après d’importants appels de fonds déjà opérés pour plus de 40.000€, de collecter encore auprès des copropriétaires les importantes sommes demandées par le technicien à titre de provision complémentaire, il est suffisamment justifié aussi de la réunion des conditions requises pour que le juge des référés alloue la provision demandée sur le fondement de l’article 808 du code de procédure civile, dont la partie demanderesse revendique, sans le citer expressément, l’application, et qui le permet en effet.
Seul le versement de la provision ad litem sollicitée par le syndicat appelant permettra de garantir l’achèvement des opérations d’expertise et cette demande présentée par le syndicat des copropriétaires doit être accueillie, par infirmation de l’ordonnance entreprise.
Cette condamnation à provision intervient in solidum entre les parties intimées, et la demande de condamnation à garantie présentée par la société LC ARCHITECTURE doit être en l’état rejetée, comme relevant de la répartition des responsabilités de la seule compétence du juge du fond.
Sur les dépens :
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu du sens de l’arrêt, les dépens de première instance et d’appel seront fixés à la charge in solidum de la société MPC, la société LC ARCHITECTURE, la S.A.R.L. MATHIEU RENOV, et la société MMA IARD.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner in solidum la société MPC, la société LC ARCHITECTURE, la S.A.R.L. MATHIEU RENOV, et la société MMA IARD à payer au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel, le surplus des demandes étant écarté.
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort,
DIT le juge des référés compétent pour statuer sur la demande de provision ad litem.
INFIRME l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– rejeté la demande du syndic de la copropriété « Le [12] » aux fins d’obtenir le versement d’une provision.
– débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Statuant à nouveau,
CONDAMNE in solidum la société S.A.R.L. MPC, la société S.A.R.L. LC ARCHITECTURE, la société S.A.R.L. MATHIEU RENOV et la société SA MMA IARD à verser au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12] la somme de 49 528 € à titre de provision ad litem.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE in solidum la société S.A.R.L. MPC, la société S.A.R.L. LC ARCHITECTURE, la société S.A.R.L. MATHIEU RENOV et la société SA MMA IARD à verser au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier RÉSIDENCE [12] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
CONDAMNE in solidum la société S.A.R.L. MPC, la société S.A.R.L. LC ARCHITECTURE, la société S.A.R.L. MATHIEU RENOV et la société SA MMA IARD aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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